https://www.traditionrolex.com/18 La Gauche Cactus http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/ fr SPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP) Manifestations : la police peut-elle sortir de la confrontation permanente ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2912 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2912 2023-10-29T23:39:00Z text/html fr Jacques de Maillard <p>Dans cet article paru dans The Conversation France, Jacques de Maillard, professeur à l'Université Paris-Saclay, décrit l'évolution des pratiques policières et en fait une critique sans concessions.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>Depuis janvier 2023 et les premières mobilisations contre la réforme des retraites, au 1er mai 2023, l'actualité s'est fait régulièrement l'écho d'actions musclées et des confrontations qui ont caractérisé le rapport entre forces du maintien de l'ordre et manifestants. Une situation déjà observée dans les années 2010, notamment à l'occasion du mouvement des Gilets jaunes. Construits à partir d'entretiens réalisés avec des policiers, des gendarmes ou des membres du corps préfectoral, du recueil de documentation interne à la police et à la gendarmerie et de mises en perspective internationales, différents travaux de spécialistes ont montré ce tournant. Ainsi, la « gestion patrimonialiste des conflits sociaux », fondée sur la négociation avec les organisations syndicales et une certaine tolérance vis-à-vis des troubles causés par les manifestants, a laissé la place à un modèle de maintien de l'ordre beaucoup plus dur, dont l'objectif semble être d'empêcher les manifestations, plutôt que de faciliter leur déroulement. Ces opérations de maintien de l'ordre sont en effet caractérisées depuis quelques années, par une certaine « brutalisation » et un durcissement dont témoigne aussi l'usage croissant d'outils judiciaires et administratifs contre les manifestants.</p> <p><strong>Un changement de doctrine qui a fait long feu</strong></p> <p>Pourtant, lorsque la mobilisation contre la réforme des retraites a débuté, en janvier, les difficultés relatives aux opérations de maintien de l'ordre semblaient être de l'histoire ancienne. Depuis le remplacement de Didier Lallement par Laurent Nunez au poste de préfet de police, une approche différente de l'encadrement des cortèges parisiens prévalait. Les policiers et les gendarmes n'encadraient plus les manifestants au plus près, mais se situaient au contraire à bonne distance de ceux-ci, dans des rues adjacentes. Et les syndicats et leur service d'ordre avaient repris la main sur l'organisation des manifestations, en bonne intelligence avec les préfets et les forces de l'ordre.</p> <p>Mais ce récit de l'« adoucissement » ne résiste guère à l'analyse et occulte certains excès policiers à l'encontre de manifestants. Un journaliste indépendant a ainsi dû être amputé d'un testicule suite au coup de matraque porté par un policier lors de la manifestation du 19 janvier, à Paris. De plus, l'apparent changement de doctrine consécutif à la nomination de Laurent Nunez n'a pas empêché plusieurs dizaines de personnes visiblement pacifiques de subir des matraquages injustifiés lors de charges policières (le 19 janvier, le 31 janvier et le 11 février).</p> <p>Surtout, à partir du 16 mars et du recours par le gouvernement à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, les journalistes et les observateurs ont largement documenté les violences physiques exercées par les forces de l'ordre à l'encontre des manifestants, ainsi que les arrestations arbitraires, voire les humiliations subies par ces derniers lors des manifestations nocturnes (non-déclarées par les syndicats) consécutives à l'annonce du recours au 49.3.</p> <p><strong>Des unités policières et des dispositifs judiciaires qui interrogent</strong></p> <p>Les critiques se sont notamment focalisées sur les agissements de la BRAV-M, une unité créée en 2019 pour réprimer les cortèges mobiles et sauvages des Gilets jaunes. Mais d'autres images attestent également de violences commises par des policiers membres de CRS ou de Compagnies d'Intervention (CI). Au total, depuis le début de la mobilisation, l'IGPN a été saisie de 53 enquêtes judiciaires, principalement pour Paris (chiffres au 1er mai), tandis que la Défenseure des droits a été saisie 115 fois (chiffres du 17 avril) pour des violences policières supposées. Concernant les arrestations arbitraires, si elles peuvent être décrites comme telles, c'est en raison du faible nombre d'interpellations qui aboutissent, en bout de chaîne, à des déferrements. Ainsi, au cours de la soirée du 16 mars, 292 personnes ont été placées en garde-à-vue mais seulement neuf d'entre elles ont été déférées avec des sanctions très faibles. Le lendemain, 64 personnes ont été placées en garde-à-vue et six d'entre elles ont été déférées. Cela renforce l'idée d'un détournement de la garde-à-vue, qui n'est plus utilisée pour mettre un suspect à disposition d'un officier de police judiciaire (OPJ), mais simplement pour punir un individu d'avoir participé à une manifestation ou « pour vider les rues ».