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HADOPI & INTERNET . Opinion.

lundi 10 août 2009
par  Etienne Imer
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Et si l’avenir ne nous autorisait qu’un futur ?

Souvenons-nous.

Nous avions trois lignes téléphoniques filaires : l’une était dédiée aux appels entrants -clients et toutes opportunités-, une autre était dédiée aux appels sortants -on essayait de ne pas être trop bavard : 1 minute Paris-Marseille coûtait l’équivalent d’1,50€-, une enfin consacrée aux fax, alimenté par du papier thermique que nous dévoraient des publicités nocturnes pléthoriques.

Et puis, nous avions internet, que beaucoup utilisaient pour transmettre de courts messages, et que quelques uns d’entre nous optimisaient grâce au câble fibro-axial. Cela s’appelait le haut débit. A l’aide de manœuvres assez compliquées, on pouvait adjoindre à nos messages des documents bureautiques (Word, Excel ou pdf) et quelques fichiers d’images ou de sons, à condition qu’ils soient peu volumineux. A condition aussi que nos interlocuteurs possèdent la même technologie, et aient acquis le dernier nec plus ultra des Mac (les premiers Power et leurs nouveaux microprocesseurs) capables de suivre l’accélération de nos échanges de données, ce qui était encore peu courant. Les perspectives de vulgarisation, de « démocratisation » du haut débit relevaient encore d’une politique d’équipement du XXème siècle. A 15 000 FF (2 200 €) du km, on entrevoyait que les centres-villes de 25 villes françaises seraient équipées dans les dix ans.

Nous étions dans les dernières années du siècle, et le troisième millénaire avait encore un goût de navette spatiale. Nos rêves sixties -les voitures volantes, la gravitation- avaient fondu comme neige au soleil, mais derrière l’informatique individuelle apparaissaient les contours d’une révolution numérique amorçant la genèse d’une culture cybernétique qui devait tout emporter avec elle, et transformer totalement les usages professionnels et consuméristes. Les « branchés décentralisés » installés dans les lointaines banlieues ou arrière-pays envisageaient déjà de réinvestir les cœurs de ville pour se rapprocher des nœuds sans lesquels on ne pouvait prétendre communiquer en réseau.

Il y a seulement un peu plus de dix ans.

Et puis apparaît sur les écrans d’ordinateurs une information plus énorme que le premier pas sur la lune ou la chute du mur de Berlin : Les fils téléphoniques, ceux-là même qui disposent d’une couverture globale pourraient servir d’équipements généralistes pour amener le haut débit aux entreprises et particuliers partout, tout au moins dans les pays occidentaux. Cela s’appellera l’Adsl, et provoquera un engouement pour l’informatique familiale et le Net qui demeurera, pendant quelques années, le seul foyer visible de la révolution numérique en marche. L’industrie et les chambres de commerce cite 2004 comme l’année dite charnière du basculement vers l’achat internet, basculement au sens où l’achat internet devient aussi simple et ludique que l’était l’achat VPC dans les campagnes des sixties.

