https://www.traditionrolex.com/18 La Gauche Cactus http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/ fr SPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP) Le combat pour l'eau http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2909 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2909 2023-10-28T21:59:00Z text/html fr Patrice Perron <p>On connaissait les passions écologistes de Patrice Perron (de Guidel, ne l'oublions pas), son goût de l'humour, et nous découvrons ici ses talents poétiques, avec des paroles engagés sur des problèmes les plus graves qui menacent l'humanité : celui de l'eau.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>Le combat pour l'eau</p> <p>Le combat pour l'eau sera terrible. Sauvons l'eau de la vie, l'eau de notre planète. Bien commun de l'humanité, Essentielle à la vie. Là où il restera de l'eau, Les humains viendront de partout Des littoraux, des campagnes, Des déserts, des montagnes Et même des villes, surtout des villes.</p> <p>Ils viendront des zones et régions Où l'eau aura presque disparu, L'eau de la vie, l'eau de notre planète, Bien commun de l'humanité Indispensable à la vie.</p> <p>Le combat pour l'eau sera terrible, Sur chaque continent, dans chaque pays. Les survivants se battront jusqu'au sang Pour obtenir la dernière goutte, Puis ce sera l'exode mortifère Vers d'hypothétiques horizons, Où l'eau coulerait peut-être encore.</p> <p>Les migrations climatiques pour la survie, Dont personne ne semble prendre la mesure, Seront inévitables et à organiser. Sauvons l'eau de la vie, l'eau de notre planète. Son accès sera rendu difficile, Peut-être même monnayé par des vampires Et des profiteurs qui mourront aussi ensuite.</p> <p>Sauvons l'eau de la vie, l'eau de notre planète, Bien commun de l'humanité, Indispensable à la vie. Pour la survie du plus grand nombre, Sans critères de richesse ou de pouvoir, Sauvons l'eau de la vie, l'eau de notre planète. Le combat pour l'eau sera terrible. Terrible.</p> <p><i>Texte : Patrice Perron. Musique : Patrick Le Houëdec</i></p></div> L'ONU et la question du « droit à l'eau ». http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2879 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2879 2023-07-17T09:34:00Z text/html fr Chloé Maurel <p>Historienne spécialisée dans les politiques de l'ONU et collaboratrice de la revue Recherches internationales, Chloé Maurel propose un article sur un problème majeur qui, engendré par le réchauffement climatique et les surconsommations pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l'humanité et une source de multiples conflits : celui de l'eau. A l'ONU, elle décrit les difficultés à passer des « bonnes intentions » aux actions concrètes.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p><strong>Des proclamations et des programmes humanistes lancés par l'ONU</strong></p> <p>La résolution de l'Assemblée générale de l'ONU adoptée le 28 juillet 2010, reconnaît pour la première fois « le droit à l'eau potable et à l'assainissement sûrs et propres comme un droit de l'homme essentiel à la pleine jouissance de la vie et du droit à l'exercice de tous les droits de l'homme ». En effet, l'eau, ressource présente naturellement sur Terre, n'est pas une marchandise comme une autre, même si elle doit souvent être assainie par des dispositifs mis en place par des entreprises, publiques ou privées, d'autant plus qu'elle est d'importance vitale pour les humains, donc il apparaît justifié qu'elle soit considéré comme un bien public mondial, autrement dit un bien commun.</p> <p>À l'heure du réchauffement climatique, cette ressource vitale qu'est « l'or bleu » se révèle particulièrement cruciale. Quelques chiffres illustrent son caractère primordial, et mettent en évidence les conséquences dramatiques du manque d'eau : 2,2 milliards de personnes n'ont pas accès à des services d'eau potable gérés de manière sûre, et sont contraints de boire de l'eau contaminée. Plus de moitié de la population mondiale, soit 4,2 milliards de personnes, manquent de services d'assainissement gérés de manière sûre. 297 000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de maladies diarrhéiques causées par l'insalubrité de l'eau. Près de 90 % des catastrophes naturelles sont liées à l'eau (inondations, cyclones, tornades, sécheresses…) 80 % des eaux usées dans le monde sont rejetées dans l'environnement sans traitement. L'ONU prend la mesure de la situation actuelle, déplorable, comptabilisant que, au total, chaque année, plus de 842 000 personnes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire meurent à cause du manque d'eau. Corollairement, concernant cette fois l'eau de mer, la pollution affecte dramatiquement l'eau sur Terre : un « continent de plastique » flotte sur le Pacifique, et, fin juin 2023, le Japon annonce qu'il va rejeter les eaux contaminées dues à la catastrophe de Fukushima dans la mer.</p> <p>Cette résolution onusienne de 2010, qui affirme le droit à l'eau de tous les droits humains, est donc particulièrement importante Ce texte chiffre ce droit à entre 50 et 100 litres d'eau par personne et par jour, pour un coût qui doit être abordable, soit inférieur à 3 % du revenu de la famille. Il précise aussi que chaque famille doit pouvoir trouver une source d'eau à moins d'un km de chez elle et le temps de collecte de cette eau ne doit pas dépasser 30 minutes. Cinq ans plus tard, parmi les 17 « Objectifs de développement durable » (ODD) proclamés par l'ONU en 2015, l'objectif n°6 vise à garantir l'accès de tous à l'eau et à l'assainissement et à assurer une gestion durable des ressources en eau.</p> <p>Historiquement, l'action de l'ONU et de ses agences sur la question de l'eau avait déjà commencé dans les années 1970, période de l'émergence des préoccupations écologistes et environnementales, avec la Conférence des Nations unies sur l'eau en 1977, suivie par la Décennie internationale sur l'eau et l'environnement, lancée en 1992, l'année du Sommet de la Terre à Rio.</p> <p>L'action de l'ONU passe aussi par une sensibilisation de la population mondiale à ces questions, à travers la « Journée mondiale de l'eau », chaque 22 mars, et la « Décennie internationale d'action de l'ONU sur l'eau » (2018-2028).</p> <p><strong>Le secteur privé à la manœuvre pour défendre ses intérêts financiers, avec pour résultat une marchandisation croissante de l'eau :</strong></p> <p>Cependant, derrière ces belles paroles, se cache une pénétration croissante de l'ONU par les intérêts du secteur privé. En effet, l'eau attise les convoitises des grandes entreprises multinationales. Comme l'analyse l'économiste hétérodoxe Sylvain Leder, en réalité, « en 1992, lors de la Conférence des Nations unies sur l'eau à Dublin, […] pour la première fois cette ressource a été officiellement reconnue internationalement comme un bien économique ». Ainsi, s'est alors mise en place une véritable « oligarchie mondiale de l'eau », selon les termes de l'économiste et politiste Riccardo Petrella, une oligarchie qui, comme l'explique S. Leder, a « à sa tête la Banque mondiale, à l'origine de la création en 1996 du Conseil mondial de l'eau, dirigé à l'époque par de hauts cadres de multinationales comme Suez et Vivendi (devenu Veolia) et dont le siège est installé à Marseille. Ce Conseil a pour mission de définir une vision mondiale de cette ressource dans un cadre libéral. La dimension opérationnelle est assurée par le Partenariat mondial de l'eau, créé la même année pour favoriser les partenariats public-privé ». Ainsi, les grandes multinationales ont créé des lobbies qui interviennent au sein de l'ONU pour défendre leurs intérêts dans un esprit néo-libéral et prédateur.</p> <p><strong>Bientôt des « guerres de l'eau » ?</strong></p> <p>Comme l'analyse Akram Belkaïd dans le Monde Diplomatique de juin 2023,la planète est aujourd'hui en proie à des tensions liées à l'enjeu de la mainmise sur l'eau, qui pourraient mener à des « guerres de l'eau ». Par exemple, l'Égypte envisage « l'usage de la force, notamment aérienne, contre le grand barrage de la Renaissance que construit l'Ethiopie sur le cours du Nil bleu ». Au sein des États aussi, l'eau donne lieu à des conflits et tensions qui se soldent parfois par des affrontements violents, de la Colombie à l'Afrique du Sud, en passant par la France, où, le 25 mars 2023, plus de 200 personnes ont été blessés dans les affrontements avec les forces de l'ordre lors des manifestations contre les méga-bassines à Saint-Soline.</p> <p><strong>Mettre fin aux lobbies du secteur privé qui gangrènent l'ONU</strong></p> <p>En mars 2023, l'ONU a organisé une nouvelle conférence mondiale sur l'eau, centrée sur l'eau douce. Réunissant les représentants de 150 États ainsi que des ONG, cette conférence est importante, car, comme l'affirme Akram Belkaïd, « contrairement aux océans, qui font l'objet d'un accord mondial de protection, adopté aussi en mars, l'eau douce (…) ne bénéficie d'aucun texte majeur encadrant la fois son usage, son partage et sa préservation ». Mais les multinationales de l'eau, de Suez à Veolia en passant par American Water, Thames Water, Sabesp, ou encore Nestlé, sont à la manœuvre à l'ONU, pour influencer les discussions et l'orientation des textes adoptés. En effet, ces multinationales pénètrent tous les rouages de l'ONU par leurs lobbies très actifs, en contrôlant des pseudos-ONG qui y ont droit de cité et de parole. C'est depuis les années 2000, sous le mandat du Ghanéen Kofi Annan, que date cette fâcheuse pénétration du secteur privé dans les arcanes de l'ONU. Ce Secrétaire général avait en effet fait en sorte d'associer les multinationales aux débats des Nations unies, à travers le « Pacte mondial » (Global Compact) qu'il avait mis en place.</p> <p>En fin de compte, l'eau douce, qui représente un marché de plus de 600 milliards d'euros, est au cœur des enjeux économiques du XXIe siècle, et au sein de l'organisation internationale, on observe un tiraillement entre les impératifs humanistes du « droit à l'eau », et la logique du profit prédateur et de la marchandisation de toutes les ressources naturelles. Il incombe donc à l'ONU de se libérer des intérêts du secteur privé, et d'affirmer haut et fort la logique du droit à l'eau, dans l'esprit des « droits économiques et sociaux », qui avaient été proclamés dès 1966 en son sein.</p> <p><i>Chloé Maurel est historienne, spécialiste des Nations unies Article publié dans Recherches internationales <a href="http://www.recherches-internationales.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.recherches-internationales.fr</a></i></p></div> Total irrespect http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2876 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2876 2023-06-23T16:54:00Z text/html fr Yann Fiévet <p>Le président Macron essaie d'endosser le costume de sauveur de la planète face aux aléas climatiques. Yann Fiévet en montre, implacablement, l'inanité et s'en irrite même un brin. Et nous ajouterons, entant qu'arbitres des élégances bien connus, que ce costume ne lui va pas du tout.