</p> <p><strong>Un basculement répressif</strong></p> <p>Comment peut-on expliquer ce basculement répressif à partir de la mi-mars ? Les forces de l'ordre, soutenues par le gouvernement et les syndicats policiers, avancent trois types d'arguments, déjà utilisés au plus fort du mouvement des Gilets jaunes, en décembre 2018. Le premier a trait au caractère émeutier des manifestations les plus récentes, rendant les moyens habituellement employés pour encadrer les manifestations intersyndicales insuffisants pour rétablir l'ordre. Le deuxième argument pointe la fatigue et la lassitude des forces de l'ordre à cause de la répétition des manifestations et de la surcharge de travail, ce qui expliquerait les dérives et les bavures. Le troisième est la violence exercée contre les forces de l'ordre, dont ont témoigné de nombreuses images comme ce policer qui s'écroule après avoir reçu un pavé dans la tête lors de la manifestation parisienne du 23 mars. Les chiffres rapportés par le ministère de l'Intérieur font état de 441 policiers blessés pour cette seule journée à Paris.</p> <p>La violence exercée par les forces de l'ordre est alors présentée comme une réponse, par l'État, à ce déferlement. Ces arguments ne peuvent pas être balayés notamment avec la recomposition du répertoire manifestant, avec des violences de certains groupes minoritaires (facilitées à Paris par le contexte urbain, et notamment l'amas de poubelles dans les rues). La lecture des journaux de marche des compagnies de CRS, comme a pu le faire Le Monde, est à cet égard instructive : celles-ci ont dû faire en différents endroits à des guets-apens, des jets de projectiles, incendies de poubelles ou de palettes, tirs de mortiers d'artifice, voire de cocktails Molotov. Cependant, ces éléments forment le contexte de l'intervention, sans pour autant déterminer la stratégie adoptée par les forces de l'ordre.</p> <p>Un manque d'intérêt pour les stratégies de désescalade</p> <p>Face à ces nouvelles conditions, nous observons un manque d'intérêt persistant des différentes autorités (ministère de l'Intérieur, préfecture de police de Paris, police nationale et gendarmerie nationale) pour la notion de désescalade.Cette approche vise à retarder, voire éviter le recours à la force, en privilégiant d'autres moyens (temporisation, dialogue, recul des forces de l'ordre) tant que cela est possible. S'en passer conduit les forces de l'ordre à se montrer brutales dès qu'une difficulté apparaît et contribue à distinguer nettement la France d'un grand nombre de pays européens.</p> <p>Plusieurs conséquences en découlent : une incapacité à opérer des distinctions entre les profils de manifestants – et donc l'usage de la force contre des manifestants apparemment non violents ; une sous-utilisation des mécanismes de communication en continu par l'emploi de moyens humains (équipes dédiées chargées de communiquer en continu avec les manifestants) et technologiques (l'utilisation de panneaux lumineux permettant de rendre plus visibles les ordres de dispersion et sommations) ; une tendance à réduire la contestation sociale à l'action de groupes minoritaires (d'« ultragauche » notamment), et donc à déployer la force. Sans entrer dans le détail de faits individuels pour lesquels les procédures judiciaires sont en cours, le non-respect de règles déontologiques tel que le port du RIO (numéro d'identification), le fait d'avoir le visage masqué, l'emploi d'un ton agressif ou du tutoiement, l'usage de gaz lacrymogène non légitime, etc., apparaît de façon récurrente.</p> <p>L'utilisation d'unités proactives à l'instar des Brav-M – binômes motorisés mandatés pour interpeller des individus suspectés d'infractions – est l'expression paroxystique de cet ensemble de décisions et pratiques reposant sur un style d'action musclé : interpellations violentes, relations individuelles agressives avec des manifestants, etc. L'enregistrement diffusé par Le Monde le soir du 20 mars, révèle ces dérives : propos insultants et humiliants et attitudes menaçantes se succèdent auprès de plusieurs jeunes interpellés pendant de longues minutes ; « je peux te dire qu'on en a cassé des coudes et des gueules ».</p> <p><strong>Deux effets pervers majeurs</strong></p> <p>Outre qu'elle contribue à porter atteinte à la réputation de la France sur le plan international, cette stratégie confrontationnelle comporte deux effets pervers majeurs. D'abord, elle a des conséquences humaines sur les individus qui en sont les victimes en termes, a minima, d'atteintes à la liberté de manifester, et a maxima, d'atteintes physiques graves. Ensuite, elle tend à accroître l'hostilité de la part des manifestants, y compris ceux qui sont au départ pacifiques. L'utilisation perçue comme illégitime et excessive de la force finit par devenir un élément de mobilisation. Les interventions viriles d'unités comme les Brav-M sont elles-mêmes facteurs de dégradations des situations.</p> <p>Une telle stratégie accroît plus généralement les antagonismes entre manifestants et forces de l'ordre, défenseurs des libertés publiques et organisations professionnelles de défense des policiers. C'est ici le risque du « hard power trap », quand la dégradation des relations aboutit à ce que l'obéissance ne résulte plus que de la contrainte, bien mis en évidence dans les travaux internationaux sur la police depuis de nombreuses années. Au contraire, dans le cas de la manifestation dans le Tarn du 21 avril contre un projet autoroutier, la police était présente mais peu visible et éloignée des cortèges, résultant en peu de heurts. D'autres choix sont donc possibles.