https://www.traditionrolex.com/18 La Gauche Cactus http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/ fr SPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP) Israël/Palestine : choisir la paix, donc le cessez le feu, et désigner les responsables. http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2921 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2921 2023-11-06T00:41:45Z text/html fr Jean-Luc Gonneau <p>Le 7 octobre, le massacre perpétré par le Hamas a sidéré et horrifié le monde occidental. La réplique israélienne a commencé à faire de même. Jean-Luc Gonneau essaie de débroussailler un peu les multiples causes de ce conflit aux racines plus que centenaires, et de voir si on peut en sortir, ce qui n'est pas gagné.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>Face au conflit entre Israël et le Hamas, chacun est sommé de choisir son camp. Il y a pourtant unanimité pour condamner les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre dernier. Point final ? Pas du tout. Voilà qu'il faut qualifier le Hamas de terroriste, sinon, ça ne compte pas, un mort est un mort, mais ça ne compte pas, il faut le qualifier. Un civil israélien massacré par le Hamas, un civil palestinien écrasé par une bombe israélienne ? ça fait deux morts qu'il faut évidemment déplorer, et de la même façon. Choisir entre les fanatiques sanguinaires, et pour le coup terroriste, du Hamas et Netanyahou et sa clique criminelle ? Plutôt dénoncer les deux, si ?</p> <p>Oui, mais « c'est qui a commencé ? ». Voilà qui a beaucoup intéressé politiciens et commentateurs, plus ou moins compétents, souvent de parti pris, parfois sous le coup d'une compréhensible émotion, mais majoritairement liés par des préjugés politiques, culturels ou ethniques, frisant parfois le racisme. Poser la question « c'est qui qu'a commencé ? », c'est réduire l'événement au niveau d'une rixe de cour de récréation. Sur cet épisode, la culpabilité du Hamas est évidente, et qu'on la désigne comme crime guerre ou action terroriste, peu importe, les deux nous vont : médiocre querelle sémantique alors que l'on déplore des milliers de morts, et d'autres milliers probablement à venir, sans compter les innombrables blessés. Curieusement, c'est Jean-Luc Mélenchon qui créa le « buzz » en ne qualifiant pas l'attaque du Hamas de terroriste : criminel de guerre lui suffisait. Vint le hourvari. Point d'orgue, le célèbre politologue Enrico Macias (qui pourtant chanta naguère « Enfants de tous pays ») « pense » qu'il faudrait « buter » des députés de la France Insoumise. Comme l'ensemble de la classe politique, et peut-être un plus, les chefs Insoumis ont le tweet facile et rapide. A ce sujet, il semble qu'il y ait deux Mélenchon, celui capable, y compris à propos de ce conflit, de proposer un discours argumenté et réfléchi, et l'autre, twitteur compulsif et parfois vindicatif.</p> <p>Bon, pour cet épisode, la question du « c'est qui qu'a commencé » est close : c'est le Hamas. Un épisode particulièrement sanglant, qui marquera pour longtemps les cœurs et les esprits et évidemment, avant tout, ceux des familles et des proches des victimes, quel que soit leur camp. Pour cet épisode, déjà épouvantable mais qui, hélas, n'est pas terminé. Mais pour les autres épisodes ? Seuls les dieux, s'ils existaient, ce dont nous, Cactusiens, doutons fortement, sauraient leur nombre exact depuis les trois-quarts de siècle de coexistence rarement pacifique entre la Palestine et Israël, tant il y en eut : escarmouches, attentats, meurtres, intifadas (révoltes et résistance face à l'occupation militaire par Israël de territoires palestiniens), blocus de Gaza (depuis 2007), colonisation continue, assortie de violences (et renforcée sous les gouvernements de Netanyahou) en Cisjordanie et expropriations à Jérusalem, toutes illégales et condamnées par les Nations-Unies.</p> <p>Le blocus de Gaza a réduit la population de cette enclave à des conditions plus proches de la survie que de la vie. Les colonies et expropriations, ont mité les territoires cisjordaniens, exaspéré (à juste titre !) l'ensemble de la population, au premier rang desquels les expropriés, affaibli la déjà vacillante autorité du gouvernement palestinien. Notons que ces colonisations continuent en Cisjordanie depuis le 7 octobre. La férocité de la répression israélienne suite à l'attaque du Hamas en rajoute encore sur le vif ressentiment (énorme euphémisme, genre quai d'Orsay) du peuple palestinien envers Israël et pourrait même le pousser à se rapprocher du Hamas, qui, ne l'oublions pas est aussi un parti politique, fanatique certes, mais qui a des bases en Cisjordanie. Cette répression, jugée « disproportionnée » jusqu'à l'ONU, entraîne, on pouvait s'y attendre, de nombreuses manifestations de soutien à la Palestine dans le monde arabe, mais aussi dans de nombreux pays dans le monde, comme en France et même aux Etats-Unis, et redonne de la vigueur à l'antisémitisme latent qui ronge depuis toujours les sociétés occidentales, et, concernant le Hamas, à l'« antiarabisme » issu des guerres coloniales.</p> <p>Tout ceci considéré, on ne peut que s'étonner que le président de la République française ait annoncé immédiatement son « soutien inconditionnel » (juste après Joe Biden) à Israël, ajoutant, mezzo voce mais soyons justes, que Netanyahou ne devait pas être trop méchant avec les civils palestiniens (traduction libre), mais se gardant (comme Biden) de prôner un cessez le feu, dont Netanyahou ne veut pas entendre parler. On voit ce qu'il en est sur le terrain. Soutenir le peuple israélien dans la douleur, évidemment. Soutenir « inconditionnellement » Israël ? Il appelle à la paix, les gouvernements de nombreux pays aussi, les sociétés civiles aussi. Et nous aussi, toujours. Facile à dire, mais pas facile à faire. Beaucoup d'entre eux sont plus précis et exigent un cessez le feu (pas Biden, donc, pas Macron), préalable inévitable pour espérer la paix. Nous aussi, mais vu le caractère borné des protagonistes, ça n'en prend pas le chemin. Ce qui n'est pas une raison pour arrêter d'exiger plus nous serons nombreux, plus nous ferons de bruit, peut-être que… Les plus timorés (dont Biden et Macron) parlent d'une trêve humanitaire : c'est mieux que rien, peut-être un pas vers le cessez le feu, ou peut-être simplement un moment pour se refaire (un peu) une santé pour repartir au charbon. Mais revenons à la paix : quelle paix, et à quelles conditions ?</p> <p>Une paix se négocie. On voit mal aujourd'hui quels peuvent être les interlocuteurs actuels capables de conduire une négociation. Du côté israélien, Netanyahou, sans foi ni loi, et ses alliés ultraorthodoxes ou représentants des colons se sont, à notre sens, disqualifiés pour toute initiative pour la paix. Du côté palestinien, ni le Hamas, qui, même en ayant gagné des points dans une partie de la population palestinienne, ni l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, totalement déconsidérée ne peuvent apparaître comme des interlocuteurs à même de sortir du conflit. A notre sens, suivant en cela plusieurs prises de position sur la question, un changement interlocuteurs est nécessaire. Côté Israël, il apparaît que les oppositions populaires à Netanyahou se renforcent tandis que son crédit international fond comme neige au soleil. Il semble qu'un début de consensus se fasse côté palestinien sur le nom de Marwan Barghouti, ex-dirigeant palestinien du Fatah détenu en Israël depuis 2002 suite à un procès pour le moins controversé et qu'un candidat, quelques années plus tard, à la présidence d'Israël, Shimon Peres, promit de gracier, ce qu'il « oublia » une fois devenu président (c'est ça aussi, l'attitude des gouvernements d'Israël face aux palestiniens).</p> <p>Si ce changement d'interlocuteurs n'intervient pas, la seule alternative pour éviter une « victoire » d'Israël sur un charnier à Gaza, serait une initiative internationale pour contraindre Netanyahou à arrêter les frais et à contraindre le Hamas à la discrétion (car il ne disparaîtra pas sous les bombes). Ceux qui peuvent le faire sont ceux qui ont les sous et/ou les armes : les Etats-Unis, le Qatar et l'Arabie Saoudite (ne comptons pas sur l'Iran sur ce coup-là, les mollahs et la paix, ça fait deux, et l'Union Européenne ne compte pas : Von der Leyen et Macron ne seront sur la photo, si photo il y a, que si Biden veut bien). Cette solution pourrait permettre de mettre fin à cet épisode, donc aux massacres actuels, mais ne garantirait aucunement d'autres épisodes. Resteront à aborder la création de deux « vrais » états (dans l'idéal un seul, laîque et démocratique, mais ne rêvons pas tout de suite), l'arrêt des colonisations, la restitution des colonisations déjà faites et des expropriations, le retour des réfugiés palestiniens, l'égalité des droits entre citoyens israéliens… Bref, comme il se dit ici, on n'est pas sortis de l'auberge.</p></div> Les humeurs de José Barros http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2917 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2917 2023-11-02T00:19:00Z text/html fr José Barros <p>José Barros a l'esprit curieux et s'intéresse, à propos du conflit israélo-palestinien, à la sémantique et à l'idonéité à propos des mots terreur et terroriste. Toujours faussement naîf, et toujours cette ponctuation personnelle à laquelle il tient.