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TRIBUNE LIBRE* : QUE PENSER DE LA REFORME DE L’ASSURANCE MALADIE ?

mardi 2 décembre 2008
par  Elie Arié
popularité : 95%

La gauche doit cesser de prêcher et de militer, contre tout ce qu’elle ferait si elle était au pouvoir : la déception n’en serait que plus grande. Un thème récurrent est celui du combat contre la fermeture des petits hôpitaux, dits "de proximité" : sans soutenir ouvertement ceux qui sont engagés dans ces combats d’arrière-garde (et pour cause !) la gauche a le tort de ne pas les décourager. On sait pourtant que les regroupements d’hôpitaux, leur mise en réseau, la définition de "qui fait quoi" a été courageusement initiée par la gauche, et sera continuée par elle si elle revient au pouvoir ; on sait que la FHF, Fédération Hospitalière de France, qui représente les hôpitaux publics, et qui est dirigée par l’ancien Ministre socialiste de la santé et de la sécurité sociale Claude Evin, soutient cette évolution ; on sait que l’époque de l’"hôpital qui fait tout" est révolue ; on sait que, plus l’activité d’un hôpital est faible, moins la sécurité y est garantie ; et qu’une maternité qui fait moins de 300 accouchements par an, c’est-à-dire moins d’un accouchement par jour, est une maternité à risques ; on sait que ceux qui manifestent contre la fermeture de ces petits hôpitaux et de ces petites maternités ne le font que pour préserver l’emploi local, mais que, lorsque eux-mêmes doivent se faire hospitaliser ou accoucher, ils vont dans des grands centres...et qu’ils ont raison ; on sait que la France manque cruellement (et manquera de plus en plus, avec le vieillissement de la population) de maisons de retraite médicalisées, d’hôpitaux de moyen et long séjour, de centres de rééducation, pour lesquels la proximité est indispensable. Alors, il faut avoir le courage de ne pas entretenir les illusions de ceux qui s’imaginent que la gauche au pouvoir soutiendra leurs combats archaïques, et subventionnera l’emploi local aux dépens de la sécurité : celle-ci n’a pas à être sacrifiée à des politiques d’aménagement du territoire.

Il n’y a, en effet, pas grand’chose à redire sur le « rapport Larcher » pour les hôpitaux, sur le financement des hôpitaux à partir de leur activité réelle, médicale, mais aussi sociale, budgétisée dans l’enveloppe spécifique MIGAC (C’est l’ ONDAM, voté par le Parlement, qui fixe le montant des sommes allouées aux hôpitaux, et, si on les trouves insuffisantes, c’est le Parlement qu’il faut interpeller : la tarification à l’activité, dite T2A, n’est qu’un moyen, toujours perfectible, de répartir ces sommes, mais plus rationnel que la reconduction uniforme du budget global majorée d’un taux directeur unique), sur ce que l’on sait du projet de loi « Santé, Patients et Territoires », et notamment sur la volonté de s’attaquer aux inégalités géographiques de l’offre de soins, la création de maisons de santé pluridisciplinaires, la réforme de la formation médicale continue des médecins, et, surtout, le projet de fondre les Agences Régionales de l’ Hospitalisation avec les Unions Régionales des Caisses d’ Assurance-Maladie pour constituer des Agences Régionales de Santé, de façon à harmoniser la médecine de ville avec la médecine hospitalière…une vieille revendication de la gauche, qui figure dans tous ses programmes-santé depuis 10 ans !

Rien , non plus, à redire sur le principe de ces vieilles revendications de la gauche reprises dans la réforme que sont les déremboursements de médicaments à efficacité, faible, nulle ou non démontrée : démarche rationnelle commencée sous les gouvernements socialistes, et poursuivie sous Chirac puis Sarkozy ; rien, enfin, à redire sur le parcours rationalisé de soins avec un médecin-traitant, l’ introduction d’une part forfaitaire, non payée à l’acte, de la rémunération des médecins pour leurs activités de prévention, la remise en cause de la liberté totale d’installation des médecins, la lute contre les dépassements d’honoraires abusifs et le refus (illégal ) de soigner les bénéficiaires de la CMU.

Bien entendu, il ne s’agit là que de projets d’un plan de négociations avec les Caisses et les différents syndicats, notamment médicaux, et non du projet de réforme tel qu’il sera débattu à l’Assemblée et qui pourra faire l’objet d’amendements : il faudra regarder attentivement les modalités d’application du texte définitif, car on sait que « le diable se niche dans les détails ».