</p> <p><strong>Ce que nous apprend l'histoire des polices</strong></p> <p>L'histoire des polices montre que certaines périodes sont plus favorables à une réflexion collective sur les conditions de la légitimité des polices. En France, entre les années 1970 et 1990 s'est construit un ensemble de pratiques de maintien de l'ordre reposant sur le tryptique « prévision, négociation, contrôle », logique associée à une acceptation tendancielle de la pacification des conflits par les mouvements protestataires. Devant une transformation des répertoires (plus imprévisibles, moins déclarés, moins organisés, etc.) et l'incapacité à neutraliser les protestataires plus violents, les gouvernements français ont privilégié, depuis maintenant une dizaine d'années, une réponse consistant à frapper plus durement l'ensemble des manifestants pour préserver l'ordre public.</p> <p>Dans un ouvrage récent, nous montrons que le modèle policier français, dont la légitimité a d'abord été pensée par rapport à la préservation de l'ordre politique, doit désormais s'adapter aux demandes de tranquillité émanant des territoires et asseoir l'autorité de ses agents aux yeux des publics divers d'une société française inégalitaire et plurielle. Cette question se pose particulièrement pour le maintien de l'ordre. A un moment où le fonctionnement de la démocratie représentative est structurellement remis en cause, et où donc de nouvelles formes de protestation ne manqueront pas d'émerger, il semble essentiel de prendre le temps de repenser le maintien de l'ordre, en combinant usage légitime et proportionné de la force et respect des libertés individuelles.</p> <p><i>Article paru dans The Conversation France <a href="https://theconversation.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://theconversation.com</a>. Jacques de Maillard est Professeur des Universités à Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay où Aurélien Restelli est doctorant, sociologie. </i></p></div> La haine des braves http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2858 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2858 2023-05-04T14:33:00Z text/html fr Yann Fiévet <p>Les violences policières, ça existe. Yann Fiévet le prouve, en analyse les méthodes, les causes et en quoi elles sont révélatrices de l'idéologie qui imprègne le gouvernement et notamment le président et son ministre de l'intérieur.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>L'un des pires penchants qui guette aujourd'hui notre société déstructurée par l'action – ou l'inaction ? – d'un pouvoir politique décidément aveugle et sourd tient en ceci : s'habituer aux violences policières, qu'elles fassent désormais partie de notre quotidien, qu'elles finissent par nous apparaître comme quasi naturelles face aux débordements inévitables du corps social mis sous une pression dangereusement aggravée. Le pouvoir politique nie l'existence de ces violences en usant d'un artifice de la pensée selon lequel l'Etat serait toujours légitime lorsqu'il réprime la mauvaise humeur d'une société en ébullition. Ainsi, la Présidente de l'Assemblée Nationale (PAN), Yaël Braun-Pivet a commis récemment sur l'antenne de France Inter un lapsus terriblement éclairant : « Je réprime le terme de violences policières ». Nous lui répondrons que nier les violences policières, c'est nier ceux qui en ont été les victimes, c'est donc déjà une des formes de la violence d'Etat, C'est effacer avec des mots les conséquences de ses propres actes, C'est quitter sa propre humanité en ignorant celle d'autrui. Nous vivons désormais en France l'expression terrifiante d'un pouvoir que nous pouvons qualifier de pathologique. Toutes les outrances lui paraissent potentiellement permises, toutes les armes disponibles sur le marché du répressif obligé s'offrent à son gargantuesque appétit d'ordre face aux « barbares » de l'intérieur. Le père fouettard en chef est d'ores-et-déjà prêt à couvrir presque tous les abus.</p> <p>Allons, ils sont tout de même bien braves tous ces policiers et gendarmes. Ils risquent quotidiennement leur peau pour que nous puissions vivre paisiblement malgré les nombreuses incertitudes de nos existences. Ils sont ainsi garants du bon ordre qu'ils ne définissent évidemment pas eux-mêmes mais qu'ils sont persuadés de servir dignement en toutes circonstances. Rassurez-vous bonnes gens, ils connaissent leur métier et incarnent « la profession la plus contrôlée de notre pays ». Et pourtant… Le récit officiel – pour ne pas dire la fable – est de plus en plus souvent écorné. Il convient au passage de préciser que si grâce à quelques témoins malencontreux ou vidéos indiscrètes nous ne sommes plus dupes la part immergée de cette violence d'Etat – physique, morale ou psychologique - reste le plus souvent cachée dans l'intimité des paniers à salades, la discrétion des sombres commissariats, la confusion des nasses savamment organisées lors des manifestations se déroulant sur la voie publique. A ce dernier titre, rapportons quelques avatars récents on ne peut plus édifiants. À Nantes, le 14 mars dernier, un petit cortège étudiant s'en retournait pacifiquement dans son université après avoir participé à un barrage filtrant organisé contre la réforme des retraites par la CGT quand les gardiens de l'ordre ont encerclés le groupe et ont palpé quatre jeunes femmes, palpations ostensibles à l'intérieur des sous-vêtements accompagnées de propos grossiers, insultants et humiliants . Il s'agit là d'agressions sexuelles caractérisées pour lesquelles une plainte a été dûment déposée. Interrogé à l'Assemblée Nationale sur cette affaire, le 21 mars, le ministre de l'Intérieur n'a prononcé aucun mot à l'intention des 4 jeunes femmes ainsi agressées. Pour lui, il s'agit probablement d'une broutille qu'elles oublieront bien vite.