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>Les mots et la sémantique</p> <p>Cette façon de traiter l'information qui entre dans nos foyers sur kes guerres qui éclatent dans le monde et particulièrement celles qui, maintenant, paraissent intéresser en premier lieu notre vieux continent européen pacificateur a interrogé ma sensibilité à propos de la sémantique ! Oui, à propos de la sémantique des mots terreur, terrorisme, terroriste ! Terreur, mot très compréhensible et en résumé « est une caractéristique de ce qui est terrible, de cequi provoque un état d'effroi. Donc, lors d'une guerre, une bombe qui réduit en bouillie des habitations et les gens qui s'y trouve provoque la terreur, quelle que soit l'organisation qui actionne la bombe ! Elle provoque toujours la terreur</p> <p>Toutefois, dans la représentation journalistique de cette guerre entre Israël et les palestiniens, guerre qui est venue « raviver » la terreur… presque tous les journalistes traitent les palestiniens de terroristes et n'utilisent pas le même vocabulaire du côté d'Israël et ceci me conduit à me défier d'une faute d'idonéité (1) des journalisteset à m'interroger sur la sémantique qui traite la partie de la grammaire qui étudie le signifiant des mots et les possibles interprétations de ce signifiant. Nous savons que « la sémantique est l'étude des signifiants qui peuvent s'appliquer aus mots et aussi aux phrases et aux déclarations insérées de forte ou faible complexité ». Cependant, en rigueur, un journaliste doit veiller à son idonéité et laisser les interprétations aux historiens, aux politiciens, et à ceux qui sont impliqués dans le conflit ! Sinon, il prend parti et oublie sémantique et idonéité !</p> <p>Moi, par exemple, si j'avais vécu ma vie d'adulte dans ce moment où De Gaulle se leva contre le nazisme courant le risque d'être perçu <i>(ce qui fut le cas, ndlr)</i> et poursuivi comme un terroriste, je pense que je n'aurais pas hésité à me mettre de son côté. Si j'avais vécu à cette époque où le groupe Manouchian fut fusillé par le nazisme comme étant un groupe terroristes criminels… il est clair que je n'aurais pas été d'accord avec ce traitement journalistique. Lorsque pendant le régime de Salazar, pour parler d-un cas plus portugais, toute la presse portugaise se référait aux combattants des ex-colonies en les traitants de terroristes… il est clair que ces journalistes ne pouvaient faire autrement, sinon ils auraient été eux aussi incriminés… l'histoire fut appelée à corriger ce traitement… Pour cela, messieurs les journalistes, pensez à la sémantique ! A la sémantique et à l'idonéité !</p> <p> <i>(1)Concept forgé par le philosophe des sciences Ferdinand Gonseth (1890-1975). Peut dans certains contextes se rapprocher de celui d'intégrité. (ndlr)</i></p></div> Turquie : une puissance contradictoire http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2910 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2910 2023-10-27T22:14:00Z text/html fr Alexis Coskun <p>Turquie : une puissance contradictoire Plutôt discrète dans l'actuel conflit en Palestine, la Turquie, l'n des poids lourds, par la démographie et l'économie, de la région connaît des difficultés qui la fragilise. Alexis Coskun nous propose quelques clés pour mieux comprendre la situation.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>Les régimes politiques et les édifices architecturaux ont cela de commun que la plus éclatante des façades peut éclipser des fondations dangereusement lézardées. Recep Tayyip Erdoğan dirige la Turquie depuis près de vingt-cinq ans, près du quart de toute la période républicaine. Fort de sa réélection en mai 2023, il présente son action à la tête du pays comme ayant permis l'éclosion d'une nouvelle ère de puissance, de modernité et de prospérité. L'affirmation d'une influence retrouvée sur la scène internationale est au cœur de son narratif tout comme l'est la mise en scène de sa posture d'homme fort . Elles concourent à sa réussite électorale au sein de ses frontières et dans la diaspora.</p> <p>Ces récits entravent la compréhension réelle de la Turquie contemporaine. Les plus fervents critiques de Recep Tayyip Erdoğan, particulièrement dans les pays occidentaux, endossant l'idée du retour de la puissance tuque, renvoyant à un « néo-ottomanisme » souvent trop rapidement brandi, et qui serait par essence menaçant, contribuent parfois à nourrir son récit. D'aucuns s'accommodent du gouvernement du Parti de la Justice et du Développement (AKP), pariant sur les opportunités économiques – main d'œuvre formée et peu onéreuse, marché intérieur conséquent, appareil de production modernisé – ou géopolitiques – position géographique stratégique, affiliation à l'OTAN, effectifs militaires importants – que le pays offrirait. D'autres, enfin, croient percevoir dans les prises de position du gouvernement d'Ankara l'émergence de la contestation d'un ordre international dominé par les puissances occidentales, faisant, d'une manière erronée, de Recep Tayyip Erdoğan un leader non-aligné voire anti-impérialiste.</p> <p>Pour comprendre le moment turc, il est pourtant impératif de dépasser les lectures trop souvent orientalistes, ethnicistes, schématiques, religieuses et culturelles héritées de plusieurs siècles de relations entre l'Europe et l'Empire ottoman puis avec la Turquie républicaine.</p> <p>Le centenaire de la République de Turquie est au cœur de l'attention mondiale du fait du rôle complexe joué par la diplomatie turque dans les conflits contemporains. Mais l'intérêt porté à cet évènement découle tout autant du caractère unique de la construction politique initiée, à la sortie de la Première Guerre mondiale, dans le sillage de Mustafa Kemal, c'est-à-dire l'édification d'un État nation sur les ruines d'un Empire multinational pluriséculaire, et la fondation progressive d'un État laïc en lieu et place du régime du Sultan combinant pouvoir temporel et spirituel. Quelle est la réalité de la Turquie ? Où va-t-elle cent ans après l'édification de la République sur les cendres d'un Empire ottoman à bout de souffle ? Comment évaluer et comprendre ce récit d'une puissance retrouvée et réaffirmée ?</p> <p><strong>La Turquie d'Erdoğan : une puissance d'opportunité</strong></p> <p>Si la Turquie a pu renouer avec une influence certaine et avancer ses pions, c'est, systématiquement, en bénéficiant des contradictions des puissances mondiales, cherchant d'abord à exploiter tous les interstices dont elle pourrait tirer avantage.</p> <p>L'ouverture de deux bases militaires à l'étranger, une à Doha, l'autre en Somalie, une première dans l'histoire du pays, furent d'abord le résultat de conflits locaux et du désengagement d'États occidentaux ayant une prépondérance historique dans ces régions. Le dynamisme de son industrie de défense, matérialisé par la production de drones ou la livraison d'un porte-drone pour la marine nationale contribue directement à l'interventionnisme de la Turquie dans de nombreux conflits. Mais là encore, elle bénéficie des contradictions et oppositions internationales, particulièrement en Libye, aux côtés du Gouvernement d'Union Nationale (GNU) ou en soutien au Président azéri Ilham Aliyev, dans les suites du recentrage stratégique de la Russie en Ukraine.</p> <p>De la même manière, les dernières années ont vu les entreprises turques pénétrer de nouveaux marchés. En 2022 elles étaient 225 à opérer sur le continent africain, particulièrement dans les secteurs de la construction, du textile et des infrastructures, contre trois seulement en 2005. La Turquie a notamment profité de la remise en cause du monopole des anciennes puissances coloniales engagée par d'autres acteurs et notamment la Chine. Surtout, dans la dernière période, l'équilibrisme diplomatique est devenu une marque de fabrique et un moyen d'affirmation pour le président turc, oscillant entre Moscou et Washington, affirmant sa place dans l'OTAN et candidatant à l'adhésion au sein de l'Organisation de Coopération de Shangaï (OCS), ou jouant un rôle pivot entre la Russie et l'Ukraine. La diplomatie d'Ankara vise à obtenir, au coup par coup, le plus de concessions possibles, de la part d'alliés de circonstance. Elle permet ainsi à la Russie de contourner les sanctions internationales, pour bénéficier d'importations massives de produits énergétiques. Dans le même temps elle permet l'adhésion de la Suède à l'Otan, en échange de matériel militaire américain. En définitive, la Turquie s'affirme comme une puissance dépendant du jeu des grands acteurs internationaux.</p> <p><strong>De l'opportunité à la vulnérabilité </strong></p> <p>Avec le déclin de l'Empire ottoman, jouer sur les contradictions de puissances pour protéger ses intérêts constitua la doctrine centrale de la politique internationale de la Sublime Porte et particulièrement du Sultan Abdulhamid II . Le pari devint rapidement intenable et conduisit l'Empire à de nombreux revers. L'édification de la République doit initialement se comprendre comme une tentative de rupture avec ce cadre stratégique. La politique actuelle de la Turquie risque ainsi de transformer un opportunisme stratégique en vulnérabilité critique. Le commerce extérieur turc connaît déjà un déficit record dû à la croissance exponentielle des importations d'hydrocarbures russes. Le pays a perdu sa souveraineté alimentaire, et des pans entiers de son économie sont adossés directement à des financements étrangers, particulièrement venus du Golfe. Le développement de sa base industrielle de défense souffre toujours de dépendances critiques pour des pièces fondamentales, comme la construction de moteurs, ce qui obère la voie vers une réelle autonomie stratégique.</p> <p>Pour favoriser les investissements étrangers et les rapprochements stratégiques, les atouts productifs du pays ont été privatisés et la dépendance aux importations alimentaires et énergétiques attise les boucles inflationnistes.</p> <p>Enfin, construire la puissance du pays en miroir du jeu des grandes puissances internationales pèse de tout son poids sur la société turque. Face à la perte de souveraineté, cette stratégie attise un nationalisme encouragé par le pouvoir politique. Pour rassurer des partenaires quant à la fiabilité et la stabilité du pays, ce chemin encourage un encadrement ténu, et souvent brutal, de la population qui participe, d'ailleurs de la remise en cause croissante de la laïcité.