ETAT DE DROITE

samedi 8 août 2009
par  Yann Fiévet
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Nous étions prévenus : M. Nicolas Sarkozy promettait d’être l’homme de la rupture. Nous ne sommes pas déçus : trois ans avant la fin de son premier mandat de Président de la République la promesse est déjà largement honorée. Trois ans, trente-six mois, plus de jours qui vont être autant d’occasions accordées au Prince qui nous gouverne de donner libre cours à son règne autoritaro-populiste incontesté. Nous étions en fait doublement prévenus car l’homme nous avait préalablement montré sa grande capacité à rompre avec les usages républicains lors de ses deux séjours au ministère de l’Intérieur. Seuls les naïfs ou les observateurs à la vue basse – deux catégories hélas fort nombreuses et souvent confondues – que la fonction présidentielle assagirait l’autocrate patenté. Nous savons désormais qu’ils se sont tous trompés.

Les actes transgressifs des principes de droit les plus élémentaires commis par des fonctionnaires pourtant garants de l’Etat de droit sont trop nombreux pour être pris comme épiphénomènes étrangers à un changement de climat politique. Gendarmes lâchant leurs chiens dans des salles de cours de collèges gersois, patron de presse placé en garde à vue humiliante à la suite d’une plainte concernant une affaire sans aucun caractère de gravité, rafles d’enfants normalement scolarisés dont les parents ont comme seul tort d’être sans papiers, soumissions multiples au test ADN pour des broutilles… Tous ces dérapages contrôlés s’inscrivent dans un paysage fait tout à la fois de surveillance grandissante de la vie citoyenne et d’intimidation savamment orchestrée dans le but de décourager d’éventuels mouvements contestataires. Ne vous avisez pas de qualifier ce climat étouffant de préfasciste, vous pourriez rapidement le regretter ! Pour cacher la réalité de ce basculement vers un régime autocratique où prolifèrent les féodalités privées, petites et grandes, selon le bon vouloir du Prince, on amuse la galerie… marchande. Le bon peuple est assuré que le souverain et ses dévoués serviteurs ministériels veillent sur ses intérêts bien compris. Pour cela on lui propose la généralisation de l’ouverture des commerces le dimanche. Plus de répit dans la lutte pour la Croissance bienfaitrice. Plus de repos dominical au moment paradoxal où les gisements d’emplois s’assèchent dramatiquement. La manœuvre a réussi : de nombreux élus de gauche sont maintenant convaincus que cette mesure révolutionnaire va améliorer le quotidien des salariés les plus modestes. Le vrai résultat est évidemment ailleurs. La flexibilité – donc la précarité – de l’emploi en sera accrue ainsi que l’engraissement des gourmands actionnaires de la Grande Distribution. Les Mulliez et consorts déjà se frottent les mains. Martin Bouygues, un autre ami du Prince, a de quoi se réjouir lui aussi. À la demande de TF1, première chaîne privée de télévision dont il est propriétaire on va supprimer la publicité sur les chaînes publiques sans leur apporter les moyens de compenser cette disparition de ressources. On organise la poursuite du « moins disant culturel » pour satisfaire le « plus offrant financier ». Ce nouveau fait du Prince est bien sûr camouflé derrière un fatras de considérations sur la modernité de la mesure que l’on a enfin eu le courage de prendre.

Le néoféodalisme vivifié chaque jour davantage par l’Etat de Droite – pour ne pas dire de droite extrême – s’accompagne comme il se doit du rappel au respect des normes de l’ordre établi. Que des citoyens fassent la preuve de la viabilité de modes de vie ou de production alternatifs en marge des canons de la domination capitaliste est intolérable aux yeux des gardiens de l’Ordre. Ils seront désignés à la vindicte populaire trop facilement manipulable et à la promptitude des médias de masse à s’engouffrer fébrilement dans les voies étroites qui leur sont indiquées. Dans l’affaire – minuscule, avouons-le – de « l’ultra-gauche » ce qui est en cause vraiment n’est pas l’arrêt de quelques trains. Sur ce point le dossier est vide et les coupables fabriqués par une police dévoyée sont un à un relâchés. C’est la manière de vivre de ces hommes et de ces femmes qui est jugée subversive au temps du marché omnipotent. Rendez-vous compte : à l’heure de l’urbanité générale ces gens vivent paisiblement sur le plateau de Millevaches, en très bonne intelligence avec la population de l’endroit, en se réappropriant la maîtrise de leur quotidienneté. Il faut discréditer ces pratiques d’un « autre âge » – peut-être celui de demain pourtant – avant qu’elles n’essaiment dangereusement. Et, par-dessus le marché ( !), on les nommera terroristes. Que des paysans basques adeptes de l’agriculture durable s’organisent en une coopérative digne de ce nom quand ailleurs elles sont toutes devenues des rouages bien huilés de l’agrobusiness et l’Etat intente un procès sous le prétexte fallacieux d’une confusion entre le nom de ladite coopérative et la Chambre d’agriculture locale. Aucune tête – surtout quand elle se met à penser par elle-même – ne doit dépasser des limites définies par les acteurs dominants du système politico-médiatique mis au service de l’économie marchande financiarisée.

Les profiteurs de la nouvelle société féodale sont prêts à de nombreux reculs de la démocratie afin de préserver leurs privilèges de plus en plus exorbitants donc indécents quand la misère progresse partout. Le temps est venu de se souvenir de nouveau de la prémonition de Cocteau : « Quand ils reculeront, ils ne reculeront devant rien. »


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