Mais avant de parler d’achats, parlons de téléchargement. Qu’il soit payant ou gratuit, streaming ou enregistrable sur disque dur, dès 2001, il n’est pas encore accompagné de débats pour ou contre la licence globale, pour ou contre la traçabilité œuvre par œuvre, pour ou contre la « gratuité de l’accès à la Culture ». Il apparaît tout simplement comme une formidable opportunité d’accéder depuis chez soi à tous les magasins et les bibliothèques du monde. Il est une nouvelle liberté et de fait sera vite confondu avec une nouvelle utopie… Les industriels du hard (les fabricants de matériels informatiques) comme les FAI ( les fournisseurs d’accès Internet) ne s’y trompent pas. Il s’agit d’un énorme marché. Leurs prévisions, quelques années auparavant, tablaient sur une cible représentant 5 à 7% de la population. Ils s’adressaient alors grosso modo au public de la 7 devenu Arte. Désormais, ils s’adressent aux publics de la 1, la 2 et la 3 cumulés. C’est du lourd ! Avec 90% de la population comme cible, Ils s’interrogent sur leurs capacités de financer leurs investissements. Et la réponse arrive vite. C’est la nouvelle conquête de l’Ouest. Les nouveaux acteurs (FAI, Nokia, SFR) veulent faire tous les métiers. Et “Il y aura une redistribution des cartes." A une population de début de siècle qui ne veut plus rêver, chômage aidant, qui ne peut plus baiser, sida aidant, on va proposer l’utopie d’une culture gratuite à la portée de tous, un acte consumériste « fondamentalement démocratique », bien évidemment au prix d’un transport et accès de ces contenus culturels cédé à un tarif exorbitant capable de financer de formidables investissements. Ce marketing industriel va s’installer dans les sociétés européennes, et n’empêchera pas les FAI de proposer des sonneries de 10 secondes à 3 € à des enfants pas encore capables de dénoncer l’escroquerie.

Mais dans un premier temps, la revendication « culture gratuite à portée de tous », c’est-à-dire la non rémunération de la chaine éditeurs-créateurs-producteurs-interprètes- est admise. Des socio-anthropologues étudieront le sujet dans quelques années . Mais ça n’est pas le mien. Le seul commentaire que je ferai est plus technique. La révolution numérique, la société cybernétique, telles que nous les imaginions à l’aube du XXIème siècle, auront accouchés dans un premier temps d’un leurre. Et du point de vue d’une pédagogie de masse, cela représente une régression.

Qu’entre 2000 et 2005, une corporation d’acteurs (FAI et fabricants de matériels) ait décidé de faire du « Western », c’est-à-dire de pratiquer, à coup de publicités mensongères, une violence intellectuelle proche du terrorisme pour capter, même provisoirement, l’ensemble des revenus d’une chaine économique, en négligeant le gentlemen agreement que représente l’acte volontaire de s’asseoir à la table d’une négociation internationale pour poser les bases d’une réflexion à long terme des conditions d’un modèle économique numérique, oui cela m’apparaît comme une régression lourde.

Qu’entre 2000 et 2005, une ou deux générations de teen-agers et d’adultes, de tous milieux sociaux d’ailleurs, n’aient pas compris les enjeux du droit d’auteur et du droit de reproduction, concepts immatériels et donc abstraits pour les non initiés me semble une régression légère.

Car si les acteurs économiques les plus en vue des nouvelles technologies se sont crû affranchis de toute éthique et de toute responsabilité collective pendant que nos élites politiques travaillent sur des courts termes qui les privent de tout désir et moyen de coopter des expertises citoyennes, alors effectivement l’acte juridiquement délictueux de l’internaute basique qui télécharge illégalement doit être totalement déculpabilisé.

Je vais trop vite, puisque je ne voulais pas aborder tout de suite le problème de la pratique du téléchargement illicite sur Internet, mais seulement la problématique des téléchargements gravés et streaming qui furent d’abord et resteront une formidable opportunité libertaire d’accès à l’information, cette unique nouvelle liberté de la fin du vingtième siècle qui a révolutionné nos vies et nos intelligences. La musique, les musiques enregistrées devrais-je dire, plus gros média de la seconde moitié du vingtième siècle, né avec la musique yé-yé côté culture et le transistor côté technologie est devenu, du fait de l’industrialisation de sa diffusion, l’art populaire le plus en avant, le plus reconnu, le plus représenté dans les instances économiques et politiques. Et tout naturellement, ce sont les sociétés civiles professionnelles toutes autant qu’elles sont, celles représentant la finance et les industries internationales, celles représentant les artistes, les éditeurs, les producteurs qui se retrouvèrent en première ligne dans ce débat...

Il y a eu absence, il y a eu « désertion » dans ce débat, nous en fûmes tous témoins, des sociétés civiles professionnelles représentant les artistes, les éditeurs, les producteurs. J’essaierai d’avancer une explication plus bas et peut-être pourquoi et comment d’immenses enjeux collectifs et sociétaux peuvent être traités quelquefois aussi légèrement qu’une pièce de boulevard.

