https://www.traditionrolex.com/18 La Gauche Cactus http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/ fr SPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP) La guerre en Ukraine en contexte http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2767 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2767 2022-05-13T17:06:00Z text/html fr Pierre Guerlain <p>Pierre Guerlain, professeur d'histoirre contemporaine à l'Université Paris-Nanterre nous décrypte les éléments du contexte de la guerre en Ukraine et de ses enjeux. Un texte synthétique et éclairant. Illustration glanée sur le net par Mourad Karabagli</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>Tout d'abord et afin d'éviter toute ambiguïté : l'invasion russe qui provoque morts et destructions n'est pas acceptable sur le plan éthique et il faut la condamner de façon énergique. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait tous les candidats à la présidence, avec quelques modulations. La guerre et sa kyrielle de crimes, blessés et infrastructures essentielles à la vie détruites est rarement justifiée sur le plan éthique. En prenant la décision de passer au conflit militaire Poutine porte la responsabilité de tous les morts et il est aussi responsable de la haine des Ukrainiens vis-à-vis de sa personne, son régime et aussi son pays qui n'est pas, cette fois-ci, solidement uni dans le soutien à sa politique guerrière. De très nombreux Russes défient la répression pour exprimer leur opposition à la guerre.</p> <p>Il est fort possible que cette guerre débouche sur des réalités opposées à celles voulues par le président russe : renforcement de l'OTAN, une alliance qui cherchait sa nouvelle mission depuis la chute de l'URSS et la disparition du Pacte de Varsovie. Une alliance défensive à l'origine qui s'était muée en agent de la guerre, surtout de la guerre américaine, au Kosovo, en Afghanistan et en Libye. L'organisation était selon le mot du président français, Macron, en état de « mort cérébrale » et l'invasion russe lui redonne, aux niveaux des populations, une nouvelle légitimité. Il faut faire l'inventaire des morts et destructions causées par l'invasion illégale mais aussi s'interroger sur les origines de la guerre et examiner les stratégies pour mettre fin au désastre. La guerre russe en Ukraine est en cours et l'on ignore s'il a une voie diplomatique pour y mettre fin donc le bilan des morts et destructions ne pourra s'établir qu'à la fin.</p> <p><strong>Les racines du conflit</strong></p> <p>En ce qui concerne les origines du conflit un récit médiatique s'est mis en place tendant à faire de la Russie l'unique responsable de la crise. S'il est juste de tenir Poutine pour responsable de la décision de lancer les opérations militaires, il est tout à fait erroné de gommer les responsabilités occidentales dans la crise que Poutine a fait déboucher sur la guerre (…). Afin de rendre les choses claires procédons à une comparaison historique. Les historiens de la première guerre mondiale s'accordent à dire qu'à la fin de celle-ci les alliés ont imposé des conditions de paix très dures et humiliantes pour l'Allemagne qui portait une grande responsabilité dans le déclenchement du conflit. L'humiliation de l'Allemagne a favorisé la montée du nazisme, c'est un fait historique. Ceci ne gomme pas la responsabilité des nazis dans leurs crimes comme la Shoah. Contexte historique complexe où les responsabilités du conflit sont partagées mais totale responsabilité des criminels.</p> <p>Il faut procéder de la même façon pour comprendre comment le conflit s'est formé et a dégénéré en guerre meurtrière. En 1997, soit trois ans avant l'arrivée de Poutine au pouvoir à Moscou, le père de l'endiguement, George Kennan, avait publié un article dans le New York Times intitulé « A Fateful Error ». Il mentionnait le risque que des nationalistes anti-occidentaux et militaristes arrivent au pouvoir en Russie si l'OTAN s'étendait à l'Est. Il n'était pas dans une posture pro-russe au contraire, il mettait son pays et notamment le président Clinton en garde contre une erreur géopolitique aux conséquences prévisibles terribles. Vingt-cinq ans plus tard, et alors qu'entre-temps l'OTAN s'est étendue en diverses phases aux frontières de la Russie, on voit qu'il était particulièrement prescient. Un grand nombre de responsables politiques américains, dont Henry Kissinger ou William Perry ancien ministre de la Défense ont au cours des années lancé un avertissement de même nature. Des politologues de renom comme John Mearsheimer et Stephen Walt qui font partie de l'école réaliste en politique étrangère n'ont cessé de dénoncer le danger de l'élargissement de l'OTAN. Walt souligne à juste titre que cette crise aurait pu être évitée par une diplomatie plus adepte. Toutes ces personnalités ne peuvent êtes soupçonnées d'une proximité idéologique avec Poutine. Le récit médiatique dominant qui s'articule autour d'un légitime effroi face à la guerre cherche à gommer cette histoire pour transformer l'histoire du conflit en un manichéisme simple : Poutine est fou, paranoïaque et cherche à reconstituer l'URSS dont il regrette la disparition. Ce récit s'appuie sur quelques réalités mais passe sous silence tous les avertissements sur le point central de l'extension de l'OTAN comme si évoquer cet aspect était être l'allié de Poutine ou sa dupe. (…)</p> <p>Nous savons aussi, grâce aux archives de la National Security américaines que promesse avait été faite à Gorbatchev en 1990 de ne pas étendre l'OTAN « d'un pouce vers l'Est », promesse verbale mais authentifiée dans de nombreux documents que tous les médias pourraient facilement consulter. Aujourd'hui le récit médiatique dominant soit invisibilise cette promesse soit affirme qu'elle ne concernait que l'ex RDA. La vérité est la première victime de la guerre et ceci s'applique à Poutine mais aussi aux Occidentaux qui nient l'histoire pourtant consultable dans des archives. Le site Les Crises a publié tous ces documents sur l'expansion de l'OTAN.</p> <p>Une fois encore cette histoire de promesse non tenue et d'élargissement de l'OTAN ne dédouane pas Poutine qui a lancé la guerre. Les médias qui tentent de faire croire que mentionner ces documents serait de la propagande russe sont eux-mêmes dans une posture propagandiste. L'OTAN s'est élargi jusqu'aux frontières de la Russie et une base en Pologne, équipée de missiles n'est qu'à 160 km de la Russie. Les avertissements américains sur les dangers de l'élargissement n'ont cessé de se vérifier. En 2008 les États-Unis plaidaient à Bucarest pour inclure la Géorgie et l'Ukraine dans l'OTAN. La France et l'Allemagne s'y étaient opposées mais il fut décidé que ces deux pays, à terme, rejoindraient cette organisation. Les grandes puissances n'acceptent pas que leurs rivales installent des bases ou des capacités militaires à leurs portes. Lorsque l'URSS a voulu installer des missiles nucléaires à Cuba en 1962, la pression américaine a conduit à ce qu'ils soient retirés. Si le Mexique, pays pourtant, en théorie tout au moins, souverain, voulait inviter la Chine à établir une base avec des missiles sur son territoire les États-Unis lui interdiraient immédiatement.</p> <p>L'élargissement de l'OTAN était donc reconnu comme un danger par des spécialistes américains et vécu comme une provocation par la Russie. En 2008 une guerre avait éclaté en Géorgie entre ce pays et la Russie qui soutenait des républiques séparatistes. Le stratège américain Zbigniew Brezinski avait formulé une idée concernant l'Ukraine dans son ouvrage majeur Le Grand échiquier : la Russie ne pouvait être une grande puissance sans l'Ukraine. Aujourd'hui la propagande de Poutine refuse de reconnaître l'existence de l'Ukraine en tant que pays souverain et indépendant. Selon les théories réalistes les pays souverains qui jouxtent les grandes puissances sont soumis aux pressions de ces puissances. (…) Le coup de force russe a fait rentrer Macron dans le jeu de l'Alliance atlantique et fait changer l'Allemagne de doctrine en matière de politique étrangère. Ces deux pays souverains ne peuvent résister aux demandes pressantes des États-Unis, un allié aux postures parfois agressives. Obama s'était opposé à la vente d'armes à l'Ukraine et il pensait que ce pays était dans la zone d'influence russe et que par conséquent la Russie serait toujours prête à mettre plus de moyens militaires dans sa défense que les États-Unis n'étaient disposés à en mettre pour un pays éloigné qui n'est pas essentiel à leur défense. Depuis 2017, donc depuis l'arrivée de Trump au pouvoir, les États-Unis n'ont cessé de livrer des armes à l'Ukraine pour selon un élu démocrate au Congrès, Adam Schiff, « combattre la Russie là-bas plutôt qu'ici ». Si l'on se réfère aux idées d'Obama, on ne peut conclure que l'Ukraine risque d'être non pas protégée par ces armes mais au contraire dévastée. La sortie du conflit sur Cuba en 1962 pourrait servir de modèle. Il faut que les armes russes se taisent, au plus vite, mais aussi que l'OTAN examine l'histoire de ses provocations.</p> <p><i>Article paru dans <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> Elections législatives au Portugal : Bruno Fialho, ancien élu parisien, est candidat. Un point de vue http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2728 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2728 2022-01-16T14:17:00Z text/html fr Bruno Fialho, Jean-Luc Gonneau <p>Le Portugal, seul pays européen doté d'un gouvernement soutenu pae une sorte d'union de la gauche, retourne aux urnes à la fin de ce mois. Jean-Luc Gonneau propose une analyse de sa rencontre avec Bruno Fialho, candidat du Bloc de gauche, à l'un des deux sièges réservés aux portugais de l'étranger européen.