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>A la veille d'un nouvel été difficile la stupeur nous saisit. Le macronisme vient de battre piteusement en retraite sur le front du combat écologique. Les esprits grincheux diront qu'il n'avait jamais vraiment entamé ce combat pourtant impératif. On peut difficilement leur donner tort. Le mois de mai était depuis des lustres le mois du renouveau, celui qui annonçait des jours meilleurs, ceux de l'éclosion générale, des jours attendus avec entrain partout et par tous, petits et grands, pauvres ou riches. Tout cela est bien fini. Le mois de mai est désormais en France le mois de la fin définitive des illusions face à la crise climatique aux ravages indiscutablement grandissants. En cette matière qui ne devrait souffrir aucune défaillance, Jupiter, en dieu impuissant, et son ministre chargé de la « transition écologique » ont, à quelques jours d'intervalle, sonné le glas de nos maigres espérances. Deux hommes passifs pour deux évènements calamiteux. L'irrespect affiché pour la planète est alors à son comble. Et, le pétrolier en chef de s'en délecter en coulisses.</p> <p>Le premier de ces évènements fut la déclaration péremptoire du Président de la République française à une heure de grande écoute télévisuelle, déclaration par laquelle il exprimait sans ambages son souhait qu'une pause soit prononcée dans la règlementation environnementale européenne. A quelques jours de la réception annuelle des « plus grands patrons du monde entier » au château de Versailles, Emmanuel Macron s'attaquait à rien moins que le green new deal, certes diversement appréhendé par les partenaires de la France, qu'il conviendrait de muscler eu égard au péril climatique et non de l'affaiblir. Du reste, le monarque qui se veut absolu déclencha la stupéfaction européenne en la circonstance. Bien sûr il n'en a cure : son urgence à lui est de rassurer les magnats de la finance et de l'industrie planétaire afin que dans la bonne marche des affaires la France reste pleinement une terre d'accueil ! On se souvient ici de la déclaration énervée de Nicolas Sarkozy en 2011, au Salon de l'agriculture, trois petites années après le « Grenelle de l'environnement » qu'il avait pourtant abondamment promotionné : « l'environnement, ça commence à bien faire ». Mais, douze années plus tard… Ces hommes sont très forts dans l'esbroufe communicationnelle et éminemment discrets dans la mises en œuvre tangible de leurs annonces tonitruantes. C'est que le réalisme économico-financier du capitalisme omnipotent revient toujours à la charge porté par de vigilants gardiens du temple.</p> <p>On doit le second évènement de ce printemps à Christophe Béchu qui porte fièrement la casquette ministérielle de la transition écologique. Il a officiellement lancé le 22 mai dernier le processus de « l'adaptation » au réchauffement climatique. Jusqu'à la fin de l'été les Français sont consultés afin qu'ils disent les efforts qu'ils sont prêts à consentir pour adapter leurs comportements de consommation dans l'optique d'un réchauffement de 4° à la fin de ce siècle. Rappelons que la COP 21 tenue à Paris en décembre 2015 déclarait qu'il ne faudrait surtout pas dépasser 1,5° pour éviter « l'emballement ». On entérine donc en haut-lieu que l'objjectif est irréaliste et qu'il faut donc se préparer au pire. Les Français pourraient en retour demander ce que les vrais décideurs sont prêts à consentir comme efforts d'adaptation pour changer de manière tangible la prégnance mortifère du capitalisme sur la nature et nos vies. Va-t-on annuler les nombreux projets autoroutiers lancés dans l'hexagone ? Va-t-on enfin décider de transformer radicalement « notre modèle agricole ? Va-t-on un jour prochain contraindre Total à changer profondément sa stratégie de production d'énergie ? Non, rien de tout cela ne reçoit le début du commencement d'une inflexion. Non, c'est aux Français de faire des efforts individuels. Le tandem Macron-Béchu en est resté à ce que Aurélien Bernier avait appelé voilà quinze ans l'écologie du brossage de dents. Désespérant !</p> <p>Pire, on continue d'envoyer de mauvais signaux à de notoires responsables de la crise écologique. Ainsi, le ministre français de l'agriculture a demandé récemment aux préfets de ne pas verbaliser les agriculteurs contrevenant à l'interdiction de plusieurs pesticides décidée au niveau européen. À l'initiative des sénateurs Les Républicains, une proposition de loi, autorisant le recours à des drones pour l'épandage de pesticides, a été adoptée en première lecture le 23 mai au Sénat.</p> <p>Cette mesure est présentée comme un « choc de compétitivité pour la ferme "France" ». L'article 8 de cette proposition de loi envisage d'expérimenter durant 5 ans le recours à des drones dans le cadre d'une « agriculture de précision » sur des surfaces présentées comme « restreintes » sans pour autant que soient fixées des limites. L'Europe pers déjà vingt millions d'oiseaux chaque année. Alors, la biodiversité peut bien attendre encore son hypothétique renouveau ! La vraie raison de l'immobilisme ou de la fuite en avant est que l'on se refuse à financer sérieusement l'énorme facture de la transition écologique. Pour cela il faudrait faire payer les plus riches de nos congénères. On pourrait, par exemple, taxer de 5% à cet effet les 10% des contribuables les plus fortunés. Bruno Lemaire, ministre de l'économie gardien scrupuleux de l'orthodoxie fiscale, se refuse farouchement à augmenter les impôts tout en récitant la fable éternelle selon laquelle « la France a déjà la fiscalité la plus élevée d'Europe ». Répondons-lui que les revenus des 37 contribuables français les plus riches sont taxés à… 0,26%. Un record du monde, probablement ! Total irrespect disions-nous.</p></div> La sécheresse, phénomène naturel ou événement culturel ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2871 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2871 2023-06-14T16:18:00Z text/html fr Saûl Karsz <p>Une des choses qu'on aime bien chez Saül Karsz, c'est son art du contre-pied créatif, qui lui permet d'aller où nous n'allons pas forcément. Ainsi de la sécheresse, phénomène naturel par essence. Peut-être, mais pas que : société, croyance, économie, politique s'en mêlent. Démonstration brillante, Karz est un élaireur</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>Rareté des pluies, absence de réserves conséquentes, cours d'eau en voie d'assèchement accéléré contribuent sans doute à une situation de pénurie que l'été, en Europe, aux Etats-Unis, en Australie, va très probablement amplifier. La sècheresse, dernière en date des catastrophes planétaires, présente ainsi tous les signes d'un phénomène naturel, causé par de lourds facteurs écologiques et météorologiques. On sait cependant que la surexploitation domestique, commerciale et industrielle de cette ressource précieuse qu'est l'eau joue un rôle déterminant dans la pénurie actuelle. On sait également que cette pénurie n'en est pas forcément une pour toutes les classes sociales. Le manque d'eau génère des profits pharamineux, n'empêche nullement le renouvellement régulier des piscines, accroit la consommation d'eaux en bouteilles. D'après Internet, il y a sécheresse dite absolue en France au bout de 15 jours consécutifs sans pluie ; aux Etats-Unis, au bout de 21 jours et 30% de précipitations en moins ; en Australie, avec moins de 10% de la moyenne annuelle ; en Inde, avec des précipitations annuelles inférieures de 75% aux normales saisonnières. Autant de démarcations socio-culturelles à propos d'un événement qui, réputé naturel, identique partout, est cependant loin d'entrainer les mêmes effets, les mêmes dégâts, les mêmes bénéfices.</p> <p>L'appellation « phénomène naturel » a de quoi susciter quelques bémols. Ni son usage ni sa portée ne vont de soi. Idem pour le contraire, d'ailleurs. Il ne s'agit pas d'un phénomène exclusivement naturel ni uniquement socio-culturel non plus. Mais comment identifier la part de chacune de ces deux dimensions, toutes deux également incontournables ? S'agit-il de parts, de morceaux, de parcelles, en fait ? Question décisive dont dépend le diagnostic qu'on peut proposer et les éventuels palliatifs qu'on peut envisager. Au-delà de l'eau, d'autres phénomènes induisent des interrogations semblables…</p> <p>Risquons une explication à ce propos. Explication obligatoirement dialectique car, à défaut, on se laisse abuser par la recherche de la Cause Première, celle qui – complètement omni-naturelle ou radicalement omni-culturelle – serait à l'origine passablement mystique de tout, sans pour autant rien expliquer précisément. Première ponctuation : existent bien des rythmes, des contraintes, des facilités, des phénomènes naturels. Mais la nature n'est pas la même selon les terrains, les espèces végétales et animales, ni non plus sans les ressources (notamment techniques) disponibles, les conditions d'utilisation, l'aménagement des territoires, la répartition des bénéfices et des contraintes. D'emblée, les phénomènes naturels se trouvent inclus dans des agencements socio-historiques qui tantôt les provoquent, tantôt subissent ses manifestations, tantôt pallient certains de leurs effets. C'est pourquoi l'assèchement des voies d'eau a des causes naturelles et des traitements technico-socio-politiques.</p> <p><strong> <i>La surdétermination est de mise.</i> </strong> Il faut tenir compte des figures multiples, des combinaisons contrastées. Il n'y a pas une modalité seule et unique des rapports nature-culture.</p> <p>Il n'y en a pas non plus en sens inverse. La dimension socio-historique et culturelle, si elle peut aller très loin dans ses inventions au point de faire reculer des limites imposées par la nature, bute néanmoins, inlassablement, sur de nouvelles contraintes, sur des émergences et des disparitions inespérées, sur des phénomènes naturels dont il lui faut tenir compte. Les rapports culture-nature sont permanents, surdéterminés, autant que leurs désajustements, l'impossible coïncidence de leurs logiques respectives. Comme l'écrivait l'anthropologue Claude Meillassoux, « la parturition est un phénomène naturel, l'accouchement est une réalité culturelle ». Il n'y a pas lieu de choisir l'un ou l'autre – il faut et il suffit de dire de quoi on traite précisément.</p> <p><strong> <i>C'est cette dialectique qu'il convient de diagnostiquer. Ce sont les disparités « nature et/ou culture », la prédominance relative de l'une ou de l'autre qu'il faut considérer. Ce sont ces épisodes surdéterminés qu'il faut traiter.</i> </strong> Eviter à tout prix d'isoler ces deux paramètres – non pas deux mondes mais juste deux registres – finalement inséparables.</p> <p><i> <strong>Seconde ponctuation :</p> </h3> <p> ce serait probablement moins équivoque de se référer, non pas aux phénomènes naturels, mais aux données naturelles. Données incontournables, indépendantes de toute construction culturelle mais, pour devenir des événements, pour installer un avant et un après, encore faut-il qu'elles s'inscrivent dans une culture, marquent une civilisation, soient apprivoisées dans une société, taraudent inégalement des individus et des collectifs selon leurs positions sociales, recours financiers, capital culturel…</p> <p>La nature existe sans la culture mais pas sans les significations et la portée que celle-ci lui accorde. La culture n'a pas besoin de la nature pour créer, inventer, imaginer, mais en dépend absolument pour asseoir ses créations et matérialiser ses inventions.</p> <p>Certes, cette dialectique est bien loin de clore le problème, les problèmes. Mais elle permet de ne pas substantialiser La Nature et La Culture, de ne pas les imaginer comme des entités compactes et sans hiatus. Quelques mythologies pourraient ainsi être dépassées.</p> <p><i>Texte paru dans Le pas de côté (<a href="http://www.pratiques-sociales.