https://www.traditionrolex.com/18 La Gauche Cactus http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/ fr SPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP) FrançAfrique & FrançOutremer : Une communauté de destin ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2914 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2914 2023-10-30T23:57:00Z text/html fr Mireille Jean-Gilles <p>Mireille Jean-Gilles, essayiste antillaise met en lumière les similitudes des politiques françaises vis-à-vis de ses territoires ultramarins, pourtant parties intégrantes de la République « une et indivisible » d'une part, et de ses anciennes colonies, d'autre part. Le passé, le présent, présagent-ils d'un même avenir ?</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique22" rel="directory">Politique</a> <div class='rss_texte'><p><strong>Sein flétri la Mère-Patrie cherchant 'trapper pitance' <i></p> </h3> <p>Pendant des décennies, dans les discours officiels, l'échec économique de la départementalisation des Antilles, de la Guyane et de la Réunion était attribué à une trop forte croissance démographique, au point que les allocations familiales y ont été réduites afin de financer le planning familial. Idem pour les pays d'Afrique noire aujourd'hui, en particulier le Niger (7 enfants par femme) : « Des pays ont encore sept à huit enfants par femme. Vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien ». Cette déclaration d'Emmanuel Macron en 2017, évoquant également l'origine "civilisationnelle" de la pauvreté en Afrique, avait provoqué un tollé. Le mot « racisme » a même été lâché. Dans les DOM, ce discours a perduré jusqu'à ce que les Antilles n'enclenchent une trajectoire de déclin démographique à partir des années 2000.</p> <p>Aujourd'hui, s'agissant des difficultés de ces territoires, la cause évoquée par l'Etat français serait la "mauvaise gestion locale". Dans les deux cas cités, les difficultés des DOM seraient toujours "locales"(idem pour l'Afrique noire). Les DOM paient le prix fort de préjugés officiels qui ne sont rien d'autre que le recyclage de stéréotypes de race qui les rendent seuls responsables de la situation dégradée de leurs territoires. Par conséquent, cela justifie aujourd'hui que l'Etat français reprenne en main la gestion locale, d'une part, par le biais d' "experts" de l'AFD, pour pallier "la faiblesse de l'ingénierie locale", et d'autre part, en s'appropriant les recettes de l'Octroi de mer des collectivités locales, dans le cadre du CIOM(1) au motif de la "vie chère", en même temps qu'il répand un discours "enjôleur" et "lénifiant" sur l'"Autonomie".</p> <p><strong>Un racisme institutionnel </strong></p> <p>Ce n'est pas la duplicité, ni un regain du colonialisme de la Mère-patrie, tant à l'égard de ses outremer que de la FrançAfrique, qu'il s'agit de pointer du doigt, comme il est de coutume, mais bien le fondement de sa politique coloniale, à savoir un racisme institutionnel qui a conduit, à l'orée des Temps modernes, au génocide des Indiens caraïbes aux Antilles, à l'esclavage des Noirs déportés d'Afrique(2), puis, plus récemment, à l'"Assimilation", c'est-à-dire à la "réduction en pâtée" des quatre vieilles colonies, auxquelles s'adjoint dorénavant Mayotte.</p> <p>De nos jours, face à un racisme d'Etat, désormais décomplexé qui irrigue toute la société française (ou vice-versa, comme l'illustre l'actualité récente) l'on constate que les Antillais-Guyanais sont de plus en plus nombreux, jeunes ou moins jeunes, à se tourner vers les racines ancestrales de l'Afrique, cherchant, à la manière de Césaire à son époque, une communauté de destin avec la Terre-Mère, au point, pour certains, de renier l'héritage créole, terme assimilé dès lors aux descendants des premiers colons. Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'alimenter la querelle entre "créolistes" et "africanistes" dont se repait l'Internet (et se réjouit le colonisateur) mais, à l'occasion des évènements qui ont cours au Niger, il importe de relever que par son action tant en FrançAfrique qu'en FrançOutremer (c'est à dire dans les derniers joyaux de l'Empire), le colonisateur français, "aux abois" derrière sa suffisance, rappelle qu'il entend disposer comme bon lui semble de ses anciennes colonies (et de leurs ressources), toutes, à un degré ou à un autre, partageant le même destin, empreint d'humiliations, de misères et d'exodes.</p> <p><strong>Humiliations, misères et exodes</strong></p> <p>Entre autres humiliations, le sort réservé aux DOM au sein de la République française, au travers des finances locales, où, considérés comme des territoires de seconde zone, ils en sont réduits à se battre, y compris entre eux, pour des miettes. Et, au prétexte que la politique de rattrapage menée depuis la départementalisation a été un échec, l'Etat français s'attelle à démanteler, non sans une certaine jubilation, tous les dispositifs destinés à compenser les handicaps irréductibles des DOM. La Cour des Comptes a évalué à 6 Milliards d'euros les économies fiscales que pourrait réaliser l'Etat en outre-mer, sans compter l'emblématique prime de vie chère (1 milliard d'euros). En plus des économies de droit commun affectant en France les catégories sociales les plus vulnérables, ces économies ciblées sur les populations et entreprises des DOM ne peuvent que livrer ces territoires au chaos, comme on le voit déjà aux Antilles.</p> <p>En réalité, depuis que Bercy est aux commandes, loin de la success-story de la start-up nation, vantée par les médias, les comptes de la France s'effondrent, son déficit public menace la stabilité de la zone Euro(3), et Bruxelles attend d'ici à la fin de l'année un plan d'économies drastique, sinon l'Etat français devra notamment rembourser les 50 milliards d'euros qui lui ont été octroyés pour son plan de relance post-covid. "Droit dans ses bottes", Bercy, ne compte pas pour autant changer sa politique d'allègements fiscaux et de compétitivité économique aussi somptuaire (plus de 80 milliard d'euros de recettes fiscales perdues par an par rapport à 2014) qu'inefficace(4) et continue de creuser inexorablement le déficit public, comme en 2023, avec la suppression de la CVAE((5) pour 10 milliards d'euros et celle de la redevance audiovisuelle pour 4 milliards d'euros.</p> <p>Et pour faire face à ces dépenses nouvelles, les économies, pompeusement rebaptisées "réformes", sont à rechercher ailleurs, en particulier dans le champ social (retraite, assurance chômage, APL, RSA...) ou encore chez les ex-colonisés, supposés crouler sous les "avantages" et "dilapider" les fonds publics. Les populations d'outremer subissent par ailleurs une violente colonisation de peuplement, minutieusement organisée par l'Etat français, dans tous les domaines, d'une ampleur telle que c'est leur existence même en tant que peuples qui à terme est menacée. Une colonisation de peuplement fidèle à la lettre de Messmer de 1972(6).</p> <p><strong>Une crise de la "démocratie"</strong></p> <p>D'où un rejet massif de cette violence institutionnelle, manifesté au cours des dernières élections présidentielles françaises dont les résultats traduisent plus une exaspération qu'une quelconque aspiration au "fascisme", que d'aucuns exhibent comme épouvantail pour masquer le "pire" qui est déjà en œuvre dans les "outremer" français. En effet, si, aujourd'hui, des conventions internationales protègent la moindre espèce de reptile susceptible de disparition, s'agissant de l'Humain, des peuples entiers riches d'une culture originale, peuvent être sciemment éradiqués en quelques décennies par un Etat viscéralement colonial, dans la plus grande indifférence, au nom de la sacro-sainte "démocratie".</p> <p>Sans nul doute que si les Français de souche subissaient une violence multiforme d'une telle intensité de la part de leur Etat, auraient-ils, compte tenu de leur disposition naturelle vis à vis de l'Etranger, dépassé les "ultramarins" dans cette prétendue aspiration au "fascisme". Pour combattre ledit "fascisme", si tant est, il importerait de combattre ses racines, et non pas ses fruits, hypocritement, jugés "nauséabonds" mais dont s'accommode fort bien en général la classe politique française dans ses jeux de pouvoir ou pour son dessein colonial, raciste par essence, duquel dépend sa volonté de puissance.</p> <p>Quoi qu'il en soit, les finances publiques s'avèrent une arme redoutable de l'Etat français pour appauvrir les DOM et les vider de leurs populations natives, pendant que parallèlement les "Métropolitains" sont encouragés à venir s'y installer en masse(7). A cet égard, ne pas s'intéresser aux questions financières majeures, comme il est de coutume, revient pour les "politiques" d'outremer, même adoptant les postures les plus "radicales", à délibérément renoncer à affronter l'Etat français sur ce terrain de bataille capital, et de laisser les intérêts de la France supplanter ceux de leur peuple qu'ils sont supposés défendre.</p> <p>Par ailleurs, on l'aura noté, dans la frénésie d'évolution statutaire qui s'empare des DOM, et que l'Etat français encourage pour faire diversion (c'est le maître-mot), les élus "ultramarins" se gardent bien de préserver l'essentiel que pourrait garantir une autonomie dans le cadre de l'article 74, à savoir une autonomie fiscale et la possibilité de réglementer l'accès à l'emploi et au foncier, pour s'aventurer vers des statuts à la carte (sui generis), à l'image de la Nouvelle Calédonie : comme s'ils pouvaient imposer à la France le même rapport de force que les Kanaks au moment des accords de Nouméa !</p> <p>Mais, la démocratie "représentative" est en panne dans les DOM comme partout ailleurs, à l'image de la civilisation occidentale dont elle est l'emblème. Il ne peut par conséquent être confié à cette représentation (ce théâtre) et à ses avatars l'avenir des peuples, en un mot de l'Humanité. D'où l'importance de réfléchir à d'autres formes d'organisation (y compris puisées dans nos cultures, laminées par le projet mortifère de l'Occident) qui passent aussi sans doute par une révision de nos modes de vie.</p> <p>"La civilisation est au fond de l'impasse où l'a menée son postulat : la fabrication d'une société artificielle, technicienne, en rupture avec la nature, en l'exploitant et en la dévastant. Elle ne peut plus reculer ni avancer. Elle ne peut que rafistoler pour chercher à « durer »"(8) Pour l'heure, avec la prise de l'Octroi de mer qui va appauvrir les collectivités locales, ouvrir un marché captif de 2 millions d'habitants aux entreprises françaises et donner des gages à la Commission européenne s'agissant de la réduction du déficit de l'Etat français, ce dernier entreprend une étape décisive dans le décrochage des DOM au sein de la République française (la double peine !) jusqu'à leur dilution totale pour garantir que ces territoires resteront dans le giron français.