1. La fin d’un monde. De DADvSI à HADOPI

Dès 2001, une réalité s’impose : La reproduction matérialisée appartiendra vite au passé. Son marché, jusque là en hausse constante et profits exponentiels, a vécu ses jours glorieux. D’autres seuils de rentabilité, plus modestes, restent envisageables sur un terme de dix à quinze ans. Mais, tout le monde le comprend, le numérique s’avère devenir le nouveau média de masse. Seules quelques niches particulières et « pointues » échapperont à cette mutation. Dès 2001 aussi existe l’obligation de transposition en droit français de la directive européenne EUCD. En 2005 est présenté la loi DADvSI (Exercice des droits d’auteur et des droits voisins en matière d’oeuvres diffusées sur Internet). Le cœur du projet DADvSI a pour objectif de pénaliser le "contournement" des "mesures techniques de protection », appelées Dispositifs de Contrôle d’Usage (DCU). Ces mesures de protection sont principalement l’anti-copie, l’anti-usage, l’identification de l’utilisateur, le tatouage de l’œuvre, le traçage de l’œuvre. En 2009, HADOPI qui reprend l’essence du projet DADvSI en accentuant le dispositif répressif, même dans la forme retoqué par le Conseil Constitutionnel, reste un dispositif inapplicable. Au cœur de ce dispositif de lutte contre la criminalité, est installé Périclès, une plateforme névralgique pour les données personnelles. De quoi faire peur à tout le monde, tant qu’on n’aura pas expliqué que ce dispositif est moins contraingnant que la traçabilité de nos cartes bleues et nos téléphones portables.

Mais quand même ! Exiger du consommateur lambda qu’il soit responsable de la sécurisation de son usage et ses adresses IP relève de la bêtise manifeste à l’heure où 50 % des utilisateurs Internet s’étonne qu’un ordinateur ne marche pas aussi aisément qu’un four à micro-ondes.

Dès 2002, la miniaturisation et la baisse des coûts des matériels ont favorisé l’essor de l’ordinateur familial relié à l’Adsl à côté de la TV. L’échange de copies est devenu alors rapidement une pratique très répandue qui concerne toutes les catégories sociales. « Les copieurs ne peuvent pas uniquement être assimilés à des jeunes irresponsables ou à des resquilleurs, explique l’UFC en 2004. En fait, près de 11 millions d’internautes en France téléchargent de la musique sur Internet (soit plus de 40% des internautes). »

Effet d’imitation et de contagion sociale (amis, familles, relations de travail…), accès à une diversité culturelle plus importante (notamment face aux offres légales qui restent encore très limitées au niveau des références), le prix perçu des originaux considéré comme cher, tous ces facteurs s’empilent pour dédramatiser l’acte illégal d’échanges de copies. Dès ce constat d’us sociétal, on ne peut plus parler de « piratage » ni de téléchargements illégaux, mais seulement de téléchargements illicites.

Car les usagers internet, achetant un téléchargement légal à la Fnac, se voit proposer de « casser » le Drm - la mesure technique de protection de leur achat gravé sur le disque dur de leur PC-, pour pouvoir le transférer sur leur Ipod. Cette ineptie liée à l’absence d’interopérabilité des systèmes porte en elle le germe du rejet de l’adhésion des usagers aux projets de Loi.

Mais bien plus, la légèreté avec laquelle cette immense question sociétale est traitée, l’incompétence affirmée de ceux qui commentent cette question dans les medias grands publics, l’incapacité des sociétés civiles professionnelles à dépasser des visions claniques, l’absence d’intelligence, de réflexion sur le substrat culturel de la technologie, le refus d’imaginer les produits culturels numériques autrement que comme un prolongement de l’industrie des produits matérialisés, tout cela nous amène à un débat pauvrement entamé depuis huit ans, auquel ne participe ni la jeunesse, principale utilisatrice de ces technologies, ni les acteurs réels du numérique.