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>www.pratiques-sociales.org</a>)</i></p></div> Le Rapport du GIEC : diviser les émissions de gaz à effet de serre par deux d'ici à 2030, c'est possible http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2754 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2754 2022-04-04T10:41:00Z text/html fr Céline Guivarch, Franck Lecocq <p>L'actualité de l'immédiat (élection, guerre en Ukraine) ou quotidienne (fins de mois difficiles…) fait passer au second plan la menace la plus inquiétante qui pèse sur l'avenir de l'humanité, celle du réchauffement climatique. Une bonne raison pour le rappeler avec une synthèse très claire des conclusion du dernier rapport du GIEC, proposée par les universitaires Céline Guivarch et Franck Lecocq dans un article paru sur l'excellent site theconversation.com que nous reprenons ici.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>Clôturant la trilogie ouverte en août 2021 – avec son rapport sur la « science du changement climatique » suivi en mars 2022 par celui sur les « impacts et adaptation » –, le GIEC (Groupement intergouvernemental sur l'étude du climat) rend public son nouveau rapport sur l'« atténuation ». Initiée en 2018, cette somme signée par 278 scientifiques du monde entier dresse l'état des connaissances scientifiques sur les options de réduction des émissions (« l'atténuation » du titre) de gaz à effet de serre. L'ouvrage s'ouvre sur le bilan des émissions passées et présentes et les perspectives d'émissions futures. Il balaie ensuite les options de réduction des émissions par grands secteurs ou systèmes, avec une attention particulière portée à la demande et à la capture du carbone. Il se conclut par une discussion des politiques de lutte contre le changement climatique, leur financement et les innovations qu'elles requièrent ; le tout au prisme du développement durable. Nous présentons ici les principaux messages du rapport, en incitant les lecteurs curieux à partir à la découverte de cette documentation très riche.</p> <p>Des émissions à la hausse malgré une mobilisation mondiale</p> <p>Le point de départ est que des politiques de lutte contre le changement climatique sont maintenant en vigueur dans de très nombreux pays, et dans de très nombreux secteurs. Très variées, ces politiques « couvrent » déjà plus de la moitié des émissions mondiales. Cette mobilisation se traduit aussi par des plans de décarbonation de plus en plus ambitieux : un nombre croissant de pays s'engageant maintenant vers la neutralité carbone à l'horizon 2050. Les efforts ne sont pas l'apanage des gouvernements nationaux : ils existent aussi, de plus en plus nombreux, aux échelles régionales et locales et dans le secteur privé, à travers par exemple des réseaux de villes qui s'engagent vers la neutralité carbone.</p> <p>Il n'en reste pas moins que malgré cette mobilisation, les émissions de gaz à effet de serre mondiales continuent d'augmenter. Même si le rythme de leur croissance s'est ralenti, elles n'ont jamais été aussi élevées en valeur absolue. La chute brutale observée en 2020 du fait du Covid est déjà largement résorbée. Et les plans nationaux, pour ambitieux qu'ils soient, nous laisseraient en 2030 largement au-dessus des niveaux d'émissions compatibles avec les objectifs que la communauté internationale s'est fixés à Paris en 2015.</p> <p>En fait, pour éviter que les températures moyennes à la surface du globe ne dépassent 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle – objectif « aspirationnel » de l'accord de Paris – il faudrait une division par deux des émissions de gaz à effet de serre entre aujourd'hui et 2030, et l'atteinte de zéro émissions nettes de CO2 à l'échelle mondiale à l'horizon 2050. Réduire les émissions de 20 % à l'horizon 2030 et atteindre la neutralité CO2 vers 2070 s'avère nécessaire pour avoir une chance raisonnable de tenir l'objectif de limiter la hausse des températures en deçà de 2 °C.</p> <p>Des réductions à un coût raisonnable</p> <p>De telles réductions d'émissions nécessitent des transformations majeures dans tous les secteurs. De ce point de vue, le rapport est prudemment optimiste. En effet, de nombreuses options de réduction des émissions de gaz à effet de serre ont vu leur coût diminuer très rapidement en quelques années. La production d'électricité à partir de panneaux solaires photovoltaïques, par exemple, est devenue en dix ans compétitive avec la production d'électricité à partir des combustibles fossiles. Les options de réduction des émissions disponibles permettent d'envisager, à coût raisonnable, de diviser les émissions par deux d'ici à 2030. Les coûts varient évidemment d'une région à l'autre, et ils doivent être pris avec précaution du fait des importants effets de système (construire de nouvelles lignes de courant pour acheminer la production d'électricité éolienne, construire les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques). Mais ce constat est valide pour les systèmes énergiques, l'agriculture et la forêt, le bâtiment, les transports, l'industrie ou encore dans les systèmes urbains.</p> <p>Des solutions multiples</p> <p>Point important, les options d'atténuation disponibles sont de natures multiples : elles consistent en l'adoption de technologies « propres », mais aussi en des transformations des modes de production et de consommation, des infrastructures ou des organisations sociales. Dans les transports, par exemple, on peut réduire la demande via l'optimisation des chaînes d'approvisionnement, le télétravail, ou la dématérialisation ; construire des infrastructures qui permettent aux ménages d'utiliser des modes de transport peu ou pas émetteurs, comme les transports en commun ou les mobilités dites « actives » (vélo, marche, etc.), en plus d'améliorer les véhicules individuels en les rendant plus légers, moins consommateurs d'énergie, et en les électrifiant. Toute la difficulté est de surmonter les nombreuses barrières à la mise en œuvre de ces solutions.</p> <p>Les premières sont financières, et le rapport explore en détail les différentes solutions par lesquelles l'épargne, privée en particulier, pourrait être mieux dirigée vers les actions de réduction des émissions. Les secondes sont technologiques, et le rapport offre de nombreuses pistes pour mieux catalyser les efforts de recherche et développement publics et privés, afin de développer des solutions de décarbonation dans les secteurs où les émissions sont les plus difficiles à réduire, comme la production de ciment ou l'aviation. Les troisièmes sont institutionnelles. Par nature dépendantes des configurations politiques propres à chaque pays ou à chaque région, elles s'avèrent néanmoins omniprésentes et requièrent tout autant d'attention. Les quatrièmes sont d'ordre physique : les bâtiments, les routes, les usines, en résumé toutes les installations à durée de vie ayant une influence déterminante sur nos émissions et sur notre capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le rapport souligne à quel point nos choix en la matière, aujourd'hui, sont déterminants. Continuer à investir dans des infrastructures émettrices bloquerait ainsi nos économies sur un sentier à hautes émissions ou créerait des « actifs échoués » par la suite.</p> <p>Des bénéfices « non climatiques » à la réduction des émissions</p> <p>Plus largement, accélérer la réduction des émissions n'ira pas sans friction avec les autres grands objectifs que se donnent les sociétés. Le rapport montre en effet qu'à court terme, les transformations induites par la réduction des émissions ont un coût économique et social, inégalement distribué selon les pays, les régions ou encore les secteurs économiques, mais bien réel. En réponse, le rapport explore les options de transition « juste », qui permettent à tous de trouver leur place dans un futur monde bas carbone. Il souligne aussi que de nombreuses options de réduction des émissions ont des bénéfices additionnels « non climatiques ». Par exemple, limiter la combustion d'énergies fossiles, en plus de réduire les émissions de gaz à effet de serre, diminue les polluants locaux néfastes pour la santé.</p> <p>Il montre que lever les obstacles à la réduction des émissions revient souvent aussi à lever les obstacles à la réalisation d'autres objectifs sociétaux, dans le domaine de l'accès au logement par exemple. Il rappelle enfin que les efforts associés à la réduction des émissions sont à mettre en regard des risques associés à une moindre action. Comme le souligne le rapport « impacts et adaptation » de mars 2022 : « Le changement climatique menace de plus en plus la santé et les moyens de subsistance des populations du monde entier, et entraîne des impacts sévères potentiellement irréversibles sur la nature. » En évitant les impacts du changement climatique les plus sévères, l'atténuation est donc incontournable pour réduire la pauvreté et la faim, améliorer la santé et le bien-être ou encore fournir de l'eau.</p> <p>Plongez-vous dans le « résumé pour décideurs »</p> <p>En termes d'action, le rapport dessine des ensembles de politiques publiques à tous les échelons, pour inciter à la réduction des émissions, lever les obstacles et modifier les trajectoires de développement. Il insiste aussi sur la nécessaire implication de l'ensemble des acteurs sociaux – entreprises, secteur financier, société civile, citoyens… – pour prendre des mesures immédiates et ambitieuses afin de réduire rapidement les émissions de GES et de nous éviter – et d'éviter à nos enfants – d'avoir à affronter, plus tard, des défis autrement insurmontables.</p> <p>Le rapport « atténuation » est disponible en intégralité en ligne, tout comme son résumé technique et son résumé pour décideurs. Ce dernier document, d'une quarantaine de pages, constitue le meilleur point d'entrée pour partir à la découverte de ce nouveau document du GIEC.</p> <p><i>Céline Guivarch est économiste au Cired, directrice de recherche, École des Ponts ParisTech (ENPC). Franck Lecocq est chercheur senior en économie, directeur du Cired, AgroParisTech – Université Paris-Saclay. Article paru dans theconversation.com</i></p></div> Monsieur et Madame Bobo chez les ploucs http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2740 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2740 2022-02-16T02:05:00Z text/html fr Patrice Perron <p>Avec son humour habituel, qui renforce le sérieux du propos, Patrice Perron (qui nous prie de préciser qu'il vit bien à Guidel, Morbihan) nous conte l'envahissement par les bobos urbains des contrées bretonnes suite au Covid. Pas triste, mais inquiétant, ce « petit remplacement ».</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>Souvenez-vous de l'intervention télévisée de l'ex-premier ministre Édouard Philippe, annonçant le premier confinement en mars 2020. C'était, comme par hasard, un vendredi soir : ce confinement prendrait effet le lundi soir suivant. Le message subliminal a aussitôt été parfaitement capté par les parisiens et autres urbains en déroute : vous disposez de trois jours pour vous casser à la campagne ou à la mer, dans vos résidences secondaires, vos maisons de famille ou de location, ou chez vos parents. Allez, vite ! En route !</p> <p>Souvenez-vous encore de l'envahissement de certaines îles, notamment chez nous en Bretagne, à Groix et Belle-Île, par exemple puisqu'elles sont dans le Morbihan où j'habite. Les migrants urbains se sont rués dans les supérettes dès leur arrivée le samedi, en fin d'après-midi. Et le lendemain, les autochtones, les belous et autres indigènes du coin, ont trouvé place nette dans les rayons. Même plus de baguettes pour le p'tit-dèj. Ah ! L'agacement a fait rougir les joues et le bout des oreilles des habitants. Il y a eu quelques explications de textes.