MARIE-GEORGE ET LA SEMANTIQUE
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Lors de son discours de clôture du Congrès du Parti Communiste, Marie-George Buffet a insisté sur l’importance des mots. Elle a bien raison. Surtout à une époque où notre omniprésident se livre à une razzia effrénée (comme d’habitude) sur les mots attachés aux valeurs de la gauche, efficace tactique pour les vider de leur sens. Disons-le et répétons-le, la répétition étant paraît-il une vertu pédagogique, il est fondamental de redonner du sens aux morts, ou de les abandonner (ou de les ranger en attendant des jours meilleurs) s’ils ne correspondent plus à des réalités. Plusieurs, isolés ou en groupe, tels nos amis de la coopérative DHR (Direction Humaine des Ressources) avec leur « lexique évolutif ». et qui ne voit aujourd’hui que des mots tels que « réforme », « républicain », « socialiste », « communiste » ont perdu leur contenu, les deux premiers à cause de la droite, le troisième à cause des socialistes eux-mêmes, le dernier suite aux errements de l’URSS et de la trop longue complaisance du PCF à ce sujet ?
Mais venons-en à des exemples plus précis, et, puisque c’est le discours de Marie-George Buffet qui a suscité cet articulet, à des mots bien connus des militants politiques.
« Militant », tiens, qui vient de militaire. L’esprit critique n’étant pas la caractéristique principale des armées, le militant est donc naturellement discipliné, chair à canon de l’organisation, voué essentiellement aux tâches exaltantes de la distribution de tracts (à la production desquels il ne participe que très rarement) et de collage d’affiches (idem). Attention, hein, ne nous faites pas dire que ces tâches ne sont pas nécessaires, ou qu’elles sont dégradantes. Nécessaires, oui, suffisantes, non. Le militant d’aujourd’hui est à notre sens un acteur de la vie citoyenne, un animateur (animus, courage).
Revenons au vocabulaire maison du PCF : il y existe toujours des « cellules ». Quand on entend cellule, on pense quoi ? Prison ? Monastère ? Sans doute cela plus souvent que « partie constitutive d’un corps vivant ». Exit le mot cellule. Au dessus de la cellule figure la « section », qui est aussi l’élément de base du Parti Socialiste. Encore un mot d’origine militaire, qui traduit, qui plus est, une coupure davantage qu’un lieu. Nos amis de PRS n’étaient guère mieux inspirés avec leurs « cercles » (quoi de plus fermé pour une association qui se voulait « trait d’union »), mais le Parti de Gauche fit mieux avec « comité », qui vous de plus un look 1789 de bon aloi. Exit le mot section : comité, groupe, collectif peuvent faire l’affaire.
Ceci n’est que hors d’œuvre avant de visiter les « grands mots ». Le républicanisme peut-il se relever de son utilisation à tout va par celles et ceux qui n’ont pas grand chose à voir avec la république. Républicain demeure un mot précieux, une référence historique et éthique indispensable à toute pensée de gauche. Mais pas plus, mais c’est déjà beaucoup. Communiste ? Les exterminations massives, les goulags, les procès truqués et de Staline et compagnie (mais ni Lénine ni Trotski ne furent des humanistes distingué dans leur pratique du pouvoir), la satrapie de Mao Ze Dong, la folie khmer rouge ont mis de rudes coups à la belle utopie marxienne. Le mot constitue-t-il une boussole pour aujourd’hui. Nous ne le pensons pas. Socialiste ? Le contenu, limité, que lui donne le parti éponyme n’en fait plus une référence. Peut-on le relever et le charger d’espérance ? Peut-être, mais il y aura des travaux. Quand à réforme (qui signifie aussi retraite ou mise à l’écart), c’est à bannir. Préférons changement ou avancée, ou progrès.
Un clin d’œil, taquin, pour finir, à Marie-George et quelques autres. Nous savons bien que chacun a ses tics de langage, mais quand même, si on n’entendait plus, à gauche, l’expression « faire en sorte ». On fait ou on ne fait pas, on ne fait pas en sorte. « Sorte », c’est la chance ou le hasard. Dire « faire en sorte », c’est dire qu’avec un peu de chance, ou un hasard favorable, quelque chose se produira. Pas très mobilisateur, si ?
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