</p> <p>L'imposition du religieux dans le champ politique et dans toutes les dimensions de la société ne saurait masquer la sécularisation croissante de la population turque, et singulièrement de sa jeunesse. La nécessité pour le pouvoir de l'AKP de recourir de manière croissante à la thématique religieuse dans son mode de gouvernance constitue, en définitive, tant un aveu de faiblesse qu'un signal envoyé vers l'extérieur. Elle contribue à canaliser sa jeunesse et à imposer son agenda politique. Elle soutient également le réalignement stratégique de la Turquie, tant économique que diplomatique, donnant des gages aux États du Golfe, de l'Afrique du Nord, de l'Asie centrale et des Balkans qui constituent désormais des partenaires stratégiques que Recep Tayyip Erdoğan entend privilégier.</p> <p>Combien de temps encore cet opportunisme stratégique permettra-t-il à Recep Tayyip Erdoğan de se maintenir au pouvoir face à une base sociale rétrécie ? Voilà une question essentielle pour la République de Turquie, à l'aube de son centenaire.</p> <p><i>Article publié dans Recherches internationales <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> Mutations au Moyen-Orient http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2894 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2894 2023-08-20T21:25:00Z text/html fr Michel Rogalski <p>Effondrements de l'Egypte, de l'Irak, de la Syrie, du Liban, fragilité de la Turquie, troubles sociétaux en Iran, montée du Qatar et de l'Arabie Saoudite, extrême droitisation d'Israël, intenses manœuvres diplomatiques entre tous ces états, où la Chine et la Russie poussent leurs pions au détriment des Etats-Unis et de l'Europe : Michel Rogalski, directeur de la revue Recherches Internationales, nous décrypte les changements de cette zone en vingt ans ;</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>En une vingtaine d'années les cartes ont été bouleversées au Moyen-Orient. À bien y regarder on y retrouve l'impact régionalisé des grandes mutations du monde telles qu'elles se sont révélées à l'occasion de la guerre entre la Russie et l'Ukraine dont la dimension s'est mondialisée. Celui-ci a énormément été bousculé et a reconfiguré cette région qui avait toujours fait l'objet, notamment à cause des immenses ressources énergétiques qu'elle possédait, de l'intérêt des grandes puissances qui ne pouvaient s'en désintéresser. Les États-Unis disposaient de deux alliés solides, l'un, l'Arabie saoudite lui assurant pétrole en échange d'une protection sécuritaire, l'autre, Israël assurant le rôle de gendarme régional en échange d'une solidarité sans faille y compris contre les revendications palestiniennes ou la mise en place d'un arsenal nucléaire.</p> <p>Tout cela a été bouleversé par les interventions militaires américaines dans la région, tout d'abord en Afghanistan à la suite du 11 septembre 2001, puis en Irak en 2003 accusé de façon mensongère de détenir des stocks d'armes chimiques susceptibles de menacer les pays voisins. Cette deuxième intervention n'ayant pu réunir ni l'aval des Nations unies, ni celui de l'Otan et ayant du être menée sous le label d'une « coalition ad hoc », que l'on pourrait traduire par l'expression « qui m'aime me suive ». Opération « habillée » en outre d'un discours messianique de George W. Bush inspiré des « neocons » sur un Grand Moyen-Orient ayant vocation à se tourner par un effet domino vers la démocratie grâce à la guerre et aux vertus du « nation building ». En clair, on casse tout et on reconstruit sur le chaos provoqué. Certains observateurs allant même jusqu'à avancer qu'il s'agissait plus d'une stratégie de chaos organisé plutôt que d'une situation qui avait dérapé. La guerre au régime syrien de Bachar al-Assad témoignera de la même méthode. La longue guerre d'Afghanistan qui dura vingt ans se termina par la chute de Kaboul dans des conditions humiliantes pour les États-Unis au point de mettre en doute leur capacité à assurer leur protection à quelconque pays.</p> <p>Évidemment, rien ne s'est passé comme prévu. Les États-Unis ont livré l'Irak à l'Iran pays honni mais qu'ils se sont bien gardé d'attaquer frontalement parce qu'un peu plus gros à avaler, s'essayant plutôt à travers des sanctions à tenter sans succès un changement de régime. Ils ont réactivé les antagonismes religieux dont celui qui oppose les chiites aux sunnites dans la région de l'Iran au Yémen en passant par le Liban. Surtout, ils n'ont pu éviter que le chaos irakien ne laisse place à l'émergence d'un califat islamique territorialement installé à cheval sur l'Irak et la Syrie sous la conduite d'El Daech. Merveilleux prétexte pour la réintroduction dans le jeu moyenoriental de la Russie qui sous couvert d'éradication terroriste y a ajouté sa volonté de sauver le régime syrien allié en mauvaise posture. Très vite les États-Unis se sont retirés du bourbier créé laissant l'ONU s'en débrouiller et ont repris leur virage stratégique vers le pivot asiatique, voire indo-pacifique déjà décidé par le président Obama.</p> <p>De nouveaux États profitent de cette situation pour s'affirmer dans la région. L'Arabie saoudite conduite par son dirigeant Mohammed ben Salmane (MBS), hier encore ostracisé pour avoir fait découper en morceaux dans son ambassade turque un opposant journaliste, fait un retour remarqué sur la scène internationale. Elle réussit à enchaîner des écarts diplomatiques qui témoignent de son autonomie grandissante. Tour à tour elle se rapproche d'Israël, pays jusqu'alors honni, renoue avec le Qatar, inflige un camouflet à Biden qui se déplace jusqu'à Ryad pour lui demander de faire baisser le prix du pétrole, se coordonne avec la Russie sous sanctions occidentales dans le domaine énergétique et, à l'étonnement général, réussit à se rapprocher de l'Iran grâce aux bons auspices de l'Irak pour conclure finalement un accord scellant la réconciliation à… Pékin ravi d'apporter sa caution et d'être ainsi reconnu comme puissance jouant son rôle au Moyen-Orient. Plus encore, l'Arabie saoudite, avec quelques alliés, réussit, à la faveur du séisme qui endeuille la région à faire revenir dans la famille de la Ligue arabe la Syrie qui en avait été exclue depuis 2011 consacrant ainsi Bachar al-Assad comme le vainqueur incontestable de la guerre qui dévasta son pays. Ryad négocie la fin de la longue guerre du Yémen où elle s'opposait à l'Iran, s'associe à l'organisation de Shanghai que l'Iran a déjà intégrée. MBS est aujourd'hui regardé comme un nouveau Nasser et peut être invité en grande pompe à l'Élysée pour faire avancer sa candidature à accueillir l'Exposition universelle de 2030 en échange d'une présence au Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, organisé par Emmanuel Macron et éventuellement un passage au Salon aéronautique du Bourget, tout ceci sans engagement contraignant. Conscient qu'il lui reste vingt ou trente ans avant la fin de l'ère pétrolière, MBS n'a pas manqué de remarquer que les Émirats arabes unis (Dubaï et Abou Dhabi) doivent leur succès grâce au commerce, aux investissements étrangers, aux services financiers, au tourisme et non au pétrole.</p> <p>La guerre en Syrie s'est globalement terminée par la victoire de Bachar al-Assad mais elle laisse un pays totalement détruit et exsangue, abandonné par une large partie de sa population réfugiée ou déplacée dans les pays avoisinants. Alors que les conditions de leur retour sont loin d'être réunies, Turquie, Liban et Jordanie les poussent au départ. La Turquie qui abrite plusieurs millions de ces réfugiés voudrait les déplacer vers la zone nord de la Syrie pour en faire un dépotoir lui permettant d'affaiblir les milices kurdes qui occupent de larges parties de cette zone. La question a pris une place importante et consensuelle dans la campagne électorale qui a reconduit Erdogan au pouvoir à Ankara. L'économie qui y prospère reste celle de la fabrication du captagon – drogue de synthèse redoutable – qui irrigue à travers des trafics toute la région, enrichit le clan au pouvoir, et au-delà mécontente les États voisins. La posture de l'Occident reste très hostile à la Syrie qui ne peut guère s'attendre à une aide à la reconstruction, tant que les sanctions ne seront pas levées. On a vu les réticences dans l'aide au secours des victimes du séisme qui a touché le pays. Les séquelles de la guerre sont encore loin d'être apaisées.</p> <p>L'Iran a réussi à détendre ses relations avec ses voisins, notamment avec l'Arabie saoudite, à renforcer ses liens avec la Chine et la Russie et le régime a su surmonter, au prix d'une lourde répression, la vague de contestation qui l'avait submergé. Le pays reste vraisemblablement tourné vers un objectif d'accès à l'arme nucléaire que les sanctions n'ont pu lui faire jusqu'à présent abandonner. Israël a su nouer des relations avec quelques pays arabes et sortir de son isolement régional, mais se retrouve dirigé par une coalition d'extrême droite qui le pousse à toujours plus de répression vis-à-vis des Palestiniens qui subissent de plus en plus fréquemment des « opérations punitives », sans qu'aucune perspective politique ne se dessine à l'horizon.</p> <p>En vingt ans le visage de la région s'est totalement modifié. Les grands pays qui avaient émergé comme l'Irak, la Syrie ou l'Égypte se sont effondrés et relèvent désormais de la catégorie d'État failli ou de narco-État. Les États-Unis ont perdu une large part de leur influence, même s'ils conservent encore des bases militaires, des intérêts et un allié fidèle, Israël, dont ils doivent couvrir tous les excès. Ils ont dû assister médusés à la prise d'autonomie de l'Arabie saoudite se rapprochant de l'Iran et à l'arrivée sur la scène régionale de leurs grands ennemis, la Russie et la Chine et avaler la victoire de Bachar al-Assad et son retour dans la Ligue arabe. Ils laissent une région dévastée, affectée par des bombes à retardement comme les millions de déplacés, notamment syriens, le développement de trafics de drogue et la permanence d'un conflit israélo-palestinien dont aucune issue viable n'apparaît à l'horizon. Les régimes qui émergent n'ont rien de démocratique mais aspirent à mettre en œuvre des projets nationaux ambitieux. L'évolution régionale confirme l'idée d'une perte d'influence de l'Occident qui cherche à resserrer ses rangs tout en essayant, en vain jusqu'à présent, de rallier quelques fractions du Sud.