CHRONIQUE LATINO-AMERICAINE

jeudi 30 avril 2009
par  Pierre Humeau
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Sable chaud et coco-tiers.

La plage grouille de monde, des groupes de jeunes rigolent bruillament en partageant quelques bouteilles de bières autour d’une multitude de feux de camps dispersés dans l’étendu sablonneuse. Malgré l’heure tardive, certains s’aventurent les pieds dans l’eau tiède de l’océan, s’arrosant avec malice de temps à autre. Dans la journée, les surfeurs furent nombreux, les vagues sont généreuses ici, le climat sec et ensoleillé offre au site une douceur appréciée. Un peu plus loin une dizaine de petites baraques en bambou font office de bars, des groupes d’amis réveillonnent joyeusement assis au clair de lune, les pieds dans le sable. Des musiques variées : cumbia, salsa, techno,… s’échappent d’au dessus les murs d’hôtels qui donnent sur la plage venant s’ajouter au brouhaha ambiant. Le public est l’image du fond sonore : héclectique. Les touristes et voyageurs occidentaux se mêlent aux jeunes adultes de riches familles de la capitale Lima ; en outre, ces privilégiés côtoient des jeunes péruviens plus modestes venant des grandes villes alentours. La nuit, certains campent sur la plage, d’autres logent dans des hôtels, quelques ‘ricains’ ne sortent pas de leur bulle pendant leur séjour, c’est stéréotypé mais je soupçonne quelques-uns de revenir aux Etats-Unis sans avoir prononcé un mot d’español ! De retour sur la plage, le bruit des pétards couvre le doux et régulier roulement des vagues de la côte pacifique : l’ambiance monte, l’enthousiasme fleuri et l’énergie électrique du bon millier de jeunes gens festoyant dans cette ambiance estival atteint son apogée quand un feu d’artifice jailli dans le ciel dégagé de la côte péruvienne. L’éclat de lumière dure peu de temps mais il suffit à donner le top départ des vœux, des accolades et des « Feliz año nuevo » échangés avec n’importe quel quidam. Dans l’euphorie on me pique ma paire de chaussure légère que j’avais laissée trainer, tant pis je finirai la soirée pieds nus ! Il est minuit le 31 décembre 2008 à Mancora, station balnéaire et touristique au nord Pérou, à 150 kilomètres de la frontière équatorienne.

Ici le tourisme, c’est avant tout une affaire de commerce et d’argent, un peu à l’image du Machu Picchu, nommé 8ème merveille du monde il y a un peu plus d’an an, c’est un autre lieu très prisé au Pérou ou des entreprises étrangères font payées l’accès à la cité inca à un prix déraisonnable.

Quechua© : “Vivez l’aventure qui vous mènera sur les pas des derniers Inca”

Bon slogan non ? Vous trouvez pas ? Bref, revenons à nos lamas…Le Machu Picchu en chiffre c’est : 858 000 visiteurs en 2008 dont les trois quarts sont étrangers, environ 15 millions d’€ de chiffre d’affaire rien qu’en billetterie d’entrée sur le site. Pour accéder au village situé au pied du sanctuaire Inca il n’y a qu’un train Quechua© sponsorisé par Décathlon ! Non c’est une mauvaise blague, la compagnie ferroviaire à été privatiser il y a 10 ans et appartient depuis à une compagnie britannico-chilienne qui fait, elle aussi, du commerce équitable : 100 km de train pour pratiquement 100$ le voyage pour les étrangers. Enfin comme l’exprime très bien le président péruvien de droite Alan García Perez : « l’unique alternative au développement du Pérou c’est la "mise en valeur" de tous les espaces du pays ou il n’y a pas encore d’investissements transnationaux ».

Mea culpa j’ai un sac à dos Descachton et je suis allez au Machu Picchu l’année dernière ! En fin de compte il ne s’agit pas ici d’appeler au boycott d’une marque de sport ou de condamner le tourisme international dans sa totalité. Ce dernier peut être synonyme d’échange, d’activité économique ou d’ouverture d’esprit ; mais bien souvent son corolaire est l’exclusion des plus nécessiteux à cause de la hausse des prix et la marchandisation des rapports humains et de la culture. Ils sont malheureusement trop peu les latinos, blancs, métisses ou indiens, qui peuvent se payer la visite de ce site historique alors que ce patrimoine est avant tout celui des descendants des peuples premiers, indigènes des Andes, des ethnies Kichwa, Quechua©) et Aymara, entre autre, qui vivent sur cette Terre-mère (Pacha Mama), dans les plaines, montagnes et forêts des pays andins. Mais aujourd’hui, au-delà du typique et du coloré, des ponchos et des flûtes de pan, le mode de vie des minorités (30- 40% en Equateur et au Pérou) ou majorité (62% en Bolivie) indigènes est plein de bon sens, animé d’un esprit de défense des ressource naturelles et de la Nature, il est basé sur l’organisation communautaire et la valorisation des particularités culturelles.

Ces trois pays possèdent une biodiversité et des richesses naturelles hors du commun entre l’Amazonie, les plateaux et volcans de la Cordillère des Andes et la chaude côte pacifique : humide sur l’Equateur, mais presque désertique plus au sud comme a Lima ou il ne pleut que très rarement. En 5 siècles la population s’est métissée, les « latinos » contemporains ont hérités d’Etats interculturels et plurinationaux souvent divisés entre les centres urbains et les réalités rurales bousculées par la mondialisation mais animées d’un humble souffle de résistance.

L’amitié et la cuisine traversent les frontières !