Derrière toute loi, il y a une proposition comportementale éthique, morale, économique dont le législateur souhaite un consensus admis par les citoyens. Sur les questions d’internet, il n’y a pas d’appel à consensus. Il y a tout au contraire un processus qui amène à une fracture citoyenne. Informaticiens le jour, hackers-militants la nuit et le week-end, c’est le profil type des participants à ces communautés nouvelles qui désespèrent de l’acte politique et législatif, à force d’entendre des banalités et stupidités de responsables ne maitrisant pas leur sujet.

Les « hacker spaces », ces lieux de vie-laboratoires collectifs se multiplient aujourd’hui de part le monde avec comme projet, tel celui du Metalab de Vienne d’essaimer des Free WI-FI non traçables, gratuits, cryptés et autogérés. C’est dire que l’acquisition des connaissances visant à noyer la traçabilité des échanges sera beaucoup plus féconde et rapide que les dispositifs de sanctions à « coups de dictionnaires sur la tête » que nous proposent nos gouvernants. « Attention à l’internaute négligent. S’il laisse un tiers utiliser son accès pour télécharger illégalement, il risquera une amende de 1 500 euros et un mois de suspension ! ». Voilà le volet pédagogique d’une vision sur le futur que proposent aux nouvelles générations industrie, sociétés civiles professionnelles et gouvernants.

Il y un manque de clairvoyance manifeste de l’ensemble des acteurs responsables de la filière. Toute prétendue pédagogie qui s’appuierait sur des concepts traditionnellement répressifs à propos d’Internet sera nécessairement considérée comme non valide. Nous sommes quelques-uns à avoir pris l’habitude de comparer la cécité de l’industrie musicale et cinématographique à celle de l’industrie de la lumière du temps des bougies. Son métier, c’était la lumière, pas les bougies. Est venue l’électricité, cette « invention de cinglés » et les industriels de la bougie, qui avaient les moyens d’investir massivement dans cette nouvelle technologie et la maîtriser, l’ont négligée avec dédain, peut-être par incapacité intellectuelle à appréhender le futur, pour devenir les industriels des repas d’amoureux et des fêtes de noël.

L’industrie musicale et cinématographique, les sociétés civiles professionnelles sont arcboutées depuis huit ans dans une posture paranoïaque de citadelle assiégée quand elles devraient être force de propositions. Puisqu’elles n’ont pas de projet en devenir, pas de vision sur le futur, elles entraînent, sans imagination, les responsables politiques sur un chemin très “tendance”, celui du tout-sécuritaire. Mais quelle réponse de fond, quelle réponse consensuelle, « œcuménique » apportent-elles ?

A la mi-juillet 2009, l’annonce de la vente du portail suédois The Pirate Bay, site symbole du téléchargement illégal, a créé la surprise, en étant racheté par une société de jeux vidéo suédoise (GGFX), annonçant sa volonté d’en faire une plate-forme 100 % légale. Quatre jours plus tard, naissait le site OpenBitTorrent, à la grande satisfaction des adeptes du téléchargement illicite.

“OpenBitTorrent appartient à la famille des trackers. Sans aucune inscription sur le site, les utilisateurs créent et diffusent librement leurs propres fichiers ".torrent" (les fichiers qui permettent de télécharger), le site se contentant de les mettre en relation. Les ".torrent" ne sont pas hébergés sur le site, mais décentralisés, éparpillés sur Internet. Sur sa page d’accueil, OpenBitTorrent précise qu’il n’héberge aucun contenu, qu’il n’est pas un site de référencement, qu’il n’a pas connaissance de ce qui est échangé et que sa conception ne permet ni d’enregistrer les adresses IP des ordinateurs, ni de bloquer un fichier”.

Démonstration faite qu’une traçabilité répressive n’est pas applicable, et que le respect du droit d’auteur et de propriété intellectuelle n’existera qu’admis et accepté par tous, ce que depuis dix ans, les hommes au pouvoir dans l’industrie musicale et cinématographique et les sociétés civiles professionnelles ne semblent pas admettre.