</p> <p><i>Article publié dans Recherches internationales <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> Les élections du siècle en Turquie http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2851 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2851 2023-05-01T14:02:00Z text/html fr Enis Coskun <p>Pour la première fois depuis vingt ans, le pouvoir du très autoritaire « sultan » Recep Erdogan est menacé lors de la toute proches élection présidentielle turque. Un score serré semble attendu, et la crainte de sombres manipulations du pouvoir en place est présente. Enis Coskun, éminent juriste turc, éclaire notre lanterne.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique61" rel="directory">Turquie</a> <div class='rss_texte'><p>Le 14 mai prochain les Turcs éliront leur Président et leurs députés. 100 ans après la fondation d'un État laïque sous la direction de Mustafa Kemal, ces élections sont cruciales pour l'avenir du pays.</p> <p><strong>Un contexte économique et social tendu</strong></p> <p>La situation économique et sociale du pays est catastrophique. Avec une inflation à trois chiffres, les hausses de prix sont devenues insupportables. Qu'ils soient ouvriers ou employés, la plupart des travailleurs ne perçoivent que le salaire minimum légal fixé à 8 500 livres turques (400 euros environ). Cette rémunération ne couvre même pas le montant des dépenses alimentaires élémentaires mensuelles pour une famille de quatre personnes qui s'élève à 9 590 livres (479,50 euros) tandis que le seuil de pauvreté s'établit à 30 700 livres turques par mois (1535 euros). Le chômage atteint, selon les dernières statistiques officielles, 10,7 % de la population. La balance des paiements s'est fortement détériorée. Tous ces indicateurs montrent une économie turque à bout de souffle.</p> <p><strong>Un délitement de l'État de droit. </strong></p> <p>La Constitution adoptée en 2017 a établi un régime présidentiel. Le Président Recep Tayyip Erdoğan exerce le pouvoir exécutif et dirige le parti au pouvoir, l'AKP. Surtout, il a placé le pouvoir judiciaire sous son administration directe.</p> <p>En Turquie, à la fin janvier 2023, 341 497 personnes étaient incarcérées. Parmi elles se trouvent des milliers de citoyens - journalistes, avocats, universitaires, personnalités politiques, membres d'ONG, syndicalistes - arrêtés, condamnés et emprisonnés pour des motifs politiques et sociaux, au grief par exemple d'injure au Président de la République.</p> <p>Le pouvoir bafoue la volonté populaire. Ainsi a-t-il démis de leurs fonctions des dizaines de maires du Parti démocratique des peuples (HDP), élus démocratiquement dans l'Est et le Sud-est du pays et a nommé des administrateurs à leur place. Un procès sans fondement est intenté contre le maire d'Istanbul condamné, en première instance, à l'interdiction d'exercer tout mandat politique et à une peine d'emprisonnement. Le juge chargé du procès s'est opposé à la demande de ce verdict, il a été dessaisi du dossier et muté. Le juge qui l'a remplacé a statué dans le sens souhaité. Ainsi, un maire élu démocratiquement par plus de 16 millions d'habitants est-il victime de l'arbitraire. À l'approche des élections du 14 mai, un procès a été intenté contre le HDP, troisième parti au Parlement en nombre de députés, et menacé d'interdiction. Selahattin Demirtaş, ex-coprésident de ce parti, est abusivement emprisonné depuis sept ans. L'objectif est de le maintenir en prison à vie en ouvrant des parodies de procès successifs. L'homme d'affaires Osman Kavala se trouve dans la même situation. Bien que la Cour européenne des droits de l'Homme ait ordonné la libération de ces deux prisonniers, Erdoğan s'obstine à ne pas respecter ces décisions.</p> <p>La liberté de pensée et d'expression est sous pression. Une anecdote qui circule sur les réseaux sociaux l'illustre parfaitement : dans une prison, un détenu souhaite se procurer un ouvrage ; le gardien lui fait savoir que l'établissement ne dispose point de ce livre, mais que …son auteur s'y trouve !</p> <p><strong>Une candidature à la légalité constitutionnelle contestable</strong></p> <p>La candidature d'Erdoğan suscite d'intenses débats. L'article 116 de la Constitution dispose qu'une personne ne peut être candidate à la présidence de la République que deux fois, ce qui est le cas du président actuel. En l'absence de majorité parlementaire justifiant l'organisation d'élections anticipées, Erdoğan a argué du fait que le référendum constitutionnel de 2017 avait ouvert une nouvelle période et que son élection de 2018 ne constituait que son premier mandat. La quasi-totalité des constitutionnalistes de Turquie désapprouve cette interprétation de la Constitution. Cependant, le Haut Conseil électoral (YSK), qui est chargé d'organiser les élections et dont les membres sont nommés par Erdoğan, a rejeté toutes les objections formulées. S'il était réélu le 14 mai, le mandat d'Erdoğan courrait jusqu'en 2028. En cas d'élections anticipées il pourrait même l'étendre jusqu'en 2033 !</p> <p>Erdoğan a l'habitude de s'affranchir des dispositions légales et constitutionnelles. Il a indiqué qu'il ne respecterait pas et n'appliquerait pas les décisions des tribunaux supranationaux, tels que la Cour européenne des droits de l'Homme, des juridictions suprêmes nationales, la Cour constitutionnelle et le Conseil d'État, ou même les décisions du pouvoir judiciaire qu'il n'approuverait pas.</p> <p><strong>"La démocratie est un train que l'on quitte une fois arrivé à destination" (Recep Tayyip Erdoğan, 1996)</strong></p> <p>Que visait réellement le maire d'Istanbul d'alors ? Que son projet politique, celui de l'abaissement de la démocratie et de la laïcité était au cœur de son programme, derrière des promesses de façade rassurantes. Aujourd'hui, Erdoğan, se prépare à franchir un nouveau cap. L'instauration d'une république islamique serait-elle le terme du nouveau “voyage”, s'il était réélu ?</p> <p>Dans la perspective des élections du14 mai prochain, l'AKP a fait alliance avec deux partis nationalistes (MHP et BBP) ainsi qu'avec deux partis politiques islamistes, l'Hüdapar, considéré comme la branche turque du “parti de Dieu” (Hezbollah, distinct de son homonyme libanais), mêlé à de nombreux assassinats politiques et le Yeniden Refah Partisi. Ces deux derniers partis ont posé comme condition la possibilité de porter atteinte aux principes républicains et laïcs inscrits, jusqu'à présent, dans la Constitution. Ils souhaitent également l'abrogation de la loi interdisant les violences à l'égard des femmes, dans le prolongement du désengagement de la Turquie de la Convention d'Istanbul. Ils demandent aussi que les femmes ne puissent occuper que des emplois “adaptés à leur nature” et que la mixité des classes à l'école soit abolie. Erdoğan a accepté les candidatures de ces deux partis dans sa coalition électorale.</p> <p><strong>La Turquie à la croisée des chemins</strong></p> <p>En fait, les élections du 14 mai prochain et les efforts d'Erdoğan pour rester au pouvoir cristallisent la lutte centenaire entre les républicains et leurs opposants. Parmi les pays du Moyen-Orient, le processus historique de la Turquie est unique. Il y a 100 ans, à l'issue de la Guerre d'indépendance, avec la proclamation de la République, le sultanat et le califat furent abolis. Depuis son élection, Erdoğan n'a eu de cesse d'affaiblir les fondements laïques de la république. Avec la présidentialisation du pouvoir induite par la modification constitutionnelle de 2017, ce mouvement s'est approfondi. Le peuple est progressivement dessaisi de sa souveraineté au profit du pouvoir présidentiel.</p> <p>La sécurité et l'intégrité des élections ne sont aucunement garanties. Un doute pèse sur l'impartialité des commissions électorales locales. Nombre d'avocats proches du pouvoir ayant été nommés juges seront chargés d'organiser les scrutins et d'officialiser les résultats. Diverses agressions et provocations visent à intimider les électeurs et à les décourager de se rendre aux urnes. Les rumeurs sur les menaces d'assassinat du Président du principal parti d'opposition, Kemal Kiliçdaroglu, candidat de l'opposition à l'élection présidentielle, ont fait la une des médias.</p> <p>En plus de « l'Alliance nationale » qui réunit six partis d'opposition, deux autres coalitions de gauche soutiennent la candidature de Kiliçdaroğlu à l'élection présidentielle. Un large front s'est formé contre Erdoğan. Dans les sondages le candidat de l'opposition devance son adversaire. Face à cette situation, nombreux sont ceux qui craignent un regain du climat de violence et d'affrontements comme ce fut le cas lors de l'élection présidentielle de 2015. La Turquie est véritablement à la croisée des chemins. Il est crucial qu'à l'occasion de ces élections elle retrouve la voie de la démocratie et de l'État de droit. <i>Article paru dans la revue Recherches internationales, <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> Palestine : ils veulent te faire disparaître http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2792 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2792 2022-08-15T00:46:00Z text/html fr Patrick Le Hyaric <p>Dans sa Lettre sur internet, Patrick Le Hyaric décrit sans fard les manœuvres du gouvernement israélien pour grignoter le territoire et humilier les populations et spolier leurs biens. Cela ressemble bien à un apartheid. Et qu'on ne nous parle pas ici d'antisémitisme : il s'agit là de la dénonciation de la politique du gouvernement d'un état, et dans tous les états du monde, une telle politique doit être dénoncée.