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LES ILLUSIONS KEYNESIENNES DES PLANS DE RELANCE : LE RAPPORT ANGELS

dimanche 15 février 2009
par  Gérard Bélorgey
popularité : 91%

Issus de Sarko ou de Solferino, ils sont du même tonneau ces plans de relance qui fondent le salut sur la demande, avec des dosages différents entre la consommation et l’investissement, mais dans la même illusion que les vieilles recettes keynésiennes peuvent fonctionner dans un monde ouvert, ce qui n’est guère possible sauf si tous les émergents et les Empires étaient devenus vertueux par un keynésianisme appliqué à leur propres marchés, ce qui assurerait l’unité et l’efficacité d’une action mondiale rêvée par les Attalistes. Le dernier fondement de ce courant est dans le rapport de janvier dernier du sénateur PS Bernard Angels relatif à la “consommation des ménages et importations” et s’appuyant sur une étude OFCE sur la question. Cette étude chiffre à 14,5 % le taux des importations dans la consommation des ménages. Ce taux s’éleverait à 16,5 en effet marginal en cas de supplément de capacité de consommation. L’enjeu porte sur 1000 milliards de consommation des ménages, soit quelque 55 % du PIB. L’étude est centrée sur des secteurs agricoles ou industriels représentant environ 500 milliards d’euros (59 % de la dépense totale des ménages en intégrant la marge commerciale à la vente). Il est arithmétiquement exact que 15 % de 500 milliards (si l’on ne retient que cette demi-base, mais pourquoi ?) aboutit donc à une demande affectée par les importations limitée à 75 milliards par rapport à 1000 milliards de consommation.

L’étude, par des analyses considérant les niveaux de revenus, établit que l’acte d’achat est d’autant plus porteur d’importations qu’il émane de personnes aisées ayant une propension à consommer diversifiéee et haut de gamme. Par conséquent une action sur le pouvoir d’achat évitant des excès d’imports doit se porter au bénéfice prioritaire des plus démunis. Il semble qu’il faille à l’inverse prendre en compte que les plus démunis vont précisément aller à des biens de première nécessité et de bas prix qui pour une bonne part proviennent essentiellement de l’importation, comme textile et habillement bas de gamme, produits alimentaires internationaux de base et équipements élémentaires ménagers tous fabriqués ailleurs. Quant aux catégories sociales intermédiaires ce sont celles qui se portent au premier chef sur l’électronique grand public (ayant concentré à lui seul 80% des dépenses des Français en produits manufacturés en 2005). Or l’étude, pour des motifs mal explicités, a exclu de son champ des secteurs très soumis à la pression des importations comme celui de chimie caoutchouc plastique, celui de la métallurgie et de la transformation des métaux, celui des industries des composants électriques et électroniques.

Par ailleurs de taux de pénétration de 14,5% (taux corrigé des réexportations) recouvre des situations extrêmement différentes : de 0% pour l’eau, le gaz et l’électricité, jusqu’à près de 50 % pour le secteur précité, 39% pour les habillements et le cuir, 38 pour les combustibles et carburants, 37 pour l’industrie automobile, 35 pour les équipements des foyers domestiques en passant par des taux modestes (11 à 13%) pour les produits agricoles et agroalimentaires.

Mais le plus important à exprimer à propos de cette étude - dont on ne voit pas bien comment elle a été conduite - est qu’elle masque à nos yeux largement la réalité du fait qu’elle fait une analyse de bout de chaîne.

Le chiffre de 14% pour caractériser l’ordre de grandeur de l’imprégnation de la consommation des ménages par les importations (chiffre qui ressort d’ailleurs depuis quelques années dans différents rapports) n’est absolument pas cohérent avec le taux d’ouverture de la France aux importations qui est du double, plus de 28 % du PIB. Or il faut bien que cette dose totale d’importations soit utilisée quelque part : tout simplement au long du processus de production, à travers d’une part les achats et consommation de biens intermédiaires des entreprises et, d’autre part, à travers les investissements de celles-ci qui ont donc recours à des importations (de produits et services) incorporées dans leurs livraisons terminales aux ménages, certes non comptabilisées au titre de la consommation propre des ménages, mais imprégnant les biens et services qui sont fournis à ceux-ci.

On accordera d’ailleurs volontiers aux tenants d’une relance par la consommation que celle-ci n’est sans doute pas plus (et sans doute plutôt moins, dans l’état de pénétration de la France par des matériels étrangers) productrice d’importations qu’une relance par investissements (saufs investissements dans BTP et logement, pour autant qu’il n’y ait un poids de plus en plus lourd des composants et matériels importés qui rentrent sur les chantiers de travaux publics et de construction).