</p> <p><i>1.Comité interministériel de l'outremer du 18 juillet 2018, où le gouvernement a annoncé 72 mesures destinées aux "outremer", avec priorité donnée à la lutte contre la "Vie chère". 2.Ce qui donne lieu, chaque 10 Mai, à une cérémonie, autour de petits fours, dans les Jardins du Luxembourg, pour célébrer la Loi reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'Humanité (vidée de son volet financier...). 3."Avec ce terme « Assimilation », s'ouvrait, s'expérimentait le filet le plus large à la fois et le plus raffiné et cruel que l'Occident ait jamais déployé dans son entreprise globale de perversion de l'humain", Monchoachi, Retour à la parole sauvage. Editions Lundi-matin, 2023. 4.La France se retrouve au bord du précipice : en 2022 son déficit représentant plus de 6.5% de son PIB est le plus élevé des 8 principaux pays européens. La situation de la France est la plus dégradée juste avant l'Espagne. En conséquence, selon la Cour des comptes la France risque un décrochage et son déficit budgétaire menace la stabilité de la zone euro. (Elle doit établir un programme d'économies pour revenir à un déficit inférieur à 3% de son PIB) . 5.A l'image du CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) qui lui coûte 26 milliards d'euros par an jugés inefficaces par les propres organes d'évaluation de Matignon. 6.Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises 7."À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu'on n'obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d'enfants. (...). Sans qu'il soit besoin de textes, l'administration peut y veiller". Consignes du Premier ministre au ministre de l'outremer en vue de la colonisation par le peuplement de la Nouvelle Calédonie. Dans le secteur privé, les ultramarins sont encore plus discriminés chez eux qu'en France (!), selon une étude de SOS racisme en 2021. On assiste par ailleurs à une "métropolisation" accélérée de la fonction publique d'Etat, parallèlement de nombreux lauréats Antillais des concours de l'Education nationale sont exfiltrés contre leur gré vers la France. Les collectivités locales sont quant à elles invitées à limiter les embauches et à puiser dans le vivier d' experts de l'AFD pour pallier la "faiblesse de l'ingénierie locale". 8..Monchoachi, Op. cit.</i></p></div> La Nupes, chapitre 3 : ce qu'elle a, ce qu'elle n'a pas… et gare aux égarements http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2905 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2905 2023-08-29T23:21:00Z text/html fr Jean-Luc Gonneau <p>La Nupes a un trésor : son programme, et une faiblesse majeure, une implantation territoriale déficiente. Jean-Luc Gonneau poursuit sa réflexion sur l'avenir, ou pas sur la Nupes, rassemblement d'histoires différentes et parfois pesantes.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a> <div class='rss_texte'><p>Nous poursuivons ici nos analyses à propos de l'avenir, ou pas, de la Nupes. Dans les deux numéros précédents, nous avons évoqué quelques soucis d'organisation, et un état des lieus et des positions de chaque composante face aux prochaines échéances électorales. Depuis sa création, il y a deux ans, elle a pu compter quelques acquis, parfois fragiles, mais aussi des faiblesses, certaines inhérentes à son jeune âge Essayons de débroussailler.</p> <p>Le principal acquis de la Nupes, son « trésor », c'est son programme, élaboré il y a deux ans et validé par toutes ses composantes. Depuis, de nombreuses études d'opinion ont montré qu'une majorité de nos concitoyens adhèrent à nombre de ses propositions : salaires, retraites (sur ce point précis, l'approbation est massive), pouvoir d'achat, imposition des grandes fortunes, santé, logement, enseignement, soit une très large partie des principales préoccupations de la population. Paradoxe : si cette adéquation se vérifie point par point, elle est moins certaine sur son ensemble. Doute sur la faisabilité de l'ensemble ? La droite et l'extrême droite (au passage, on peut se demander où est la frontière entre les deux. De quoi regretter Chirac…). Un programme « communiste », selon un cacique des Républicains (le parti, pas les défenseurs de la république), « trotskiste » même, hulula un autre, qui n'avait probablement jamais lu une ligne de et sur Trotski, mais pensait finement faire allusion au lointain passé de la jeunesse de Jean-Luc Mélenchon. A ce sujet, rappelons l'aphorisme estampillé 100% Gauche Cactus de João Silveirinho : « l'enthousiasme et les erreurs sont constitutifs de la jeunesse ». « De quoi ruiner la France », s'étrangla le fan-club de Bruno Le Maire qui, lui, se contente de ruiner consciencieusement les français (mais pas tous, hein, pas vrai Arnault, Bettencourt, Bolloré, Pinault, Pouyade and co ?). Tout cela pour tenter de masquer que le programme Nupes était chiffré (ceux des concurrents pas vraiment) et équilibré. Ce programme constitue une base solide, non seulement pour les prochaines échéances mais aussi pour l'animation politique des débats à venir tant à l'Assemblée que dans le pays. A ce sujet, nos députés seraient bien inspirés de s'y référer publiquement le plus souvent possible plutôt que le repeindre, par ordre alphabétique, en communiste, écolo, insoumis ou socialiste, ce qui n'empêche en rien chaque groupe de faire ses propres propositions lorsque le programme qui leur est commun est muet ou incomplet. Cela contribuerait à faire exister la Nupes.</p> <p> Car sur le terrain, dans nos villes et nos campagnes, la Nupes n'existe pas, hors de rares initiatives locales qui plus rarement encore s'inscrivent dans la durée. Et la présence sur le territoire de ses composantes est loin de compenser cette faiblesse. Deux de ses composantes ont une histoire plus que séculaire et sont présentes, en bien ou en mal, dans la mémoire et l'imaginaire collectif : le Parti Socialiste et le Parti Communiste. Le premier, dont l'histoire fut marquée par deux grandes figures, Léon Blum et François Mitterrand quelles que soient les critiques, souvent justifiées, à son sujet), mais parfois abîmées, notamment au moment de la guerre d'Algérie, a du mal à se remettre de la catastrophe du mandat de François Hollande : arrivé au pouvoir avec la gauche majoritaire à l'Assemblée et même (pour la première fois !) au Sénat, contrôlant la quasi-totalité des exécutifs régionaux et près des trois-quarts des départementaux, domination dont il ne restera, cinq ans plus tard, que lambeaux. Le Parti Communiste, extrêmement puissant après la seconde guerre mondiale, implanté dans les villes mais aussi dans une bonne partie, au centre et dans le sud, de la « France agricole », a connu aussi quelques grandes figures, tels Maurice Thorez, qui le dirigea pendant trente ans, mais défenseur de Staline, ayant même tenté d'installer en France un culte de la personnalité à son profit, copié sur celui du « petit père des peuples (Thorez était, lui. « fils du peuple », titre d'un livre qui fut diffusé à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, un tirage à faire rêver Bruno Le Maire et Marlène Schiappa, les fringants écrivains vedette de la macronie). Après la publication du rapport Khrouchtchev qui révélait les crimes staliniens (et dont Thorez tenta malheureusement de retarder la diffusion en France), le PCF a longtemps porté comme un boulet son long alignement sur l'URSS de Staline, aggravée par le rétrécissement quantitatif de sa base ouvrière et connu une lente mais continue descente tant au niveau électoral qu'au niveau de la force militante. Si le PS conserve encore un réseau d'élus locaux non négligeable quoique plus clairsemé, le PCF, à chaque élection, perd plus de fiefs qu'il n'en conserve. Notamment, son hégémonie sur la « banlieue rouge » francilienne est maintenant un souvenir (reconnaissons ici que les manœuvres parfois tortueuses du PS dans ces départements n'ont pas aidé). Tant le PS que le PCF ne rassemblent plus que quelques dizaines de milliers d'adhérents, dont évidemment moins d'actifs.</p> <p>Les Ecologistes (nouveau nom d'EELV-les Verts) commencent à avoir une histoire dans le champs politique, Elle a commencé en 1974 avec la candidature à l'élection présidentielle de René Dumont, militant et universitaire respecté. Une candidature issue du rapprochement associatifs et non de partis politiques. Le monde associatif a toujours été méfiant envers les partis politiques, non sans raison, et il a fallu presque une dizaine d'années pour qu'une organisation politique émerge, dont le premier dirigeant, Antoine Waechter, défendra une ligne « ni ni » (ni de droite, ni de gauche), et une dizaine d'années encore pour qu'en 1994 les Verts se tournent vers la gauche sous l'impulsion notamment, de Dominique Voynet, Noël Mamère, Cécile Duflot, et Daniel Cohn-Bendit (qui quittera les Verts en 2012 et rejoindra Macron en 2916, comme quoi la vieillesse peut parfois à la sagesse, mais aussi au naufrage). Parsemée de multiples conflits internes qui ont pu parfois mettre en doute sa crédibilité, le parti écologique a cela dit contribué à la popularisation des enjeux environnements, devenus décisifs pour encore bien des années, et leur a permis de construire un réseau, encore limité mais conforté par la conquête, avec des listes d'union, de villes importantes. C'est positif, mais au niveau du terrain militant, leur vingtaine de milliers d'adhérents limitent leurs capacité d'action.</p> <p>Les deux autres organisations constituant la Nupes, Génération, s et La France Insoumise, dont l'histoire est courte, puisqu'issues toutes les deux de la faillite du « socialisme » sauce Hollande, Organisations jeunes ayant une filiation ancienne donc. Créée autour de Benoît Hamon, qui s'est depuis (momentanément ?) éloigné, Génération.s se veut un pont entre l'écologie et le socialisme, un créneau difficile à défendre car très fréquenté, Utile en tant que laboratoire d'idées, vierge, privilège du jeune âge, des vicissitudes qu'entraîne le fil du temps, Génération.s n'a pas d'implantation significative sur terrain et ne dispose que d'une portion congrue de l'espace médiatique, où la concurrence est féroce, Pour LFI , principale force parlementaire de la gauche, les problèmes sont différents ; on verra ça dans le prochain numéro ?