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>À partir de la résolution déposée par mon ami Jean-Paul Lecoq à l'Assemblée nationale s'est déclenchée une vaste opération visant à assimiler toute critique du pouvoir de droite extrême israélien et de sa nouvelle constitution à de l'antisémitisme. C'est odieux. Et, le pouvoir, Première ministre en tête travaillent à diviser la coalition de gauche en faisant semblant de donner de bons points au Parti communiste contre la France Insoumise. On a déjà vécu cela durant les élections législatives. Je ne m'en réjouis pas.</p> <p>Ce qui est visé c'est une lutte visant à empêcher la gauche, donc ses électrices et électeurs et au-delà les travailleurs de s'unir pour changer de société, de manifester leur solidarité internationaliste et faire en sorte que le bloc « euro-atlantiste » reste dominant à l'heure où le monde est en plein bouleversement.</p> <p>Mais la raison fondamentale de ces attaques a pour objet l'idée communiste elle-même ; pour qui en douterait il suffit de lire les écrits du sieur Golnadel, celui de M. Babeau le 14 juin dernier dans Le Figaro et les délires de celui qu'on présente comme un philosophe dimanche dernier dans Le Journal du dimanche M. Onfray. Leur anticommunisme et leur haine d'une gauche de gauche se complètent de celle de M. Bernard-Henri Lévy.</p> <p>Tout ce monde écrit et s'écrit contre… Le Parti communiste pour dénier son rôle dans les grands conquis sociaux et démocratiques, mais surtout son action dans la Résistance et pour la paix mondiale. Les mêmes et leurs semblables ont toujours critiqué, insulté le Parti communiste lorsqu'il a mené avec d'autres les combats pour la décolonisation et contre l'apartheid en Afrique du Sud. Ici, l'accusation d'antisémitisme vise à faire peur, à faire taire. Elle vise surtout à étouffer le combat pour l'application du droit international qui promeut la création de deux États : Un État israélien qui existe et un État palestinien que le premier s'obstine par tous les moyens à empêcher.</p> <p>Le mot « apartheid » défrise un certain nombre de gens dans ce pays jusqu'au ministre de la Justice qui devrait relire ses classiques. Ces gens seraient choqués, car on ne peut comparer la situation avec l'Afrique du Sud et en Israël. Mais « le crime d'apartheid » n'est pas une comparaison pour juger le moindre mal s'il existe. D'ailleurs, ce sont les mêmes qui critiquaient toutes les initiatives de solidarité avec le peuple sud-africain notamment l'appel au boycott.</p> <p>Aujourd'hui nous parlons d'une ségrégation spatiale ; d'inégalités d'accès aux droits et de violences d'État à l'encontre des Palestiniennes et Palestiniens en Israël, à Gaza hier encore bombardé et en Cisjordanie occupée. Des hommes politiques israéliens, dont d'anciens ministres, utilisent ce terme d'apartheid qui veut dire « séparation » « développement séparé ». En plus des trois ONG, B'tselem, Human Rights Watch, Amnesty International, l'organisation israélienne Yesh Din qualifiaient en 2020 le régime israélien d'apartheid. Sont-ils antisémites ?</p> <p>Apartheid n'est ni un mot tabou, ni une insulte, ni de la propagande anti-israélienne, mais une qualification juridique inscrite dans le droit international dont le statut de Rome en 1998 et une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies datant de 1973.</p> <p>Ajoutons que les autorités françaises ont parfois considéré que le rouleau compresseur du pouvoir israélien contre les Palestiniens leur refusant un État mène à l'apartheid. Ainsi Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères déclarait au grand jury RTL/ Le Figaro/ LCI le 23 mai 2021 « dans des villes Israéliennes, les communautés se sont affrontées ; c'est la première fois et ça montre bien que si d'aventure on avait une autre solution que la solution deux États, on aurait alors les ingrédients d'un apartheid qui durerait longtemps ». Quand on sait que la haute fonction d'un tel ministre oblige en permanence à peser ses mots, on mesure la signification de l'alerte. Et, M. Le Drian, pas plus que les ONG israéliennes B'tselem, ou Yesh Din n'est antisémite. Ils défendent simplement le droit international.</p> <p>Un débat public noble doit avoir lieu sur la situation de la Palestine et les moyens de reconnaitre et de construire un État palestinien. C'est ce qui est refusé derrière le qualificatif d'antisémite. Il est pourtant de l'intérêt de tous, Israéliens compris de mettre en œuvre les résolutions de l'ONU. L'assassinat de notre amie ; la journaliste Shiren-Abu Akleh le 11 mai dernier, la prolongation de la détention arbitraire de l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri sans aucune charge ; l'amplification de la colonisation depuis quelques semaines, les bombardements réguliers de Gaza appellent un débat, des délibérations et des actions de la France et de l'Union européenne.</p> <p>On ne peut laisser la Palestine et les Palestiniens disparaitre dans le silence ou les vociférations irresponsables de quelques excités anti-communistes comme M. Onfray ou M. Dupont-Moretti. C'est le droit international qui doit s'appliquer ; rien que le droit international. Tout le droit international.</p> <p><i>Article paru dans <a href="https://patrick-le-hyaric.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://patrick-le-hyaric.fr</a></i></p></div> Ce que la chute de Kaboul nous dit du monde à venir. http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2685 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2685 2021-09-16T20:36:00Z text/html fr Michel Rogalski <p>Dans son précédent article, Michel Rogalski, Directeur de la revue Recherches Internationales, nous donnait les raisons de ce dénouement à ses yeux inéluctable. La chute a depuis eu lieu, dont les perspectives dépassent de loin le seul Afghanistan.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>Depuis trente années le XXIème siècle peine à s'affirmer dans ses contours internationaux. Nous crûmes d'abord qu'il avait commencé en 1991 avec l'effondrement du monde soviétique, raccourcissant, comme le suggérait l'historien britannique Eric Hobsbawm, le siècle précédent. Puis devant l'incapacité des Etats-Unis à maîtriser au tournant du siècle le cours de la mondialisation à travers son fameux triptyque - ouverture internationale, démocratie, marché -, on se dit que tout commençait sérieusement avec les attentats du 11 septembre 2001 et la grande aventure de la « lutte mondiale contre le terrorisme » prônée par Bush Junior et à laquelle nous étions sommés de nous rallier. Et bien non, c'est vingt ans plus tard, cette stratégie s'écroulant, que s'esquissent les traits du siècle à venir. 1991, 2001, 2021, les séquences s'enchaînent, le siècle bégaie, peine à se mettre en place, mais fraie son chemin.</p> <p>L'issue de cette guerre afghane dépasse par sa portée le territoire de ce petit pays – le cimetière des Empires - et s'apparente au grain de sable dans la chaussure. Si la consternation et parfois la concertation dans le désordre s'installent entre les principales chancelleries, c'est que beaucoup de certitudes tenues pour évidentes viennent de basculer. Les grilles de lectures acquises vacillent tant la portée de l'événement bouscule. Car ce que la chute de Kaboul nous dit du monde qui s'annonce relève de la grande lessive. Quelques premières leçons peuvent s'imposer sans trop de risques d'erreurs.</p> <p>Cette guerre est emblématique des conflits asymétriques qui ont surgit à travers le monde et qui se transforment en guerre sans fin, dont les objectifs s'érodent d'autant plus en cours de route qu'ils ont été mal définis ou volontairement occultés dès le départ. L'enlisement ne peut être qu'au bout du chemin et le prix à payer à l'arrivée dépend de l'ampleur de l'engagement, du coût initié, des pertes humaines, des divisions internes et de l'humiliation médiatique. Là, l'addition est phénoménale et envoie un signal fort aux autres conflits en cours. Alliés et adversaires l'ont compris. L'Empire est rentré chez lui et hésitera à en sortir, d'autant plus qu'il a fait savoir qu'il avait beaucoup à faire, notamment face au grand rival qui monte, la Chine. « Gulliver empêtré » nous disait déjà Santley Hoffmann il y a cinquante ans dans un autre contexte. Bien sûr, il ne reste pas désarmé et sans puissance et sera attentif à tout ce qui pourrait remettre en cause son hégémonie. Ingérences, surveillances, déstabilisations, embargos, saisies d'avoirs, mesures de contraintes ne seront pas remisés et s'appuieront sur les réseaux d'influences mis en place et la formidable technologie disponible, de la cyber-attaque aux drones.</p> <p>Devant la défaite cuisante l'équipe en place devra rendre compte de ses maladresses, de son manque de clairvoyance, de l'échec de ses services ou du refus de leur écoute. Il faudra trouver un bouc émissaire. Un séisme politique s'annonce qui sera plus difficile à surmonter que les péripéties de la fin de la guerre du Vietnam. L'heure du bilan a déjà commencé et il s'annonce ravageur, d'autant que les trois dernières équipes présidentielles sont concernées. Le déballage se fait devant le monde entier.</p> <p>Dans une large partie de la planète on peut toujours considérer que le pouvoir est au bout du fusil selon la formule en vogue dans les années soixante et soixante-dix. Les conflits en cours vont trouver un formidable encouragement à leurs objectifs devant l'incapacité de la première puissance à façonner le monde à sa guise. Ce qui s'était esquissé au lendemain de la fin de la guerre froide, la multiplication de désordres échappant aux logiques anciennes, va retrouver une nouvelle jeunesse et encourager l'extension de zones grises laissant l'Occident spectateur impuissant face à l'anomie créée. Devant ces zones grises les instruments du monde ancien – armes nucléaires, engagements prolongés sur le terrain – seront inopérants. Il ne reste plus que modèle israélien vis-à-vis de Gaza, c'est-à-dire l'expédition punitive courte – pour éviter les retours d'opinions publiques – accompagnée pour le temps long de toutes les mesures d'asphyxie économiques, juridiques et financières que procure le statut de principale puissance encore dotée de l'hégémonie du dollar. Car la palette d'actions possibles reste loin d'être totalement affectée et on aurait tort de croire l'Empire totalement désarmé.