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>Depuis 2015, le Portugal est gouverné par le Parti socialiste (PS), soutenu, c'était une première depuis le rétablissement des élections législatives, par le Parti communiste (PCP) et le plus récent Bloco de Esquerda (BI), que l'on peut comparer à la France Insoumise. Un soutien sans participation au gouvernement, comme le fit le PCFau moment du Front Populaire. Tout allait à peu près jusqu'au rejet du projet de budget proposé par le gouvernement socialiste à la fin de l'année dernière, provoquant des élections anticipées qui auront lieu à la fin du mois. Voilà planté le décor, mais tout décor a un envers, et pour l'appréhender, nous avons rencontré Bruno Fialho, candidat du BE à l'un des deux postes de députés à l'élire par les portugais vivant en Europe hors Portugal. Un acteur donc de cette élection, et quoi de mieux qu'un acteur pour regarder l'envers du décor.</p> <p>Nous avons connu Bruno Fialho quand, à l'aube de ce siècle, il était un actif militant du PCF et non moins actif maire-adjoint du 18e arrondissement parisien, aux côtés de Daniel Vaillant (PS, fidèle de Jospin), nettement plus pépère, lui. Nous l'avons vu plus tard se rapprocher de la France insoumise, puis créer au Portugal un restaurant du genre coopératif (l'économie sociale est une de ses passions) qui ne put résister aux conséquences du covid. Et le revoilà candidat du BE. « Je ne suis fâché ni avec le PCF ni avec le PCP, d'ailleurs je m'abstiens de toute critique des candidats de la CDU (alliance PCP-Verts) pendant la campagne. J'ai trouvé simplement davantage de souplesse dans le fonctionnement du BE ».</p> <p>Concernant le décor, il analyse la décision d'anticiper l'élection comme une manœuvre d'Antonio Costa (PS), premier ministre en titre. « Antonio Costa, au vu des sondages, a dû penser que le PS pouvait obtenir une majorité à lui seul au Parlement. Donc, phase 1, je concocte un projet de budget chiche sur le plan social dont je sais que le PCP et le BE monteront au rideau. Phase 2 : je refuse poliment les propositions du BE et du PCP, dans le genre « vous n'y pensez pas, les amis, vu l'état du pays, le covid, tout ça...). Phase 3 : comme prévu, le BE et le PCP votent contre, avec la droite et je suis en minorité. Phase 4 : hop, élections anticipées et bingo, je gouverne tout seul ». Du classique. Les britanniques sont experts en la matière : les sondages sont bons mais plus tard ça peut se gâter ? Allez, on dissout, toujours ça de pris. Ou pas. On se souvient, en France, de la dissolution voulue par Jacques Chirac : il avait Juppé, il écopa de Jospin. Mais revenons au Portugal.</p> <p>Au niveau national, il est possible qu'Antonio Costa gagne son pari et dans ce cas pratique une prudente politique dans la lignée très modérée d'une social-démocratie européenne de moins en moins sociale. Soit il n'obtient qu'une majorité relative, auquel cas il sera condamné à choisir entre une « grande coalition » à la Merkel avec son rival du Parti social démocrate (PSD), qui n'a rien de social et ne fut pas toujours démocrate. Rien ne dit que le PSD marche dans la combine, rien ne dit que PCP et BI obtiennent des concessions. Dans ces cas, comme le dit Bruno Fialho, une crise s'ouvre dont il est difficile de prévoir l'issue. Et dans le premier cas, celui d'une « grande coalition », le peuple portugais risque fort d'en baver.</p> <p>Tout ceci est bien beau, mais l'ami Bruno, lui, a une campagne locale à mener. Et sa circonscription, c'est l'Europe, au sens large, incluant les pays européens non membres de l'union, qui tels la Grande-Bretagne ou la Suisse, sont établis nombre d'électeurs. Une population où le taux d'abstention est abyssal, où les moyens d'information des ambassades et consulats sont restreints. « Je concentre ma campagne sur la France, avec quelques contacts dans les autres pays. Il ne faut pas se faire d'illusion sur l'issue du scrutin ici. Depuis des années, les deux sièges sont partagés entre le PS et le PSD, représentés depuis des années par les mêmes députés, qui ont eu le temps de sillonner les associations portugaises. Beaucoup votent plus pour l'un ou l'autre en fonction de leur nom plus que parce qu'ils sont PS ou PSD. Cette année, le député sortant du PSD n'a pas été renouvelé, ce qui ouvre une petite, bien petite, ouverture pour capter quelques voix. Je ne me fais d'autant moins d'illusion sur mon élection que je ne suis que deuxième de liste, et qu'il faudrait un score hypermajoritaire du BE pour que je sois élu. Pour moi, l'enjeu du scrutin est d'aider à une prise de conscience citoyenne de nos électeurs, d'enraciner une volonté d'agir ensemble, déjà présente dans les actions associatives mais aussi capable d'embrasser les enjeux politiques et sociaux majeurs de notre époque. Ce n'est pas un hasard si notre campagne est fondée sur le triptyque Salaires Santé Climat, dont lr troisième terme touche particulièrement notre pays après des années et des années d'incendies suivies, ou pas, de campagnes de reforestations imbéciles. Je souhaite aussi dans ma campagne, mettre l'accent sur l'idée d'autonomie. Le Portugal, comme la France d'ailleurs, peut produire pour exporter, mais doit avant tout penser à satisfaire lui-même, autant que possible, ses propres besoins, et ces besoins, c'est aux citoyens de les définir »</p> <p>Nous avions connu un jeune et fringant adjoint au maire parisien, nous avons retrouvé un tout récent quinquagénaire, toujours aussi fringant, davantage lucide mais toujours aussi enthousiaste.</p></div> Migrants, Biélorussie, Pologne, et hypocrisie généralisée http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2711 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2711 2021-12-12T00:54:00Z text/html fr Pierre Guerlain <p>La tragique situation de milliers de migrants à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne est envenimée par des enjeux géopolitiques complexes, où l'hypocrisie des parties en présence est générale. L'Union européenne y a sa part, peu glorieuse et fort éloignée de ses principes. L'historien Pierre Guerlain nous explique tout ça.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>La récente crise dite des migrants à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne a donné lieu dans les médias dominants à une habituelle série de dénonciations et silences sur des points importants. Commençons par ce qui est rapporté et juste dans cette affaire : Loukaschenko le président biélorusse a bien instrumentalisé la présence de réfugiés que la Biélorussie a fait venir du Liban et du Moyen Orient par la compagnie d'aviation nationale, Belavia. Des passeurs ont fait croire à des réfugiés que leur arrivée à Minsk allait leur ouvrir les portes de l'Europe et leur ont soutiré des sommes importantes. Envoyés à la frontière avec la Pologne les réfugiés se sont heurtés à la police et aux fils de fer barbelés érigés par la Pologne. L'UE a décidé d'afficher sa solidarité avec la Pologne alors que celle-ci traite les migrants de façon inhumaine qui ne respecte en rien les fameuses « valeurs » européennes.</p> <p>Les médias dominants qui vouaient la Pologne aux gémonies pour son non respect de l'État de droit et ses lois contre l'avortement et l'UE qui avait imposé une astreinte d'un million d'euros à la Pologne pour sa mise au pas de la justice se retrouvent maintenant à défendre un pays qui se comporte de façon brutale à sa frontière. Le comportement de la Pologne admiratrice de Trump n'est pas étonnant et les extrêmes droites européennes qui l'applaudissent ne se sont pas trompées : elles applaudissent un gouvernement d'extrême droite. On aurait pu attendre une position différente de la part des néolibéraux au pouvoir tant à Bruxelles qu'à Paris. Donc il faut sortir d'un cadre manichéen pour comprendre les enjeux : le cynisme cruel de la Biélorussie ne fait pas de la Pologne un État exemplaire. Au contraire, la Pologne instrumentalise cette crise à son profit non seulement vis à vis de l'UE où elle se comporte en passager clandestin (free loader) mais aussi pour faire taire les oppositions internes.</p> <p>Les médias dominants accusent Poutine d'orchestrer cette crise pour s'en prendre à l'Europe et dénoncer son hypocrisie. Il est sûr que la Russie et le monde occidental sont engagés dans une sorte de guerre de propagande et que chacun rend coup pour coup. Poutine n'était cependant pas prêt à laisser la Biélorussie fermer les vannes des gazoducs car cela aurait pénalisé la Russie. On ne sait pas de source sûre si cette instrumentalisation des réfugiés a germé dans la tête de Loukaschenko ou si Poutine lui en a soufflé l'idée mais on peut penser que la folle idée de jouer avec les approvisionnements en gaz est biélorusse plutôt que russe.</p> <p>Cependant le petit jeu manichéen non seulement efface les critiques vis à vis de la Pologne extrémiste mais gomme aussi les pratiques des autres pays européens. Les migrants ne sont pas bien traités à Calais ou par la Grande Bretagne et le Danemark a proposé des barrières de la honte (barbelés coupants) à la Lituanie pour qu'elle aussi cherche à se protéger des réfugiés par une barrière infranchissable. Du reste, douze pays de l'UE ont demandé à l'UE de financer des barrières anti-migrants sur le modèle dano-lituano-polonais. On le voit le problème est bien plus vaste qu'un conflit entre bons et méchants à la frontière polono-biélorusse. Le nombre de personnes et de pays problématiques s'allonge. Mais il n'est pas question pour les responsables de l'UE d'admettre que leur attitude s'éloigne des principes et valeurs constamment vantés dans les médias.</p> <p>Élargissons un peu le problème. Lors d'un entretien avec la chaine de TV américaine, Democracy Now, le secrétaire général du conseil pour les réfugiés norvégien, Jan Egeland, parle de la situation en Afghanistan et en Iran. 60 % de la population afghane souffre de malnutrition ou de famine mais l'aide internationale pour ce pays est coupée et des avoirs gelés dans les banques occidentales. Alors que la guerre a couté plus de 2300 milliards de dollars une petite partie de cet argent pourrait éviter la famine mais les pays occidentaux voulant punir le régime des Talibans refusent l'accès aux aides qui pourraient sauver les gens ordinaires. Les Occidentaux sont complices de la famine qu'ils ont, en partie, crée. 5000 réfugiés afghans passent en Iran chaque jour. L'Iran compte déjà plus de réfugiés afghans que 30 pays européens combinés. L'Iran est lui-même soumis à des sanctions internationales et, comme pour l'Afghanistan, cela affecte ses hôpitaux qui n'ont plus accès aux médicaments. Il y a là un crime contre l'humanité et aussi une grande preuve d'hypocrisie des dirigeants européens qui se focalisent sur un indéniable cynisme meurtrier de la part de la Biélorussie, peut-être encouragé par la Russie, mais oublient leurs propres agissements ailleurs dans le monde. Il ne s'agit pas de noyer le poisson (ce que les anglophones appellent le « whataboutism ») car les crimes de l'un n'effacent pas les crimes de l'autre.