</p> <p>Nous, avant, dans nos campagnes et sur nos plages, nous ne connaissions pas le Corona Virus. La bière Corona, oui, mais le virus, non. Et les fuyards urbains nous l'ont fait découvrir, avec ses petites antennes multicolores faisant des trous dans les poumons. Le pire, c'est qu'ils se sentaient bien chez nous, les touristes. Normal, il a fait beau pendant ce premier confinement, et en plus, ils ont redécouvert le télétravail ou travail en distanciel, comme disent les spécialistes du langage connecté. Un super argument pour ne pas rentrer s'entasser dans le métro, le train et le RER. On peut comprendre.</p> <p>La surprise a été de constater qu'au deuxième confinement, ceux qui étaient rentrés, sont revenus. Mais, cette fois-ci, avec armes, bagages et … liasses de billets de banques. Ils ont vendu appartements et trop petites maisons à Paris ou ailleurs, pour s'acheter la grande maison dans la prairie pour le même prix. Le super bon plan !</p> <p>C'était sans compter sur les effets pervers, et pourris, immédiats pour les autochtones et les surprises pour ne pas dire déceptions pour les urbains soudain convertis à la vie soi-disant rurale. Je dis délibérément soi-disant rurale, car ils ne se sont pas implantés en rase campagne. Ils ont plutôt ciblé la côte pour la plage, la proximité d'une ville, d'une gare et de la voie express.</p> <p>Ils ont ainsi pu acquérir de bien plus belles et grandes bâtisses que leurs biens antérieurs, et fait flamber les prix dans ces secteurs au point que les jeunes du coin souhaitant construire là où ils ont grandi comme l'on dit, ne le peuvent encore moins qu'avant la pandémie. Ce phénomène existait déjà avant, bien sûr, mais pas dans cette proportion. Ce phénomène touchait d'autres régions plus au sud et certains secteurs de Bretagne, mais pas de façon généralisée, ni à ces niveaux de prix.</p> <p>Mais il y a aussi quelques déceptions déjà perceptibles : il a fait moins beau lors du deuxième confinement et le temps semble avoir paru un peu long à certains qui y ont été confrontés et qui ont expérimenté une certaine forme d'isolement dans la lointaine province. En plus de l'enfermement physique, même si c'était dans le jardin, ils se sont pris en pleine figure la découverte de la distance avec les amis, et peut-être la famille, restés là-bas, dans la grande ville.</p> <p>Après la liberté retrouvée, il a fallu penser à l'école, au collège et au lycée, pour ceux qui ont des enfants. Ils ont découvert l'éloignement, même si les villes n'étaient pas trop loin. Mais la fac, hein, la fac, elle est où ? A deux heures de voiture, le train, à cause des correspondances, des pannes, des grèves, on n'en parle pas. Ah ! Il va falloir louer un studio par enfant ? Plus la carte de train ? Et les petits frais aussi ? Ben oui, chez nous, la fac, habituellement, c'est en présentiel … Vous voyez, nous les ploucs, nous connaissons même ce nouveau langage. Et nos enfants étudiants pratiquent le covoiturage depuis des lustres. Avant même qu'ils y aient des parkings dédiés, installés et balisés, en des lieux stratégiques, près des accès à la quatre voies.</p> <p>Déjà, à ce stade, il y en a, parmi les transfuges, qui se sont assis et qui ont perdu le sourire. On ne savait pas, nous, que c'était comme çà, ici, chez vous, les provinciaux ! Hé oui, chez nous, la voiture est indispensable, n'en déplaise aux bobos parisiens, donneurs de leçons. La taxe sur les carburants est un impôt injuste qui nous frappe durement en région, dans toutes les zones rurales. Et la TVA sur les taxes relève de l'escroquerie d'état. J'ai bien compris que je devais faire œuvre de pédagogie, et d'empathie, à l'égard de ces pauvres bobos, aujourd'hui décontenancés par la vie un peu idéalisée à la campagne. Pour les rassurer sur la vie quotidienne, il m'est arrivé de leur dire : il ne pleut pas tous les jours, vous savez. Et si vous êtes victimes d'un gros problème de santé, il y a trois CHU-CHR, à Brest, Nantes et Rennes. Au maximum 2 heures de route. Oh là là ! Chez nous, c'est à 10 minutes. Hé bien voilà, vous touchez du doigt, le problème de l'impôt, heu pardon, de la taxe sur les carburants fossiles : c'est nous ici, en région, qui payons le plus, pour tout faire : pas de toubib, pas de banques ni de DAB, pas d'école, pas de poste pour le courrier ou retirer une lettre recommandée, peu de commerces. Il faut prendre sa voiture pour tout faire. Nous, les ploucs, nous sommes confrontés à cela depuis un moment. Monsieur Bobo, saisi d'effroi, m'a répondu : je crois que nous ne tiendrons pas.</p> <p>Par ailleurs, la flambée des prix des carburants fossiles ne fait qu'empirer les inquiétudes de Mr et Mme Bobo. Déjà qu'acheter une voiture et les frais inhérents à celle-ci coûtent chers, mais en plus, et de surcroît, voir augmenter à ce rythme, les injustes frais dus à la ruralité agite sérieusement le bocal de nos transfuges. Bientôt, le litre de gros rouge qui tache coûtera moins cher que le gasoil ! Et le jour tant redouté où chaque famille sera passée à la voiture électrique, il est clair que l'état ne voudra pas perdre le fric qu'il encaisse sur le pétrole. Donc le prix du carburant électrique va largement augmenter du poids des taxes et de la TVA sur ces mêmes taxes. Et comme en plus, l'électricité, qui vient d'augmenter seulement de 4% au premier février pour raison électorale, va ensuite exploser d'au moins 35 % après les élections, il est évident que pour Mr et Mme Bobo le compte n'y est plus. D'ailleurs, Maman Bobo interpelle son fils aîné : - Jonathan, ne déballe pas toutes tes affaires. – Pourquoi Maman ? - Ecoute-moi fiston, je vais craquer, je n'en peux plus, nous allons repartir. C'est trop dur ici. Personne ne nous a prévenu de la dureté de la vie à la campagne. – Maman, je suis bien moi, ici. J'ai des vrais copains. – Fiston, on plie les gaules, je n'en peux plus, je veux retrouver le métro et ses odeurs, le RER, ses pannes et ses retards, je n'en peux plus d'être ici. On se casse. On rentre à la maison. - Mais, Maman, on n'a plus de maison !</p> <p>D'ici quelques années, il n'est pas impossible que nous soyons amenés à constater un phénomène de reflux des bobos, de chez nous, vers leurs terres urbaines d'origine. Mais, ici, les séquelles seront durables, car, s'il n'y a plus de demandes d'achats de maisons, le prix de l'immobilier va baisser. Et dans ce cas, les bobos propriétaires ne voudront pas revendre à perte. Il y aura donc un paquet de maisons fermées en dehors des vacances, en plus de celles qui le sont déjà aujourd'hui et depuis des années et des années. Ou alors, et simultanément, ces maisons deviendront des locations saisonnières, génératrices de troubles dans les villages : bruit, fêtes clandestines, dégradations diverses. Ce que nous avons connu pendant les confinements.</p> <p>Et les jeunes du pays, des communes concernées, ne pourront pas davantage qu'aujourd'hui, vivre chez eux, en raison du prix resté élevé des terrains ou des maisons des bobos, ayant finalement fui la difficile vie rurale. Ne nous faisons pas d'illusions : les prix ne rebaisseront pas. Eux, les jeunes d'ici, devront partir en périphérie des villes, ou carrément vraiment construire à la vraie campagne, de l'autre côté de la quatre voies, pour échapper aux terribles lotissements constitués de terrains de 300 mètres carrés, au nom de l'imbécile politique de densification, comme disent les technocrates. Et ils paieront plein pot (c'est le cas de le dire !) les taxes sur les carburants, pendant toute leur vie, même si ce carburant devient électrique. Puis le prix de l'eau va fortement augmenter, puisqu'il faut des volumes astronomiques d'eau pour extraire le lithium et les autres métaux permettant la fabrication de ces foutues batteries destinées à la pseudo écologique voiture électrique …. Tout va bien dans le meilleur des mondes verts. Mais avec le rire jaune …</p></div> Ouaf ouaf, le nucléaire est de retour, c'est le bonheur vert ! http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2730 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2730 2022-01-18T14:26:00Z text/html fr Patrice Perron <p>Le président nous promet des centrales nucléaires à gogo et voilà que Patrice Perron (de Guidel, rappelons-le) n'est pas content du tout et explique pourquoi, avec ce brin d'ironie qui lui est propre et fait toute la différence</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>C'est la meilleure de l'année, dès le début de celle-ci. Imaginez Fabrice Lucchini, déclamant la tirade suivante au journal de 20 heures de Gilles Bouleau ou de Laurent Delahousse : moi, Manu 1er, j'ai très envie de taquiner les non vaccinés et je vais les chahuter jusqu'au bout. C'est du lourd, vous constatez Monsieur Bouleau ? Mais Manu 1er ne s'est pas arrêté là, et c'est encore plus du lourd : je vais vous coller à tous, dans les lointaines provinces, pleines d'illettrés, au-delà du périphérique bien sûr, plein de mini centrales nucléaires. Sauf au Touquet. Et je me moque de vos commentaires. C'est du lourd, mais à un niveau que je ne connaissais pas. Vous voyez, la finesse du vocabulaire choisi. Je vous le dis Monsieur Delahousse : c'est du texte, du grand texte d'auteur.</p> <p>Dans la foulée jupitérienne, les pro-nucléaires sortent de leur tanière, où ils étaient murés depuis Hollande, (pas la Hollande, mais François) pour dire : sans nucléaire, point de salut ! On a même vu un sympathique ingénieur, le 7 janvier, sur une télé, affirmer s'être converti au nucléaire par conviction écologique. Pourquoi ? L'ingénieur fait appel à Fabrice Lucchini pour déclamer : une centrale nucléaire émet moins de gaz carbonique que n'importe quelle autre source d'énergie, que ce soit l'éolienne ou la solaire. Vous comprenez la démesure de la statistique et du propos ? C'est énorme. Et le rendement est largement supérieur, car les centrales tournent à un taux plus élevé en permanence. Alors qu'il n'y a pas toujours de vent ou de soleil. C'est du lourd.</p> <p>Fier de son argumentaire, l'ingénieur se redresse sur son siège pour savourer son petit effet sur l'auditoire. Mais un intervenant, appelle Gérard Depardieu à la rescousse : Ah ! Nom de Zeus, vous ne l'emporterez pas au paradis ! Les déchets nucléaires, vous en faites quoi des déchets nucléaires, hein, vous en faites quoi, bougre d'âne ? Je vais vous en pondre des arguments écologiques nucléaires ! Je veux trois gros steaks bien saignants et un Côtes du Rhône pour avaler la pilule. Ah ! Non, ce n'est pas possible d'entendre de pareilles tirades, indigne du beau théâtre dont je raffole. Je m'en retourne de ce pas chez mon ami Vladimir Poutine, en Sibérie !</p> <p>Bien sûr, les déchets nucléaires constituent la casserole, que depuis des années, les pro nucléaires traînent derrière eux, comme la boîte de conserve que d'aimables plaisantins, non violents et plutôt blagueurs, accrochaient au pare-choc arrière, ou de la patate que d'autres énergumènes rusés enfonçaient dans le pot d'échappement des voitures de leurs victimes. C'était un autre temps.</p> <p>En attendant, ces déchets nucléaires ne sont pas pris en compte dans le calcul du prix de l'électricité, car les représentants du lobby nucléaire avouent ne pas savoir le calculer, cela d'autant plus qu'ils s'en foutent éperdument. Sinon, ils auraient déjà présentés des chiffres. Et aujourd'hui qu'ils effectuent leur retour en grâce, ils ne vont pas s'enquiquiner (sic) à calculer quoi que ce soit. Surtout pas à combien revient la construction puis la mise en service d'une EPR, type Flamanville, au hasard … Vous voyez de quoi je parle !