</p> <p>Le monde devra désormais vivre avec un islam radical buissonnant et conquérant dont l'ambition n'a cessé de croître depuis la chute, en 1979, d'un des pays le plus occidentalisé d'Orient, celui du Shah d'Iran. Ce retour du religieux, qui n'est pas que la marque de l'islam, fait son chemin depuis plusieurs décennies, ne peut qu'être dopé par la chute de Kaboul. L'influence intégriste s'étale déjà dans de larges parties de l'Asie et de l'Afrique et s'oppose au Sahel aux troupes occidentales désemparées, devant les faibles succès rencontrés, sur la stratégie à adopter. La responsabilité de l'Occident dans ces remontées est écrasante. Cette islam a été instrumentalisé pour éliminer les progressistes au Moyen-Orient, pour casser les expériences de construction nationale portées par les gauches nationalistes issues des luttes de décolonisation. Depuis le soutien américain aux Moudjahidines antisoviétiques d'Afghanistan qui essaimèrent dans maintes régions du monde, en passant par l'intervention en Irak qui entraîna la création de Daech et livra le pays à l'influence iranienne jusqu'à l'expédition en Libye dont le contrecoup déstabilisa le Sahel, l'Occident a créé l'objet de ses turpitudes. Et il ne peut, sans gloire, que proposer d'abandonner ces populations à la férule de régimes moyenâgeux qui devront seulement s'engager à ne pas laisser se développer de préparatifs hostiles à partir de leur territoire.</p> <p>On est bien loin des projets devant refaçonner le Grand Moyen-Orient en démocratie. Ce n'est plus à l'agenda. La perspective est celle du retrait qui découle de la fin de la croyance qu'il était possible, par les armes ou les expéditions guerrières d'imposer la démocratie, les droits de l'homme ou le « nation building . Les Etats-Unis ne nourrissent plus une telle ambition, qui n'a souvent été agitée que comme prétexte, tout à leur grande préoccupation de conserver leur première place face à un rival montant. Il y a un basculement des priorités que les alliés doivent comprendre et dont ils doivent aussi savoir que s'il leur venait l'envie de s'engager dans ce type d'aventure, ce serait sans appui.</p> <p>Dans le domaine des idées, cette défaite nous fait faire retour aux propos de Samuel Huntington. Peu d'auteurs auront fait l'objet d'aussi nombreux commentaires, pour être décrié ou salué, que celui qui annonçait en 1993, dans un article de la revue américaine Foreign Affairs que nous étions désormais entrés dans l'ère du « choc des civilisations ». On mesure aujourd'hui combien il a mal été interprété et incompris. Connaissant le sort du messager qui apporte la mauvaise nouvelle, il a été fusillé. Et il a été trouvé plus confortable de se mettre la tête dans le sable plutôt que de l'entendre. Que nous dit il ? Que le temps des grands conflits idéologiques susceptibles de dégénérer en guerres était terminé. Qu'ils feraient place à une nouvelle forme de conflictualité adossée à des civilisations fortement marquées par des religions, et que dans le contexte d'un Occident déclinant, il était vain d'aller guerroyer dans ces terres étrangères car l'échec serait prévisible. Après s'être opposé à la guerre du Vietnam, il condamnera les interventions en Afghanistan et en Irak et prendra soin de se démarquer de la ligne bushienne des neocons de la « guerre globale au terrorisme » dont on a essayé de lui attribuer la paternité. Le temps est venu de le lire comme prédicteur et non comme prescripteur et de comprendre que ces guerres sans fin à l'autre bout du monde sont vaines.</p> <p>Enfin, on feint de découvrir que ces conflits prolongés présentent partout la même conséquence. Ils précipitent les populations civiles dans la recherche d'un exil et poussent à la montée des flux migratoires. Les pays d'accueil sollicités étant rarement les pays responsables. Très tôt mobilisé, le président Macron nous met en garde. Les possibilités d'accueil sont limitées et devant la multiplication de ces zones grises à venir, il est impossible de ne pas réguler les flux migratoires. Chacun a compris que dans ce domaine le discours avait changé et que Kaboul marquera un tournant. Bref, il ne nous dit pas autre chose que les flux migratoires sont à la fois inévitables et impossibles et qu'ils interpellent les traditions d'internationalisme : aider à fuir ou aider à s'organiser et à résister lorsque un partage de valeurs est possible car tout ce qui bouge aux confins de la planète n'est pas forcément rouge. On n'a pas fini de digérer les leçons de la chute de Kaboul.</p> <p>Paru dans <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-internationales.fr</a></p></div> Kaboul, le chaos annoncé http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2669 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2669 2021-08-16T07:27:00Z text/html fr Michel Rogalski <p>Directeur de la revue Recherches Internationales, Michel Rogalski, dans un texte écrit quelques semaines avant la chute de Kaboul, les raisons de ce dénouement à ses yeux inéluctable, et les conséquences qu'il peut entrainer</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>C'est officiel, les États-Unis et leurs alliés engagés dans une coalition militaire en Afghanistan vont quitter le pays. La plus longue intervention à l'étranger qui a duré une vingtaine d'années va ainsi prendre fin dans des conditions d'un enlisement peu glorieux et sans que ses objectifs ne soient atteints. Cette guerre commencée en 2001 au lendemain des attentats du 11 septembre ouvrit la stratégie de l'anti-terrorisme pour renverser les Talibans alors au pouvoir à Kaboul et réduire leurs protégés d'El Qaïda et va se conclure par un échec cinglant puisque les Talibans sont de retour et déjà aux portes du pouvoir.</p> <p>L'Otan, bien vite adoubée par l'ONU et renforcée de quelques pays alliés, aura été le vecteur d'une intervention hors de l'espace euro-atlantique, dans l'esprit des nouvelles orientations définies lors de son Sommet du cinquantenaire de 1999. C'est cette prétention à jouer le rôle de gendarme du monde qui s'effondre aujourd'hui. En réalité, cette issue était attendue depuis déjà dix ans puisqu'Obama avait décidé, après dix ans de guerre, d'un retrait non-négocié des troupes engagées sur place. À partir de 2011 les Talibans savent que les Américains vont partir. Ils n'ont plus qu'à attendre et à assister à l'échec des efforts d'une construction d'un État « moderne et démocratique » par les intervenants extérieurs. Car le modèle subliminal des Occidentaux renvoie à l'issue de la Seconde guerre mondiale lorsqu'il s'agit de reconstruire l'Allemagne après son effondrement. Mais l'Afghanistan n'est pas l'Allemagne et les islamistes radicaux n'ont jamais été mis en déroute, se sont reconstitués, ont pris appui sur le Pakistan voisin et ont essaimé dans de larges régions du monde.</p> <p>Cette guerre a eu un coût énorme, pour l'Afghanistan d'abord qui connaît là sa deuxième guerre, après celle contre les soviétiques de 1979 à 1989, puis la guerre civile qui vit les Talibans l'emporter sur les « Seigneurs de guerre » et imposer leur chape de plomb sur le pays. Bref un pays en guerre depuis quarante ans. Son coût sur l'ordre international n'a pas été moindre. Après avoir humilié Moscou et contribué fortement à son effondrement, puis dopé l'islamisme radical en envoyant ses « Afghans internationalistes » sur différents terrains de luttes, ce petit pays, en passe d'infliger une défaite militaire à la coalition emportée par l'Otan aura également contribué à façonner les traits majeurs du xxie siècle. La population civile a terriblement souffert. Plus de 100 000 morts selon les Nations unies, des milliers de bombes déversées, une société plus corrompue que jamais, une culture et un trafic de drogue florissant alimentant 80 % du marché mondial d'opium, sans compter les morts indirectes de pauvreté et maladies causées par le conflit et l'absence d'un véritable État, jamais construit.</p> <p>Le coût fut redoutable également pour les États-Unis. D'abord en terme humain, puisqu'on estime les pertes à près de 3 000 soldats auxquels il convient de rajouter environ 4 000 « contractors » (mercenaires des sociétés militaires privées), 20 000 blessés graves et des pertes évaluées à 60000 soldats dans les rangs gouvernementaux. La dépense engendrée se monte à près de 3 000 milliard de dollars en ajoutant opérations guerrières, entraînement et aide économique souvent détournée. Un gâchis total. Cette guerre, dont l'enjeu international dépassait largement le territoire afghan, n'a jamais été populaire aux États-Unis, sauf dans l'immédiat après-11 septembre. Mais pourtant, elle n'a pas suscité de fortes mobilisations internationales qui pourraient rappeler l'ampleur des grandes campagnes contre les guerres d'Algérie, du Vietnam ou plus récemment contre l'invasion de l'Irak, sans évoquer les solidarités aux causes emblématiques du peuple palestinien ou des luttes anti-apartheid le l'Afrique du Sud. Ce qui a manqué, au- delà des traits détestables du régime de Kaboul, c'est l'existence de forces politiques et sociales avec lesquelles un partage de valeurs puisse se construire et auteur desquelles organiser une solidarité internationaliste. Car l'alternative au régime actuel soutenu par les Américains se présente déjà depuis longtemps sous les traits d'un retour des Talibans, certes délestés de leurs protégés encombrants. Cette guerre a été menée dans des conditions d'un aveuglement total. Les Américains ont refusé – confortés par beaucoup de think tanks sans grande légitimité – de voir la progression des Talibans forts de quelques dizaines de milliers d'hommes, de leur structuration en parti politique national, doté d'une direction et d'un chef, de l'appui apporté par le Pakistan pays allié des États-Unis et d'imaginer qu'il pouvait y avoir chez ce peuple une attente d'État à même de satisfaire aux besoins les plus essentiels, en termes de santé, d'éducation, de logement, de sécurité… Faute de s'atteler à la construction d'un tel État, le gouvernement en place a été court-circuité par des organismes internationaux donateurs d'aide étrangère sans connaissance du terrain et animés par des logiques bureaucratiques à mille lieues des réalités, et aspirant souvent les élites du pays. Des bataillons d'anthropologues envoyés en reconnaissance auraient été plus utiles que des images satellites ou des drones préparant le travail des forces spéciales.