Avec quatre camarades de l’université du Mans qui eux-aussi partagent quelques moments de vie de l’autre coté de l’Atlantique, nous avons quitté les montagnes de la Cordillère (Sierra ecuatoriana) deux jours avant le nouvel an pour rejoindre la côte pacifique péruvienne à la recherche de soleil, de baignade, d’horizon. J’avais eu la bonne surprise le 25 décembre, de voir arrivé a Saraguro 4 courageux et joyeux voyageurs qui venaient de passer 24 heures dans le bus pour rejoindre Saraguro, petite ville de la sierra à 2600m d’altitude, depuis Lima immense ville de la costa. Ils m’ont offert un beau cadeau de Noël par leurs présences. J’accueillis mes bons copains qui découvraient cette terre du maïs (sara = maïs en langue Kichwa) au sud de l’Equateur ou je vis depuis 6 mois, travaillant pour un projet de coopération internationale. Les retrouvailles sont chaleureuses, on échange nos impressions, nos sentiments, nos joies et nos difficultés de fouler les pieds d’une terre de contraste de toute beauté... La vieille de continuer notre chemin vers la côte péruvienne nous partagions un dîner de la cuisine typique des Andes, au menu deux cuyes asados (cochon d’inde cuit à la broche) et le traditionnel mote (maïs épais qui fait office de pain ici). L’amie Marie, en bretonne aguerrie, nous avait préparée des crêpes et des galettes avec deux enfants de la communauté. Par le net nous avions aussi salivez devant un menu de nouvel an alléchant préparé avec amour du côté de Broons s/Vilaine pour un réveillon pleins d’amitiés. Le même média de communication nous apprenait le début d’un nouveau massacre en Palestine…

L’histoire se répète : Israël continue dans la tradition des massacres sociaux et coloniaux

« Pour comprendre ce que signifie l’inégalité technologique, il est loisible à ceux qui ont manqué la conquête de l’Amérique (1492) ou du Far West (XIXe siècle), de contempler les trois semaines de guerre écoulées à Gaza. 1300 morts d’un côté, une dizaine de l’autre. Dieu est avec les bataillons technologiques. Au temps pour les champions de la "guerre asymétrique". Mais comment appeler "guerre" ce qui n’est qu’une opération de police, dans la tradition des massacres sociaux et coloniaux. Israël a le pouvoir technologique, et l’on se moque d’être hué depuis des décennies par toute la planète, dans la rue ou à la tribune de l’ONU, lorsque l’on dispose du « gourdin technologique. » (www.piecesetmaindoeuvre.com)

Où est la gauche latino-américaine ?

Les deux seuls présidents aux mondes (à ma connaissance) qui ont osé rompre les relations diplomatiques avec Israël et renvoyer ses ambassadeurs sont Hugo Chavez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie. Leurs actions s’inscrivent dans un contexte politique régional mouvementé, ponctué d’élections et d’appels aux urnes. Si l’on observe le panorama actuel, après quelques années de prédominance de gouvernements démocratiques aux orientations progressistes avec un fort appui populaire (la exception en Amérique latine sont le Pérou et la Colombie) apparaissent deux lignes, deux tendances. D’un côté, Brésil, Chili, et Uruguay, gouvernements de centre-gauche avec stratégies « d’ouverture » et d’alliances politiques, attentionnés à ne pas trop froisser les bourgeoisies locales et les centres de pouvoirs internationaux. De l’autre, Venezuela et Bolivie, gouvernements dont la stratégie est « révolutionnaire » : affronter le pouvoir économique, l’oligarchie et les élites afin de transformer les institutions et les rapports de classes dans un cadre démocratique. Naviguant entre ces deux orientations on trouve l’Equateur, l’Argentine, le Paraguay et son nouveau et prometteur président (Fernando Lugo, ex-évêque proche de la théologie de la libération) dont il est trop tôt pour juger l’action.

Le conflit des mines en Equateur

Pour ma part ce que je perçois en Equateur sous la présidence de Rafael Correa c’est assez mitigé : la nouvelle constitution comporte des avancées sociales non négligeables, le refus de payer la dette du pays envers les pays du nord est plein de bon sens, mais la nouvelle loi sur les minerais permet l’entrée des entreprises multinationales et des mines à ciel ouvert. En effet la baisse du prix du pétrole incite le gouvernement à exploiter les gisements de cuivre et d’aluminium nombreux dans cette région de la Cordillère. Depuis début janvier le mouvement indigène, à travers sa principale organisation la CONAIE, s’est mobilisé en bloquant les routes principales du pays afin de réclamer des modifications à cette loi qui va affectée l’environnement des communautés. Mais le gouvernement fait la sourde oreille et utilise dans une moindre mesure la répression contre les mouvements sociaux. Les prochaines élections en avril vont donc être un test pour le président et son gouvernement, d’autant plus qu’avec la nouvelle constitution ce rendez-vous électoral sera assez inédit : les équatoriens voteront le même jour pour tous les échelons politiques : président, vice-président, députés, maires, préfets et parlementaires andins. Il va pas falloir qu’ils s’emmêlent les pinceaux les électeurs ! Vous en connaissez d’autres pays où ils votent tout ça en même temps ?

Pour voir quelques photos de la mobilisation en Equateur, des paysages et de la vie en général : http://picasaweb.google.com/pedro.h...

Sources consultées : « Le volcan sud-américain : gauches, mouvements sociaux et néolibéralisme en Amérique latine », Franck Gaudichaud, 2008, édition la Discorde, « América latina de la globalización a la revolución », James Petras, 2004, edición HomoSapiens ; « El Dipló », Le Monde diplomatique edición boliviana, nov. et dec. 2008


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