</p> <p>Parlons un peu des BRAV-M, ces brigades motorisées de répression de l'action violente, réminiscence assumée des sinistres « voltigeurs de Charlie », pas l'hebdo, la bavure, dont Gérald Darmanin est sans conteste le digne héritier, le pittoresque accent chantant en moins. Le 6 avril dernier, à Paris, une caméra surprit certains membres aguerris de l'une de ces brigades de choc en pleine action. Ils traînaient un homme au sol, évidemment sans ménagement, lors d'une autre manifestation contre la réforme des retraites. Dans la soirée du 20 mars, également à Paris, des membres d'une autres de ces dangereuses brigades avaient été enregistrés à leur insu au moment où ils insultaient et humiliaient copieusement plusieurs jeunes qu'ils soupçonnaient d'avoir mis le feu à des poubelles. Ils ont ensuite plaidé « La fatigue physique et morale ». Ils ont notamment précisé sans craindre le ridicule que leurs « besoins fondamentaux et vitaux n'ont pas été respectés. S'hydrater et se restaurer étaient très compliqués ». Comment ne pas plaindre ces braves serviteurs de l'Etat pris ici la main dans le sac à injures ? L'enregistrement ayant été authentifié la hiérarchie va être obligée de sévir. Très durement, on l'imagine ! Cependant, nous ne devrions pas être surpris par ces exactions commises lors des grands rassemblements citoyens. Les « jeunes de banlieues » vivent cela au centuple depuis des années à l'abri le plus souvent des regards ou dans l'indifférence des médias de masse. Est-il exagéré de dire que certaines de nos banlieues servent de terrain d'entraînement aux cosaques motorisés de la police française d'aujourd'hui ?</p> <p>Il n'est plus possible, depuis longtemps déjà, de parler de bavures, de faits isolés inévitables dans le difficile exercice du maintien de « l'ordre républicain ». Il existe dans notre police un état d'esprit délétère que tous ses membres évidemment ne partagent pas mais qui est nettement plus étendu que l'indulgence commune n'est prête à le reconnaître. Osons le dire : il y a une culture policière de la haine faite d'une somme d'acrimonies contre de multiples victimes expiatoires potentielles, acrimonies qui ne demandent qu'à s'exprimer pour peu que l'autorité supérieure oublie , de façon plus ou moins sournoise ou calculée, de maintenir les garde-fous nécessaires à l'existence d'une « bonne police ». Il s'agit là d'une culture très masculine, en partie alimentée par les évolutions sociales des dernières décennies probablement mal acceptées en ces lieux du virilisme traditionnel. Les objets de l'acrimonie ambiante sont fort disparates et forment un curieux patchwork : acrimonie envers les femmes, les homos, les migrants, les écolos, les jeunes des cités, etc. Si cette culture particulière faisant système n'existe pas comment comprendre que l'on écrabouille sauvagement le campement précaire de migrants, qu'un coup de volant à droite fasse volontairement chuter un scooter et ses jeunes occupants, que des mains assermentées se glissent brutalement dans la culotte de jeunes manifestantes, que l'on retarde dramatiquement les secours dépêchés vers les nombreux blessés par le déluge de grenades de Sainte-Soline ? Alors, nous ne pouvons confondre la haine avérée d'une partie non négligeable des forces de l'ordre et « la rage de ceux que l'on piétine » pour reprendre l'expression du philosophe Etienne Balibar. La haine est un sentiment installé a priori sur des préjugés tenaces tandis que la rage est une réaction s'exprimant a posteriori consécutivement aux souffrances physiques ou morales infligées à diverses catégories du corps social. Il est plus que temps de mettre fin aux calamiteuses confusions, de faire entendre un autre récit que celui des fachos en herbe. Pourquoi pas par la multiplication des concerts de casseroles rageuses ?</p></div> Iran : « Femmes, Vie, Liberté » http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2802 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2802 2022-09-29T10:58:00Z text/html fr Léon Deffontaines <p>dans Avant-garde, la revue des Jeunesses Communistes, reprend l'un des slogans des manifestations en Iran contre la tyrannie du pouvoir envers les femmes en particulier, mais pas seulement. Il rend hommage au courage des femmes iraniennes face à la sévère répression (on parle d'une centaine d'assassinats, c'est le mot qui convient dans ce cas) et à leur lutte émancipatrice. Nous nous y associons en reprenant ce texte, court mais juste.