LES MARX ET LES BONUS
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Au plus profond de la crise du libéralisme (mais avons atteint le plus profond ?), nous aperçumes une embellie dans le champs des idées. Marx (Karl) réapparaissait dans certains médias, oh, pas tous, et surtout pas à la télé. Réapparition fragile, certes, mais on pouvait imaginer une sortie du purgatoire. Et si Marx n’avait pas tort, finalement ? Le très écolo-keynésien Bernard Maris lui consacrait une sorte de saga, assez bien troussée ma foi, dans un Charlie Hebdo qui a l’air de respirer un peu après le départ de Philippe Val. Face à la folie destructrice qui animait les financiers internationaux (dans une rage à la fois idiote, au fond, et logique dans la forme qui n’est pas sans rappeler celles de Marx (Groucho and co) ou de Laurel et Hardy, l’humour – dévastateur évidemment – en moins.
On se souvient alors des grands discours moralisateurs, notre grand multiprésident en tête, tenus le plus souvent par les constants soutiens du système en débandade. On vilipendait ces subprimes stupides, criminels, en oubliant que le candidat Sarkozy avait la ferme intention de les développer en France (voilà au moins une catastrophe que la catastrophe crisique nous aura évité). On se promettait, entre nantis, une austérité quasi calviniste. Arrive l’été. Est-ce l’effet euphorisant des beaux jours ? Toujours est-il que la sarabande recommence. C’est le grand retour des bonus (ont-ils jamais cessé ?) pour les joueurs de l’économie-casino. Quant à l’économie « réelle », on adore l’adjectif, son inventeur devrait être condamné au goudrons et aux plumes à perpétuité, elle attendra un peu, le temps qu’on distribue les bonus et peut-être un peu plus, le bon vouloir de l’appui bancaire. De même qu’attendra probablement le remboursement par les banques de l’argent que nous, contribuables de tous pays, leur avons prêté. Revenus les bonus, disparu Marx (Karl) à nouveau.
Nous ne sommes pas de ceux qui prennent Le capital et autres ouvrages comme une bible, des évangiles ou un coran, nous sourions en coin quand on nous parle se socialisme scientifique : le socialisme tout court nous suffirait amplement. Pas marxiste, marxien. Nuance. Oui, les analyses économiques de Marx (Karl) sont toujours d’actualité, beaucoup plus en tout cas que celles des libéraux « modernes », vous savez, ceux qui dénoncent Marx (Karl) comme ringard, dépassé, tout en se référant à des maîtres à penser encore plus anciens. Si on prend la chronologie comme échelle de valeurs, alors Platon, Aristote, Montaigne, La Boétie, Spinoza, Descartes, Machiavel et tant d’autres doivent d’urgence disparaître de nos référentiels. Fini, Montaigne, à remplacer par la « vie réussie » de l’impayable Luc Ferry. Terminé Machiavel, préférez Alain Minc, lui aussi conseiller des princes, et tellement plus moderne. Vous voulez continuer la liste ? Ce serait un amusant « jeu de l’été », plus rigolo que ceux dont les hebdos de « news » remplissent leurs colonnes faute de mieux.
On peut certes regretter la quasi absence de préoccupations environnementales aussi bien chez Marx (Karl) que chez Marx (Groucho), ce dernier entièrement dévoué à réduire en lambeaux les convenances sociales. Mais à leurs époques, qui s’en souciait vraiment. On peut, et sans doute doit-on, chipoter sur la pensée politique de Marx (Karl). La démocratie n’y est pas toujours évidente. Marx (Karl) philosophe ? Bien hégélien quand même. On dira que j’y vais à la serpe, là, et c’est vrai, mais bon. Différent certes de Marx (Groucho) finalement précurseur des « déconstructeurs ». Mais Marx (Karl) en analyste économique, demeure un maître. La crise d’aujourd’hui, qu’on la nomme néo ou hyper libérale, Marx en avait montré les mécanismes.
Il n’est pas normal qu’à quelques exceptions près, la référence à Marx (Karl) ait quasiment disparu des enseignements universitaires, en France comme ailleurs. Les marxiens, comme depuis longtemps dans les universités des Etats-Unis, semblent parqués dans des réserves. Dans l’enseignement secondaire, elle n’apparaît qu’en classe de philosophie, pratiquement jamais en économie. Comme le disait le regretté Georges Marchais (marxiste tendance Karl au PCF, et tendance Groucho à la télé), c’est un scandale !
nb : une pétition anti bonus vient d’être lancée par Paul Quilès. C’est une bonne initiative. Pour signer, voir la brève sur le site
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