</p> <p>Pour un grand nombre de médias qui suivent les préférences idéologiques des dirigeants les causes humanitaires sont corrélées aux positions géopolitiques. Il s'agit de dénoncer les crimes et le cynisme des ennemis tout en passant sous silence son propre cynisme criminel. On dénonce la Biélorussie, effectivement ignoble, à bon compte et l'on oublie la misère et la cruauté dont nous sommes responsables. Rien de nouveau sous le soleil, il s'agit du phénomène que Herman et Chomsky avaient appelé, dans leur ouvrage sur la Fabrication du consentement des « victimes dignes d'intérêt et non-dignes d'intérêt » (worthy and unworthy victims). L'UE qui se présente en chevalier blanc moral non seulement soutient l'extrême droite en Pologne mais opte pour la cécité volontaire lorsqu'il s'agit des morts qu'elle, avec les États-Unis bien sûr, cause par sanctions et refus d'aides interposés. Elle est en bien mauvaise posture pour dénoncer l'hypocrisie des autres (autres qui ne sont pas non plus dépourvus d'hypocrisie). <i>Paru dans la revue Recherches internationales, <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> DU BON USAGE DE LA SOUVERAINETÉ EN EUROPE http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2443 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2443 2020-02-20T01:43:00Z text/html fr Michel Rogalski <p>"Il faut évidemment se poser la question de la place du curseur des délégations de souveraineté au sein de l'Union européenne. Il faut se demander à quoi elles servent ? Protéger les peuples européens ou au contraire renforcer les contraintes qui pèsent sur eux ? Il faut enfin se demander quel type d'Europe, forte des délégations opérées, pourrait être la garante des aspirations voulues par les peuples des États-membres ?"</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>Disons-le d'emblée, l'autarcie choisie, frileuse et repliée ne peut proposer un horizon enviable pour aucun peuple. Les pays qui se sont retrouvés dans cette situation ne l'ont pas choisie. Elle leur a été imposée. Et les conséquences ont souvent été douloureuses pour eux. Face à la mondialisation déferlante la question n'est plus de la fuir, mais de savoir comment y faire face et s'en protéger, voir d'en tirer avantage comme certains pays ont su le faire. Il y a longtemps que nous sommes entrés dans un monde interdépendant – certes où certains étaient plus dépendants que d'autres – dont il serait vain de parier sur la fin, même lointaine. La planète s'est rétrécie. Des problèmes communs de plus en plus nombreux sont apparus et appellent, pour y faire face, à des coordinations de plus en plus étroites dans le respect des souverainetés de chacun.</p> <p>C'est cette notion de souveraineté qui est au cœur de la mise en relation avec d'autres. Personne n'ose la réfuter, car alors il faudrait dans la foulée avancer ce que serait son contraire souhaitable. C'est de l'ordre de l'indicible. Qui oserait dire qu'il est favorable à une soumission, une dépendance, une obéissance, une servilité ? On l'a compris tout le monde se réclamera de la souveraineté, quitte à la décliner sous différentes acceptions.</p> <p>Dans la mondialisation, il est d'usage, face à ce qu'il est convenu d'appeler la « contrainte extérieure » de se réclamer de la souveraineté. Mais celle-ci sera déclamée tantôt comme populaire, tantôt comme nationale. Comment s' y retrouver ? La « populaire » sera souvent avancée par les forces progressistes qui verront dans la « contrainte extérieure » alléguée le prétexte de revenir sur des acquis sociaux présentés par les tenants d'un libéralisme mondialisé comme des scories rendant inaptes à s'insérer dans la concurrence internationale. Car pour les adeptes de cette mondialisation, la « contrainte extérieure », ou les « signaux » des marchés ne signifient rien d'autre qu'une contrainte interne qu'il s'agit de casser pour rendre le pays apte à s'insérer dans le marché mondial. Le prurit de la réforme – en réalité la casse des acquis sociaux – les animera de façon fébrile ?</p> <p>La « nationale » sera revendiquée par des secteurs de l'économie qui se sentiront fragilisés et menacés par la concurrence mondiale. C'est l'expression d'un petit ou moyen patronat qui ne sent pas apte à résister à cette concurrence qui vient de loin. Elle sera revendiquée par des couches sociales souvent attirées par un vote à droite.</p> <p>Il est des circonstances, assez exceptionnelles, où ces deux approches de la souveraineté peuvent se rapprocher et bousculer les clivages politiques établis. Ce fut le cas dans la Résistance où la création du Conseil national de la résistance transcenda les deux approches qui fusionnèrent à travers le terme de patriotisme. En 2005, à l'occasion du referendum sur le Traité constitutionnel européen, le Non de gauche et le Non de droite se mêlèrent dans l'urne, chacun exprimant une acception de la souveraineté différente, pour les uns des craintes sociales, économiques et monétaires, pour les autres des préoccupations sociétales ou identitaires, mais tous deux comprenant que la structure supranationale que représentait l'Union européenne était devenue incompatible avec leur projet politique.</p> <p>La construction européenne présente un cas particulier de la mondialisation. C'est un espace continental où ses formes ont été les plus accentuées et où les traités se sont empilés entrainant chaque fois des délégations de souveraineté : Acte unique, Traité de Maastricht, Pacte de stabilité, le tout repris et rassemblé dans le corset du Traité de Lisbonne et complétés et aggravés par ceux découlant de la gestion de la monnaie unique allant jusqu'à faire obligation aux parlement nationaux à faire viser par la Commission européenne les projets de budgets de chaque pays. La construction européenne est ainsi devenue le laboratoire de la mondialisation, sa forme la plus avancée et ne peut être considérée comme potentiellement lui être porteuse de résistance. Car elle en réunit tous les ingrédients : marché unique, libre circulation des marchandises, des capitaux et des travailleurs dans un espace où les écarts de salaires s'échelonnent de 1 à 9 et où les normes sociales, fiscales et environnementales sont différentes. Dans un tel espace ce qui s'échange ce ne sont pas des marchandises mais les conditions contextuelles dans lesquelles elles sont produites. Il est vain alors de parler de concurrence libre et non faussée. Les dérives délétères de la mondialisation y ont été multipliées rendant problématiques les conditions de l'exercice de la souveraineté dans cet ensemble européen. On comprend ainsi pourquoi prétendre construire l'Europe pour s'opposer à la mondialisation relève de l'escroquerie.</p> <p>On ajoutera que tous ces traités, empilés et gravés dans le marbre puisqu'il faudrait un accord unanime pour les modifier, n'ont pour principale fonction que de permettre aux bourgeoisies conservatrices du continent de prendre une assurance tous risques contre les aléas de la démocratie et du balancier politique en intimant à tout « déviant » la nécessité de rentrer dans le « cercle de la raison ». Jean-Claude Juncker a su résumer cette situation en annonçant au Grecs en 2015 qu'« il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens déjà ratifiés » et nous a ainsi annoncé la nature du verrouillage mis en place. La question est alors de savoir si les délégations de souveraineté consenties doivent servir de plafond de verre contre la démocratie ou au contraire, si cette Union européenne renforcée doit devenir permissive, voire accompagnatrice des changements espérés par les pays-membres.</p> <p>Bien sûr, il est vain de prétendre co-construire avec d'autres sans imaginer devoir déléguer des moyens ou de la souveraineté. Mais cela se fait avec l'objectif de renforcer l'échelon supérieur afin qu'il protège mieux ou qu'il s'oppose à des forces extérieures jugées délétères. Par exemple mettre tout en œuvre pour faire face aux grands acteurs de la mondialisation, comme les grands États, ou la finance mondialisée, les firmes multinationales, les lobbies, etc. Mais pas pour leur dérouler le tapis rouge faisant de l'Union européenne un espace à dévaliser où l'on vient faire son marché. On pense à tout ce qui pourrait être fait au service d'une politique industrielle maitrisée, à la lutte contre les paradis fiscaux, contre l'impunité et l'arrogance des GAFA ou le poids des lobbies qui foisonnent à Bruxelles.</p> <p>Le piège se referme lorsque les délégations de souverainetés se retournent contre l'échelon de départ, le pays-membre, et deviennent constitutives de contraintes, notamment austéritaires – au travers des « critères » de Maastricht - façonnées par des instances communautaires non-élues. L'exemple des directives européennes élaborées à Bruxelles et qui irriguent la production législative des parlements nationaux doit faire réfléchir. Voilà des textes qui sont élaborés sous l'influence de lobbies, c'est à dire dans des conditions qui ne seraient pas autorisées en France, et qui vont être adoptées en bloc et sans discussion par nos parlementaires. C'est ainsi que l' « harmonisation » européenne avance masquée. De telles délégations de souveraineté consenties dans de telles conditions et sachant qu'elles vont se retourner contre les pays-membres en lui imposant ce qu'il n'a pas voulu à priori devraient s'intituler abandons de souveraineté et consistent à se livrer pieds et poings liés au bourgeoisies libérales-conservatrices qui dirigent l'Union européenne.