</p> <p>Aussitôt, le camarade Xi Jinping, par ailleurs président chinois, intervient : la nôtre nous a coûté deux bras de pangolin de la réserve de Wuhan ! Puis, le jubilatoire brexiteur Boris prend la parole tout en tentant de se coiffer et de réajuster sa chemise : nous, ça fait bien dix ans qu'elle ne fonctionne pas, et qu'elle nous coûte un pognon de dingue. Si ça continue, on va annuler les licences de pêches aux français. On mettra les marins à pédaler, pour fabriquer de l'électricité au bénéfice des habitants des îles Anglo-Normandes !</p> <p>Il faut le dire, c'est la guigne pour Jupiter, alias Manu 1er. Les centrales nucléaires vieillissent et il n'aime pas les vieux. Souvenez-vous avec la CSG et la quasi-nulle revalorisation des retraites. Souvenez-vous quand il opposait les actifs aux retraités. C'était l'une de ses nombreuses périodes clivantes, comme l'on dit chez les observateurs de la vie politique. Là, il vient de faire une rechute. Visiblement, les récentes cures d'auto flagellation et de repentance n'ont eu aucun résultat significatif. Il lui faut aller consulter de vrais thérapeutes.</p> <p>Du coup, puisque les centrales âgées ne suffisent plus, il va falloir en installer d'autres un peu partout. Des jeunes d'un nouveau type : des mini centrales. Incroyable : Fabrice Luchini revient en courant, un peu essoufflé, sur le plateau de Ruth Elkrief, cette fois : C'est du très lourd. Ce texte est d'une beauté incomparable, tant le poids des mots de description et le choc des photos des prototypes sont impressionnants. Écoutez plutôt : L'EPR de Flamanville étant malade, nous avons décidé d'accoupler l'EPR de Chine à l'EPR d'Angleterre. Nous aurons plein de mini rejetons multi ethniques, fruits virulents de notre mondialisation, que nous pourrons greffer dans tous nos territoires ruraux, là où les gaulois réfractaires et les illettrés de chez Gad, se plaignent d'être loin de tout : ils auront une centrale près de chez eux, comme le bon sens bancaire d'une autre époque. Nous en implanterons une à Plogoff et une dans le Larzac, par pures et généreuses vengeances bureaucratique et jacobine. Et qu'ils ne viennent plus nous casser les … pieds. Ma chère Ruth, vous voyez, c'est plus que du lourd. C'est une magnifique phraséologie de président candidat.</p> <p>Et pour verrouiller l'affaire, comme on vous ficelle les bras et les jambes en plus de vous bâillonner, pour être sûr que vous marcherez droit et que vous la bouclerez une fois pour toutes, le lobby nucléaire, heu pardon, Manu 1er et son gouvernement, vous invitent à acheter des voitures électriques. Déjà que ce même gouvernement nous annonce des pénuries imminentes et fréquentes de courant dans l'avenir proche, on nous incite fortement à consommer plus d'électricité au moyen de batteries hyper polluantes, du stade de leur fabrication loin là-bas à l'autre bout du monde, à celui de leur retraitement on ne sait pas où, comme pour les centrales et leurs déchets radioactifs. Les mecs du lobby nucléaire jouissent tellement d'aise, qu'ils sont frappés de priapisme chronique virulent et général. Il va en falloir des centrales ! Chouette ! Il y en aura des déchets polluants à traiter. Rien à foutre ! Vous imaginez les mecs de daesch, en 4x4 militaires électriques, en pleine action terroriste, demander à un quidam, dans un village du désert : Tu sais où il y a une borne dans le coin ?</p> <p>Le plus fort dans cette histoire, est que l'Europe a décrété que le nucléaire et le gaz sont des énergies vertes. Vous avez bien lu : des énergies vertes ! Ils affirment aussi, sans honte ni vergogne, que le recours au nucléaire est transitoire. Quelle langue de bois, quel discours de menteurs ! Quand on voit le temps qu'il faut à toutes ces administrations pour réfléchir, remplir tous les papiers d'un dossier, les égarer, les re-remplir, contourner les recours, faire voter les textes finalisés, avant d'œuvrer réellement à leur mise en application, nous risquons d'attendre quelques décennies avant de voir d'abord la fin de la construction, (par référence aux chantiers des EPR évoqués en début d'article), puis de constater la fermeture de ces nouvelles centrales dont la durée d'exploitation sera longtemps prolongée comme c'est le cas aujourd'hui. Encore du provisoire qui va durer une éternité.</p> <p>Pour conclure sur un clin d'œil anodin et cordial, je tiens à féliciter personnellement Manu 1er, qui pour répondre aux besoins d'électricité de nos concitoyens a décidé d'avoir recours, temporairement bien sûr, aux deux dernières centrales à charbon de l'hexagone. Je suis également hyper heureux de savoir, qu'un jour où je serai mort depuis longtemps, ma voiture roulera à l'électricité nucléaire, énergie officiellement verte, mais en laissant en héritage à mes descendants et aux vôtres, une sacrée charge (pour rester poli) à traiter, bien plus grave que la dette, qui n'est que du papier et que tous les pays partagent plus ou moins. En tout cas mieux que les richesses.</p> <p>Bienvenue dans le monde décarbonné et vert du nucléaire ! Vous savez ? Celui où le nuage de Tchernobyl n'a pas franchi la frontière française. Vous savez ? Le Tsunami qui, à Fukushima, a balayé la centrale, comme un fétu de paille.</p></div> La duplicité des vieux fossiles http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2717 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2717 2021-12-16T01:45:00Z text/html fr Yann Fiévet <p>Une analyse implacable par Yann Fiévet des causes de l'échec du récent COP 26 de Glasgow, consacrant l'impuissance, consentie, des Etats à considérer sérieusement les conséquences du réchauffement climatique.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>C'est entendu : Glasgow vient de vivre un énième fiasco ! De COP en COP, on repousse toujours à plus tard le moment de prendre les décisions qui pourtant s'imposent depuis longtemps. On leur préfère la signature d'engagements non contraignants proclamés pour la galerie à grand renfort de tambours et trompettes à l'instar de Laurent Fabius au sortir de la COP 21 à Paris en 2015. Cependant, à Glasgow, les tambours furent moins sonores et les trompettes commencèrent de s'étouffer. C'est que la galerie forgée en partie par les médias tenus en main par des groupes financiaro-industriels est de moins en moins encline à sacrifier aux marchés de dupes montés en épingle. Tout le monde sait désormais que le remède le plus sûr pour commencer d'enrayer le risque de l'emballement climatique consiste à maintenir dans le sous-sol les sources fossiles d'énergie. Elles ont fait la richesse du monde – certes fort mal répartie – depuis deux cent cinquante ans mais sont aujourd'hui son malheur.</p> <p>Tout le monde sait cela mais les intérêts particuliers ou locaux de court terme continuent de l'emporter sur l'intérêt global de long terme.A Glasgow, les forces de la « société civile mondiale » - qui porte sans doute le plus légitimement l'intérêt global pour la défense du climat- étaient plutôt clairsemées contrairement à leur présence remarquée lors des COPS d'avant la pandémie planétaire. Elles sont toujours évidemment cantonnées à l'extérieur du périmètre du grand raout tandis que les représentants des lobbies pétroliers, gaziers et charbonniers, toujours plus nombreux, sont généreusement invités à pénétrer dans l'enceinte officielle où des décisions susceptibles de nuire à leurs mandants pourraient éventuellement être prises. Deux mondes s'affrontent qui sont décidément inconciliables : les ONG « environnementales » porteuses du monde de demain restant à construire ; les « groupes de pression » décidés à tout faire pour préserver la rente juteuse que leur garantirait la perpétuation des ressorts profonds du vieux monde. Les décideurs politiques (- qui portent fort mal leur nom – sont tiraillés entre ces deux mondes. Il en résulte une éclatante duplicité : ils promettent de renoncer, plus ou moins rapidement, à l'extraction des « fossiles » tandis que leurs actions consistent à poursuivre, en maints endroits de la planète, la fuite en avant carbonique.</p> <p>A mesure que les nations diminuent leur part dans le recours aux énergies fossiles, les géants du pétrole, du gaz ou du charbon font appel à des « tribunaux d'arbitrage » leur permettant de poursuivre les Etats. Ces poursuites judiciaires sont évaluées à des milliers de milliards de dollars à l'échelle planétaire - représentant incontestablement une menace pour les éventuelles décisions prises lors des conférences sur le climat. Nombre d'accords internationaux, tels que le Traité sur la charte de l'énergie ou des traités de libre-échange, que les Etats ont bel et bien ratifiés, contiennent des mécanismes de règlement des litiges qui permettent à des entreprises et investisseurs étrangers de les poursuivre directement devant lesdits tribunaux. Les géants des énergies fossiles ont recours de manière croissante à ce type d'arbitrage pour récupérer leurs investissements et demander réparation pour leur « manque à gagner ». Le BRG (Berkeley Research Group) indique que si les États adoptent des lois destinées à limiter le réchauffement à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle d'ici 2050, des champs d'exploration pétrolière et gazière pourraient être l'objet de litiges à hauteur de 3 300 à 6 500 milliards de dollars et des gisements de charbon pour entre 650 et 700 milliards. Des réserves pétrolières pour un montant de 900 milliards de dollars seraient concernées dans le cas d'un scénario à +1,5°C. Précisons que les sociétés minières et du secteur de l'énergie ont une longue histoire de succès judiciaires portant sur des sommes considérables. Ainsi, en 2006, Occidental Energy avait poursuivi l'Équateur pour rupture de contrat pétrolier. Ce pays avait été condamné à verser 1,77 milliard de dollars, somme ultérieurement réduite à un milliard. D'autres affaires sont en cours : Elles concernent par exemple l'abandon du projet d'oléoduc Keystone en Amérique du Nord pour lequel le plaignant TC Energy demande 15 milliards de dollars. L'allemand Uniper exigent plus d'un milliard de dollars des Pays-Bas pour la décision de ce pays d'abandonner le recours au charbon. Uniper prétend que cette politique publique a réduit de 15 ans la durée de vie de sa centrale MPP3 située près de Rotterdam. Les nombreux pays qui acceptent directement ces procédures d'arbitrage ou y sont soumis indirectement par les traités qu'ils ont ratifiés disposent ainsi d'un opportun prétexte pour ne pas se hâter sur le chemin de l'impérieuse transition énergétique.</p> <p>Au chapitre de la duplicité la France ne saurait être en reste. Son Gouvernement instruit actuellement une demande de permis pour exploiter en Lorraine le « gaz de couche », gaz enfermé dans des couches de charbon). Ce projet a été maintes fois dénoncé par des organisations et groupes citoyens mobilisés sur le terrain rejoints désormais par 66 élus locaux et parlementaires qui ont signé récemment une tribune dans la presse. Le projets émane de la Française de l'Énergie, anciennement European Gas Limited, et pourrait installer jusqu'à quatre cents puits de forage en Moselle pour exploiter ce gaz non conventionnel. L'exploitation concernerait quarante communes du département sur un territoire de 191 km² et permettrait à la Française de l'énergie, société cotée en bourse, d'extraire ce gaz jusqu'en 2040, voir au-delà, sans garantie réelle sur les conditions de cette exploitation. Ces dernières années, l'entreprise, qui détient un permis d'exploration depuis 2004, a multiplié les essais de techniques alternatives à la fracturation hydraulique, seule technique permettant l'exploitation de ce gaz non conventionnel de façon rentable, mais interdite par la loi depuis 2011. Ces essais ont tous été infructueux mais entraînent des impacts environnementaux bien réels, notamment la consommation de huit mille m3 d'eau par forage, des risques de contamination des nappes phréatiques et l'aggravation du changement climatique en raison de fuites de méthane. Emmanuel Macron se devrait, pour sauver un peu l'honneur de la France, de mettre fin au plus vite à ces aventureux chantiers. Il se targue souvent d'être un Président moderne. Pour l'heure il demeure dans le camp des vieux fossiles !