Il est vrai que l’industrie musicale et cinématographique est une industrie dont les cadres sont vieux. La plupart des cadres de l’industrie culturelle et des sociétés civiles professionnelles ont vu arriver la révolution numérique à l’âge où ils comptaient déjà leurs points de retraite. Le phénomène post-soixante-huitard avait créé un vide de pouvoir derrière ces enfants attardés du baby-boom. Sans relève disponible, ils ont seulement compté les points de diminution des ventes des supports physiques et des droits d’exécution publique sans vouloir prendre à bras le corps les problématiques du formidable média qui se développait à partir de la toile. C’est en ce sens que je parle d’absence, de « désertion » dans ce débat, et je veux parler de régression grave. Dix ans après, à l’aube de la fibre optique et du « très haut débit » puisqu’il s’agit d’une circulation des données à la vitesse de la lumière, il y a aveuglement à penser que ces réseaux ne serviront qu’à transmettre des messages personnels et des fichiers légalement achetés.

Confusion entretenue entre la licence libre et le peer to peer, entre la liberté d’accès à l’information et la gratuité systématique, entre l’usage de la copie privée et la mise à disposition sur des sites de distribution, l’absence d’interopérabilité et les DRM (Digital Right Mangement), une pédagogie de la « riposte graduée”, un réflexe autoritariste et l’absence de réflexion transversale nous auront conduit à des positions outrancières. Les médias n’auront pas - la raison m’en échappe - assumé leur mission pédagogique.

La seule question est : Quid d’un modèle économique numérique qui respecte et rémunère tous les métiers de la chaine ?

Gens de culture, nous avons les mêmes problématiques et mêmes responsabilités que les agriculteurs, quoique nos métiers soient différents. Un métier de la terre est aussi un métier d’aménagement du territoire, un métier artistique ou de production artistique est aussi un métier de patrimoine et de culture.Mais les produits culturels sont de plus en plus dématérialisés.

2. L’outil de partage rémunéré et tracé d’une culture numérique.

Les communicants diront que, sans retour, tout système perd son efficacité. La boucle de retour est le nouvel eldorado de la société numérique. La boucle de retour sert à stabiliser le système, le faire évoluer, réduisant le taux d’erreur.

Hors des magasins de prestiges, lieux d’expositions luxueux et/ou institutionnels, les acteurs de l’Art et de la Culture peuvent choisir un mode de gratification volontaire. Tel cercle, tel réseau peut choisir de soutenir, aider, rémunérer tel artiste, tel projet. Ceux dont je parle représente 80 % des œuvres, c’est-à-dire le laboratoire de vies des créations, toutes disciplines confondues, toutes interdisciplinarités confondues, toute transversalité entendue : Ceux qu’ont appelle les indépendants... Qu’ils travaillent des musiques, des films, des toiles, des écrans, des espaces conceptuels.

Mais les outils à la disposition de ces auteurs -systèmes d’autorisation, de gestion et de répartitions- ne sont pas adaptés aux nouveaux modes de consommation en ligne. Les œuvres sont aujourd’hui présentes sur les réseaux en flux continu, elles circulent en masse, de plus en plus vite, et sont présentées en offre directe. Seuls les grandes industries et les Majors Companies ont une taille suffisante pour mettre en œuvre efficacement une gestion de leurs droits. Mais elles défendent un autoritarisme du XXème siècle qui ne peut insuffler l’adhésion. Les projets de loi actuels défendent 80 % des ventes et 20 % des œuvres. C’est-à-dire les œuvres éditées par les Majors Compagnies et leurs filiales. Reste la majorité des œuvres : 80 % des œuvres musicales, cinématographiques, photographiques, plastiques sont actuellement dans un espace vide, dans un no man’s land juridique. L’espace juridique existe en théorie mais pas dans la pratique. Beaucoup de photographes ont découvert, ces années passées dans la PQR, quelques-uns de leurs clichés recadrés, voir ré colorisés (passés de la couleur au N&B) avec la mention mensongère « droits réservés » c’est-à-dire sans propriétaires connus quand est utilisé un original signé. Des designers graphiques ont vu leurs œuvres faire l’objet de reproduction en cartes postales sans qu’on puisse remonter plus loin que l’imprimeur « délocalisé ».