</p></div> Anomie ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2899 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2899 2023-08-25T22:26:00Z text/html fr Saûl Karsz <p>Principal animateur du groupe Pratiques Sociales, Saül Karsz analyse le terme « climat » dans son acception tant climatique que politique les deux étant liés via le prisme des sciences sociales et y décèle un risque d'anomie (disparition de valeurs communes) sous la pression du néo-libéralisme. Chacun, conseille-t-il, serait bien venu de s'y opposer en participant aux actions de résistance face à ce danger.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a> <div class='rss_texte'><p>Étonnant climat, actuellement, en France.</p> <p><strong>Climat météorologique</strong>, tout d'abord. Au beau milieu de chaleurs estivales qui battent tous les records, des pluies drues se déchainent qui ne rafraîchissent guère l'air ambiant car il continue de faire lourd, pesant. S'en protéger paraît plutôt inutile car ces pluies ne durent pas longtemps et la chaleur est toujours là qui rend encombrants les imperméables, casquettes et autres parapluies. Et ce ne sont pas les incendies gigantesques ni la transhumance forcée des populations et des touristes qui allègeront la situation. Bref, la question est : comme faire avec ce fatras, métaphore d'autres climats contemporains tout aussi profondément détraqués ?</p> <p><strong>Climat politique.</strong> La liste est ici bien plus longue que la précédente. Plus d'un million d'euros offerts à un policier victimaire à sang froid d'un jeune banlieusard de 17 ans. Ministre (de la justice !) déféré en Cour de Justice de la République pour un probable conflit d'intérêts. Un grand chef de la police expliquant que les agents suspects de grave abus de pouvoir ne doivent pourtant pas aller en prison avant de passer en justice (auquel cas il faudrait libérer des milliers de prévenus non-policiers). Mise en arrêt réel pour maladie fictive d'une partie des forces policières qui fraudent ainsi la Sécurité Sociale. Ministre qui est l'autorité de tutelle de la directrice adjointe de l'Assurance maladie, son épouse : aucun conflit d'intérêts entre les conjoints, décide la Haute autorité pour la transparence [sic] de la vie publique. Olympique réponse présidentielle à la révolte désespérée et désespérante des banlieues pauvres : triple appel à l'Autorité, à l'Autorité, à l'Autorité. Liste largement incomplète, bien entendu. La question est : comme faire avec ce fatras ?</p> <p><strong>Climat social</strong>, également. Urgences hospitalières ou ambulatoires en déliquescence avancée, quasi-impossibilité de se faire soigner si on manque de médecin attitré, paupérisation de vastes cohortes d'étudiants, crise du logement, résignation forcément rancunière face aux violences policières qui, explique un ministre, n'en sont pas, inflation et coût de la (sur)vie qui ne font pas que des malheureux… Des traits de la vie quotidienne en découlent, qui alourdissent encore le climat : courtoisie, déférence minimale, souci d'autrui sont de moins en moins usités dans les relations de voisinage, les transports, les marchés, dans la rue ; renfermement généralisé dans des bulles conjugales, familiales ou de quartier, crispations de toutes sortes, défiance spontanée envers autrui, perçu comme une menace… La question est : comme faire avec ce fatras ?</p> <p>Émile Durkheim (1858-1917), un des fondateurs de la sociologie, forge la notion d'anomie, très répandue dans et hors la discipline. Elle désigne moins l'absence pure et simple de normes que, plus précisément, l'ébranlement du respect des normes, l'effilochement de la croyance en la nécessité des règles communes, la méfiance envers les références partagées, la certitude croissante d'après laquelle faire société revient à se faire avoir. Les normes continuent d'être en vigueur, créditées d'une confiance en baisse constante. Quelque chose comme des superstructures aléatoires, incertaines. Le monde continue, une partie notable de ses occupants n'y croit guère.</p> <p>Certes, le tableau dessiné ci-dessus comporte, et c'est heureux, de notables exceptions, actuelles et passées. Il dessine une tendance puissante et entreprenante, pas (encore ?) une catastrophe complète. D'ailleurs, aucune société n'a jamais manqué de conflits, plus d'une fois mortifères. Sont aujourd'hui accentués des comportements déjà en cours précédemment. En même temps, des inégalités de toutes sortes et en tous domaines, décomplexées, revendiquées comme telles, triomphent. Des courants conservateurs organisés et informels montent en vigueur et en influence. Une hypothèse raisonnable sur les fatras contemporains passe ainsi par la notion d'anomie. En effet, nous vivons actuellement les multiples effets d'une société submergée par le néo-libéralisme et ses orientations ouvertement fascisantes. Ces effets sont économiques et politiques, et également éthiques, individuels et collectifs, interpersonnels et institutionnels, pratiques et théoriques, intellectuels et affectifs. Les modalités de coexistence, non seulement de production et de consommation, sont aujourd'hui en cause. Des analyses fines pourraient montrer ce qu'il en est au cas par cas. Le montrer dialectiquement : tout ne va pas de pire en pire pour tout le monde…</p> <p>Parce qu'il s'agit bien d'une tendance et pas (encore ?) d'une situation complètement généralisée, nous nous devons de rester en éveil, soucieux de ne pas collaborer aux multiples dévastations en cours, engagés dans des œuvres associatives, syndicales et politiques qui, classiques ou renouvelées, tentent de sauvegarder des espaces de respiration et d'ouverture collectives. A chacun de voir ce qu'il peut faire, ce qu'il veut faire, pour les autres et pour lui, à quoi il tient à ne pas ou à ne plus se prêter. Faute de solution magique, il reste juste et rien de moins que des luttes longues, difficiles, menées avec autant d'opiniâtreté et de lucidité que possible, à succès nullement garanti. Des luttes indispensables, car la neutralité, les abstentions, les narcissismes de l'entre-soi sont des formes courantes de collaboration avec le nouvel ordre du monde. Urgence climatique, urgence politique, urgence sociale, urgence subjective : différents fronts d'un seul et même combat.</p> <p><i>Article paru dans <a href="https://www.pratiques-sociales.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.pratiques-sociales.org</a></i></p></div> Démocratie : ritournelle incantatoire ou pratique à approfondir ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2856 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2856 2023-05-03T14:25:00Z text/html fr Saûl Karsz <p>Nous apprécions ici les subtiles analyses de philosophe Saül Karsz, un socio-philosophe de notre temps qui nous éclaire dans cet article sur ce paradoxe : tout le monde se pose en défenseur de la démocratie mais chacun en a une conception différente, et bien peu pensent aux conditions de sa mise en pratique.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a> <div class='rss_texte'><p>La réforme néolibérale contre les retraites, même devenue loi, n'est en rien une affaire close. Il ne s'agit nullement d'une parenthèse dont la fermeture permettrait de reprendre le cours réputé normal des choses. Une empreinte très certainement indélébile a été tracée, dont les effets sont loin d'être, tous, éclos.</p> <p>Chemin faisant, des opposants et même quelques fidèles demandent à l'actuel président français d'être à l'écoute, d'entendre les colères qui montent, de s'ouvrir aux attentes et aux désespérances qui traversent la société française. Mais il ne le peut pas ! Ce n'est pas une question de volonté. Sont en jeu ses caractéristiques personnelles, lesquelles, loin d'exister en l'air sont marquées du sceau ancestral de sa classe sociale d'origine et d'appartenance : « arrogance nourrie d'ignorance sociale », selon l'historien Pierre Rosanvallon. Ces caractéristiques se font jour lors d'une conjoncture singulièrement grave, à enjeux multiples. En effet, des pans entiers de l'ordre du monde sont, plus que questionnés, démembrés, individus et groupes lésés et déçus y sont majoritaires. Ce qui paraissait, il y a peu encore, normal et nécessaire l'est de moins en moins. Des salariés de plus en plus nombreux ne veulent plus de l'inégalité criante en matière de salaires et de conditions de vie, tout comme de futurs professionnels renoncent à l'avenir plutôt confortable qu'ils trouvent décevant et socialement malsain qui les attend. Implacable naturalisation des différences et des clivages, dégradation de pratiquement tous les services, pas que publics d'ailleurs : serait-ce enfin « le nouveau monde » tant vanté ? La réforme néolibérale des retraites et sa répudiation par la grosse majorité de la société s'y inscrivent complètement. Dans ces circonstances, écouter et agir en conséquence, délibérer et tenir compte des arguments dissidents, s'ouvrir à ce qui ne nous ressemble pas mais pourrait nous faire grandir – voilà des exercices démocratiques qui n'ont rien d'évident. Et ce n'est pas parce que la droite s'y refuse complètement que toute la gauche s'y livre sans discontinuer.</p> <p>La question démocratique se joue dans les fonctionnements institutionnels, dans les rapports administration-administrés, dans les liens parentaux et de couple, dans l'accès aux richesses collectivement produites et systématiquement privatisées, dans le mépris envers les gens d'en-bas et la fatuité dont se drapent ceux d'en haut. Elle se pose dans le déroulé des relations de travail et non seulement à propos des revenus. En fait également partie, en matière d'intervention sociale et médico-sociale, la différence politique et subjective, idéologique et clinique entre prise en charge et prise encompte. En-deçà et au-delà du binôme infernal composé par l'individualisme (si narcissique, si petit-bourgeois) et le collectivisme (si populiste, si peu créatif).</p> <p>Dans la sphère publique autant que dans la vie privée, la question démocratique bat son plein. Sous des modalités diverses, elle se pose partout. Rares sont les moments où elle a revêtu une telle acuité, une telle urgence, une telle gravité. Autant rappeler que ce n'est ni un homme ni même un parti qui sont finalement en cause, mais une politique, une manière de gouverner et des objectifs de gouvernement, des styles de vie, des manières de penser et de ressentir.