</p> <p>Car ce qui a manqué le plus à la coalition c'est la connaissance du tissu local social dont l'absence est le talon d'Achille des interventions militaires en terre étrangère. Ce terrain social a totalement été méconnu par les militaires, ainsi que les liens familiaux, religieux, économiques entretenus entre les différentes populations et entre celles-ci et les Talibans. Les troupes coalisées ont combattu un ennemi dont elles ne connaissaient pas les modes de fonctionnement, mais qui possédait l'avantage de la maîtrise du terrain et avait su de longue date infiltrer les institutions du pays.</p> <p>Après 20 ans d'une coalition de l'Otan, les résultats sont décevants. Le régime a certes était défait comme celui de Saddam Hussein ultérieurement, les groupes d'El Qaïda dispersés et réduits considérablement, mais les Talibans prenant appui sur le Pakistan sanctuarisé sont aujourd'hui de retour et au bord du pouvoir. Ils multiplient les attentats et le pays n'a jamais été véritablement pacifié. La corruption s'est généralisée empêchant la reconstruction d'un État contourné par l'aide internationale, les ONG, et les différents opérateurs du développement. Les « Seigneurs de guerre » et le tribalisme se sont multipliés. La coalition s'est bunkerisée en enclaves ultra-sécurisées et coupées de la population.</p> <p>Mais surtout les conditions du départ ont été menées de façon maladroite à l'initiative de Trump, puis par Biden, par contact direct avec les Talibans, en passant par dessus la tête du gouvernement afghan, considéré comme partie mineure. Le seul souci des États- Unis étant qu'un régime sous la férule des Talibans ne redevienne pas un sanctuaire pour des groupes terroristes. Seul cet engagement les intéresse. Les Talibans ne sont pas en recherche de négociations interafghanes avec le régime actuel de Kaboul dont le monde pressent la fin. Ils n'ont plus rien à négocier avec personne, le départ des troupes étrangères étant déjà acquis. Ils se préparent à la séquence suivante : investir Kaboul et défaire le régime en place, quitte à initier une nouvelle guerre civile. Le retrait a déjà commencé. La grande base militaire de Kandahar, construite par les Soviétiques et située dans le sud du pays dans une zone à forte présence talibane, a été évacuée nuitamment en catimini sans concertation avec l'armée afghane, et ne laissant en service que la base de Bagram près de Kaboul comme tête de pont. La Maison Blanche annonce que l'armée américaine possède la capacité en ouvrant de nouvelles bases militaires dans des pays frontaliers – en Ouzbékistan et au Tadjikistan – de disposer de moyens de surveillance, voire d'intervention, pour empêcher tout retour en force d'Al-Qaida dans cette région. Même intention annoncée par Macron à propos de l'opération Barkhane. Faute de pouvoir rester sur le terrain, on déplace quelques moyens engagés en prétendant avoir la maîtrise de la suite des événements. Les Alliés de la coalition ont compris le sens de ces discours. La France a décidé d'accorder l'asile politique aux centaines d'Afghans ayant travaillé pour elle, évidemment sans consultation des autorités du pays et témoignant ainsi de son pessimisme sur la capacité du régime à se maintenir en place bien longtemps.</p> <p>Cette guerre afghane dépasse par sa portée le territoire de ce petit pays. Elle est emblématique des conflits asymétriques qui ont surgit à travers le monde et qui se transforment en guerre sans fin, dont les objectifs s'érodent en cours de route. L'enlisement est au bout du chemin. Elle confirme qu'on ne peut imposer la démocratie ou les droits de l'homme souvent mobilisés par la force ou par décrets. La leçon devrait servir pour le Sahel.</p> <p><i>Paru dans <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> Palestine : l'historique (et stratégique) déshumanisation d'un peuple http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2624 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2624 2021-05-16T15:06:00Z text/html fr Jorge Majfud <p>Jorge Majfud, écrivain, essayiste et universitaire uruguayen, situe la situation de la Palestine dans une longue, et dramatique, continuité historique, abordant esclavage et « conquête » de l'Amérique. Eclairant et passionnant. (traduit de l'espagnol par Estelle et Carlos Debiasi)</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>Le 4 décembre 1832, le président Andrew Jackson, connu (où on le connaissait bien) par le surnom de Tueur d'indiens, a fait un joli discours devant le Congrès de son pays. « Sans doute », a-t-il dit, « l'intérêt de la République est que les nouvelles terres soient occupées le plus tôt possible. La richesse et la force d'un pays réside dans sa population, et la meilleure partie de cette population ce sont les fermiers. Les agriculteurs indépendants sont, partout, la base de la société et sont les vrais amis de la liberté … Les indiens ont été complètement vaincus et la bande de mécontents a été expulsée ou détruite … Bien que nous ayons du agir avec dureté, ce fut nécessaire ; ils nous ont agressé sans que nous les provoquions, et nous espérons qu'ils ont appris pour toujours la leçon salutaire ». « Ils nous ont agressés sans que nous les provoquions », « nous avons été attaqués les premiers », « nous avons dû nous défendre » … Ces phrases se répéteront tout au long des siècles à venir et mobiliseront, avec un fanatisme extrême, des millions et des millions de patriotes.</p> <p>Un siècle et demi après, en mai 1971, l'acteur le plus commun et producteur de westerns, porte parole de la suprématie blanche et amoureuse des armes, John Wayne, a affirmé dans un entretien pour la revue People que les réserves d'indiens aux États-Unis étaient un vice socialiste. Personne n'est responsable de ce qui est arrivé dans le passé, a t –il dit, quand « il y avait beaucoup de gens qui avaient besoin de terres et les indiens voulaient les garder de façon égoïste ».Il ne s'agissait pas des tribus dispersées mais de nations organisées, aussi nombreuses que les colons qui défendaient leurs propres frontières mais poussaient sans limite les frontières des autres, et les deux choses étaient faites avec fierté et fanatisme patriotique. Jamais n'ont compté ni les vies des races inférieures ni les multiples traités signés avec ceux qui possédaient des terres plus attrayantes que leurs femmes. Le pays des lois a violé toutes les lois, même les siennes propres, quand il s'est agit de dépouiller d'un bien matériel le voisin. Tout a été fait au nom de la Liberté, de la Démocratie, de Dieu et d'une interprétation biblique tirée par les cheveux, comme l'était le mythe du Destin manifeste. Ni les indiens ne pourront utiliser une Bible pour réclamer que les terres leur appartenant parce que leurs aïeux l'ont possédée depuis des siècles, ni les noirs ne pourront réclamer une compensation pour avoir construit un pays et une structure qui a perpétué les ghettos, la discrimination et les privilèges de couleur jusqu'à aujourd'hui. Ni les Latinoaméricains ne pourront réclamer les centaines de tonnes d'or et les milliers de tonnes d'argent qui ont enrichi l'Europe et qui dorment encore dans les Banques centrales pour la stabilité du développement des civilisés. Pour ne pas entrer dans des détails comme le guano [1] ou l'héritage de sociétés pathétiques en Amérique Latine, consolidées dans une structure, une culture et une mentalité coloniale et colonisée.</p> <p>Le conflit un palestino-israélien n'est pas très différent, parce que la nature humaine n'est pas différente. Comme la stratégie n'est pas différente de confondre judaïsme et le peuple juif martyrisé, au long des siècles, avec l'État de l'Israël et son puissant appareil de propagande, qui est encore plus impressionnant que son multimillionnaire pouvoir militaire, appuyé par des milliards de dollars par an, sortis des coffres de Washington. Nombreux tombent dans ce piège des drapeaux, trahissant une histoire tragique de milliers d'années de s'opposer aux pouvoirs du moment et d'en souffrir. Ils oublient, par exemple, que l'une des périodes les plus longues et plus prospères du peuple juif en Europe a découlé de la protection des musulmans en Espagne durant presque huit siècles, et a pris fin avec son expulsion et persécution quand ses protecteurs arabes ont été vaincus par les chrétiens en 1492. L'islam a toléré et a accepté les Juifs bien qu'ils ne reconnaissaient pas Jésus (sacré pour l'islam) comme un vrai prophète. Les fanatiques chrétiens non. Ils n'ont toléré ni les uns et ni les autres : les uns pour croire en Mahomet et les autres pour ne pas croire en Jésus.</p> <p>Tout le monde ne tombe pas dans le piège. Par exemple, mes innombrables amis juifs sont trop cultivés et intelligents pour avaler un tel artifice. De même pour diverses communautés juives en Europe et aux États-Unis, qui ont le courage de dire non à l'apartheid au Moyen Orient moyen, « pas en notre nom ». Mais les confusions nationalistes sont stratégiques, et servent toujours, comme le patriotisme des colons, à ceux de là-haut. En Amérique Latine, l'attitude est différente, peut-être à causes des mêmes raisons qui mènent la classe dirigeante à polir des monuments sans lire leurs noms.