Nous ne voulons pas d’une loi pour 10 % des auteurs. Nous voulons une loi pour tous les auteurs, y compris les auteurs en émergence, les auteurs de demain. Nous voulons une loi de développement durable et non une loi qui protège seulement les ayants droits ayant acquis célébrité, même s’ils méritent bien sûr le respect de tous. L’Internet a besoin d’une politique publique d’équipement et d’aménagement.

Soyons résolument modernes ! Imaginons une pédagogie du volontariat. Imaginons une stratégie de boucle faisant consensus. Imaginons un équipement collectif à l’échelon européen. Les années 60 ont eu leurs terrains de football, les années 70 leurs piscines, les années 80 leurs locaux de répètes. Puis c’est, en terme d’équipements collectifs, le bug des années 2000 car la mode est alors au tout privatiser, puisque « le marché doit tout réguler ! ». Verra-t-on, en 2010, une politique française répondre aux attentes d’une communauté d’utilisateurs quotidiens d’Internet, proposer une « vision », un modèle de modernité, de consensus et de fraternité réelle, acceptée, échangé ? Verra-t-on une politique européenne d’équipement collectif à propos d’internet ? Verra-t-on des ministères, celui de la Culture et celui de la Recherche s’emparer d’une réflexion approfondie sur la notion de propriété intellectuelle appliquée à 80 % du patrimoine artistique du continent européen, véritable enjeu en terme de réflexion « d’Aménagement du Territoire Virtuel » ? Verra-t-on l’Anssi (la nouvelle Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), officiellement créée par un décret publié au Journal officiel mercredi 8 juillet, s’emparer « transversalement » de ce dossier, à côté de ses missions prioritaires ?

Et si l’avenir ne nous autorisait qu’un futur ?

A l’échelle européenne, sous l’impulsion de la patrie de Rabelais, sous l’impulsion aussi des sociétés d’auteurs, dont la Sacem (leader mondial au XXème siècle de la défense des auteurs et de leurs droits) les pouvoirs publics pourraient aisément financer :

- la création d’un moyen d’identification et de protection des fichiers à la source, en plaçant une signature génétique des fichiers culturels et artistiques.

- une plateforme d’expérimentation mutualiste regroupant les acteurs de l’édition, de la production, du droit d’auteur et des consommateurs permettant la validation d’un système d’information adapté à leurs besoins pour affronter la distribution numérique.

- un outil logiciel fonctionnel permettant de gérer l’information numérique ou la propriété intellectuelle pendant que le contenu circule le long de la séquence des valeurs des créateurs de contenus aux consommateurs et d’un consommateur à un autre.

Les artistes indépendants souhaitant être diffusés sur le Net seraient invités à mettre à disposition, inscrire et transcoder leurs répertoires et catalogues.

Ceux-ci seraient accessibles et raisonnablement payants pour le public et les consommateurs selon un acte volontaire, tout comme on choisit au supermarché de prendre du café « Commerce Equitable ». Par ailleurs, le public-consommateur sachant l’œuvre tatouée, pourrait faire sienne la clause éthique et restrictive de la copie privée. Les autorisations préalables légales verraient leur temps d’obtention nettement raccourci.

Les clés d’évaluation ?

Evaluer les politiques d’usages des « communautés consommateurs » et la responsabilisation « volontaire » de leur acte d’échange et de partage.

Evaluer l’impact d’adoption économique de ces nouvelles transactions directes, transparentes et interactives.

Evaluer l’intérêt de normalisation du procédé dans le cadre des dispositifs de contrôle d’usages.