</p> <p>Vivons-nous déjà en démocratie ou bien s'agit-il d'une démocratie approximative – effective pour les uns, écrasante pour les autres ? La question est bien celle-là, en effet. Les contenus et la portée de cette réforme contre les retraites ainsi que l'itinéraire autoritaire emprunté pour la valider montrent que le néolibéralisme n'a que faire même des formes plus ou moins démocratiques aujourd'hui en vigueur. Formes qu'on veut bien dans le décor mais aucunement au cœur de la pièce, ni dans son déroulé. La formule « démocratie libérale » ressemble de plus en plus explicitement à un oxymore. Le montrer à ciel ouvert est le seul intérêt de cette réforme.</p> <p>« Démocratie » : slogan vite dépoussiéré le temps d'un discours et plus vite encore remisé dans son écrin fermé à double tour ou bien exigence jamais entièrement accomplie, pratique de tous les jours à approfondir sans relâche ? En ce dernier cas, il ne suffit plus de s'opposer, ni même de se révolter. On a tout intérêt à aller au-delà de la colère. Construire et partager des passions gaies, dirait Spinoza : interroger les évidences, repenser le monde, forger des destins qui ne soient pas des condamnations, ne pas vivre pour travailler mais travailler pour vivre, édifier une société où il ferait bon exister. Parce que la question n'est pas facile, ni ne va surtout de soi, le temps des spectateurs qui comptent les points est bel et bien dépassé. La responsabilité de tout un chacun dans ce qui arrive et dans ce qui pourrait arriver est engagée. La victimisation n'est vraiment pas de mise. On ne saurait prétendre « je ne savais pas... ! ». Peu ou prou, nous habitons le monde que nous méritons. <i>Article paru dans Le pas de côté</i></p></div> La fin de l'abondance ? Mais pour qui ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2846 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2846 2023-04-18T13:28:00Z text/html fr Patrice Perron <p>Nous l'avions peut-être oublié mais il y a quelque mois notre détesté président avait décrété « la fin de l'abondance », ce qui avait rire très jaune celles et ceux qui ne l'ont jamais connue. L'allègre Patrice Perron (toujours de Guidel) revient sur cet épisode, si lamentablement macronien.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique23" rel="directory">Les Epines du Cactus</a> <div class='rss_texte'><p>Il n'aura échappé à personne que le Jupiter du premier mandat s'est transformé, s'est mué, ou alors a muté en Vulcain le 14 juillet lors d'une pratique du discours rituel qu'il avait rejeté et méprisé auparavant. N'étant pas radin sur le mépris, ni sur l'arrogance, Vulcain a vite capté qu'il n'irait pas loin, en tout cas pas plus loin que les flammes de l'enfer, s'il s'entêtait à porter ce qualificatif un peu chaud. Il ne ferait pas long feu !</p> <p>Il est devenu, modestement (sic) Manu 1er, du surnom attribué par un jeune qui n'arrivait pas à traverser la rue, ni à changer de trottoir. Mais Manu tout court, ce n'est pas top, alors, pour prendre de la hauteur et tenter de se hisser au niveau des monarques de l'ancien régime, il s'est auto décerné le rang de 1er. Et voilà, notre modeste employé de banque de chez Rothschild, est devenu notre roi bien aimé. Du moins de la partie pas trop pauvre de l'Hexagone. Un peu moins des ruraux, vous savez, ceux qui habitent au fond des campagnes, là où il n'y a pas de bornes électriques, pas de transport en commun, pas d'hôpitaux, pas d'écoles, plus de pharmacies, et même plus de DAB (Distributeurs automatiques de billets). Ou pas aimé du tout de ceux qui sont sous ou juste au niveau du seuil de pauvreté. Ou juste un peu au-dessus. Vraiment, on joue avec les effets de seuil.</p> <p>Car, disons-le tout net, l'abondance, eux, ils ne l'ont jamais connue. Ce qu'ils connaissent bien, par contre, c'est le CCAS, la CAF, les restos du cœur et pour certains, la manche et la rue. Quant à la théorie du ruissellement, ils ne reçoivent que la pluie sur la tronche quand ils sont dehors à essayer de se réchauffer. Il y en a même qui ne connaissaient pas le mot : - C'est quoi l'abondance ?</p> <p>Ceux qui, aujourd'hui, découvrent la fin de la dite abondance, sont les citoyens qui vivaient sans dettes rédhibitoires, ceux qui avaient échappé au surendettement, qui économisaient juste un peu comme ils pouvaient, au cas où, qui tiraient sur leur propre corde pour ne pas demander de l'aide. Par souci de dignité. Et qui rament aujourd'hui. Qui économisaient déjà sur le chauffage. Pas pour faire plaisir à Manu 1er par anticipation, mais qui, déjà, pour finir le mois, se serraient un peu la ceinture. Eux, ils ne faisaient pas deux allers retours Paris-Doha dans la même semaine. Vous savez, les technocrates des statistiques et du budget, les nommaient la classe moyenne inférieure ! Maintenant, la classe moyenne inférieure a la tête sous l'eau. Ils sont devenus invisibles en rejoignant les pauvres.</p> <p>Il est probable que ces citoyens, ne pourront pas restreindre encore plus leur chauffage. Car certains habitent dans des logements passoires, soit propriétés de marchands de sommeil, soit de bailleurs sociaux pas si sociaux que ça. C'est la même chose que pour les ascenseurs en panne dans les immeubles où il y a des personnes à mobilité réduite. À force d'éteindre le chauffage encore un peu plus, ils vont tous choper la crève et remplir les hôpitaux déjà blindés, puis, par effet domino, accroître le déficit de l'assurance maladie, vous savez, la Sécu ? Et ensuite Manu 1er nous dira qu'il faut diminuer encore un peu plus le niveau des remboursements de soins pour équilibrer le budget …</p> <p>Et comme il faut avant tout préserver la compétitivité de l'économie, et surtout les intérêts de ses riches amis et/ou électeurs, Manu 1er et ses proches collaborateurs, baissent les allocations chômage, augmentent l'âge de départ à la retraite, incitent les patrons à pratiquer le licenciement abusif en plafonnant les indemnités quel qu'en soit le motif et protègent les profits énormes de leurs amis. Mais il est vrai que le mot solidarité n'est pas inscrit au fronton des mairies. Cela aurait pu être le quatrième mot du slogan Républicain.</p> <p>En gros, pour conclure, il ne nous reste plus qu'à serrer les dents, et les fesses, aussi, par précaution, nous entraîner à ramer plus fort et mieux, regarder en haut de la montagne de Sisyphe, si le ruissellement arrive, travailler encore et encore, (comme dit Bernard Lavilliers), compter ses trimestres cotisés et validés, et pour ceux qui ont un bout de jardin, tenter d'y cultiver des patates et des légumes de survie. Jusqu'au jour où ça va péter pour de vrai. Car, nous le constatons chaque jour, l'abondance ne s'est pas tarie en trois domaines surtout : <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Les superprofits réalisés, notamment, par les fournisseurs d'énergie, sur le dos des consommateurs, <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> La fréquence incroyable, par les beaux parleurs du gouvernement et de ses sbires, d'utilisation du 49-3 <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Le niveau très élevé de déconnection du discours des politiciens. Mais cela, nous le savions déjà.</p> <p>En ce jour Épiphanique de la galette fêtée au palais, Son Altesse Manu 1er a semblé agacée devant les boulangers qu'il recevait, par les super profits réalisés notamment par les fournisseurs d'électricité. Du coup, le prix de sa galette Élyséenne s'est mise à lui coûter cher, un pognon de dingue ! Commencerait-il à capter les choses de la vie ? L'abondance serait-elle une illusion ? Ceci dit, la galette à la frangipane était bonne … Je m'en lèche encore les babines !</p></div> Macron, ou le vide pour cacher un dessein http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2841 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2841 2023-03-17T22:28:51Z text/html fr Jean-Luc Gonneau <p>Depuis le début de son second (et dernier, ouf) quinquennat, Emmanuel Macron s'est distingué par la vacuité de ses discours, poursuivant ainsi sa lancée du premier. On admirera la constance. Mais derrière ce quasi se pointait peut-être un « grand dessein ». Jean-Luc Gonneau en dit plus.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique23" rel="directory">Les Epines du Cactus</a> <div class='rss_texte'><p>Le président de la République n'est pas avare de discours, même s'il s'est un peu calmé ces derniers temps. Ses discours sont généralement ennuyeux, manquant de flamme (ou alors surjouée, tel un comédien amateur formé par quelque professeur non professionnel dans ce domaine) et de fond, plus un zeste (euphémisme) de condescendance dont il lui est difficile de se départir. Peu d'annonces fortes suivies d'effets, le « Grenelle de la santé » censé mettre fin à la crise de notre santé et débouchant sur quelques mesurettes en étant peut-être l'exemple le plus représentatif. Reconnaissons, car nous savons, au Cactus, demeurer équitables, que certaines conjectures ne lui ont pas rendu la tâche facile : la crise du covid (mais gérée le plus souvent en dépit du bon sens : pas besoin de masque, puis masque obligatoire mais, oups, on n'en a pas assez , puis maintenant on en a trop, confinements où l'on finit par obliger les gens à s'autoriser eux-mêmes à sortir de chez eux, fermetures de lits hospitaliers alors qu'on en manque etc, le tout présenté au final comme un grand succès),,. crise climatique s'accentuant (« Qui aurait pu le prévoir ? », osera récemment notre mini-jupiter, alors que la communauté scientifique annonce le truc depuis des décennies) et la guerre en Ukraine, dont on ne pouvait, en effet, prévoir déroulements et les conséquences, dont, pour une part, et nous y reviendrons, l'inflation,</p> <p>Alors que des services publics majeurs (santé et éducation, mais pas que), que la France brûle, que l'eau vient à manquer, que l'inflation galope, dopée par les superprofits dont le ministre Le Maire affirme « ne pas savoir ce que c'est » (qu'il demande aux patrons du CAC 40, Total en tête, ils lui expliqueront peut-être, mais en toute discrétion, hein) et plombe durement le porte-monnaie des français, dont les salaires augmentent au compte-gouttes, le gouvernement oppose de vagues discours émaillés de quelques plans-rustines dont les effets sont quasi invisibles, le président de la République, lui, n'a qu'une idée en tête : sa « mère de toutes les réformes », celle des retraites. Même une partie du centre et de la droite admet, publiquement ou à mots couverts, qu'elle n'est ni opportune, ni même nécessaire (en tout cas pas celle-là), ni juste, bref, dangereuse. Mais qu'à cela ne tienne, celui que Frédéric Lordon qualifie de « forcené retranché à l'Elysée » persiste. La veille même vote du projet à l'Assemblée Nationale, ses séides, Borne, Véran, Dussopt, Attal, Bergé, mains sur le cœur, assurent que le vote aura lieu. Et boum, le lendemain, le monarque tranche : pas de vote, le 49.3. Le monarque reste impavide : qu'importe s'il exacerbe les colères populaires, ce ne seront pas « ceux qui ne sont rien » qui le feront plier. Et la pauvre madame Borne, qui l'avait quand même un peu cherché lors de ses vaticinations précédentes, en prend plein la tronche, ce que peu chaut au monarque.