</p> <p>Il faut évidemment se poser la question de la place du curseur des délégations de souveraineté au sein de l'Union européenne. Il faut se demander à quoi elles servent ? Protéger les peuples européens ou au contraire renforcer les contraintes qui pèsent sur eux ? Il faut enfin se demander quel type d'Europe, forte des délégations opérées, pourrait être la garante des aspirations voulues par les peuples des États-membres ?</p> <p><i>Article paru dans la revue Recherches internationales <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-international...</a></i></p></div> MODE DE VIE EUROPEEN ? MON CUL, EUT DIT ZAZIE. http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2414 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2414 2019-11-01T22:55:11Z text/html fr Jean-Luc Gonneau <p>En nommant une commissaire en charge du « mode de vie européen », le nouvel exécutif bruxellois baigne dans l'hypocrisie et le repli sur soi, loin de l'universalisme tant vanté (et dévoyé aussi). C'est le thème de l'édito de Jean-Luc Gonneau.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>On allait voir ce qu'on allait voir. Enfin débarrassés du jusque là inusable Jean-Claude Juncker, certes aimable pilier de bar, mais aussi et surtout maître tripatouilleur de l'« évitement fiscal », nous allions faire connaissance, à la présidence de la Commission européenne d'une impétueuse cavalière allemande, Ursula Gertrud von der Leyen, qui s'illustra dans son pays en tant que ministre de la famille et de la santé, plutôt progressiste pour une libéro-conservatrice (développement des crèches, congé parental, mariage gay), puis du travail, enfin de la défense, avec moins de succès. Et puis boum : quelques pays membres lui proposent des commissaires aux antécédents pas très clairs (dont la France, le président Macron poussant Sylvie Goulart) qui se font retoquer par le Parlement européen. Une première tuile dont elle peut se remettre, n'en étant pas la principale responsable. Et reboum, elle annonce la création d'un commissariat « à la protection de notre mode de vie européen et aux migrations »</p> <p>Un intitulé à faire bondir pour au moins deux raisons. D'abord, l'accolement de la « protection du mode de vie européen » aux migrations, laissant clairement entendre que les migrations constituent une menace pour ce mode de vie qu'il conviendrait de défendre. Quelles migrations sont visées ? Il s'agit de montrer du doigt celles provenant de l'Afrique et du Moyen-Orient, dont le « mode de vie » serait difficilement compatible avec celui, s'il existe, du « modèle européen ». On retrouve là, sous-jacent, un argument développé par l'extrême droite, explicité en France par l'écrivain Renaud Camus ou par le regrettable Eric Zemmour, celui, fantasmatique, du « grand remplacement ». Un autre élément, hélas structurant, concerne le rôle de la religion. Notons à ce sujet l'exception française, qui a choisi, après de longs et parfois violents soubresauts, la voie de la laïcité, ignorée dans la presque totalité des autres pays qui préfèrent parler de liberté religieuse. S'il n'existe plus vraiment de religion d'Etat, la notion d'Europe chrétienne a la vie dure, et reconnait davantage une tradition qu'une réalité, la pratique religieuse, hors certains pays de l'est, régressant régulièrement. Elle permet d'insinuer que les religions d'origine extra-européenne (donc l'islam, car les religions extrême-orientales sont discrètes et ne séduisent qu'un nombre limité d'adeptes européens fans de zen et de méditation plus ou moins transcendantales)</p> <p>Et plus précisément, plus largement se pose la question : qu'est-ce que le « mode de vie européen » ? Un mode de vie peut se caractériser par une multitude d'éléments, touchant à l'organisation sociale et à la vie quotidienne. La place manque ici pour en faire une analyse exhaustive. Prenons donc quelques exemples que nous espérons significatifs. Au niveau de l'organisation sociale, la famille est considérée partout comme une cellule sociale importante. Sa composition peut certes différer sur certains points, dont l'un, la monogamie est la règle en Europe (mais elle y existe depuis toujours sous la forme « épouse ou époux/maitresse(s) ou amant(s) », même si les cas de « ménages à trois » ou plus sont rares. Les états européens ont toutefois largement réglé cet éventuel problème en proscrivant la polygamie par des dispositions légales. Il en est de même pour les cas de mariages arrangés ou forcés qui sont de tradition dans les « modes de vie » de certains pays. Et qui furent de tradition dans l'aristocratie et la haute bourgeoisie européenne pendant des siècles. Enfin, un autre élément important de l'organisation sociale concerne la vie démocratique. L'Union européenne impose à ses membres un fonctionnement démocratique, et tant mieux. Elle tolère toutefois, bonne fille qu'elle est, des manquements manifestes à ce fonctionnement (les cas actuels les plus voyants concernent notamment la Hongrie et la Pologne). Autre marqueur important de vie démocratique (et qui touche aussi fortement la vie quotidienne), l'égalité entre hommes et femmes, qui n'existe pas dans certains pays générant des mouvements migratoires. Rappelons ici que l'égalité civile en France est une conquête récente (droit de vote des femmes en 1944, droit au compte en banque et au chéquier des épouses et droit d'exercer une profession sans l'autorisation du mari en 1965, substitution de l'autorité parentale à l'autorité paternelle en 1970). Ces principes ne sont pas toujours assimilés et pratiqués dans certaines familles originaires de certains pays (mais aussi, même si moins fréquemment, dans des familles « de souche »). Un effort d'éducation, une information plus intensive des droits des personnes dont la liberté est entravée est nécessaire, et elle ne peut se faire efficacement qu'au niveau des pays membres.</p> <p>Un mot sur la vie quotidienne : le mode de vie « européen » n'existe pas. On ne mange pas la même chose en Espagne ou au Danemark, on n'y mange pas, on n'y travaille pas aux mêmes horaires. Et pour rester dans le domaine alimentaire, nul ne saurait prétendre que le succès d'alimentations extra-européenne (couscous, plats asiatiques ou indiens…) altère en quoi que soit quelque « mode de vie » que ce soit. On ne pourrait en dire autant, toujours dans le mode alimentaire, des fast food et nourritures transgéniques issues du « mode de vie » américain et qui constituent une menace sanitaire. Petit clin d'œil : ne serait-ce pas contre ce mode de vie là dont il faudrait se protéger ?</p></div> DE L'EUROPE-SOLUTION A L'EUROPE-PROBLEME http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2371 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2371 2019-07-15T21:45:00Z text/html fr Michel Rogalski <p>Europe encore avec Michel Rogalski, directeur de la revue Recherches Internationales. Dans De l'Europe-solution à l'Europe-problème, il nous alerte sur l'impuissance européenne à résoudre les crises qui la traversent. Le libéralisme post-Maastricht ayant tué l'Europe sociale, voilà les institutions européennes fort dépourvues pour endiguer la vague brunâtre qui se lève.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>Après le Traité de Maastricht, les bourgeoisies conservatrices européennes se rassuraient. Elles avaient compris que l'empilement de traités successifs leur permettait d'asseoir leur emprise sur les modalités et les orientations de la construction de l'Union européenne. Désormais la route était libre pour promouvoir le libre-échange « non faussé », mettre en concurrence, face au privé, les services publics, délocaliser, dévaster des bassins d'emplois. Globalement il s'agissait de remettre en cause l'ensemble des acquis sociaux constitués depuis 1945 et présentés comme des scories ou des rugosités, obstacles évidents à l'adaptation d'un continent à la déferlante de la mondialisation qui submergeait la planète. L'Europe ni dérogeant pas, mais en constituant au contraire la forme la plus poussée d'un continent où jamais autant de souveraineté n'avait été consentie à des formes supranationales et où l'interdépendance économique et financière ne s'était jamais autant développées. Plus que protection contre la mondialisation, l'Europe en était devenue son laboratoire. L'horizon devait être verrouillé. Réformes et Constitution devaient ainsi transformer le continent et permettre ainsi à ses bourgeoisies d'y jouir d'une quiétude garantie par l'entrée dans le « cercle de la raison ». Une assurance tous risques, avait été ainsi prise s'accompagnant d'un « réducteur d'incertitude ». Le balancier politique allait enfin pouvoir osciller tranquillement entre centre-gauche et centre-droit qui pourraient ainsi mener la même politique en feignant de s'opposer.</p> <p>Mais cette Europe-solution a volé en éclat sous les réticences et les résistances et sur ses divisions sur l'horizon recherché. Le referendum de Maastricht et surtout celui sur la Constitution européenne en 2005 en ont fait figure d'annonce et ont fait apparaître des clivages nouveaux qui ne recoupaient plus ceux traditionnellement établis. Pour l'essentiel ces clivages perdurent et travaillent la société politique. Tous les faits accumulés depuis – ratification du Traité de Lisbonne, décision du Brexit de la Grande-Bretagne, attitude envers la Grèce de Tsipras, impossibilité de dégager une position commune sur les migrations – attestent que cette construction inspire de plus en plus de réticences qui s'expriment de façon désordonnée. La fermeté de Bruxelles vis-à-vis de tout écart est aujourd'hui actée et l'on ne doit pas s'étonner des turbulences qui s'ouvrent de toutes parts en Europe, à l'Est, au Nord et au Sud. Face à ce que représente aujourd'hui la forme de ce libéralisme autoritaire européen, des régimes nouveaux émergent, qualifiés de démocraties illibérales (régimes élus démocratiquement, mais ne respectant pas les règles du partage des pouvoirs, voire des libertés politiques) ont surgi et effritent l'autorité de Bruxelles. Des bras de fer se construisent avec la Pologne, la Hongrie et gagnent la vieille Europe comme l'Italie sur fond d'un Brexit qui n'en finit pas de déstructurer la vie politique britannique. Des partis ouvertement antieuropéen, profitant de cette « fenêtre », n'hésitent plus à investir le Parlement européen pour fragiliser de l'intérieur encore plus l'ensemble. C'est une une lente décomposition qui s'annonce. Ainsi va l'Europe qui ne peut plus jouer avec autant d'assurance qu'avant la meilleure protection contre le changement social.