</p> <p>Dans le conflit le plus récent en Cananée (une escarmouche, comparée à la liste inépuisable de tragédies accumulées depuis le XXe siècle), dans en deux jours 30 palestiniens et trois Israéliens sont déjà morts. Comme d'habitude, un tiers des palestiniens morts sont des enfants, mais ils disent qu'ils étaient terroristes. Les présidents comme celui de l'Uruguay, Lacalle Pou, ne se sont pas fait attendre. Lents pour presque tout, ils n'ont pas douté pour se solidariser seulement avec un des côtés du conflit. Le côté de la sécurité. Il n'est pas nécessaire de savoir que ce n'est pas le côté qui a apporté le plus de morts, parce que c'est une tradition à Gaza, le plus grand ghetto du monde, et une tradition pour beaucoup de chrétiens qui ferait honte même au maître qu' ils prétendent suivre : être dur avec ceux d'en bas et mous avec ceux d'en haut. Il est si pénible de vivre en défendant le plus fort, qui fait honte à autrui.</p> <p>La logique est claire : le droit à la légitime défense s'applique seulement à quelques peuples ; pas à tous. Le droit d'avoir un pays, avec ses lois et ses institutions indépendantes, s'applique seulement à un peuple. La solidarité des puissants et leurs vassaux, s'applique seulement à un peuple. Comme si cela n'était pas assez, la même formule habituelle s'applique : on taille l'histoire des attaques et des réactions par le côté le plus convenable et on l'appelle défense à la provocation, à la persécution, et à l'oppression.</p> <p>Bien sûr, toute vie perdue est à regretter. D'un côté comme de l'autre. Mais pour cela même, messieurs. Pour cela même, messieurs les présidents, quelques uns parmi nous, nous voulons savoir : les palestiniens, les enfants, les hommes et les femmes, n'existent-il pas ? Seulement les hommes et femmes à pied se solidarisent avec ceux ? Est-il si difficile d'avoir un peu de dignité humaine et d'oublier les drapeaux et que certains tuent encore au nom du Dieu et pour des raisons plus matérielles ? Non, bien sur, les palestiniens n'ont jamais existé. Ils ont la double condition d'être invariablement terroristes et de n'avoir jamais existé. Une vraie prouesse ontologique.</p> <p>Messieurs dans le vain et honteux pouvoir du moment : je ne vous demande pas de quoi vous avez peur parce que c'est quelque chose de trop évident. Il est aussi évident que ça ne compte pas pour vous de choisir le côté du pouvoir et la sécurité. Mais sachez que l'histoire sera implacable. Si l'histoire ne vous importe pas mais que la Bible vous pèse, imaginez seulement pour un instant que Jésus put être sauvé de devenir un autre rebelle exécuté par l'empire de l'époque. Il avait seulement qu'à se solidariser avec Ponce Pilate, avec les pharisiens, avec les maîtres de la loi, et avec l'excellentissime Empereur et Général Tiberius. <i>(1) Le guano, provenant du quechua (wanu) est tout d'abord un amas d'excréments d'oiseaux marins ou de chauves-souris qui a longtemps constitué l'habitat d'oiseaux marins qui venaient nicher dessus et pondaient leurs œufs à l'intérieur tel le manchot du Cap. Ce guano fut par la suite considéré comme une substance fertilisante et les humains ont décidé de l'utiliser en tant qu'engrais très efficace, en vertu de sa grande concentration en composés azotés. Les sols manquant de matières organiques peuvent alors être rendus bien plus productifs. Cependant, cet usage intensif du guano prélevé en trop grande quantité a eu un effet destructeur sur la nidification d'espèces d'oiseaux les amenant quasiment au bord de l'extinction.</i></p> <p><strong> <i>Paru dans El Correo de la Diaspora <a href="http://www.elcorreo.eu.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.elcorreo.eu.org</a></p> </h3></div> Ce que cache le retrait des soldats américains de Syrie. Le grand jeu... http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2311 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2311 2018-12-27T15:19:00Z text/html fr Allain Graux Si Recep Tayyip Erdogan a fourni le prétexte qu'attendait Trump, qui comme Obama, veut se retirer du Moyen-Orient afin de laisser la gestion sécuritaire à Israël et à son allié au sein de l'OTAN, la Turquie. C'est pourquoi il a accordé 36 milliards d'armement à l'Etat hébreu[1], reconnu Jérusalem comme capitale en sacrifiant les droits des Palestiniens et ceux des Kurdes. Une fois de plus, car ces peuples furent les grands perdants du traité de Versailles en (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique48" rel="directory">Moyen Orient</a> <div class='rss_texte'><p>Si Recep Tayyip Erdogan a fourni le prétexte qu'attendait Trump, qui comme Obama, veut se retirer du Moyen-Orient afin de laisser la gestion sécuritaire à Israël et à son allié au sein de l'OTAN, la Turquie. C'est pourquoi il a accordé 36 milliards d'armement à l'Etat hébreu[1], reconnu Jérusalem comme capitale en sacrifiant les droits des Palestiniens et ceux des Kurdes. Une fois de plus, car ces peuples furent les grands perdants du traité de Versailles en 1920, avec les Arméniens, dans le partage de l'empire Turc. Les kurdes se retrouvèrent divisés entre les entités turques, syriennes, irakiennes et iraniennes, les Palestiniens sous le mandat britannique (Palestine partagée en 1948 entre Israël et Transjordanie, suite à la guerre), les Arméniens réduits à un petit Etat d'URSS.</p> <p>Trump, par ailleurs, pense neutraliser les pays arabes en proposant son plan pour la Palestine en leur offrant un développement économique dans le...Sinäi !!! Un super bantoustan qui fait fi des sentiments nationaux de ce peuple ! Un projet irréaliste qui est une pure utopie. La Turquie, également présente en Syrie, a menacé à plusieurs reprises d'intervenir militairement, encore, contre les YPG (Milices kurdes)du Rojava, qu'elle considère comme un groupe terroriste, alors que ce sont les principaux combattants au sol qui ont permis de vaincre Daech. Par ailleurs, Erdogan a armé des groupes islamistes qui luttent contre Bachar el Assad, notamment ceux soutenus par ses copains frères musulmans soutenus par le Qatar...L'Armée Syrienne Libre, délaissée militairement par les occidentaux, s'est acoquinée avec la Turquie et des groupes islamistes. « L'entente américano-turque apparaît d'autant plus évidente que Washington a approuvé la vente de son système de missiles antimissiles Patriot à Ankara pour un montant global de 3,5 milliards de dollars. Contre l'avis des Américains, la Turquie avait pris la décision de se fournir auprès des Russes, avec l'achat du système antimissile S-400, ce qui avait ajouté de la tension dans la relation entre les deux alliés. Donald Trump semble vouloir profiter de l'occasion pour ramener Ankara dans le giron américain, en lui offrant les Kurdes syriens sur un plateau. Cette politique, qui devrait être vécue comme une « trahison » côté kurde, envoie un très mauvais signal aux alliés de l'Amérique de Donald Trump, celui d'une puissance qui ne respecte pas ses engagements et sur laquelle on ne peut pas compter[2]. »</p> <p>Les Kurdes, qui ont été surtout des combattants admirables contre les forces de l'Etat Islamique, plus que contre l'armée d'Assad, ne pouvant pas se battre sur deux fronts, face à la trahison de Trump et l'insuffisance du soutien français, vont essayer de négocier leur autonomie avec le pouvoir alaouite. Dans certains lieux, à Tell Nasri, au nord-est, les réfugiés kurdes, chassés par l'offensive turque sur Afrin, sont accueillis par des chrétiens descendants du génocide arménien de 1915...Or les Chrétiens sont des alliés obligés du régime de Bachar, par crainte des excès islamistes et djihadistes. Opposées à une présence permanente turque, les forces syriennes pourraient ainsi se déployer dans la zone kurde, pour la protéger et neutraliser un potentiel opposant à leur reconquête du territoire syrien. Pour les Américains, cela aurait l'avantage de bloquer le soutien de l'Iran, ennemi commun des Etats-Unis, des Pays arabes et d'Israël.</p> <p>L'autre aspect est économique, car l'est syrien est une région riche en ressources énergétiques, ce qui ouvre des appétits, syriens comme russes...Donc la bienveillance de Poutine à l'égard de son « ami » Erdogan. Ce qui renforcerait le règlement du problème syrien par le processus de négociation d'Astana mis en œuvre par la Russie. C'est l'opinion du ministère russe des Affaires étrangères qui a affirmé que la décision américaine « ouvrait des perspectives en vue d'un règlement politique du conflit ». Les Russes auront ainsi réglé le problème syrien, militairement et politiquement...Certainement pas celui des peuples de Syrie et en particulier des Kurdes, une nouvelle fois trahis par tous.</p> <p>Paradoxalement Israël va de ce fait se trouver confronté directement à la Syrie soutenue par l'Iran. Benjamin Netanyahu estime de son côté, que « de toute façon, nous saurons protéger la sécurité d'Israël et nous défendre ». Israël a mené par le passé des dizaines de frappes en Syrie pour empêcher le transfert d'armes au Hezbollah. Mais, il lui faudra avoir l'aval de l'autre soutien de la Syrie, celui du protecteur russe, et en conséquence assumer une certaine dépendance de Moscou qui parraine le régime Assad. A trop jouer avec le feu, on risque de se brûler...</p> <p>[<i>1] La nouvelle aide pourrait atteindre 40 $ milliards sur 10 ans – selon The Times of israel – <a href="https://fr.timesofisrael.com/les-etats-unis-prets-a-augmenter-laide-militaire-a-israel/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://fr.timesofisrael.com/les-et...</a> [2] L'Orient le Jour - Anthony SAMRANI – 21.12.2018 - Retrait américain de Syrie : pourquoi et quelles conséquences </i></p> <p><i>Le blog d'Allain Graux : <a href="http://allaingraux.over-blog.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://allaingraux.over-blog.com</a></i></p></div> https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18