C’est sur d’autres points de la politique de santé du gouvernement que doivent porter les critiques de la gauche

1- Un parti pris purement idéologique de privatisation, en transférant une part croissante des remboursements sur les complémentaires (assurances privées ,mutuelles, instituts de prévoyance ) aux dépens du financement par la Sécurité Sociale, qui, lui, est un financement solidaire réalisant une redistribution des revenus ( chacun paye en fonction de ses revenus pour des soins en théorie identiques) ; si les franchises (qui sont, pour l’instant, plafonnées à 50 € par assuré et par an) ne sont pas remboursables par les complémentaires, l’essentiel est l’ensemble du « reste à charge » des assurés, et qui, lui, n’est pas plafonné : dépassements des honoraires des spécialistes, tickets dits modérateurs, prothèses indispensables de toutes sortes (dentaires, auditives, lunettes, etc., dont un meilleur remboursement par l’assurance-maladie faisait d’ailleurs partie des promesses oubliées de la campagne présidentielle de Sarkozy), forfait journalier hospitalier, etc.

Une étude de la Cour des comptes réalisée à la demande du Sénat révèle que les frais de gestion des complémentaires santé atteignent 25,4%, alors que ceux de l’assurance-maladie n’atteignent que 5,4%. ; il est d’ailleurs amusant qu’il ait fallu faire intervenir le Sénat et la Cour des Comptes pour découvrir un fait connu depuis longtemps, et qui peut aussi s’énoncer ainsi : les assureurs-santé, lorsqu’ils sont en concurrence, doivent consacrer 20 % de leurs frais de gestion à la publicité, au marketing, et à la recherche permanente de nouveaux adhérents...

D’autre part, cette étude montre que l’addition des différentes aides publiques consacrées à accroître le taux de couverture de la population par des assurances complémentaires s’élève à un montant total de 7,6 milliards d’euros. Ce montant représente 35% du montant des prestations complémentaires versées. Il correspond aussi au coût, pour la collectivité, du déplacement du remboursement de certaines dépenses de l’assurance-maladie obligatoire vers les assurances complémentaires. Qui a dit que le contribuable économisait lorsqu’on opérait des transferts de dépenses ?

2- Le mythe d’un financement d’organismes de lutte contre la maladie d’Alzheimer par les franchises médicales : le budget de l’Assurance Maladie est « un tout », et si les franchises ont pour effet d’entraîner une baisse de la consommation et des dépenses, on imagine mal un gouvernement affecter ces économies à un autre poste, et ramener ainsi à son niveau antérieur un déficit qu’il aurait réussi à combler partiellement ;

3- Le statut des cliniques, qui, devant redistribuer des profits à leurs actionnaires, peuvent, à tout moment, se retirer de ce secteur s’ils ne le jugent pas assez lucratif, et faire s’effondrer un équilibre entre public et privé que le rapport Larcher tente péniblement de mettre sur pied : comme c’est le cas de la majorité des hôpitaux privés aux Etats-Unis, ceux-ci devraient avoir le statut de Fondations, qui sont obligées de réinvestir la totalité de leurs profits ;

4- Les effets d’annonce, comme le discours de Nicolas Sarkozy tenu lors de la Conférence nationale du handicap : rien sur les méthodes, le calendrier et, une nouvelle fois, sur les moyens.

5- Mais, surtout, il serait bon que l’opposition s’empare du dernier étage de la fusée qui continue à faire défaut : celui des indicateurs de résultats médicaux, ceux qui permettent de savoir non seulement si tout le monde est soigné, mais si tout le monde, riche ou pauvre, est bien soigné, sujet tabou en France et de plus en plus utilisé dans les pays anglo-saxons : car des dépenses plus élevées peuvent être justifiées par de meilleurs résultats médicaux, et tout le monde est capable de faire des économies en soignant moins bien : encore faut-il se décider à se doter des outils pour le savoir ! Il serait inacceptable pour la gauche qu’en France, l’Etat démissionne de sa fonction d’évaluation des résultats et de la qualité des soins, et abandonne, comme aujourd’hui, cette mission d’intérêt général aux assurances complémentaires privées.

On voit donc que l’opposition a mieux à faire que de « suivre ses troupes puisqu’elle en est le chef », et de condamner les réformes qu’en réalité elle approuve (ce fut déjà le cas lors du « plan Juppé » de 1995, d’inspiration plus étatique que libérale en matière de santé, et que le gouvernement Jospin a, pour l’essentiel, appliqué sans le dire) , qu’elle regrette de ne pas avoir eu le courage de mener, et sur lesquelles elle ne reviendra évidemment pas ; mais on ne peut que s’étonner de son silence sur ses divergences pourtant profondes avec le démantèlement de l’assurance-maladie solidaire.

* Les tribunes libres n’engagent pas la rédaction


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