</p></div> Le futur de l'alimentation et de l'agriculture http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2699 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2699 2021-10-19T14:07:00Z text/html fr Morgan Ody <p>Transcription d'une intervention de Morgan Ody, paysanne bretonne, lors de la conférence de Coop Italie, c'est un plaidoyer très argumenté et ardent pour l'agriculture paysanne contre le mortifère agrobusiness. Un texte roboratif.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>Bonjour, je m'appelle Morgan Ody, je suis paysanne en Bretagne, dans l'Ouest de la France. Je cultive des légumes sur 1 ha, que je vends sur les marchés et en paniers en direct aux consommateurs. Je suis militante de la Confédération Paysanne et fais partie du comité de coordination de la Coordination Européenne Via Campesina.</p> <p>L'agriculture, tout comme l'ensemble de nos sociétés, entre dans un temps mouvementé. Le changement climatique, mais aussi l'effondrement de la biodiversité, de la fertilité des sols, de la qualité des eaux et de l'air, la multiplication des zoonoses et des pandémies liées à ces premiers éléments, tout cela créé des incertitudes multiples sur la capacité à produire de manière durable une alimentation saine pour les peuples des différentes régions du monde. Face à ces catastrophes qui se multiplient, on a pendant plusieurs décennies observé la mobilisation de la société civile et des mouvements sociaux, tandis que les entreprises multinationales minoraient les effets du changement climatique et niaient que ses causes soient liées à l'activité humaine.</p> <p>Un des événements clé de ces toutes dernières années est le revirement profond de cette élite économique et financière. A présent, les plus grandes entreprises mondiales ne nient plus la crise environnementale, au contraire elles en reconnaissent l'importance, les dangers, ainsi que l'impact des activités humaines sur ces dérèglements. Et elles se présentent comme les seuls acteurs capables d'y apporter des « solutions ». Est-ce vraiment une bonne nouvelle ? La concentration des capitaux a atteint des niveaux jamais connus avant. Quelques entreprises gestionnaires de fonds d'investissement contrôlent la quasi totalité des multinationales du monde occidental, dans tous les secteurs d'activité, que ce soit l'automobile, la pharmacie, les mines, l'énergie, et bien sûr l'agroalimentaire et le commerce agricole. Mais il est une chose qu'elles ne contrôlent pas, ou pas encore vraiment : c'est la production agricole. Car nous résistons, nous les paysannes et les paysans.</p> <p>Certes dans les pays du Nord, nous avons été en grande partie anéantis. Nos cultures, nos langues, nos outils, nos savoirs-faire, nos pratiques, ont été dénigrés, marginalisés, souvent interdits. Et cependant, nous sommes encore là. Et même en Europe, les petites fermes sont encore très largement majoritaires : plus de 80 % des fermes de l'UE font moins de 10 hectares. Encore aujourd'hui, ce sont nous, les petits producteurs italiens, français, roumains, polonais, grecs, allemands, suédois,... qui fournissons l'essentiel de la nourriture à la population de nos pays. En Italie par exemple, les grandes exploitations produisent seulement 5,4 % de la production nationale, tandis que les plus petites exploitations produisent 25,5 % de la production totale. Nous sommes invisibilisés, ou pire, traités comme des éléments de folklore, et cela est encore plus vrai pour les femmes paysannes. Et pourtant, la réalité est là : notre rôle est encore central dans la production alimentaire. Les multinationales tentent depuis longtemps de prendre le contrôle de l'agriculture et de l'alimentation, comme l'atteste leurs efforts pour s'emparer des semences et de breveter toutes les ressources génétiques. Cependant, ces dernières années, et notamment depuis le début de la crise du COVID, elles se sont rendues compte qu'elles pouvaient utiliser le désarroi de nombreuses populations et la désorganisation des Etats pour avancer beaucoup plus rapidement dans la mise en place de leur projet.</p> <p>Quel est le projet des plus grandes multinationales, réunies au sein du Forum Economique Mondial ? C'est la convergence NBIC, pour Nanotechnologies, Biotechnologies, l'Informatique et les sciences Cognitives (intelligence artificielle et sciences du cerveau). C'est un projet de nouvelle révolution techno-scientifique proche de l'idéologie des transhumanistes, avec des « hommes-machines » ultra-performants et une modification profonde de notre environnement, entièrement remodelé selon les caprices de ces « humains augmentés ». La convergence NBIC concerne en premier lieu l'agriculture et l'alimentation. Le projet est de finaliser l'industrialisation de la production alimentaire en artificialisant totalement les processus reproductifs. La viande de laboratoire est un bon exemple de ce projet. La viande ne serait plus issue d'animaux vivants, élevés dans des champs par des paysans. Elle serait le résultat de la reproduction cellulaire effectuée en usine, dans des boîtes de petri géantes, en atmosphère contrôlée. « C'est le modèle Food-as-software, dans lequel les aliments seraient conçus par des scientifiques au niveau moléculaire et téléchargés dans des bases de données. » (rapport RethinkX financé par le GFI et la fondation Jeremy Coller)</p> <p>Ce projet de « smart agriculture » est celui d'une agriculture sans paysans, basé sur la robotisation, le big data, la chimie, les biotech et une mécanisation toujours plus omniprésente. Mais même avec toutes les technologies du monde, toute production a encore besoin de ressources pour l'alimenter. L'agriculture cellulaire, par exemple, a besoin d'immenses quantités de biomasse et d'énergie. Ainsi, les conflits se durcissent entre les communautés paysannes et autochtones d'un côté, et les multinationales de l'autre, pour s'accaparer ces ressources, au premier rang desquelles l'eau. Les multinationales se présentent comme « les championnes » du climat et de la biodiversité, pour tenter de légitimer l'accaparement des terres, des eaux, des semences et des ressources génétiques végétales et animales. En gros, leur discours c'est : « Nous sommes les seules capables, grâce à la digitalisation et à tous nos outils « de précision », d'utiliser de façon efficace et rationnelle les richesses du monde pour fournir les biens dont les gens ont besoin, et au premier rang desquels, la nourriture. Donc, vous devez nous laisser le contrôle des ressources naturelles ». Cette prétention des multinationales, au premier rang desquels les GAFAM, à prendre la direction du monde pour le « sauver », au nom de la lutte contre le changement climatique, dans un discours de type messianique, est une attaque sans précédent contre les paysannes et les paysans du monde entier. De plus, ce discours contredit une évidence que prouvent tous les chiffres de la FAO et les études scientifiques sérieuses.</p> <p>Cette évidence, c'est que nous les paysannes, les paysans et les communautés indigènes de tous les continents, nous savons produire la nourriture en quantité et qualité suffisante. Nous savons le faire tout en ravivant la biodiversité et en émettant très peu de Gaz à Effet de Serre. L'agriculture paysanne produit plus de 70 % de l'alimentation disponible sur la planète avec moins de 30 % des ressources productives. Nous produisons une alimentation saine : ce n'est pas nous qui fournissons la junk food hyper-tranformée, trop salée, trop sucrée, trop grasse, pleine d'additifs chimiques, responsable de tant de maladies et de l'affaiblissement de l'immunité générale. Nous produisons en préservant les écosystèmes : la polyculture-élevage, tout comme le pastoralisme ou l'agroforesterie traditionnelle, sont des modèles d'économie d'énergie, de captation de carbone et d'entretien des milieux riches en biodiversité. Les cultures associées agroécologiques produisent toujours plus de nourriture par unité de surface que toutes les monocultures industrielles sous perfusion chimique. Et face à nous, les mêmes multinationales qui ont développé l'agriculture industrielle, qui ont inondé nos campagnes de produits chimiques nocifs, qui ont développé une production alimentaire basée sur les énergies fossiles, nous disent qu'il faudrait leur laisser les rennes du système alimentaire mondial ??</p> <p>Mais attention, car elles ne font pas que le dire. Profitant du désordre créé par la pandémie de COVID-19, elles ont accru leurs efforts pour mettre la main sur la gouvernance mondiale de l'alimentation. Le Forum Economique Mondial a obtenu du secrétaire général de l'ONU, Antonio Gutteres, l'organisation du Sommet de l'ONU sur les Systèmes Alimentaires, un sommet entièrement dirigé par les multinationales, avec comme directrice Agnès Kalibata, qui est aussi la directrice de AGRA, la branche de la Fondation Bill et Melinda Gates qui tente d'imposer l'agriculture industrielle et les biotech en Afrique. Le pré-sommet a eu lieu en juillet à Rome et le sommet aura lieu le 23 septembre à New York. Un grand nombre d'Etats, et notamment les pays pauvres, n'ont pas été vraiment impliqués ni consultés dans ce sommet, où les centaines de réunions étaient uniquement en anglais, essentiellement en visio-conférence, un processus impossible à suivre y compris pour les diplomaties bien dotées des pays riches. Les organisations de la société civile, au premier rang desquels les organisations de petits producteurs, de pêcheurs et des peuples autochtones, ont dénoncé sans relâche ce processus entièrement capturé par le FEM et les fondations « philantrophiques » qui représentent les intérêts de l'élite économique et financière. Et ils ont eu le culot de dire que c'était un « sommet des peuples » !</p> <p>Avec peu de surprises, les solutions portées par le sommet tournent toutes autour des nouvelles technologies. Le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l'alimentation, Michael Fakhri, a dénoncé le manque de prise en compte des causes structurelles de la faim dans le monde, que sont les inégalités sociales, les conflits armés et la concentration du pouvoir des entreprises. Nous refusons la colonisation des institutions de l'ONU par les milieux d'affaire. Nous savons aujourd'hui que notre projet de souveraineté alimentaire est la clé d'un futur viable et réellement démocratique. Les peuples doivent pouvoir décider comment et par qui leur alimentation est produite pour garder le contrôle de leur destin. L'alliance des producteurs de l'alimentation avec les autres secteurs de la société est une des clés de notre avenir. La souveraineté alimentaire est porteuse d'espoir. Face aux accords de libre-échange et l'OMC, nous promouvons la coopération internationale fondée sur le respect de la diversité. Face au dumping social et environnemental, nous nous battons pour une hausse des prix payés aux paysans et aux travailleurs ruraux pour garantir un revenu décent et couvrir les coûts d'une production de qualité, tout en supprimant les profits financiers abusifs et la capture des subventions publiques par l'industrie agro-alimentaires.