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>Il suffira d'une étincelle, d'un rien, d'un geste. Il suffira d'une mèche rebelle, pour faire trembler un pays ultraconservateur dirigé d'une main de fer par des ayatollahs obscurantistes. Arrêtée pour un voile mal-porté, pour « port de vêtements inappropriés », puis assassinée par la police des mœurs iranienne, Mahsa Amini est devenue tout un symbole. « Un problème cardiaque soudain » aurait arraché la vie à la jeune femme de 22 ans d'après la police. Ils osent tout, c'est même à cela qu'on les reconnait. Le responsable de la police de Téhéran déclare déjà « qu'il n'y a pas eu de négligence, ou de comportement inapproprié de la part des policiers ». L'enquête demandée par le président iranien est une goutte d'eau qui n'arrive évidemment pas à éteindre la colère des femmes iraniennes.</p> <p>Une vague de manifestations déferle sur le pays. Celles-ci ne se cantonnent pas à la région de naissance de Mahsa Amini, au contraire, le feu semble prendre dans tout l'Iran. Ici, des femmes brûlent leur voile pour conclure une danse libératrice. Là, des manifestantes crient « Femme, vie, liberté », ou encore « A bas le dictateur ». Des étudiants à Téhéran rejoignent le mouvement, d'importants rassemblements ont lieu dans différentes facs de la capitale. Les manifestations vont-elles réussir à se massifier ? Vont-elles réussir à tenir dans la durée ? Vont-elles se multiplier ? Apportons tout notre soutien à la libération des femmes iraniennes. La seule réponse du gouvernement est la limitation d'internet, l'usage de la force, le gaz lacrymogène, les armes à feu, les tirs à balle réelle. Plusieurs morts ont déjà été recensés dans les manifestations d'après différentes sources. Les Iraniennes se tiennent debout face à l'Histoire. Les dirigeants préfèrent se voiler la face devant une société qui bouge. Jusqu'à quand tiendront-ils le pays ? La suite est entre les mains du peuple iranien.</p> <p><i>Article publié dans L'Avant-Garde <a href="http://www.lavant-garde.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>www.lavant-garde.fr</a> </i></p></div> Police : l'impasse de la surenchère répressive http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2651 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2651 2021-07-14T22:20:00Z text/html fr Vincent Zizaire <p>Pour analyser les politiques répressives qui se succèdent, sujet générant des passions, un regard universitaire ayant le recul nécessaire est le bienvenu. C'est ce que propose Vincent Sizaire (Maître de conférence associé, membre du centre de droit pénal et de criminologie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières) dans cet article paru sur le site The Conversation</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>Au-delà des tragédies individuelles, les meurtres de deux fonctionnaires de police survenus à Rambouillet et Avignon interpellent. Le 19 mai les syndicats policiers manifesteront devant l'Assemblée nationale, réclamant entre autres, « la mise en œuvre de peines minimales pour les agresseurs des forces de l'ordre ». Nombre d'élus et de représentants politiques ont par ailleurs appelé à plus d'effectifs et de moyens. Mais un nouveau durcissement de la répression des violences commises à leur encontre constitue-t-il vraiment une réponse à la hauteur de la dégradation des conditions d'intervention que révèlent ces faits ?</p> <p><strong>Les sanctions encourues déjà très élevées</strong></p> <p>Ainsi, il faut rappeler que les sanctions encourues au titre des crimes commis à l'encontre des policier·e·s sont d'ores et déjà les plus élevées qui puissent être dans une société démocratique, à telle enseigne que l'ensemble des propositions de réforme annoncées par le gouvernement sont d'ores et déjà en vigueur. Passible de l'emprisonnement à perpétuité, le meurtre d'un fonctionnaire de police expose son auteur à une période de sûreté – c'est-à-dire la période durant laquelle la peine ne peut être aménagée – de 30 ans depuis 2011, tandis que la suppression des crédits de réduction des peines pour les personnes condamnées à ce titre vient d'être adoptée par le Parlement. Comme l'ont tragiquement démontré les derniers évènements, l'aggravation continue des peines encourues auquel le législateur a procédé ces dernières années n'a aucun effet dissuasif. De la même façon, les accusations de laxisme de la réponse judiciaire brandies par certains syndicats de policiers ne résistent pas à l'examen des faits : depuis le début du siècle, la population carcérale a crû de 60 %, tandis que la durée moyenne des peines d'emprisonnement n'a cessé de s'élever, pour les infractions commises au préjudice de policiers comme pour les autres.</p> <p><strong>La surenchère contribue à la crise de l'autorité des forces de police</strong></p> <p>Il apparaît d'autant moins approprié de poursuivre sur la voie de la surenchère répressive que celle-ci contribue largement à la crise de l'autorité des forces de police et, partant, à l'accroissement du risque qu'elles soient victimes d'agression. La surenchère tend à présenter l'institution comme étant au-dessus des lois, rompant ainsi le lien de confiance qui doit l'unir à la population. Le modèle pénal républicain qui est sensé être le notre s'est en effet construit sur le modèle d'une stricte égalité devant la loi et, en particulier, de la soumission des agents publics au même cadre juridique que les autres citoyens. C'est pourquoi les sanctions encourues au titre des infractions commises par les policiers sont aggravées de la même façon que celles commises à leur préjudice. Or les pouvoirs publics semblent aujourd'hui vouloir édifier un véritable droit d'exception pour la répression de ces dernières. Une tendance qui s'observe dans l'évolution récente du cadre légal et notamment la volonté de réduire les possibilités de réduction de peine des personnes condamnées du chef d'un crime commis à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, alors qu'une telle mesure vise normalement à tenir compte du comportement de la personne en détention, quelle que soit la nature de l'infraction commise.