Evaluer l’optimisation des ressources mutualisées dans un contexte de gestion collective.

Les freins ?

Un tel outil collectif à l’échelon européen entrainera la nécessaire mutualisation des diverses sociétés d’auteurs. Et les réflexes claniques seront présents quand il s’agira de décider de qui prendra le contrôle des contenus et de leurs droits associés.

Malgré ces freins claniques et rétrogrades, nous pouvons développer un système de protection dit « logique » agissant en amont du processus de circulation du contenu jusqu’à sa destination, protégeant auteur et internaute, propriétaire et acquéreur. L’adaptabilité du système de rémunération du droit d’auteur équitable et pour tous passe par la capacité de gérer et de répartir de manière interactive les droits et revenus associés aux contenus multimédias de tous les créateurs indépendants.

Complexe ? Oui, mais tout est complexe s’agissant du numérique et tout est réalisable s’agissant d’informatique. Les tribus de « chercheurs sans Cnrs » dont j’ai parlé plus haut sont un vivier de veille technologique mobilisable pourvu qu’il s’agisse de bien commun et de rémunération équitable.

L’internet n’a pas de frontière ? Ne perdons plus de temps dans un débat franco-français. Soyons une force de proposition sur l’ensemble du territoire culturel et artistique européen.

3. La balle au centre. Il faut relancer le jeu.

Le droit d’auteur, d’éditeur, de producteur doit être sanctuarisé. La diversité culturelle, consensus largement admis aujourd’hui, ne peut être affirmée sans une « rémunération équitable ». Les droits de monstration (dans les galeries physiques ou virtuelles) les droits de reproduction (physiques ou virtuelles, argentiques ou numériques, analogiques ou numériques) aussi.

La liberté de circulation de l’information doit, elle aussi, être sanctuarisée. Il appartient au citoyen d’apprendre à faire l’effort de vérifier la validité de celle-ci, et la culture cybernétique, qui juxtapose sans cesse réalité et fiction, matériel et virtuel, développe une pédagogie de la distanciation, un apprentissage de la «  schrizophrénisation des médias », progressivement maitrisée par les jeunes générations. Les dispositifs de surveillance de la grande criminalité ne sont pas contraires à cette liberté acquise. Internet doit rester un espace hybride, un espace ET gratuit ET commercialisé. Cette division du rémunéré/non rémunéré posée telle une frontière infranchissable et arbitraire est elle aussi une pensée vieillotte que ceux qui nous gouvernent ont du mal à s’affranchir. Même quand ils savent que 60 % des Français sont investis peu ou prou dans une association, parallèlement à leurs métiers et fonctions lucratives. Internet est à l’image du marché africain où l’on « vient faire commerce » : certains achètent, d’autres vendent, mais tous sont là car là est le lieu de l’échange.

Ne diabolisons pas l’internaute ! Internet crée du lien. Il doit pouvoir créer du lien social, et nous devons chercher sur la toile les conditions d’un consensus. Réhabilitons le concept de Drm, de traçabilité, d’un tatouage de l’œuvre admis par tous. Créons les conditions d’une adhésion à un modèle économique numérique relevant du commerce équitable. Oublions ces discours de gendarmes inefficaces, même si certains élus les réinventent à la veille de chaque élection.

Plus personne ne sait ici et maintenant de quoi nous parlons quand nous parlons de projet de Loi Hadopi, tant ce débat est devenu un « « Oui ou non », « Pour ou contre » et « à propos de quoi ». Les libertés individuelles contre la diversité culturelle ? L’accès à la culture contre la liberté de créer et d’être rémunéré d’une œuvre de l’esprit ? Qui nous fera croire que là est l’essence d’un débat ?

Messieurs les Maîtres du Jeu, de grâce, ramenez la balle au centre ! Ramenez la balle dans l’espace citoyen de l’intelligence. Allez ! Un effort ! Un peu de considération pour les jeunesses internautes ! Elles nous aideront à construire un futur...

© etienne imer 16 Juillet 2009


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