</p> <p>José Barros, citoyen volontiers facétieux, nous conte l'histoire suivante : « L'autre jour, commentant ces manifestations qui remplissent les rues de toutes les villes de France, un ami me dit qu'il savait déjà qu'avec un vote, on ne résout rien mais aussi que, certainement, também, ce ne sont pas les manifestations qui résolvent quoi que ce soit parce que nous sommes devant un gouvernement et un président de la République somuave ! Je lui demandai ce que voulait dire « somuave ». Il me répondit : ça veut dire SOurd, MUet et AVEugle (1) ». Toujours est-il que des votes, constitution oblige, et c'est dans ce cas heureux, auront lieu dans quelques jours, puisque des motions de censure seront présentées, qui, en cas d'adoption, mettront à bas le projet et le gouvernement. A priori, aujourd'hui 17 mars, deux. La première émanera du Rassemblement National et n'a aucune chance d'être adoptée. La seconde sera présentée par un petit groupe parlementaire centriste emmenée par le célèbre révolutionnaire Charles de Courson, parlementaire expérimenté qui a jugé l'usage du 49.3 inepte et dangereux, dans ces circonstances, dangereux pour la démocratie. Et il a bien raison, Charles. La Nupes, à gauche, a annoncé s'y rallier, et le RN, à droite extrème a dit qu'il voterait toutes les motions de censure. Les calculettes vont rechauffer, le suspense être insoutenable. Allez, pour ce coup-là, tous avec Charles !</p> <p>Il y a lieu cependant de s'interroger sur ce qui motive l'obstination d'Emmanuel Macron au sujet de ce projet de réforme. Sentiment de toute puissance ? Possible, car il est patent que l'humilité n'est pas la caractéristique du personnage, qui n'est utilisée, rarement, dans quelques discours peu crédibles. Mais ce n'est pas suffisant (contrairement à lui). Son argumentaire est public : la réforme est nécessaire pour « sauver la retraite par répartition », et pour ne pas alourdir la dette du pays et rassurer ainsi Bruxelles, et les marchés des capitaux (ça n'est pas dit comme ça, mais pensé très fort). Pour le COR, Conseil d'Orientation des Retraites qui ne passe pas pour un repère d'énergumènes, le quasi équilibre actuel du système actuel n'est pas menacé pour au moins les dix prochaines années : peut-on parler de « sauvetage » ? Et que penser du « sauveteur » ? Rappelons que lors de son premier mandat, Emmanuel Macron avait déjà tenté de « réformer » les régimes de retraite, en y introduisant la retraite par points, système qui aurait généré des fonds de pension, le graal du capitalisme financier, attendu avec gourmandise, pardon, gloutonnerie, par les ogres de la finance internationale dans leur version la plus spéculative. L'irruption du Covid avait stoppé le projet, mais, on l'a vu, Macron est un obstiné lorsqu'il s'agit de défendre le capital (« les riches »). Les colères, l'usure mentale et physique entraînée par la hausse de l'âge de la retraite pour les « sans rien », il n'en a, demeurons polis, rien à cirer. Comme « sauveteur Macron manque de crédibilité, si ? Il a encore quatre ans pour nuire, restons vigilants, avant une post-présidence dorée avec une bonne retraite très anticipée, et des conférences juteuses auprès de ses amis de la phynance, qui lui devront bien ça.</p></div> La réforme des retraites, évènement et symptôme http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2837 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2837 2023-03-13T18:09:00Z text/html fr Saûl Karsz <p>Principal animateur du réseau Pratiques sociales, le philosophe Saül Karsz utilise dans ses analyses toute la palette des sciences sociales. D'où une analyse originale de la crise créée par le projet de réforme des retraites</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a> <div class='rss_texte'><p><strong>Evénement</strong>, la réforme marque un nouvel épisode dans l'emprise néolibérale sur les sociétés contemporaines. Elle est tenue d'être autoritaire, ne peut guère céder aux revendications des classes moyennes et populaires car les enjeux sociaux sont trop graves, la conjoncture de plus en plus difficile, maintenir la situation respective des différentes couches et classes sociales les unes vis-à-vis des autres de plus en plus étriqué. La surdité des promoteurs de cette réforme est proportionnelle à leur écoute attentive des marchés. Moderniser la société, soit la rendre encore plus libéralement compatible, est à ce prix.</p> <p><strong>Symptôme</strong>, cette réforme qui ajoute deux ans à la période de travail obligatoire (sic) pour les salariés en leur enlevant par là même autant de temps et d'énergies consacrés à d'autres activités, ne se réduit pas à son volet comptable, ni même économique. Telle est sûrement la seule certitude partagée par partisans et adversaires de la réforme. D'après ce qu'on peut savoir au travers du maquis enchevêtré de mensonges et autres fake news, sauver les finances publiques n'est pas nécessaire puisque celles-ci se portent suffisamment bien : en attestent les aides faramineuses octroyées aux entreprises, la plupart sans contrepartie, pendant la période Covid. Ce sont des modes de vie qui sont en jeu, la tenue des multiples services essentiels offerts à la communauté, l'accès à certaines activités, à certains droits et devoirs, la possibilité de plaisirs et de jouissances constamment différés. D'un point de vue statistique, allonger de 2 ans la vie au travail réduit d'autant l'espérance de vie des classes populaires. Bref, nous sommes aux prises avec une réforme existentielle. S'agirait-il du « nouveau monde » promis jadis par le président de la République ?</p> <p><strong>Evénement et symptôme</strong>, cette réforme dit qu'il n'y a pas de droits acquis pour toujours, de situations irrévocablement pérennes, de liens individuels et collectifs muséifiés. Même les classes possédantes se doivent d'accroitre régulièrement leurs richesses, d'étendre sans cesse leur emprise. Obligation est faite à tout un chacun de choisir son camp, d'un côté ou de l'autre : choix polarisé, extrême, drastique, parce que tels sont les temps que nous vivons. Autant dire que de ce qui arrive, et de ce qui n'arrive pas, nous restons irrémédiablement co-responsables.</p> <p><i>Article paru dans <a href="https://www.pratiques-sociales.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.pratiques-sociales.org</a></i></p></div> L'extrême droite s'enracine dans le monde http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2828 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2828 2022-12-25T15:13:56Z text/html fr Michel Rogalski <p>Directeur de la revue Recherches Internationales, Michel Rogalski nous propose une synthèse fine des causes des progressions des « idées » et des organisations d'extrême droite au niveau mondial, et quelques pistes pour la contrer.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a> <div class='rss_texte'><p>Aujourd'hui l'extrême droite s'empare le plus souvent du pouvoir par la voie électorale. Les putschs des colonels grecs ou des généraux brésiliens ou argentins remontent aux années soixante. Les idées de cette nébuleuse multiforme ont progressé au point de l'autoriser à penser à des alliances pour accéder au pouvoir qui devient son objectif affirmé.</p> <p>Quel que soit son visage, l'extrême droite, presque toujours xénophobe, se nourrit des peurs, des frustrations et des précarités générées et alimentées par la crise. Elle progresse sur des sociétés fragilisées dont les repères et les valeurs sont heurtées. Les gros bataillons ne viennent plus en Europe des groupuscules violents ou paramilitaires et souvent nostalgiques du nazisme qui, tolérés ou non, perdurent encore de façon marginale et folklorique dans la vie politique. Certes, des filiations idéologiques avec cette famille politique peuvent être objectivées pour quelques dirigeants, mais pour l'essentiel le discours, les formes d'action, les milieux influencés se sont tellement modifiés qu'ils inclinent plutôt à penser en termes de ruptures que de continuités. En quelques décennies l'extrême droite a réussi à sortir d'un ghetto politique où elle avait été cantonnée et à imposer ses thèmes de prédilection dans le débat politique. Sa montée en puissance a accompagné ce qu'on a appelé le virage à droite des sociétés dont les droites se sont radicalisées au point de se rapprocher des formes les plus extrêmes.</p> <p>L'évolution du parti conservateur britannique ou du parti républicain sous l'influence de Trump illustre ce type de dérive qui ouvre un champ des possibles pour l'extrême droite. Les stratégies seront diverses. Pour certains une posture d'alliance avec la droite conservatrice sera privilégiée et permettra une participation au pouvoir. Des partis de droite radicale, autrefois à la marge des scrutins électoraux, et réputés « infréquentables », deviennent désormais, par leur progression fulgurante, des incontournables aux yeux d'une droite plus classique, pour exister électoralement. Pour d'autres, faute d'avoir réussi à se rendre fréquentable, la perspective tracée sera celle de la déstabilisation du système politique perçu comme obstacle à toute avancée vers le pouvoir. Là où en France, en Suède ou en Italie l'extrême droite cherchera à se « dédiaboliser » non sans succès, ailleurs avec Trump, Bolsonaro, Modi, Poutine on assistera plutôt à une fuite en avant. Mais, dans tous les cas de figure, posture d'affrontement ou participation, l'effet sera le même, celui d'une droitisation de la société et du recul des valeurs progressistes. Montée des égoïsmes, repli individuel, abandon des acquis sociaux, recul des solidarités, refus des différences, recherche de boucs émissaires, traduiront le déplacement du curseur idéologique. Car il faut comprendre que cette extrême droite n'est pas sans racines culturelles historiques, au point de pouvoir animer et développer une « contre-culture ».