</p> <p>Ses responsables oseront-ils demander aux forces de progrès social dont ils ont tout fait pour que leurs programmes ne puissent se mettre en œuvre de les aider aujourd'hui à combattre la nouvelle menace ? Bref demander l'aide de ceux que l'on a cassés et réduits en invoquant maintenant un autre danger. Cette Europe qui offrirait un tel choix piégeant deviendrait alors un vrai problème.</p> <p><i>Texte paru dans la revue Recherches internationales <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-international...</a>, </i></p></div> APRES LA GRECE, L'ITALIE ? DEMOCRATIE OU DIKTATS DE L UE ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2365 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2365 2019-07-09T21:06:00Z text/html fr Marc Mangenot <p>Marc Mangenot, distingué membre de la Fondation Copernic, nous alerte, dans Après la Grèce, l'Italie ? Démocratie ou diktats de l'UE ?, sur la situation italienne. L'improbable coalition entre extrême droite et néo-gauchiste au pouvoir a certes de quoi dégoûter plus d'un, mais cela n'est pas une raison pour ne pas voir les manœuvres tortueuses de l'Union Européenne pour tenter d'étouffer les quelques mesures sociales prévues. Comme en Grèce, quoi.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>Il serait présomptueux de tirer des enseignements de la situation politique en Italie. L'issue du différend qui oppose le gouvernement italien à la Commission, et surtout les péripéties qui vont la précéder, ne peuvent être précisément connues à l'avance. Toutefois, je voudrais attirer l'attention sur deux questions qui agitent effectivement l'Italie et l'Union européenne. D'une part, le bras de fer que la Commission de l'UE et la majorité du Conseil des Ministres imposent au gouvernement italien. D'autre part, les différends, concernant la tactique à adopter vis-à-vis de la Commission, qui opposent les deux forces coalisées : la Ligue (la Lega) et le Mouvement 5 étoiles (M5S), et divisent aussi ce dernier. Ces questions devraient intéresser, en France à tout le moins, les organisations partisanes d'une transformation sociale, écologique et démocratique. En tous les cas devraient être suivies avec un peu d'attention.</p> <p>Le fait que la coalition jaune-verte ne convienne en rien, n'autorise pas à se désintéresser de ce qui se passe en Italie, ni de la position de l'UE sur la question du déficit budgétaire italien. C'est une coalition hétéroclite, née des dernières élections législatives. Elle réunit un parti de droite extrême (la Lega) et un mouvement qui s'est constitué autour du thème anti-corruption, sur la base d'un antiparlementarisme exacerbé et démagogique, eurosceptique, écologiste plus ou moins (opposé par exemple au projet de tunnel pour une nouvelle ligne Lyon-Turin), moins anti-immigré que la Lega mais dont les déclarations des fondateurs (à commencer par le comique Beppe Grillo) étaient assez hostiles à l'accueil des migrants. La question n'est donc pas de savoir si ce gouvernement mérite un soutien quelconque, mais en quoi peut nous intéresser sa résistance (néanmoins évolutive) au diktat de la Commission quant au déficit budgétaire 2019 et des années suivantes, après le compromis plus ou moins bancal trouvé fin 2018 pour le budget de cette année-là (1). En quoi aussi, nous nous questionne le lâcher du lest possible par les cinq étoiles sur le projet de la ligne en Lyon-Turin constitue une monnaie d'échange qui montre l'étendue des moyens de pression de l'Union européenne.</p> <p><strong>L'Union européenne en gendarme de la finance publique</strong></p> <p>Ce qui importe ici n'est pas la couleur du gouvernement, mais sa capacité d'autonomie contestée par la Commission, le Conseil des ministres, l'Écofin, etc. Le gouvernement par les règles ne supporte a priori aucune dérogation, surtout si le pays contrevenant n'est ni l'Allemagne, ni la France (2) . La Grèce (et surtout sa population) a fait les frais d'une politique imposée à l'aide de la Troïka, tuteur-gendarme omniprésent. Alors, pourquoi pas l'Italie aujourd'hui, comme nombre d'observateurs l'avaient envisagé depuis 2015.</p> <p>De quoi, en quelques mots, s'agit-il en 2019. Les prévisions de croissance ont été revues à la baisse, mais cela est vrai pour d'autres pays membres. D'aucuns font même l'hypothèse d'une éventuelle récession dont le risque serait dû justement au déficit public. Or, et je n'ai pas lu d'analyses sérieuses qui nient un fort effet négatif sur l'économie et la consommation italiennes lors de la mise en place de l'euro. Ce handicap non surmonté persiste et s'aggrave avec un euro fort par rapport au dollar US. Par ailleurs, mais sur ce point les analyses évidemment divergent beaucoup, les politiques d'austérité ont pénalisé bien des économies, et l'économie italienne a particulièrement été affectée, d'où la non réduction du déficit public qui ne s'explique pas seulement par un net ralentissement de la croissance.</p> <p>De plus le gouvernement italien propose un budget contenant des mesures sociales dont le coût immédiat pourrait peser négativement sur les comptes nationaux. Par exemple, la mesure emblématique d'établissement d'un revenu de citoyenneté, défendue par les cinq étoiles.</p> <p>Compte tenu de cela, entre autres, le gouvernement italien présente un budget 2019 avec un déficit plus important que celui de 2018, ce qui par conséquent confirme une tendance à la croissance du déficit. Le sang du président Juncker et du très droitier commissaire aux affaires économiques P. Moscovici n'a fait qu'un tour. Le conflit était inévitable. Si les corrections demandées par la Commission ne sont pas acceptées le risque d'une amende à laquelle l'Italie avait tout juste échappé l'an passé est élevé. Les règles sont les règles admet le président du Conseil italien (Giuseppe Conte du M5S), mais, ajoute-t-il, elles sont déraisonnables (3). C'est l'aveu que les marges de manœuvres sont faibles pour ne pas dire nulles. Le carcan de l'UE fonctionne à merveille, avec ses gardiens et ses prêtres (que les médias italiens ont tendance à approuver, souvent sans la moindre distanciation). Luigi di Maio, vice premier ministre avait déclaré à la presse que la Commission finirait par comprendre les motivations de son gouvernement. C'était faire preuve d'un bel optimisme (public), car à défaut d'un budget public insuffisamment allégé selon l'orthodoxie du « libéralisme autoritaire », la punition financière devient une menace lourde pour imposer de nouvelles politiques antisociales qui passent aussi par le démantèlement des services publics de la péninsule. Après la Grèce, est-ce le tour de l'Italie de subir l'étranglement ?</p> <p>Le conflit est ouvert depuis avril. Nul ne sait quelles concessions feront les uns et les autres. Du côté italien, l'idée de sortir de l'UE ou de la zone euro n'est pas (encore) à l'ordre du jour, mais elle n'est pas absente. Cela a fait d'ailleurs partie des arguments martelés pendant la campagne des dernières législatives par la Lega et, dans une moindre mesure, par le M5S. Le gouvernement italien tente de faire pression, en menaçant de son côté de ne pas accréditer les choix majoritaires pour la désignation de la future Commission et de son président. Mais, le gouvernement jaune-vert a déjà accepté quelques concessions.</p> <p><strong>La Commission propose de diminuer le déficit italien en augmentant sa participation financière au projet de tunnel sous le Mont-Blanc !</strong></p> <p>Insuffisantes dit la Commission, inflexible, sans se soucier des effets négatifs de la punition monétaire qui serait infligée (bien qu'on ne sache pas quelle serait la réaction du gouvernement italien, ni celle de la population jusqu'alors très majoritairement philo-européenne, cependant de plus en plus habitée par le doute vis-à-vis de cette Europe-là). La Commission, les autres gouvernements de l'UE, surtout après le Brexit, craignent peut-être une onde contestataire qui pourrait, en cas d'élections, donner la majorité absolue à la Lega de Matteo Salvini. En réalité, ils font comme si la question ne se posait pas ou n'avait pas d'importance.</p> <p>Est-ce toutefois une des raisons pour laquelle la Commission a dégainé une arme redoutable pour infléchir le gouvernement italien, par ailleurs pas vraiment soutenu par l'actuel Président de la République (Sergio Mattarella, démocrate-chrétien). La Commission propose carrément plus de garanties financières et une plus importante prise en charge du financement du TAV (train à grande vitesse Lyon-Turin, via le tunnel sous le Mont-Blanc dont le creusement a commencé à peine). L'économie pour le budget italien serait 1,6 milliard d'euro (4). Le gouvernement français, qui n'y est peut-être pas étranger, soutient cette manœuvre. C'est aussi vicieux qu'astucieux. Matteo Salvini leader de la Lega (vice premier ministre), partisan du creusement du tunnel et du train à grande vitesse, se réjouit de la proposition. Le Mouvement 5 étoiles, opposé dès l'origine au TAV (c'était un de ses chevaux de bataille) pourrait se déchirer, sinon se diviser à cette occasion, bien qu'il y ait d'autres sujets de discorde au sein de la coalition. Luigi di Maio leader des cinq étoiles (également vice premier ministre) est-il disposé à faire des concessions sur ce point ? Serait-il suivi par les députés et sénateurs de son mouvement ou une bonne partie d'entre eux, sans quoi aucune majorité ne pourrait se dégager pour accepter cette offre pernicieuse. La maire de Turin (également du Mouvement cinq étoiles) y est farouchement opposée et, si nécessaire, entend mobiliser à nouveau fortement contre. Certains du M5S seraient prêts à faire des concessions et parlent TAV (train à grande vitesse) « léger », dont personne ne comprend la signification. La répartition actuelle des sièges à la Chambre des députés et au Sénat (qui a droit de veto) (5) n'est pas telle qu'une majorité autre que l'actuelle coalition puisse se constituer, sauf si le Mouvement cinq étoiles se divise sur le TAV et sur les amendements futurs au projet de budget. Des élections anticipées, après un conflit irrésolu avec la Commission, pourraient donner des ailes à la Lega et à ses alliés, leur permettre d'obtenir une majorité absolue et ainsi de se débarrasser de leur allié (le M5S). Il n'est pas avéré que les gouvernements des autres Etats membres, le Parlement européen et la Commission en aient conscience. Les rencontres des 28 et 29 juin prochains lors du G20 à Osaka permettront-elles de réduire le différend. Merkel, Macron, Juncker, Conte seront présents. Suivra immédiatement la réunion des chefs de gouvernement de l'Union européenne, puis la réunion des ministres des finances les 9 et 24 juillet.