</p> <p>Une mise sous pression Mais c'est surtout au stade de l'application de la loi que cette logique d'exception se manifeste, au risque d'affecter le droit au procès équitable des personnes soupçonnées ou accusées d'un crime contre un policier. Le gouvernement a ainsi annoncé une nouvelle circulaire de politique pénale pour enjoindre aux magistrats, dès le stade de l'enquête, à une répression rapide et exemplaire des faits dénoncés. Une mise sous pression qui ne peut qu'affecter l'impartialité objective de la procédure, qui suppose que les conditions institutionnelles et matérielles dans lesquelles elle se déroule garantissent l'absence de préjugement. Ce risque d'une justice expéditive est d'autant plus problématique que, parallèlement, de réels freins continuent d'entraver la sanction effective des usages abusifs de la force commis par certains policiers, ainsi qu'en témoignent les avis du défenseur des droits, mais aussi la condamnation récurrente de la France par la Cour européenne des droits de l'homme à ce titre.</p> <p><strong>Un déséquilibre qui alimente la logique de défiance</strong></p> <p>Au final, un tel déséquilibre ne peut que renforcer la logique de défiance et de confrontation entre la police et la population qui prévaut aujourd'hui et qui participe grandement de la dégradation de ses conditions d'intervention. C'est donc à cette défiance qu'il faut remédier en priorité si l'on veut restaurer effectivement l'autorité de l'institution, condition nécessaire à un exercice plus apaisé de ses missions. À ce titre, il est des revendications policières qui, pour être moins médiatisées que les prises de position en faveur d'un accroissement sans fin de l'arsenal répressif, n'en reflètent pas moins l'aspiration de nombreux agents. En premier lieu, l'on pourrait prendre au sérieux la demande d'un recentrage des policiers sur leur « cœur de métier ». Les deux dernières décennies ont vu une extension continue du domaine d'intervention des forces de l'ordre, depuis les désordres scolaires jusqu'à la vente à la sauvette, en passant par la police de la mendicité ou même celle des cages d'escaliers…</p> <p><strong>Des policiers en première ligne</strong></p> <p>Projetés en première ligne dans la lutte contre les formes de déviance auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics, les policier.es peinent à trouver les réponses adaptées à ce qui relève avant tout d'une réponse éducative ou médico-sociale et deviennent dès lors les premières cibles de nombre de récriminations de la population. En leur permettant de se concentrer sur leurs missions d'élucidation des infractions et de sécurisation de l'espace public, en faisant en sorte que leur intervention ne soit requise que lorsque les autres formes de réponse sont manifestement insuffisantes, on œuvrerait non seulement à restaurer leur autorité, mais aussi à leur conférer une plus grande maîtrise de leurs conditions d'intervention. La même observation peut être faite s'agissant des opérations de maintien de l'ordre. Décriée en raison du rôle qu'elle a joué dans l'explosion des violences lors des manifestations sur la voie publique que l'on observe depuis 2016, la doctrine officielle est aussi largement contestée en interne en raison de la déprofessionnalisation de la sécurisation de l'espace public qu'elle induit, faisant intervenir aux côtés des gendarmes mobiles et des compagnies républicaines de sécurité des agents n'ayant reçu aucune formation ni préparation. Réviser en profondeur cette doctrine pour substituer à une logique de confrontation une logique de dialogue et de désescalade faisant intervenir exclusivement les agents formés à cet effet permettrait, là encore, de renforcer conjointement l'autorité de l'institution policière et les conditions d'intervention de ses agents.</p> <p>Comme le relevait déjà Cesare Beccaria, auteur au XVIIIe siècle du célèbre Traité des délits et des peines, prétendre empêcher la commission de certains actes par leur simple pénalisation constitue une « chimère que poursuivent les hommes aux facultés limitées quand ils ont en main le pouvoir ». Faire face à la crise que traverse aujourd'hui la police et, plus largement, notre système répressif, suppose moins une nouvelle incantation punitive que des réponses concrètes et pragmatiques.</p> <p><i>Paru dans <a href="https://theconversation.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://theconversation.com</a></i></p></div> Un dépôt de plainte. http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2643 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2643 2021-06-13T20:25:00Z text/html fr Alain Filou <p>Fidèle lecteur du Cactus, Alain Filou, comme son nom ne l'indique pas, est un citoyen vertueux et tranquille. Pour la première fois de sa vie, il a décidé de porter plainte, suite à la diffusion par Youtube d'une vidéo singeant l'assassinat de militants insoumis. Il nous explique pourquoi, et comment.