</p> <p>Le monde arabo-musulman, du Sénégal au Pakistan, soit largement plus d'un milliard d'hommes, a vu se développer en une trentaine d'années des formes d'intégrisme religieux qui s'apparentent à un fascisme vert prenant partout violemment pour cible les forces progressistes et démocratiques et ayant le projet d'imposer la prééminence de principes théocratiques sur l'espace social et politique. En Afrique noire, les sectes évangélistes prospèrent et véhiculent des valeurs rétrogrades, tandis qu'en Amérique latine elles ont toujours été associées aux formes extrêmes des dictatures militaires ou des régimes les plus conservateurs. Nationalisme et identités religieuses et culturelles sont instrumentalisés en Inde par le gouvernement de Narendra Modi.</p> <p>Partout, ces mouvements, surfant sur l'air du temps, ont su tout à la fois faire coaguler des aspirations diverses, utiliser les techniques les plus modernes de la communication de masse et se retrouver à l'aise dans une mondialisation qu'ils leur arrivent parfois de pourfendre. Selon les pays et les situations, les thèmes seront simplifiés et caricaturés par des leaders qui ne s'embarrasseront pas de complexité et chercheront avant tout à déstabiliser le système politique en présentant ses élites comme incompétentes, corrompues, complices de forces obscures menaçant l'intérêt national et insensibles aux besoins du peuple. Les boucs émissaires seront vite trouvés. Ici l'immigré, là le profiteur de l'État-providence ou le fonctionnaire, sauf s'il est policier, douanier ou soldat, car l'ordre musclé n'est jamais rejeté. Ou encore, la région pauvre et paresseuse parasitant la région riche et besogneuse sera montrée du doigt et invitée à se séparer. L'anti-fiscalisme et le rejet de l'étatprovidence seront mis en avant, notamment dans un continent comme l'Europe où l'état a toujours été affirmé et tenu pour responsable des solidarités nécessaires. Ailleurs, la présence d'une forte immigration habilement associée à une montée de l'insécurité, vraie ou fantasmée, sera un effet d'aubaine. On assiste même aujourd'hui à des tentatives de réhabilitation de la colonisation en exaltant ses soi-disant bienfaits, suggérant par là qu'il ne s'agissait que de civiliser des « barbares » qui devraient nous en être reconnaissants. Des sentiments identitaires caractériseront souvent cette mouvance. Flattés à l'échelon national, ils nourriront une forme nationaliste d'opposition à l'Europe et à la mondialisation ainsi qu'à l'idéologie qui l'accompagne, le mondialisme. Mais déclinés sur un mode régionaliste voire séparatiste, ils remettront en cause le modèle national en se jouant de l'Europe flattant les régions.</p> <p>À l'évidence, ce fonds de commerce prospère. Mais centré sur des identités et des particularismes, il peine à se constituer en internationale effective à l'échelle du monde et arrive difficilement à tisser des réseaux de relations efficaces même s'il multiplie rencontres et sommets. On n'a pas vu apparaître véritablement une Internationale Brune. Mais on aurait tort de sous-estimer le rôle joué par certains États, notamment la Russie pour flatter et encourager ces mouvements. Tout autant que les maints voyages de John Bolton eu Europe et ailleurs dans le monde pour favoriser un tel projet.</p> <p>L'idéologie de l'extrême droite est finalement assez simple : il faut préserver. Qu'il s'agisse de la race, de la nation ou de la civilisation face au « barbare » qui est aux portes ou déjà à demeure ; ou bien des valeurs ancestrales menacées – travail, famille, religion–, de l'ordre établi bousculé par toute évolution de société. Il faut défendre tout cela parce qu'on s'est persuadé que c'était ce qu'il y avait de meilleur, donc de supérieur aux autres. Il faudra même lutter contre la science si elle en vient à contredire nos convictions profondes, notamment religieuses. Le recours à l'affrontement, à la tension, voire à la guerre, ou la construction de dangers, de menaces ou d'ennemis, seront systématiquement recherchés pour entretenir une cohésion sociale ou communautaire contre « les autres ». On comprend combien ces « idées », ces phobies ou ces croyances rentrent en totale opposition avec toute avancée progressiste porteuse de valeurs de solidarité et de progrès. Le choc ne peut être que frontal et sans concessions.</p> <p>C'est dans la violence que la mondialisation a imposée aux peuples et aux états que réside probablement la cause principale de ce bouleversement du paysage politique. Ses effets délétères ont ravagé les souverainetés nationales garantes des protections que l'état devait à ses populations, et de la préservation des identités de chaque pays. Le spectacle de gouvernements successifs incapables d'agir efficacement sur des problèmes considérés comme essentiels et se retranchant derrière la contrainte externe pour se disculper de leur inaction ou de leur incapacité à obtenir des résultats, a créé le terreau sur lequel a germé ces postures xénophobes et identitaires. La précarité et le chômage se sont développés sur une grande échelle touchant d'abord les plus démunis et les plus exposés et affolant des classes moyennes craignant d'être happées dans le désastre. Ces dernières catégories constituent le socle le plus fidèle de cette droite extrême car elles reprochent à ceux d'en haut de donner à ceux d'en bas avec leur argent, au risque de les déstabiliser. C'est pourquoi toute solidarité et assistance sont bannies de leur horizon mental.</p> <p>Bien qu'embarrassant à la fois la droite traditionnelle et la gauche, cette montée identitaire et xénophobe lance un défi particulier à cette dernière qui n'a pas su offrir une alternative crédible à ces bataillons ouvriers et populaires qui l'ont abandonnée. Elle n'a peut-être pas pris la mesure de la portée de l'effondrement du monde soviétique qui a ouvert un boulevard à toutes les formes de conservatisme. La montée des extrêmes droites en constitue un contrecoup. Elle n'a peut-être pas compris que réfuter certains mots d'ordre – au nom que l'extrême droite s'en était emparés – ne pouvait que la cornériser si ces idées devenaient populaires. Très tôt l'extrême droite a su habilement faire main basse sur les thèmes de la souveraineté, de la laïcité, des migrations au point de tétaniser les forces de gauche. Comment par exemple faire la fine bouche sur le thème de la souveraineté ? C'est quoi le contraire ? La soumission, l'inféodation, l'abaissement, l'obéissance ? Dossier implaidable. Les sondages confirment que les thèmes préemptés par la droite séduisent les couches populaires. Faut-il leur abandonner ? La montée de l'extrême droite se constate avant tout par la montée de ses scores électoraux, donc par l'effondrement de ceux de la gauche. S'interroger sur les succès de l'une ne peut se faire sans questionner l'affaiblissement de l'autre.</p> <p>L'absence de vraies réponses de la part de la gauche, au programme peu audible car insuffisamment différencié de celui de la droite et suggérant un consensus mou sur la mondialisation, la construction européenne, le social, la réponse à la crise, ont favorisé l'illusion d'un système pipé dont il fallait sortir par l'extrême droite. Celle-ci a su accueillir ces ruisseaux de mécontents et transformer leur démarche protestataire en vote de conviction et d'adhésion par définition moins versatile. Regagner ces voix, voire arrêter l'hémorragie, ne sera donc pas tâche facile. Redonner sens au clivage gauche/droite, ne pas confondre social avec sociétal, être clair sur les couches dont on défend les intérêts et intransigeants sur toute dérive xénophobe deviendront très vite des postures incontournables pour les forces politiques se réclamant de la transformation sociale</p> <p><i>Article paru dans la revue Recherches-Internationales <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> Qui inspira la réforme macronienne des services publics http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2826 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2826 2022-12-25T14:54:22Z text/html fr Coudes à Coudes <p>L'association Coudes à Coudes a enquêté sur la composition du comité qui a conseillé Emmanuel Macron pour sa « réforme » mortifère des services publics : un entre-soi du microcosme macronien, largement dominé par les représentants du patronat privé et où les fonctionnaires, un petit quart du total, occupent tous de hautes fonctions dans l'administration. Une belle brochette où ne manque pas l'inévitable cabinet Mc Kinsey. Edifiant.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique23" rel="directory">Les Epines du Cactus</a> <div class='rss_texte'><p>Par elle seule, la composition de cette Commission chargée d'élaborer la dernière en date des lois de « modernisation », vaut programme : les ministères d'E. Macron ont demandé à un aéropage de patrons du privé de « moderniser » les services publics.</p> <p> Le Comité action publique 2022 ( CAP 22 ) est un groupe composé de quarante personnalités mêlant économistes, cadres du secteur public et privé, élus, et chargé en octobre 2017 par le premier ministre E. Philippe de réfléchir à une réforme des missions de Service Public de l'État associée à une réduction des dépenses publiques. Son travail déboucha sur la Loi de Transformation de la Fonction Publique de 2019. Les questions à poser pour comprendre la réorganisation libérale de l'action publique – sont : qui fait ? qui ? Quelle histoire sociale incarnée en des individus, quelles formations, quel recrutement, quel univers de relations les ont construits ? Impossible de s'expliquer ce qu'ils font sans saisir d'où ils viennent, de quel groupe social, quel parcours dans ce groupe social, et quels sont leur univers de référence, celui d'où sort ce qu'ils estiment évident, incontournable, naturel, sens commun – sens commun de leur groupe social.</p> <p>Nul ne s'étonnera alors, à analyser sa composition, que la commission ait communier sans distance dans cette croyance promue dogme : ce sont les règles managériales du privé qui doivent structurer le travail dans les services publics, lesquels sont d'abord vus comme zone de gabegie. Il s'agit donc de réduire leurs coûts, ce qui passe par l'externalisation des tâches vers des entreprises privées ou des concessions de service public. Et, dans le périmètre maintenu des fonctions publiques, « dégraisser le mammouth » : casser le statut des fonctionnaires, liquider les contrats aidés, embaucher des « agents temporaires », ne pas remplacer les départs en retraite, restreindre les recrutements, contrôler plus étroitement, caporaliser les agents en intensifiant leur travail. Toute la refonte proposée de la fonction publique se comprend sitôt examiné qui composa cette commission.</p> <p><strong>Le Comité Action publique 2022, ce fut CAP sur le privé !