</p> <p><strong>Fin de la coalition jaune-verte ou rupture avec l'UE ?</strong></p> <p>La Lega, plus compacte, fait bloc. Sa popularité tend à s'accroître à mesure que le conflit dure ou se durcit. Les conflits en son sein sont actuellement limités. Il n'en n'est pas de même pour le M5S. Les tensions qui traversent le Mouvement 5 étoiles font penser aux insatisfactions, conflits et départs que connait la France insoumise. Les discussions et affrontements au sujet de la non application des normes européennes, de la désobéissance à leur égard, sont aussi celles qui agitent la gauche française de transformation sociale, écologique et démocratique, et pas seulement la France insoumise. À propos du M5S dont il est membre, le président de la Chambre des députés de tendance plutôt progressiste, Roberto Fico considère que son mouvement doit dépasser les divisions qui le traversent (6). L'Internet ne suffit pas, précise-t-il, il faut un espace partagé de confrontation pour discuter de vive voix de ce qui ne fonctionne pas, pour élaborer une ligne politique collégiale, redéfinir les valeurs …</p> <p>Les normes (le gouvernement par les règles) font fi de toute démarche démocratique, vident le principe de subsidiarité de toute possibilité d'application effective. Seuls des aménagements à la marge peuvent être débattus, acceptés éventuellement. Si elle contrevient aux normes, la coopération solidaire entre pays membres qui voudraient conjointement s'en affranchir n'est pas autorisée. Le carcan institutionnel de l'Union européenne ne peut sauter que par un rapport de forces inversé, un sursaut démocratique, une mobilisation populaire pour résister et élaborer.</p> <p><i>(1) La Commission et le Conseil des ministres avaient fini par ne pas mettre en œuvre la politique d'infraction (pouvant aller jusqu'à 3,4 milliards d'euro) en cas de déficit public excessif, ce qui était le au regard des règles maastrichtiennes. La loi de finances qui prévoyait un déficit de 2,4% du PIB, avait ramené celui-ci à 2,04% du PIB, après, déjà, un long bras de fer. Tout déficit, même inférieur à 3% du PIB italien est considéré comme aggravant l'estimation de la dette publique, en 2018, 132,1% du PIB. Le déficit français 2018 était de 2,4%, non accompagné de menaces de sanctions (Le Monde 23 octobre 2018).</p> <p>(2) Encore que. Le 18 mai 2016, le gouvernement français a reçu une Recommandation (en langage diplomatique, car il s'agit de le France !). Cette recommandation était en fait une admonestation : dette publique élevée, niveau de dépenses publiques trop important, la France devait réduire son déficit et l'impôt sur les sociétés, élargir le champ de la TVA, veiller à la réduction du coût du travail, réformer le code du travail, etc. On dirait du Moscovici pur jus.</p> <p>(3) Entretien paru dans La Repubblica du 21 juin 2019. G. Conte a cette formule qui dit à la fois sa position et son embarras : « Moscovici dit que les normes sont intelligentes ? Je ne sais pas, mais -quoi qu'il en soit, il est utile de les interpréter de façon intelligente ».</p> <p>(4) Soit 0,02% du PIB (La Repubblica du 26 juin 2019)</p> <p>(5) La répartition actuelle des 630 sièges à la Chambre des députés est la suivante : coalition dirigée par la Lega 265, M5S 228, Centre gauche 121. Pour le Sénat (315 sièges), qui dispose du même pouvoir législatif que la Chambre et peut donc s'opposer aux décisions de celle-ci : la Lega 135, le M5S 112, le centre gauche 60.</p> <p>(6) Entretien paru sur La Repubblica le 26 juin 2019.</i></p></div> LE PLAFOND DE VERRE DE L'EUROPE http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2349 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2349 2019-05-20T12:47:00Z text/html fr Michel Rogalski Les élections européennes s'annoncent plus marquées qu'à l'habitude par une multitude de listes. Néanmoins cette « offre politique » variée ne fera pas déplacer massivement les électeurs qui continueront à les bouder. Considérées comme des élections de second rang, elles sont traditionnellement délaissées alors même que l'Union européenne est fréquemment dénoncée comme la source de nombreuses contraintes. Organisées à la proportionnelle à un tour, la notion de vote (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>Les élections européennes s'annoncent plus marquées qu'à l'habitude par une multitude de listes. Néanmoins cette « offre politique » variée ne fera pas déplacer massivement les électeurs qui continueront à les bouder. Considérées comme des élections de second rang, elles sont traditionnellement délaissées alors même que l'Union européenne est fréquemment dénoncée comme la source de nombreuses contraintes. Organisées à la proportionnelle à un tour, la notion de vote utile est peu prégnante même si l'élection du président de la Commission européenne peut en dépendre.</p> <p>Tout a été fait depuis longtemps pour diffuser, mais grand succès, le sentiment européen et faire ainsi croire qu'il s'agissait d'un super État, mais que telle une bicyclette il ne devait jamais s'arrêter d'avancer sauf à tomber. Harmoniser et intégrer furent les maitres-mots quand bien même selon Jacques Delors il ne fallait pas hésiter à avancer masqué. Mais on n'a jamais su vers quoi. Tous les attributs étatiques furent mis en œuvre : drapeau, hymne, siège vendu comme capitale, monnaie unique, Parlement, Exécutif, Tribunaux, …). Cela fait une somme statistique agrégée non-négligeable, mais cela reste une énorme structure inter-étatique peu lisible et appuyée sur un grand marché dont les entités rentrent en concurrence et s'affrontent sur des marchés tiers.</p> <p>Il ne faut donc pas s'étonner que les élections d'un Parlement européen dépourvu du pouvoir d'élaboration législative jouent essentiellement dans les pays membres un rôle de marqueur idéologique reflétant des rapports de force qui permettront de s'affirmer à l'occasion d'élections nationales futures. Bref, on se compte pour le tour suivant en « nationalisant » l'enjeu des élections quitte à délaisser l'objet principal de la consultation. L'Union européenne paie là la rançon de ses travers non-démocratiques, de son côté distant et opaque et surtout du peu de cas qu'elle témoigne de l'opinion des électeurs. On sait maintenant que quand on vote mal, il faut recommencer. Les Français, les Hollandais et les Islandais en ont fait l'amère expérience. Quant aux Grecs, Jean-Claude Juncker leur a expliqué qu'il n'y avait pas de démocratie contre les Traités votés. Les Britanniques commencent à comprendre qu'ils n'auront le choix qu'entre un faux-Brexit ou un nouveau vote. Si on ajoute à cela les promesses réitérées mais jamais tenues d'Europe sociale ou d'Europe qui protège contre la mondialisation, on comprend mieux la méfiance instinctive contre cette institution si longtemps présentée comme solution et désormais perçue comme problème.</p> <p>Il n'en reste pas moins qu'environ la moitié des électeurs mobilisés pour la dernière présidentielle s'exprimera. La défection sera plus forte chez les jeunes. À part l'abstention massive mais passive qu'il serait hasardeux d'interpréter, la campagne, très lente à démarrer témoigne d'un éventail de postures, certains partis empruntant à plusieurs à la fois.</p> <p>• La première posture consiste à proposer la sortie de l'Union européenne considérant que toutes les critiques qui lui sont adressées sont sans appel. Il s'agirait d'organiser un Frexit à l'image de ce qui s'est passé au Royaume-Uni. Les modalités sont rarement précisées. Certains veulent la compléter par une sortie de l'OTAN et contester l'orientation trop « occidentale » de la diplomatie française. Jusqu'à présent cette approche, portée par des leaders peu connus ou jugés peu fiables n'a rencontré qu'un faible écho. On aurait néanmoins tort de considérer comme négligeable cette posture pour au moins deux raisons. D'abord, parce qu'il existe un large écart entre l'adhésion à ces listes et les réponses apportées à des sondages répétés sur la sortie de l'Union européenne. Comme si cette démarche manquait d'un porte-parole crédible capable de remplir l'espace en jachère probablement nourri aujourd'hui par la forte abstention. Ensuite, parce que cette position ne pourrait s'incarner qu'à travers une procédure référendaire dont on sait, que lorsqu'elle a été testée, elle a toujours désavoué l'Europe.</p> <p>• La deuxième posture ne s'inscrit pas dans une démarche anti-européenne mais part de l'idée que le rapport à l'Europe est essentiel pour assurer la crédibilité de la mise en œuvre d'un programme national. De ce point de vue, il est admis tout à la fois que l'empilement des Traités européens constitue un carcan sur lequel tout programme de gauche échouera et qu'il n'y aura pas de « grand soir » européen permettant à une « autre Europe » d'émerger rapidement. Bref, l'Europe telle qu'elle devenue constituerait un verrou s'opposant à tout changement social d'ampleur. Comment ne pas répéter les expériences passées de la gauche, celle d'un Mitterrand cédant au bout de deux ans, d'un Jospin en trois semaines et d'un Hollande en deux jours aux injonctions de Bruxelles ? Il faut vite renégocier les Traités. Mais le verrouillage institutionnel laisse peu d'espoir. La seule chose qui effraierait Bruxelles serait la crainte d'un départ. Négocier en brandissant la menace d'une sortie n'est crédible que si l'on peut persuader le partenaire qu'on est prêt à la mettre en œuvre. Or cela n'appartient pas au logiciel de départ. Cette approche n'est pas celle d'une sortie, mais d'une Europe permissive d'une aspiration des peuples et pouvant même l'accompagner. Il ne reste alors que la voie d'une préparation à la résistance, au bras de fer et à la désobéissance et au refus d'appliquer les injonctions de Bruxelles. La campagne est un moment de s'y préparer.