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>Bonjour à toutes et à tous, A bientôt 73 ans, pour la première fois de ma vie je viens, ce matin, de déposer une plainte. Vous en trouverez le texte ci-après. Elle est enregistrée sous le numéro de parquet 21162000150. Je l'ai déposée pour deux raisons : d'une par ce que je me sens effectivement menacé, et de deux, et surtout, par ce que je suis scandalisé que l'on ose agir pour tenter de faire baisser encore plus la participation aux élections. Je me suis aperçu que, mine de rien, les deux zozos se disant Papacito et Code Rheino n'attaquent pas moins de trois des quatre droits fondamentaux qui me sont garantis par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et donc par l'actuelle constitution, à savoir : ma liberté (de choisir), ma Sureté (c'est comme ça que les pères fondateurs appelaient ce qui est devenu Sécurité), mon droit de résister à l'oppression que j'estime mettre en œuvre dans mes votes ; ça fait quand même un peu trop pour que je reste sans réagir.</p> <p>Du coup, je me suis aperçu que depuis le temps que je disais que la république me donnait des droits, je ne les utilisais pas forcément beaucoup. Ce qui fait que le texte que vous avez en page jointe est enregistré au tribunal de Paris. J'avais envie de vous dire ça parce que c'est quand même un évènement dans ma vie et puis aussi pour vous dire que si, comme moi, vous êtes de plus en plus chatouillés par ces mises en causes de plus en plus fréquentes de nos libertés et/ou par le fait que la volonté générale est une chose qui a une importance certaine dans la conduite de la chose publique, rien ne vous interdit de faire comme moi. Merci de m'avoir lu, portez vous bien, amitiés et/ou bisous.</p> <p><i>Objet : Dépôt de plainte du chef de provocation directe non suivie d'effet à commettre des atteintes volontaires à la vie et/ou à l'intégrité de la personne (article 24 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881)</p> <p>Madame, Monsieur le Procureur de la République, Je soussigné Alain FILOU , Né le 22 juillet 1948 à Coulombiers, Vienne (86), de nationalité Française, demeurant … A l'honneur de déposer plainte entre vos mains contre X pour les faits suivants :</p> <p>Le 6 juin 2021, une vidéo intitulée « Le gauchisme est-il pare balles ? » a été mise en ligne sur le réseau YouTube. Cette vidéo met en scène le YouTubeur Papacito, militant revendiqué d'extrême droite. Avec un dénommé « Code Rheino », tous deux revêtus de tenues paramilitaires, les protagonistes de la vidéo s'attèlent à mettre en pièces un mannequin en plastique représentant un stéréotype désolant de l'électeur de La France Insoumise, à grand renfort d'armes à feu et de couteaux de chasse. J'ai été très choqué de constater la mise en scène du meurtre d'un électeur de La France Insoumise, identifiable dans la vidéo visant expressément « les personnes qui votent pour le parti de Jean-Luc Mélenchon ». Force est de constater que les propos provoquent à la commission de violences envers une catégorie de citoyens, ciblés pour leurs convictions, à laquelle j'appartiens.</p> <p>L'article 24 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 incrimine la provocation directe, notamment par tout moyen de communication au public par voie électronique, non suivie d'effet, à commettre des atteintes volontaires à la vie ou des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne. L'élément intentionnel de ce délit réside dans la volonté ou la conscience de l'auteur de créer, par un acte de provocation l'état d'esprit propre à susciter la commission du crime ou du délit. Or, il m'apparaît que, tant l'état d'esprit que les termes de la vidéo, extrêmement violents et explicites à l'égard des militants/ sympathisants de La France Insoumise et des électeurs de gauche, ont vocation à susciter des actes de violence à leur encontre. La vidéo, en banalisant le recours aux armes, met les internautes dans un état d'esprit selon lequel, ils pourraient à leur tour acquérir de telles munitions et en faire usage dans leur jardin, ou tout simplement sur ma personne.</p> <p>Une telle perspective, revendiquée sur YouTube, est tout simplement intolérable et angoissante ! C'est la raison pour laquelle j'entends déposer plainte entre vos mains du chef de provocation directe non suivie d'effet à commettre des atteintes volontaires à la vie et/ou à l'intégrité de la personne, visé et réprimé par l'article 24 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, contre tout auteur que votre enquête permettra d'identifier. Je vous remercie par avance de toute l'attention que vous porterez à la présente plainte et de me tenir informé.e des suites que vous entendrez y donner. Je vous prie de recevoir, Madame, Monsieur le Procureur de la République, l'expression de mes salutations distinguées. Alain Filou </i></p></div> Un militant pacifique harcelé par la police et la justice http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2647 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2647 2021-06-09T20:48:00Z text/html fr Jean-Pierre Anselme <p>Frédéric Vuillaume, syndicaliste franc-comtois eut la mauvaise (selon la police) idée de