</strong></p> <p>Cette commission, en effet, n'inclut aucun salarié des services publics travaillant à un rang intermédiaire ou comme personnel d'exécution. Et aucun syndicaliste. Les seuls fonctionnaires admis sont situés en haut de l'échelle hiérarchique. La commission n'en compte que 13 parmi ses 43 membres. En revanche, avec un effet de masse jamais vu , y furent nommés des dirigeants de groupes privés ou de fonds d'investissement, ignorants du fonctionnement local des services publics mais rompus, avec excellence professionnelle, aux codes, aux critères de performance et aux pratiques des directions d'entreprise ou du consulting :</p> <p>Ross Mc Innes, président de Safran, géant de la défense et l'aéronautique ; Véronique Bedague-Hamilius, P-DG de Nexity Immobilier ; Guillaume Hannezo, passé de Vivendi à la banque Rothschild et au fonds financier WeShareBonds ; Mathilde Lemoine, ancienne de la banque HSBC passée chef économiste chez Rothschild ; Jean-François Cirelli, ex-directeur générale GDF-Suez, qui préside en France le fonds de placement BlackRock ; Stéphane Brimont, président du fonds financier Macquarie ; Marc Tessier, de chez Havas, Canal +, France TV puis NetGeM (télévision via Internet) ; Philippe Josse, d'Air France KLM ; Stéphanie Goujon, vice-présidente du Mouvement des entrepreneurs sociaux ; Jean-René Cazeneuve, d'abord chez Apple, puis Bouygues Telecom ; Philippe Laurent, de la direction financière de Renault ; Paul Duan, start-upper dans la Silicon Valley ; Ludovic Le Moan, ESN Coframi (société d'informatique) et aujourd'hui Sigfox (opérateur de télécommunications) ; Frédéric Mion, ex-directeur de Sciences Po, mais aussi ancien du groupe Canal + et ex-avocat d'affaires au cabinet Allen et Overy ; Thomas London, directeur associé de la société de conseil* McKinsey, responsable des activités Santé et Secteur public ; Axel Dauchez, ex-président de Publicis France, qui vient de lancer la start-up de civic tech Make.org ; Jean-Baptiste Fauroux, ex-directeur général de Steelcase Strafor (spécialisée dans l'aménagement des espaces de travail) à Bruxelles ; Guillaume Marchand, qui se présente comme psychiatre, entrepreneur, investisseur et ancien président d'une fédération de start-ups de la « e-santé ».</p> <p>On a donc là des patrons ou évangélistes du marché, patron et évangélistes internationalisés, ignorant tout des services publics mais rompus, avec excellence professionnelle, à la maitrise pratique des directions d'entreprise ou du consulting. Dès lors, on saisit mieux certaines dimensions du « prêt-à-penser » qu'ils partagent et qui orientent leurs activités : importation des recettes d'entreprises pour « tout moderniser », intensification du travail, évaluation des performances liée à des objectifs individuels chiffrés, compressions des salaires, externalisation vers le privé (autant d' « améliorations » à l'œuvre, notamment, dans les directives qui préfigurent la remise en cause des métiers des fonctionnaires…) ; ode à la mobilité forcée (réformes de l'assurance-chômage et du code du travail) ; accroissement des contrôles (réforme de l'assurance-chômage, entre autres…) ; ajustements des services rendus par le public aux besoins immédiats des entreprises et de leurs bassins d'emplois. Les exemples abondent, qui montrent l'État, pour une part, devenant entreprise au service des entreprises ; l'État et ses services les plus divers, « managerialement » reconfigurés.</p> <p>Tous ont, avec brio, triomphé du cursus honorum des enfants (les plus prometteurs) de la classe dominante : Sciences Po et l'ENA new style, changés en Business schools (comme d'ailleurs Polytechnique en partie), conjugués avec HEC, l'ESSEC ou des Business schools anglo-saxonnes. L'intériorisation des lois et vertus des entreprises libérées dans un marché lui-même libéré et mondialisé, fut pour chacune et chacun, totale, immédiate, « l'air qu'on respire », sans réserve, et vecteurs de leurs réussites.</p> <p>Ne caricaturons pas, certains de la commission viennent du public. Mais soit ils en sont sortis pour s'en « libérer » soit ils y ont travaillé d'abord pour conformer le public au besoin du privé. Premier cas, quelques cas : Bedague-Hamilius, secrétaire générale de la ville de Paris, directrice de cabinet de Valls à Matignon parti à Nexity ; Josse, directeur du Budget sous Copé, parti à KLM ; Lemoine, conseillère à Matignon sous Villepin, parti à HSBC puis Rothschild…Second cas : Josse toujours, architecte de la RGPP ; Bigorgne, de Science Po mais propulsé directeur de l'Institut Montaigne par Claude Bébéar d'Axa ; Clotilde Valter, PS, secrétaire d'État, mais rapporteure du projet de loi Macron, première main de l'accord Arcelor-Mittal, de la fermeture de Goodyear d'Amiens. Pisani-Ferry, président du comité de suivi du CICE, etc…</p> <p>Notons-le, aucun personnel d'exécution ou de rang intermédiaire ou de direction des services publics ne siège dans cette commission. Ce groupe ne constitue pas un « groupe sur le papier ». Il s'agit d'un groupe mobilisé. Un groupe coopté et soudé à partir de l'harmonie immédiate des dispositions de ses membres, et qui s'affermit au travers de style de vie et de fréquentations semblables. Ils sont forts de formations homologues et des connivences spontanées qui les accompagnent. Ils sont forts de parcours homologues et virtuoses souvent. Ils sont forts d'un « sens commun » sans fissures et identique, forts d'un système d'évidences et de présupposés partagés, qui organise leur vision du monde et de ses divisions. Forts de se sentir héritiers légitimes. Un groupe, fusionnel, endogame quant aux origines sociales, assuré de lui-même, et d'une certitude de soi sans cesse renforcée : au gré des réussites scolaires éclatantes, au gré des circulations réussies entre public et privé, puis des réussites d'entreprises. A tel point qu'ils en deviennent audacieusement libérés dans le calendrier et les contenus des réformes libérales qu'ils accumulent. Comme aucune autre Noblesse d'État n'avait osé avant eux (même sous Sarkozy, qui rétrospectivement apparaitra modéré). Car rien, jamais, dans leurs parcours ne les a arrêtés. Ils sont le « nouveau monde » sans frontières ni échecs, qu'un réseau serré de protections, de solidarités extérieures à l'État et d'échanges légitimants perpétuels avec des secteurs patronaux et médiatiques puissants encouragent et perpétuellement célèbrent. Pourquoi concevraient-ils qu'il faille stopper le job ? Quand ce job est au principe de leur position qui en impose, porteuse d'une image flatteuse d'eux-mêmes. Un groupe, spontanément prompt à ériger en « devoir-être » universel, les vertus dont ses membres ont socialement hérités : la « mobilité », la « créativité », « entreprendre », « se réaliser », la « liberté », le « boulot », « l'investissement », la « discipline »….bref, leur art de vivre promu exemple. Et c'est pourquoi d'ailleurs, ils ne peuvent comprendre qu'en recourant à l'idée d'une sombre fainéantise, que tous les salariés ne tirent pas bénéfices du monde tel qu'il va. Ils ne connaissent, ne croisent et n'ont jamais croisé, directement ou familialement, aucun ouvrier, aucun employé, aucun technicien, aucun précaire, aucun chômeur, aucun cadre moyen même. Ils ne savent d'expérience aucune de leurs urgences, aucune des insécurités affrontées, des mépris subis, des galères de logements, des incertitudes scolaires ou à Pôle Emploi, des concurrences dans et pour l'emploi ou pour les stages en milieux populaires. Le montant du RSA se dépense lors d'un dîner intime entre amis, pour acheter une paire de chaussures ou des boutons de manchette.</p> <p>Ces champions des champions de la classe dominante sont, depuis l'enfance, emmurés dans l'univers cossu et clos qui les a faits et où ils ont vaincu (car on minore trop les luttes féroces à l'intérieur des groupes dominants).</p> <p><strong>Endogamie, oui. Juste quelques exemples.</strong></p> <p>Revel ? Binôme de Macron à l'Élysée sous Hollande, Macron avait voulu l'imposer dircab de Philippe à Matignon. Mion ? Patron d'Edith Chabre, femme d'Edouard Philippe et parrain d'un de leurs enfants. Aghion ? Commission Attali avec Lemoine et Macron, Aghion qui déclare « à l'époque avec Macron, on passait notre vie ensemble ». Rothschild ? Lemoine, Hannezo y sont ou y sont passés. Financière Macquarie ? Mc Innes, Brimont. Filière Science-Po mondialisée et convertie en Business School sous Richard Descoings, son protégé, Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne, Mion directeur de Science Po, Letta ex premier ministre italien recruté à Science Po par Mion, Pisani-Ferry candidat malheureux contre Mion à la direction de Science Po et avec qui il se réconcilie vite. Entre autres… Sans parler des conjoints eux-mêmes PDG d'un certain nombre des membres de la commission.</p> <p>Pour piloter ce programme de « modernisation » de la fonction publique fut installée, en novembre 2017, la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP). Avec, placé à sa tête, les deux premières années, Thomas Cazenave (Sciences Po Paris, ENA), inspecteur des finances passé, à 33 ns, directeur délégué des « ressources humaines » d'Orange France, avant de revenir dans l'État, directeur adjoint du cabinet d'Emmanuel Macron au ministère de l'Économie, puis secrétaire général adjoint de l'Élysée. On lui doit le livre-manifeste L'État en mode start-up, préfacé par E. Macron. Le chapitre sur les « réformes à l'étranger » est écrit par Karim Tadjeddine, un polytechnicien issu du corps des Ponts, passé par le ministère des Finances avant d'être débauché par le cabinet de conseil McKinsey. Il y codirige le département qui s'occupe de « moderniser » les services publics, pour le compte de la DITP.</p> <p><i>Paru dans <a href="https://www.coudesacoudes.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.coudesacoudes.com/</a></i></p></div> Changer de constitution pour changer de régime ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2784 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2784 2022-08-09T23:44:00Z text/html fr Charlotte Girard, Vincent Sizaire <p>La proposition de mettre en place une nouvelle constitution par Jean-Luc Mélenchon ne fut pas, on ne peut que le regretter, un thème central de la récente campagne présidentielle. Quelque mois auparavant, deux juristes universitaires, Charlotte Girard et Vincent Sizaire, publiaient un article sur ce thème dans l'intéressant blog internet Theconversation.fr, que nous reproduisons ici, et qui décrit bien la nécessité d'une telle mesure, pour redonner à la France un élan démocratique aujourd'hui malmené. Signalons au Passage que Charlotte Girard joua longtemps un rôle central dans la production intellectuelle de la France insoumise, et que, si vous voulez notre avis, son éloignement est une grosse perte pour cette organisation.