C’est dire que dans les deux cas - celui d’une relance par la consommation et le pouvoir d’achat, celui d’une relance par investissements - toute dépense nationale de cette nature a sur le commerce extérieur et, par voie de conséquence, en impacts sur l’emploi national, des effets contingents qui sont fonctions de la capacité nationale à répondre plus ou moins bien, en volume, prix et qualité, que des offres extérieures à la demande globale augmentée. La vraie question n’est pas celle du déficit ou non de la balance des échanges, mais celle de savoir comment ceux-ci favorisent ou non des substituts d’importations et de délocalisations à des productions de biens et de services localement obtenus. Ce n’est pas parce que des baisses du pouvoir d’achat et des investissements sont à la source de la dépression qu’il suffit de remettre du pouvoir d’achat et de l’investissement pour restaurer la machine économique. Une politique du pouvoir d’achat est aussi nécessaire qu’insuffisante. Il faut s’assurer de plusieurs types d’accompagnements :

- la dose de contrôle public nécessaire sur les investissements assurés par concours d’État et sur les gestions financières, c’est à dire un certain retour à un modèle d’économie mixte ;
- une cohérence européenne ( voire internationale) des dépenses de relance pour que les uns ne bénéficient pas des contributions de relance des autres, ce minimum qui est le seul point souligné par le rapport Angels ;
- au delà, toujours au niveau européen, une solidarité bien difficile à concevoir entre ces pays hétérogènes qui se retrouvent au sein d’une Europe élargie, mais ne connaissent ni harmonisation sociale, ni rapprochements fiscaux, ni même gestion monétaire unifiée pour tous.

Le rejet de la constitution européenne en écartant la constitutionnalisation des principes libéraux – qui auraient assuré le succès d’actions contentieuse les invoquant – a permis, envers la crise, des réactions inimaginables hier encore. Au delà, il faut aller à la retouche de Lisbonne (et du Traité de Rome...) pour que l’ouverture par le libre échange cesse d’être affiché comme le principe directeur de l’Europe ; simultanément, il faut réduire les pouvoirs non partagés de la Commission européenne sur les échanges externes et sur certaines circulations internes, soit en redonnant un rôle aux États, soit en outillant mieux le Parlement.

C’est largement à ce niveau que se joue la sécurisation du pouvoir d’achat. Celui-ci dépend au premier chef - plus que de relances socialement sympathiques, mais économiquement un peu artificielles ou aléatoires - d’un bon niveau d’emploi non dévoré par le chômage et d’une bonne rémunération d’emplois protégés contre la précarité et la dégradation. Les politiques d’expansion et de meilleurs salaires qui permettraient ces objectifs ne sont guère possibles si l’approche keynésienne sommaire qui reste aujourd’hui le seul horizon de réflexion de beaucoup n’est pas combinée avec la conception d’une part de préférence communautaire ou d’accords commerciaux ad hoc négociés avec des puissances tierces. Voilà des formes de nouveau protectionnisme qu‘il faut rechercher non seulement comme l’expliquent Todd et Sapir à un niveau européen, mais – parce que l’UE est trop hétérogène – qu’il faut en venir à concevoir par un moyen (de politique fiscale, monétaire, industrielle ou autre), à des échelons plus restreints (un noyau d’Europe), voire au niveau national pour la part qui reste possible.

Dans cet esprit, il faut regretter un montage comme la “TVA sociale” qui est protecteur vis à vis des imports (et qui a été abandonnée en fait sous la pression des intérêts de l’importation /distribution), d’autant que l’on pouvait imaginer de construire l’échange entre cotisations sur le travail et taxe sur la consommation de manière tout à fait équitable au plan social. C’est dire combien il faut considérer comme mauvaise l’hypothèse de faire de la relance par de la baisse de TVA ( ce que vient de faire sans succès la Grande Bretagne, tandis qu’Allemagne et Pays Bas ont réusi l’inverse il ya quelque temps), alors que, pour le même prix, on garantit mieux le pouvoir d’achat des plus démunis par l’augmentation des minima sociaux et la consolidation des garanties chômage/maladie etc. Entre Sarkozy et Solferino, c’est avec attention plus qu’avec passion qu’il faudrait savoir distribuer bons et mauvais points.

Il est évident que des indications ci-dessus ne vont ni dans le sens de la facilité au regard d’attentes immédiates de l’opinion, ni dans celui de la vulgate européenne. Un certain nombre de choses ont été apprises depuis quelques mois, par beaucoup qui ne voulaient rien savoir. Les temps prochains vont certainement continuer à exercer une fonction pédagogique.


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