</p> <p>Face aux délires de la techno-science qui mettent en péril l'environnement et accroissent de façon démesurée le pouvoir des très grandes entreprises, nous défendons l'innovation populaire, paysanne, la recherche participative et la désescalade technologique sur les innovations dangereuses. Face au changement climatique et à la crise de la biodiversité, nous affirmons qu'il faut réduire drastiquement les inégalités et assurer un partage juste des ressources naturelles. « Il y a assez de richesse dans le monde pour satisfaire aux besoins de tous les humains, mais pas assez pour assouvir l'avidité des plus riches ». (Gandhi) Nous, les paysannes et les paysans, sommes en première ligne pour défendre un avenir fondé sur le bien-vivre de tous, la justice sociale, l'autonomie collective, l'harmonie avec les milieux naturels et la souveraineté alimentaire des peuples</p></div> La faim et la malnutrition en croissance. Que faire ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2612 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2612 2021-04-17T20:29:12Z text/html fr Marc Mangenot <p>Si la pandémie vampirise l'actualité, il est d'autres fléaux qui frappent une partie croissante de l'humanité. Il en est ainsi de la faim et de la malnutrition. Plusieurs organisations paysannes, humanitaires, ont élaboré un projet de « SSA », sécurité sociale alimentaire. Démarche positive, mais qui recèle des faiblesses. Marc Mangenot nous dit l'essentiel sur ce thème trop peu connu.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique60" rel="directory">Environnement, Ecologie, Agriculture</a> <div class='rss_texte'><p>La malnutrition, qui diffère quelque peu de la malbouffe, n'en finit pas de faire des ravages. La faim revient en France et s'accroît dans le monde, dans les pays du sud en particulier. La précarité et la paupérisation des paysans perdure et même s'aggrave, en France et sur l'ensemble de la planète. Ce constat est largement partagé, sauf par les partisans acharnés de l'agrobusiness. Personne ne songe à contester l'analyse selon laquelle une trop nombreuse partie de la population n'a pas accès à une alimentation saine et suffisante, faute de moyens, d'information et d'éducation. Plus discutée, voire ignorée, la nécessaire promotion de l'agroécologie paysanne est défendue avec des arguments solides par de nombreux chercheurs ou agronomes, par des paysans éclairés qui la mettent en pratique. En revanche, sans que cela émeuve beaucoup la population, mal informée, réveillée cependant par la pandémie covidienne, l'agriculture industrielle et spéculative, aux conséquences désastreuses connues, bénéficie toujours du soutien actif des pouvoirs publics nationaux et internationaux, soumis aux diktats des grandes firmes de l'agrobusiness et de la finance débridée et mondialisée.</p> <p>Pour remédier à cet état de fait qui va s'aggravant, de nombreuses propositions émanent d'agronomes et de chercheurs. La Plateforme pour une autre PAC diffuse les résultats des confrontations et mises en commun qu'elle organise entre ses membres ; elle prend des initiatives pour manifester et pour alerter les pouvoirs publics en France et l'Union européenne. La Confédération paysanne mène un intelligent combat exemplaire en France, ainsi que, de par le monde, la Via Campesina, mouvement paysan international progressiste (plus de deux cent mille adhérents, 182 organisations, 81 pays). Une proposition originale tente de se frayer un chemin, de faire émerger un mouvement intitulé pour une sécurité sociale alimentaire, inspiré du modèle de la sécurité sociale. L'idée est assez séduisante à première vue : permettre à chacune et à chacun d'accéder à de la nourriture saine en quantité suffisante et, ce faisant, de favoriser l'accroissement de la production de qualité de produits frais et transformés au détriment de la culture de masse à bas prix, de qualité non garantie, réalisée souvent dans des conditions sociales inacceptables. C'est ce que donne à espérer le projet de SSA porté par des personnes dont la compétence et la générosité sont connues. Il faut cependant y regarder de près.</p> <p><strong>Éléments d'analyse critique du projet de SSA</strong></p> <p>La question est de savoir si ce projet de sécurité sociale alimentaire constitue ou non une réponse pertinente aux problèmes de l'alimentation et de l'agriculture. Ce projet est généreux . D'abord, les auteurs confirment qu'en France, mais pas seulement, la faim et la malnutrition sont des réalités persistantes, y compris en dehors de période de crise. « La précarité alimentaire explose » , écrivent-ils. D'autre part, « à l'autre bout de la chaîne, une crise agricole profonde (est) déjà installée ». Ils soulignent « (qu'il) n'y aura pas de réforme agricole sans véritable politique alimentaire », ce avec quoi on ne peut qu'être d'accord Celle-ci, poursuivent-ils à raison, ne peut advenir que par la voie démocratique, seule à même de garantir le « droit à l'alimentation », puisque le « libre » marché n'a pas cette vertu . La solution qu'ils proposent est, apparemment, d'une simplicité biblique : « mettre en place une sécurité sociale alimentaire pour instituer une démocratie alimentaire » . Plus précisément de « sanctuariser un budget pour l'alimentation de 120 euro par mois et par personne (soit cent milliards d'euro chaque année) et de l'intégrer dans le régime général de la sécurité sociale » . Des Caisses, décentralisées et gérées démocratiquement, auraient pour mission « d'établir et de faire respecter les règles de production, de transformation et de mise sur le marché de la nourriture choisie par les cotisants » . L'institution de telles Caisses procurerait, toujours selon les auteurs, une « puissance d'agir » dans le domaine alimentaire, ainsi que pour faire face « aux enjeux sociaux, climatiques et environnementaux liés à l'agriculture », tout en respectant « la souveraineté alimentaire de tous les pays », ainsi que la possibilité de garantir des conditions correctes de travail et de rémunération à « l'ensemble des travailleurs du complexe agro-industriel » .</p> <p><strong>Les impensés du projet de sécurité sociale alimentaire</strong></p> <p>Il vaut la peine de reprendre l'argumentaire car ce projet ne semble pas permettre la rupture nécessaire en matière de production alimentaire, ni par ailleurs, de répondre à la question de la pauvreté (ce qui n'est pas l'objectif du projet, mais la question ne peut être esquivée). D'autre part, en France (on pourrait dire la même chose de n'importe quel pays du monde occidental dominant), l'offre de produits de qualité correspondant aux ambitions du projet est actuellement très faible : il faudrait en conséquence importer en grande quantité des productions qualitativement acceptables, ce qui est absurde et contreviendrait à la nécessité de réduire les transports de longue distance. De plus on ne voit pas comment la mise en place d'une SSA permettrait d'ouvrir enfin et massivement la voie à l'agroécologie paysanne. Enfin, le projet attribue le même montant à tout individu quel que soit son niveau de revenu (vivant seul, en famille ou en groupe), ce qui ne contribue pas vraiment à la réduction des inégalités , même s'il a été précisé que les contributions (cotisations) seraient proportionnelles aux revenus.</p> <p>S'il était mis en place (hypothèse hasardeuse), le projet de sécurité sociale alimentaire favoriserait les milieux aisés et très aisés. Toutes les enquêtes montrent que la bonne agriculture dont vivent chichement un petit nombre de paysans (petits ou moyens) qui la produisent va actuellement aux catégories favorisées. Les produits issus de l'agriculture industrielle de masse et de l'industrie de transformation enrichissent les grands propriétaires, les grandes firmes de production alimentaire et de la distribution, vont principalement aux populations les moins nanties, les moins bien informées, absentes des circuits courts types AMAP. Des associations, très actives, tentent de remédier à cette situation, mais ne peuvent combler que très partiellement ces carences multiples. Or, le projet de SSA, contrairement au système de protection sociale et sanitaire envisagé à la sortie de la guerre, ne vise pas des personnes en charge d'enfants, en difficulté parce que précarisées ou paupérisées, pensionnées, malades ou handicapées. L'institutionnalisation de la Sécurité sociale permettait, par exemple, à toute personne en charge d'autres ou victime de la maladie, d'un accident, ou encore ayant fait son temps de travail, de bénéficier de la solidarité de ceux et celles qui sont en activité. La SSA, parce qu'elle concerne tous les habitants, est en fait un succédané du revenu de base ou universel, un droit de tirage accordé à toute personne, sans distinction de situation sociale ni de revenus. Supposons que tous les allocataires (67 millions de personnes) ou, à tout le moins, un très grand nombre, fassent valoir leur droit à des aliments de qualité, répondant à tous les critères sociaux, sanitaires, écologiques. Comme dit plus haut, la demande serait impossible à satisfaire, même en abaissant les seuils de tolérance de nocivité et toxicité acceptables par un individu en bonne santé. Encore une fois, il n'est pas aberrant de penser que cette demande explicite serait d'abord le fait des personnes les mieux nanties et informées, les plus susceptibles d'accéder aux lieux où seraient disponibles les marchandises convoitées.</p> <p>Libre choix et possibilité de choix, du producteur et du consommateur</p> <p>Les auteurs de la SSA estiment nécessaire que soient respectés les choix des consommateurs (et les vertus du bien manger et du bien vivre, pourrait-on ajouter). Cela n'est concevable que si le marché est réorganisé afin que des produits frais ou transformés de qualité soient mis à disposition de toutes les populations. Les règles imposées tant à la production agricole qu'aux activités de transformation ont permis des améliorations dans les rayons des supermarchés et dans les stocks des centrales d'achat. C'est pour l'instant marginal et mal ou insuffisamment contrôlé. La majorité des productions mises sur le marché ne répond pas aux critères exigibles d'un point de vue sanitaire, écologique et social.</p> <p>Des associations, des organisations paysannes comme la Confédération paysanne ou la FNAB (fédération nationale de l'agriculture biologique) démontrent la perversité du marché supposé libre et des politiques agricoles nationales et de l'Union européenne. Elles font des propositions pour sortir de l'emprise des multinationales et de l'agrobusiness. En l'absence de réglementation, le marché ne peut être libre et permettre aux consommateurs de faire leurs choix, choix largement influencés par la publicité dont la duplicité mensongère n'est plus à démontrer. Une telle réglementation devrait notamment concerner les prix, le stockage, les échanges internationaux équitables, non impérialistes et destructeurs des cultures vivrières, et être accompagnée de politiques d'aide à l'activité agricole vertueuse, en capacité de ne pas dégrader sol, sous-sol, eaux de surface et souterraines, etc.