</p> <p>• La troisième posture est devenue un boulevard sur lequel tout le monde se bouscule. L'Union européenne devenue tellement impopulaire, il convient de dire qu'on veut la refonder. Certains de façon plus homéopathique que d'autres. Cela n'engage peu puisque c'est l'optique d'un temps long qui est privilégiée. L'effort intellectuel et imaginatif reste d'autant plus faible que l'exercice se contente bien souvent de décliner au niveau européen les options nationales privilégiées de longue date, considérant en quelque sorte que l'Union européenne s'apparente à un pays déjà constitué, ce qui évite de poser la question du rapport de chaque État-membre à l'institution. L'espoir est de peser à travers des alliances opérées au sein du Parlement pour influencer ses décisions, voire pour les plus rétifs aux orientations de l'Union européenne, de prendre appui sur des États qui sont les plus hostiles à Bruxelles, ceux-ci n'étant plus seulement installés dans l'Est de l'Europe.</p> <p>• La quatrième posture consiste à défendre bec et ongles la construction européenne telle qu'elle se fait, tout simplement parce qu'elle est devenue une magnifique mécanique au service de tous ceux qui se retrouvent à l'aise dans les politiques libérales qu'elle promeut. Certains vont même jusqu'à lui proclamer leur amour ou souhaiter un saut fédéraliste. Ils apprécient en réalité sa capacité à réduire l'amplitude du balancier politique en imposant aux pays-membres de rester dans le « cercle de la raison ». C'est une assurance tous risques contre le changement social. C'est le plafond de verre dont les bourgeoisies ne pouvaient que rêver. Elles ont trouvé dans cette Europe leur marqueur identitaire et ne veulent surtout pas en changer. On comprend que cette approche sera privilégiée par les gagnants du libéralisme mondialisé dont la construction européenne constitue la réalisation la plus avancée.</p> <p>• La cinquième approche consiste à « nationaliser » le débat en le transformant en referendum contre les pouvoirs en place. La nature à l'Union et son rapport à celle-ci s'escamotent pour laisser place à des affrontement plus traditionnels permettant de minorer l'européanisation de la vie politique lourde de clivages nouveaux difficiles à maîtriser. L'inclinaison gagne la plupart des partis, même ceux qui ont le plus peaufiné leur programme européen. C'est à qui arrivera en tête ou s'imposera dans son camp. Ce qui se joue c'est la suite. Il est d'autant plus difficile d'échapper à une telle aimantation que ces élections se déroulent à mi-mandat et évoquent des « mid-terms » à l'américaine qui sont devenues l'occasion de mesurer le rapport des forces.</p> <p>Chaque liste émargera à plusieurs postures à la fois. Pour l'essentiel les clivages dessinés à l'occasion du referendum de 2005 sur la Constitution européenne hantent toujours les esprits et structurent les attitudes même si depuis lors de nouveaux événements sont apparus : l'échec de l'euro à faire converger les économies, à accélérer l'intégration et à rendre la zone prospère ; l'empilement de Traités ligotant de plus en plus les marges de manœuvre et imposant des politiques d'austérité ; une crise migratoire dévoilant l'impossibilité de dégager une attitude commune tant les perceptions sur le sujet étaient divergentes ; enfin l'attitude de Bruxelles vis-à-vis de la Grèce ou du Brexit révélant du peu de cas du choix des peuples et leur signifiant le prix à payer pour tout écart insupportable. Faut-il s'étonner dès lors que certains pays adhèrent à des modèles de démocratie illibérale si le seul visage alternatif reste celui d'un libéralisme autoritaire ? On ne peut se résigner à un tel choix portés par ceux qui se désignent frauduleusement comme « nationalistes » ou « progressistes ».</p> <p><i>Paru dans la revue Recherches internationales (<a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-international...</a>) </i></p></div> L'EUROPE ET SES TEMPORALITES http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2261 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2261 2018-05-07T17:27:00Z text/html fr Michel Rogalski À l'approche des élections européennes chacun formule déjà ses propositions d'une autre Union européenne, tant l'actuelle construction – pour différentes raisons – suscite un sentiment de sourde hostilité. Car malgré l'apparence d'un vote à la proportionnelle à un tour, il s'est insinué depuis la dernière élection la pression délétère d'un « vote utile » : le Président sera désigné par le groupe qui aura le plus d'élus. Or celui-ci (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>À l'approche des élections européennes chacun formule déjà ses propositions d'une autre Union européenne, tant l'actuelle construction – pour différentes raisons – suscite un sentiment de sourde hostilité. Car malgré l'apparence d'un vote à la proportionnelle à un tour, il s'est insinué depuis la dernière élection la pression délétère d'un « vote utile » : le Président sera désigné par le groupe qui aura le plus d'élus. Or celui-ci joue un rôle loin d'être négligeable face à ceux de la Commission et du Conseil. C'est pourquoi beaucoup s'activent à se rassembler pour y aller ensemble. L'ombre du vote de 2005 Les termes du débat restent pour l'essentiel structurés par l'immense confrontation qui avait saisi et passionné la France en 2005 lors du du referendum constitutionnel sur l'Europe. Le NON l'emporta nettement et cliva la France en deux blocs portant la division jusqu'au sein des socialistes et des gaullistes. Chacun avait compris que ce qui se jouait serait durable parce que « gravé dans le marbre » pour reprendre une expression qui fit florès à l'époque. Effectivement, inscrire dans la constitution des pans entiers de politique économique signifiait les sortir des aléas du débat et de la conjoncture politiques et ainsi les sanctuariser pour les tenir loin des errances populaires. Les États membres pourraient virer à gauche à loisir sans que cela influence la politique européenne. Les bourgeoisies et les oligarchies financières du continent avaient ainsi inventé une mécanique géniale les mettant à l'abri du risque de l'oscillation du balancier politique désormais devenu homéopathique car limitée dans ses conséquences par les traités qui s'étaient empilés - Acte unique, Maastricht, Pacte de stabilité - le tout repris et rassemblé dans le corset du Traité de Lisbonne et complétés et aggravés par ceux découlant de la gestion de la monnaie unique prévoyant à travers le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) l'obligation aux gouvernements de faire viser par Bruxelles leur projet de budget avant de le soumettre à leur propre Parlement. Le « cercle de la raison » avait de beaux jours devant lui. Ainsi Jean-Claude Juncker, président de la Commission, put s'adresser aux Grecs rétifs vis-à-vis du plan de la Troïka, en leur assurant « qu'il ne pouvait y avoir de choix démocratique contre les traités européens déjà ratifiés » confirmant ainsi que le « Mur de l'Europe » avait remplacé le « Mur de l'argent » des années 20 et que les Traités européens représentaient le nouveau plafond de verre pour la démocratie et le changement social. Le NON était composite car un referendum impose une réponse binaire et laisse peu de place aux nuances. Ainsi se mélangea dans les urnes un NON de gauche et un NON de droite portés par des partis qui avaient compris que leur programme n'était pas eurocompatible et, que parvenus au pouvoir, Bruxelles ne leur laisserait jamais l'appliquer. Pour les uns politique économique, monétaire et sociale, pour les autres valeurs sociétales et dérives identitaires faisaient obstacle. L'urne mêla eurosceptiques et anti-européens. Dix ans plus tard, le score du Front national, qui arriva en tête aux élections européennes, révélera que les seconds avaient réussi à hégémoniser le NON en leur faveur. Les diverses élections que connurent les États membres confirmèrent cette tendance. Le OUI rassembla tous ceux qui avaient compris le piège de la constitution sanctuarisée et y adhéraient parce que leur parti politique se trouvait en phase avec les orientations proposées et y voyait un moyen de les pérenniser. Le texte adopté pourrait servir de rempart sur lequel s'adosser pour imposer leurs projets de réformes de mises en cause d'importants acquis sociaux et débarrasser ainsi la société française de ses scories qui la rendaient, aux dires du patronat, impropre à affronter la concurrence internationale ou celle, « libre et non faussée » de l'Union européenne. La révision des traités nécessitant l'unanimité des 27, le verrouillage était parfait et ces traités pouvaient s'apparenter à un« réducteur d'incertitude ». Repenser le rapport à l'Europe Pour l'essentiel, malgré la crise de l'euro, les désordres migratoires, l'expérience grecque, le Brexit, le cadre de l'analyse qui s'est dégagée en 2005 reste valable. Deux choses ont néanmoins changé : le renforcement les courants nationaux-populistes et la prise de conscience qu'il n'y aurait pas de « grand soir » européen tant la machine européenne présentait une force d'inertie redoutable. Les deux dernières présidentielles ont révélé des questionnements sur la possibilité d'appliquer un programme dans le cadre d'une Union européenne hostile et capable de résister à aux changements voulus. La réflexion s'est infléchie et a invité dans le débat la question du rapport à l'Europe et non plus seulement la question de sa nature. Bref, en attendant qu'elle change quels types de rapports entretenir avec elle ? Il en va de la crédibilité de tout programme. Ainsi la