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique24" rel="directory">Réflexions</a> <div class='rss_texte'><p>Contrairement à ce que pourrait laisser penser une observation rapide du débat public à l'occasion de la prochaine élection présidentielle, la question du passage à une nouvelle République n'est ni récente, ni l'apanage de certains candidats à la fonction suprême. Dès les premières années de la Ve République, le « coup d'État permanent » que permettait le nouveau régime fut dénoncé par un certain… François Mitterrand. Et si ce dernier s'est finalement coulé à merveille dans des institutions autrefois honnies, nombreux sont aujourd'hui les chercheurs, mais aussi les mouvements citoyens, qui en appellent à un changement de constitution, sans parler des candidatures qui font cette proposition à chaque élection présidentielle.</p> <p>Dans une société démocratique, les textes constitutionnels visent à encadrer l'action du pouvoir de sorte à garantir qu'il s'exerce conformément à la volonté du peuple souverain. Cela passe en France, en particulier, par le respect par les gouvernants des droits fondamentaux et par l'interdiction de concentrer le pouvoir dans les mains d'un seul, comme le rappelle la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. » C'est donc moins à sa capacité à assurer la stabilité du régime, qu'à la façon dont elle garantit – ou non – la représentativité des institutions qu'il faut juger une Constitution.</p> <p>Et, de ce point de vue, le texte actuel ne remplit pas véritablement sa fonction. Quand, scrutin après scrutin, le taux de participation électorale ne cesse de s'effriter, quand la composition sociale de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais également, de plus en plus, de leurs électeurs, ne reflète qu'une minorité de la société française – l'Assemblée nationale ne compte que 4,6 % d'employés et aucun ouvrier alors que ces catégories socio-professionnelles sont majoritaires) – quand la révolte des classes populaires « en gilets jaunes » de l'hiver 2018 tourne aussi rapidement à la confrontation violente, que reste-t-il de la représentativité des gouvernants ?</p> <p>Certes, la constitution actuelle ne saurait être la seule explication à cette crise institutionnelle. Mais en raison de sa fonction d'organisation de l'exercice du pouvoir d'État, elle en est nécessairement l'une des plus déterminantes.</p> <p><strong>Une centralisation du pouvoir toujours plus forte</strong></p> <p>Depuis 1958, la constitution organise invariablement une centralisation du pouvoir largement fondée sur l'hégémonie du pouvoir exécutif au sein de l'appareil d'État. Il n'est qu'à rapprocher la liste des pouvoirs que le Président peut actionner sans autorisation prévue à l'article 19 de la constitution et l'irresponsabilité qui caractérise son statut à l'article 67 de la même constitution.</p> <p>Pourtant, la volonté de maintenir un régime dans lequel le gouvernement devait avoir les moyens de sa politique aurait dû en principe réserver au parlement une place de choix pour partager la fonction législative avec un gouvernement responsable devant lui. Moins de la moitié des lois adoptées sont d'origine parlementaire alors que les propositions de loi sont beaucoup plus nombreuses que les projets de loi d'origine gouvernementale.</p> <p>Mais toute une série de dispositifs constitutionnels accumulés au cours de la longue existence du régime ont donné à ce dernier une légitimité passant désormais exclusivement par le président de la République, quitte à enjamber le pouvoir législatif. On pense ainsi à l'abandon de l'investiture obligatoire des gouvernements, le pouvoir de révocation du gouvernement par le président, le fait majoritaire renforcé par le quinquennat et l'inversion du calendrier rendant fictive la responsabilité gouvernementale et improbable une nouvelle cohabitation. Le gouvernement, c'est-à-dire le pouvoir exécutif, étant à l'initiative de l'écrasante majorité des projets de lois et maître de l'ordre du jour des assemblées, il dispose de tous les moyens de contrôler le travail parlementaire et de faire voter les textes qu'il souhaite, y compris en brusquant les débats en séance publique. On rappellera la tentative de coup de force du gouvernement Édouard Philippe à la veille de la crise sanitaire pour faire passer la réforme des retraites par l'article 49-3 forçant l'adoption sans débat du projet gouvernemental.</p> <p>Le gouvernement a aussi la possibilité de limiter voire d'interdire le dépôt d'amendements, de demander une seconde délibération, jusqu'à l'engagement de sa responsabilité sur le vote d'une loi, les moyens de pressions sur les députés et sénateurs sont nombreux et variés. S'y ajoutent un mode de scrutin très majoritaire et une opportune « inversion du calendrier » qui a consolidé la subordination de la majorité parlementaire au pouvoir exécutif. Ainsi dépossédé de l'essentiel de sa fonction, le parlement ne peut plus être le lieu privilégié du débat public sur les grandes orientations politiques de la Nation, un lieu où s'exprimerait une réelle diversité de points de vue.</p> <p><strong>Le pouvoir judiciaire, « simple autorité »</strong></p> <p>La situation du pouvoir judiciaire n'est guère plus enviable. Ravalé au rang de simple « autorité » dans les termes de la constitution elle-même, il n'est pas suffisamment à l'abri de l'influence du gouvernement, qui conserve la main sur les nominations des magistrats – ses propositions ne sont soumises à l'avis conforme du conseil supérieur de la magistrature que pour les juges et non les procureurs, qui ne peuvent dès lors prétendre à la qualification d'autorité indépendante au sens du droit européen – et, surtout, les moyens des juridictions. Or le degré d'indépendance de la Justice conditionne directement l'effectivité des droits et libertés des citoyens. Mais cette subordination des pouvoirs législatif et judiciaire serait impossible sans la domination exclusive du pouvoir présidentiel que permet le texte constitutionnel. Une domination garantie par une panoplie de mesures visant à définir un privilège présidentiel que la personnalisation du pouvoir n'a cessé d'amplifier.</p> <p><strong>Un chef de l'État « irresponsable en tout »</strong></p> <p>D'abord, le président de la République concentre en sa personne un nombre de prérogatives sans commune mesure avec ce qui se pratique dans les autres États européens dont la plupart relèvent d'une tradition parlementaire, mais, également, outre-Atlantique, où le régime présidentiel oblige toujours le chef de l'exécutif à composer avec les autres pouvoirs. Le locataire de l'Élysée, lui, est non seulement le chef de l'État, supposé garant des institutions, mais aussi le chef du gouvernement, dont il nomme et révoque discrétionnairement les membres. Irresponsable en tout, en ce sens qu'il n'a de comptes à rendre à aucun autre pouvoir et notamment devant le Parlement, puisqu'il a le pouvoir de le dissoudre à sa guise.</p> <p>L'article 16 de la Constitution lui donne en outre la possibilité de s'arroger les pleins pouvoirs s'il estime – seul – que sont menacées « les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ». D'autres prérogatives pour lesquelles le chef de l'État n'a aucune autorisation à demander sont énumérées dans la constitution qui toutes tendent à un exercice vertical et autoritaire du pouvoir, ce d'autant plus que depuis l'inscription dans la constitution de la désignation du président au suffrage universel direct en 1962, sa légitimité est réputée incontestable.</p> <p><strong>Un pouvoir littéralement illimité</strong></p> <p>Rien ne s'oppose donc plus à ce qu'il puisse faire un usage effectif de ces prérogatives, qui lui confèrent un pouvoir littéralement illimité puisqu'il s'exerce sans que puissent s'y opposer ni les autres pouvoirs ou autorités constitués. Ainsi la destitution serait la seule option, mais elle demeure d'usage assez improbable. Ni le pouvoir législatif ou judiciaire, ni le peuple lui-même, à l'occasion d'une élection intermédiaire défavorable ou d'un référendum négatif, exceptée l'unique occurrence de 1969, quand le peuple s'est opposé à la révision constitutionnelle proposée par le Général de Gaulle. Le référendum auquel cette révision du Sénat et des régions a donné lieu ayant été négatif, le Général de Gaulle en tiré les conséquences et a démissionné de ses fonctions.</p> <p>C'est le lot d'un chef juridiquement irresponsable, mais doté des pouvoirs les plus puissants. Tout dans le texte de la constitution concourt donc à en faire un dirigeant sans partage, contrairement à l'idée que l'on peut se faire d'un régime démocratique où le peuple demeure souverain même entre deux élections présidentielles et où les autres pouvoirs jouent, parce qu'ils sont distincts du pouvoir exécutif, leur rôle de contrepoids.</p> <p><strong>L'hégémonie de l'État central</strong></p> <p>Enfin, le texte constitutionnel organise aujourd'hui une très large centralisation du pouvoir qui, en tant que telle, rend difficile l'expression des opinions divergeant de celles des classes dirigeantes. Cette centralisation se fonde d'abord sur l'hégémonie de l'État central sur toutes les autres institutions publiques. En dépit des réformes intervenues depuis 1982, et de la consécration formelle du principe de leur « libre administration », les collectivités locales n'ont qu'un pouvoir d'influence très limité dès lors que leurs dotations restent presque entièrement décidées par Bercy.</p> <p>Sur fond d'austérité budgétaire persistante, la décentralisation s'est ainsi régulièrement traduite par le recul des services publics qui leur étaient confiés, ce qui n'est certes pas de nature à rapprocher les citoyens des autorités… Il en est de même pour d'autres organismes publics censément indépendants et officiellement investis d'une fonction de contre-pouvoir, mais qui, à l'image de l'Université ou de la Justice, ne sont pas dotés des moyens à la hauteur de leurs missions. C'est dire si, d'un point de vue démocratique, les raisons pour modifier profondément la constitution et changer de régime ne manquent pas, que l'on en appelle ou non à une « VIᵉ République ».</p> <p><i>Texte publié dans The Conversation France (<a href="https://theconversation.com/fr" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://theconversation.com/fr</a>)</p></div> https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18