</p> <p>Selon les auteurs, la SSA bien appliquée obligerait les producteurs à s'astreindre à fournir une production conforme aux attentes des citoyens ; qui représentent potentiellement un immense marché alimenté par les 120 ou 150 euro alloués mensuellement à chaque habitant. Le projet ne dit pas comment atteindre cet objectif. Par la pression du marché enfin débarrassé de ses scories publicitaires, de la puissance des grandes chaînes de transformation et de distribution ? Par les décisions du département créé spécialement dans les Caisses de sécurité sociale, marché dit de « la nourriture choisie par les cotisants » ? D'autre part, dans sa phase première (je suppose qu'il y en a une), quels seraient les heureux bénéficiaires des productions agréées ? Car, pour le dire encore une fois, l'immense majorité de l'offre de produits (transformés ou non, réalisée localement ou à des milliers de kilomètres ) ne correspond pas, de loin pas, aux critères minima de ce qui serait socialement, écologiquement, qualitativement acceptable. Il n'est pas très aisé de concevoir pourquoi et comment ce nouveau marché (où seules certaines productions agréées pour leurs qualités seraient éligibles à s'échanger contre la monnaie SSA) obligerait les professionnels, à tous les stades de la production primaire à la distribution, en passant par le commerce extérieur, à se conformer aux exigences d'une offre de qualité respectueuse de l'environnement et socialement « responsable ».</p> <p><strong>Des objectifs esquivés, la lutte des classes oubliée</strong></p> <p>Le projet de sécurité sociale alimentaire ne répond pas aux questions relatives à la précarité alimentaire et à la détresse d'un nombre important de paysans. D'une part, parce que, véritable usine à gaz, son éventuelle mise en œuvre demanderait du temps ; d'autre part, parce qu'elle ne tient pas vraiment compte de l'énorme insuffisance des productions de qualité. L'opposition, gros agrariens et FNSEA, firmes de l'agrobusiness, ne faiblirait pas, opposerait une résistance farouche, userait de stratégies de contournement, ce qu'elles savent très bien faire. Les rudes batailles en cours sur le climat, sur la réduction ou l'interdiction des produits chimiques nocifs (intrants, pesticides, insecticides …), les luttes pour combattre la pauvreté, la malbouffe ou le mal-logement, demeurent impérativement nécessaires. Ne conviendrait-il pas de définir des objectifs et des moyens de lutte sur cinq objectifs articulés entre eux, résumés ci-après.</p> <p>1) Relever les minima sociaux, en étendre le bénéfice à toute personne paupérisée ou précarisée, les jeunes en particulier ; le coût de ces mesures serait quatre ou cinq fois inférieur au financement de la SSA, de l'ordre de vingt à vingt-cinq milliards d'euro par an.</p> <p>2) Promouvoir l'égalité hommes-femmes en matière de revenus, salariaux et autres. Se dégagerait un nouveau et vital pouvoir d'achat.</p> <p>3) Diminuer le chômage, éliminer la pauvreté de masse, jusqu'à les éradiquer, en changeant les modes de production et la finalité des activités productives, en réduisant la durée du travail .</p> <p>Cet ensemble de mesures, 1, 2 et 3, diminuerait sensiblement les écarts de revenus et le niveau de la pauvreté et accroîtrait le pouvoir d'achat des catégories les plus pauvres. En revanche, il n'aurait pas la vertu de participer à l'impérieux changement dans le champ de la production (agriculture, élevage, pêche, transformation, distribution). La lutte doit en effet porter sur les conditions sociales, écologiques et sanitaires de la production jusqu'à la distribution.</p> <p>4) Cela requiert de mobiliser ensemble les paysans et les habitants pour la promotion de l'agroécologie paysanne. Une telle conjonction n'a rien d'évident bien que nombre d'enquêtes montrent que la majorité de la population est de plus en plus sensible aux questions écologiques, sanitaires et alimentaires, sentiments renforcés depuis l'apparition et le développement de la pandémie covidienne. Les associations, déjà engagées ou non, ont un rôle majeur à jouer dans ce domaine, de même que les syndicats paysans et de salariés progressistes.</p> <p>5) Cette mobilisation ne sera efficace que si elle inclut la lutte contre les ALE (accords de « libre » échange ou de « partenariat »). Des centaines d'accords aux conséquences souvent dévastatrices ont déjà été signés, certains sont entrés en application (partielle) sans être ratifiés, comme le CETA (accord économique et commercial global entre l'UE et le Canada), d'autres sont en cours de négociation comme l'accord Union européenne – Mercosur. Le traité de Lisbonne a lui-même constitutionnalisé une vaste zone de « libre échange » inégal , la concurrence de tous contre tous ; le traité instituant l'Union européenne demande donc lui aussi à être impérativement revu dans ses fondements qui font de la concurrence et de la libre circulation des capitaux la clé de voûte du droit et du fonctionnement de l'UE.</p> <p>Batailles difficiles. Le non-respect des votes hollandais et français de 2005, le peu de considération du gouvernement pour les mesures (pourtant limitées) de la convention citoyenne pour le climat, signalent l'ampleur de la difficulté, de même que les tentatives de réforme (à la marge), de la politique agricole commune (PAC). L'héritage social, culturel et politique, par ailleurs pesant, est difficile à bousculer. L'inertie et le fatalisme qui se sont emparés de la masse de ceux qui devraient se mobiliser pour améliorer leur propre avenir constituent un obstacle sérieux, de même que la méfiance vis-à-vis de la politique. Défiance qui s'est installée et renforcée, tant les politiques suivies depuis des décennies ont conduit à des désastres sociaux, sanitaires et écologiques. Le projet de sécurité sociale alimentaire peut-il inciter à la réflexion ? Ce serait un bienfait. Mais, comme le revenu universel et ses différentes versions, il est, à mon avis, une impasse et, tel que formulé, non pertinent pour atteindre les objectifs qu'il se donne. Les projets astucieux a priori, généreux, comme celui de vouloir associer l'accès à la bonne nourriture pour toutes les populations au changement radical des conditions de production de l'activité agricole et post-agricole, ne peuvent dépasser le seuil des bonnes intentions.</p> <p>***</p> <p>Est-il raisonnablement possible avec le projet de SSA, (dont, encore une fois, la pertinence et la faisabilité ne sont pas démontrées) de résoudre des questions de nature différente, n'obéissant ni aux mêmes logiques, ni aux mêmes rythmes, et ne pouvant s'articuler correctement sans un coup de baguette magique ? Ces questions, pour les résumer brièvement, sont celles énoncées plus haut : 1) nourrir sainement une population entière sur un vaste territoire ; 2) accorder la priorité aux populations paupérisées ou en voie de paupérisation en visant la réduction, voire l'éradication, de la pauvreté et les inégalités de tous ordres ; 3) promouvoir l'agroécologie paysanne, en assurant la passage de l'agriculture industrielle et spéculative vers une organisation de la filière reposant sur des pratiques socialement acceptables et respectueuses de l'environnement. Une quatrième question, évoquée plus haut, ne peut être écartée, en même temps que la relocalisation de productions (de qualité) : la révision nécessaire des accords internationaux, y compris le traité de Lisbonne, permettant à chaque pays, à chaque région d'accéder à la souveraineté alimentaire et d'acquérir un haut niveau de sécurité alimentaire de qualité. La vertu principale du projet des sécurité sociale alimentaire réside peut-être dans sa capacité à bousculer les pensées stagnantes et les pratiques militantes trop traditionnelles. <i>Marc Mangenot est membre de la Fondation Copernic</i></p> <p><i> 1 Espace commun de réflexion et d'action, regroupant 45 organisations paysannes, de protection de l'environnement et de solidarité internationale, qui milite pour une refonte de la politique agricole commune 2 Je me réfère au texte publié sur son site par ISF-AgriSTA (Créons une sécurité sociale alimentaire pour enrayer la faim), en février 2019, et à la tribune parue dans Reporterre, le18 mai 2020. 3 Souligné dans le texte 4 Il n'y a bien entendu aucun désaccord sur la détermination démocratique d'une politique alimentaire (qui n'existe actuellement pas) 5 Allusion à la légende de la multiplication des pains, si je puis me permettre. 6 La question, ici, est de savoir, si la mise en place d'une SSA est la condition pour faire de l'alimentation un enjeu démocratique. 7 Le projet initial proposait 150 € par personne et par mois, soit un budget d'environ 120 milliards d‘euro. Le montant ramené à 120 € par personne et par mois, donne un budget global de 100 milliards d'euro, soit un peu plus de 5% du PIB de 2019, ou encore autour de 25% du budget de la sécurité sociale. Question non négligeable ! 8 Par les cotisants ou par les habitants ou collectifs de la restauration collective ? 9 La SSA comme un deus ex-machina. 10 Voir aussi les notes de fin de texte. 11 Les inégalités concernent les femmes, les jeunes, les immigrés, les quartiers plus ou moins ghettoïsés, privés de services publics d'éducation, de santé, en suffisance et de qualité, le logement, etc., aussi bien que la nourriture. On voit l'ampleur des problèmes et leur urgence que le projet de SSA ne peut prendre en charge. 12 Les attentes peuvent-elles être recensées via les Caisses spécialisées SSA ou via le marché, l'information et l'éducation ? 13 Les produits « exotiques » ou ne pouvant être cultivés à proximité pour des raisons pédoclimatiques, ne sont pas concernés par cette remarque -café, cacao... -, sauf pour la qualité et leurs conditions de production sociales et écologiques. La remarque vaut aussi, pour les produits transformés 14 Évidemment, il faudrait faire de l'activité productive (l'économie au sens large) un ensemble d'objectifs de satisfaction des besoins évolutifs et déterminés démocratiquement (quoi produire, comment, où, pour quelles destinations : consommation des ménages, des administrations, intermédiaires, etc…) 15 Les élargissements successifs de l'Union européenne en sont l'une des causes. Ironie de l'histoire, l'entrée en 1973 de la Grande Bretagne et du Danemark (en même temps que l'Irlande) a marqué un tournant vers la transformation progressive du Marché commun en une zone de libre-échange. La GB et le Danemark, nouveaux entrants, membres jusqu'alors de l'AELE (Association européenne de libre-échange) ont alors estimé ce cadre trop étroit, il leur fallait intégrer un espace plus vaste, plus prometteur de leur point de vue. La très libéral Pompidou, à la différence de de Gaulle, était un ardent partisan de l'élargissement de la CEE au Royaume-Uni. La levée du veto français obligeait l'Allemagne (de l'Ouest), pas spécialement favorable à cette époque à cette adhésion, à s'aligner sur les vues pompidoliennes. Adhésion qui ne sera jamais totale et posera en permanence de sérieux problèmes à l'UE. Le Brexit, qui n'est pas la calamité décrite par les média et l'establishment, est en revanche une gifle pour les dirigeants de l'UE qui considèrent la sortie du Royaume-Uni comme un mauvais exemple, d'où leur acharnement dans le bras de fer les opposants aux dirigeants britanniques, les uns valant les autres sur ce terrain. Il convient de se rappeler, en revanche, que la Grèce, « petit pays », a été contrainte d'appliquer des mesures d'une violence sociale inouïe pour demeurer dans la zone euro.</i></p></div> https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18