question européenne s'est dédoublée en deux volets : quelle autre Europe et comment y parvenir ? Quelle relation entretenir avec elle en attendant qu'elle change ? Chaque question relève d'une temporalité différente. L'urgence des changements nationaux ne permet plus de les conditionner aux changements espérés à Bruxelles. La première question découle du constat que la nature de la construction européenne trouve son origine dans ses fondements historiques qui ont marqué durablement son ADN en donnant la priorité au marché sans considération aucune de la démocratie ou du social. L'Europe devait ainsi toujours avancer, mais sans que l'on sache vers quoi. Comme si les buts devaient être dissimulés. Jacques Delors osa même affirmer qu'il fallait « avancer masqué » au risque évident de faire chuter le « sentiment européen » et l'adhésion des peuples. Reprendre sur de toutes autres bases le processus de la construction européenne réclame une grande patience et relève de la politique des petits pas, avec des avancées et des reculs. Cela exige de préserver pour chaque pays l'éventail des possibles et rendre l'Europe compatible avec ces aspirations voulues par le peuple de tout Etat-membre. Chaque peuple doit pouvoir choisir son destin et disposer du droit de ne pas se sentir engagé par une décision européenne qu'il refuse dans sa majorité. La démocratie doit pouvoir peser contre les traités européens. L'Europe ne doit plus être une Sainte alliance opposée à toute volonté de changement, mais doit devenir permissive de toute espérance. Le continent européen constitue l'espace du monde où l'interdépendance, l'imbrication des économies, les dépossessions des décisions ont été les plus poussées. C'est la zone où la mondialisation a été la plus exacerbée au point d'en devenir le laboratoire avancé condensant tous ses excès. L'invocation d'une Europe protectrice de la mondialisation – qu'on croyait encore heureuse hier ! – s'avère une tromperie, comme l'idée qu'elle pourrait adoucir une mondialisation brutale. En s'élargissant à 27 pays, l'Europe a brutalement modifié les conditions de la concurrence en créant un espace ou les salaires varient de 1 à 10, rendant la concurrence délétère. Elle change de visage dans un ensemble disparate. Le choc n'est pas entre des marchandises mais entre les conditions dans lesquelles elles sont produites. On importe ainsi dans le fonctionnement de l'Union européenne les pires travers de la mondialisation. La mise en œuvre d'une véritable alternative de gauche porte en elle les germes d'un affrontement avec le carcan européen constitutionnalisé. Elle est lourde de désobéissances, de résistances, de bras de fer, de confrontations, de renégociations. Aucun programme politique de gauche ne sera crédible s'il n'explore pas cette temporalité. Celle qui, sans abandonner l'espoir de changer la nature de l'Europe, pose la question de l'application d'un programme de changement social malgré l'Europe telle qu'elle est. Mitterrand tint deux ans avant de troquer le changement social contre la construction européenne et d'ouvrir la parenthèse de l'austérité, Jospin résista trois semaines et Hollande 48 h. Il s'agit de définir les mesures structurantes qu'il conviendra de prendre dans les cent premiers jours, probablement face à Bruxelles. C'est dire combien le débat doit être public pour associer l'opinion. Aujourd'hui, la gauche doit tenter de donner une réponse convergente à cette question et surtout ne pas chercher à l'éluder au prétexte qu'elle pourrait diviser.</p> <p><i>Paru dans la revue Recherches internationales <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> EUROPE DES NATIONS ? DES ETATS ? DES ETATS-NATIONS ? DES REGIONS ? FEDERALE ? CONFEDERALE ? QUE SAIS-JE ENCORE… LE MAGMA EUROPEEN http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2209 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2209 2017-10-19T01:44:05Z text/html fr Jean-Luc Gonneau La crise catalane a suscité une avalanche de réactions en Europe. Très vite, les dirigeants des principaux pays européens ont apporté leur soutien au gouvernement de Mariano Rajoy. Soutien en général sans nuances, qui évitait, à l'instar du président Macron, toute référence aux violences pourtant avérées de la police espagnole. Il aurait pu dire, le président Macron, avec le langage fleuri qu'il utilise volontiers pour se gausser du populo : « Dis donc, Mariano, on te soutient, (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique13" rel="directory">Europe</a> <div class='rss_texte'><p>La crise catalane a suscité une avalanche de réactions en Europe. Très vite, les dirigeants des principaux pays européens ont apporté leur soutien au gouvernement de Mariano Rajoy. Soutien en général sans nuances, qui évitait, à l'instar du président Macron, toute référence aux violences pourtant avérées de la police espagnole. Il aurait pu dire, le président Macron, avec le langage fleuri qu'il utilise volontiers pour se gausser du populo : « Dis donc, Mariano, on te soutient, d'accord, mais c'était pas la peine de taper si fort, y compris sur les p'tits vieux. Pas de pitié pour les fainéants, d'accord, mais pas de sang ». Mais non. Il faut reconnaitre qu'ici, les violences policières, on commence à savoir ce que c'est. Alors… Le président Macron en a profité pour se fendre d'un discours sur l'Europe en reprenant la vieille idée du fédéralisme, dont les partisans proposent diverses variantes. Par exemple, « les états-unis d'Europe », sauce américaine, ou la « fédération d'états-nations » (nation a été rajouté, sauce Delors reprise par Macron, la même que la précédente avec moins de ketchup et une louche en plus de mayonnaise. Ceci à un moment où la tendance des peuples est plutôt au renâclement envers les instances supranationales. Le succès du Brexit n'était pas que le fait d'« illettrés » et de braillards xénophobes, même s'il le fut aussi pour ces derniers. Quant aux « états-unis d'Europe », modèle US, avec des dizaines de langues (et plus globalement de cultures) différentes, bon courage.</p> <p>Concernant, les revendications régionales, on ne saurait les mettre toutes dans le même panier. Si l'Ecosse ou la Corse, par exemple, la population est majoritairement issue du territoire, c'est probablement moins évident pour la Catalogne, don la réussite économique depuis quelques décennies a attiré nombre de personnes venant d'autres régions d'Espagne ou de l'étranger. Ni la Catalogne, ni l'Ecosse, ni la Corse, ni l'Euskadi, moins encore la Flandre n'ont été à proprement parler des colonies de la France, de l'Angleterre de l'Espagne (ou de la Belgique !), les conflits souvent violents qu'ils ont pu connaître relèvent pour beaucoup de l'époque où les luttes seigneuriales de pouvoir étaient incessantes. Pour notre part, nous craignons l'émiettement des nations européennes, et prônons avant tout le dialogue. L'exemple écossais montre que ça peut fonctionner.</p> <p>Le seul (ex) leader politique français ayant prôné une confédération européenne est Jean-Pierre Chevènement. Rappelons ici la différence entre fédération et confédération. La fédération « pure » se caractérise par la prédominance des décisions fédérales sur celles des membres, sur tous les sujets adoptés par la majorité des instances fédérales mises en place, et l'impossibilité pour les membres de sortir de la fédération (sauf s'il est prévu des cas d'exclusion). C'est donc l'instance fédérale qui décide des domaines laissés à la compétence des membres. Exemples de fédérations quasi pures ; les Etats-Unis, le Brésil. La confédération « pure » n'a pas d'existence juridique internationale. Chaque membre peut décider de s'en extraire. Les décisions communes requièrent l'unanimité des membres. Exemple de confédération : la Suisse, de 1291 à 1848, date à laquelle elle se dota dune constitution fédérale, out en conservant officiellement le nom de Confédération suisse (ou helvétique). Telle qu'elle est, l'Europe est donc une mixture de fédération (parlement élu mais au pouvoir limité , droit européen primant les droits nationaux dans certains domaines, de plus en plus étendus, certaines décisions prises à la majorité…) et de confédération (possibilité de quitter l'union, le brexit par exemple, certaines décisions requérant l'unanimité, conservation d'une part importante de souveraineté des états sur des sujets importants (fiscalité, social, politique pénale, lois électorales, poids des conseils des ministres des pays membres disposant d'un quasi droit de veto sur les propositions de la Commission ou les résolutions du parlement…).</p> <p>Le flou institutionnel européen n'arrange pas les choses, n'est probablement pas le plus déterminant dans les insuffisances des actions de l'Union européenne. La racine du mal-être est présente dès le Traité de Rome (1960) l'Europe est conçue à partir de l'économie et du commerce. Ce qui est insuffisant si l'objectif des « pères fondateurs » est d'aboutir à une fédération assurant la paix et, tant qu'on y est, la prospérité, bref un véritable état européen. Mais un état sans nation n'est qu'une superstructure administrative vite guettée par la bureaucratie (on constate cela dit que même si l'U.E. n'est pas un état, la bureaucratie y prospère). Faire nation suppose des valeurs communes (celles de l'U.E. sont accommodées à des sauces fort différentes. Quoi de commun à ce sujet entre Hongrie et Portugal, par exemple ?), des cultures proches (avec des dizaines de langues, des patrimoines culturels multiséculaires, on est loin du compte en Europe, contrairement au Brésil et aux Etats-Unis).</p> <p>La tare principale de l'U.E. est elle aussi présente dans le traité de Rome, amplifiée depuis : la prééminence de l'économie sur le social, le dogme imbécile de la « concurrence libre et non faussée » avancé comme paradigme de toute politique. Ceux que bien des médias désignent comme eurosceptiques ne sont pas anti-européens. Simplement, ils ne veulent pas de cette Europe là. Pour eux, le paradigme dominant ne saurait être la concurrence mais la coopération et la justice sociale</p></div> https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18