participer à des manifestations des gilets jaunes. Résultat : sept gardes à vue en deux ans, des inculpations ineptes à répétition. Et heureusement à chaque fois des relaxes. Jean-Pierre Anselme nous décrit ce harcèlement</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>Hasard du calendrier, quelques heures après la manifestation policière du 19 mai, Frédéric Vuillaume, syndicaliste et Gilet jaune, qui subit depuis deux ans un harcèlement continu de la part de la police et de la justice (gardes à vue, arrestations, amendes, poursuites...), passera en procès le 20 mai pour sa participation à une manifestation contre la loi « Sécurité Globale ». Frédéric Vuillaume a 49 ans. Il habite à Besançon où il est agent d'entretien dans un lycée depuis plus de 20 ans. En plus de son activité professionnelle, il est un militant de longue date, syndiqué à Force Ouvrière. Ce père de famille n'avait jamais eu à faire à la police ni à la justice avant de s'impliquer dans le mouvement des Gilets Jaunes. Sa participation pacifique au mouvement a donné lieu à de nombreuses gardes à vue, arrestations, amendes et poursuites en justice. Son histoire est emblématique du harcèlement dont certains manifestants pacifiques peuvent faire l'objet en France.</p> <p>Chronologie d'un acharnement : deux ans, sept gardes à vue</p> <p>17 novembre 2018 : Frédéric Vuillaume participe au premier rassemblement du mouvement des Gilets Jaunes, sur un rond-point à Besançon. Tous les samedis à partir de cette date, il portera son gilet jaune, mégaphone à la main. 27 décembre 2018  : La police arrête Frédéric Vuillaume à une manifestation du mouvement des Gilets Jaunes. Il passe huit heures en garde à vue pour « organisation d'une manifestation non déclarée » et « participation à un rassemblement susceptible de troubler l'ordre public ». Il est remis en liberté sans inculpation. 27 février 2019  : Frédéric Vuillaume est de nouveau convoqué au commissariat. La police l'informe qu'il fait l'objet d'une enquête pour participation à un « groupement en vue de la préparation de violences », « entrave à la circulation et organisation d'une manifestation non déclarée ». Il est détenu pendant plus de cinq heures avant d'être libéré, sans inculpation. 28 février 2019  : À 6 h 30 du matin, la police perquisitionne son domicile et saisit son téléphone, son ordinateur portable et celui de son ex-épouse. Il passe ensuite 12 heures en garde à vue pendant laquelle les policiers l'interrogent au sujet de ses publications sur Facebook. Ils affirment qu'il est l'un des organisateurs des manifestations non déclarées alors qu'il se contente de partager des informations sur les réseaux sociaux. Une fois encore, aucune poursuite n'est engagée à l'issue de cette garde à vue. 13 mars 2019  : Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Christophe Castaner est en déplacement à Besançon. À cette occasion, plusieurs Gilets Jaunes manifestent pour dénoncer notamment les violences policières. À ce titre, Frédéric Vuillaume scande alors à haute-voix, avec les autres manifestants : « Castaner assassin ! ». Un slogan qui lui vaut 24 heures de garde à vue et une condamnation pour outrage. Après deux ans de procédures judiciaires, le 23 mars 2021, la Cour de cassation a annulé sa condamnation. 17 décembre 2019 : Il est arrêté lors d'une manifestation contre la réforme du système des retraites et passe 24 heures en garde à vue pour « entrave à la circulation ». Des poursuites sont engagées. 9 janvier 2020  : Il est placé en garde à vue après avoir participé à deux actions visant à ralentir le trafic routier afin de protester contre la réforme du système des retraites. Il passe 24 heures en garde à vue pour « entrave à la circulation ». Des poursuites sont aussi engagées et les deux affaires,17 décembre et 9 janvier, sont regroupées. 29 juin 2020  : La décision dans les deux affaires relatives au délit d'entrave à la circulation tombe  : Frédéric Vuillaume est relaxé. 5 décembre 2020  : Il participe à une manifestation contre la proposition de loi « Sécurité Globale ». à Dijon. Il est arrêté et placé en garde à vue pendant 44 heures. Il est poursuivi pour délit d'« attroupement ». 20 mai 2021 : Son procès a eu lieu. Il y risquait un an de Prison et 15.000 € d'amende. Au grand dam de M. Darmanin, Frédéric Villaume est une fois de plus relaxé.</p> <p>Des violences cachées mais bien réelles</p> <p>Avant 2018, ce père de famille n'avait jamais eu à faire à la police, ni à la justice. Ces interpellations et procès à répétition ne sont pas anodins : passer des heures en détention laisse des traces, attendre des procès est source de stress. Cet acharnement est une forme de violence qui peut avoir des effets dévastateurs. Des violences qu'on ne voit pas mais qui sont bien réelles. En deux ans, il a passé plus de 140 heures en garde à vue. Frédéric Vuillaume : « Aujourd'hui, en France, manifester, revendiquer deviennent des délits et j'en suis malheureusement un exemple bien vivant. J'ai bientôt 50 ans et je n'avais jamais fait de garde à vue, je n'avais jamais eu de procès ».</p></div> TRIBUNE : Tribunes militaires et policières et hégémonie culturelle http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2634 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2634 2021-05-09T21:34:00Z text/html fr Said Bouamama <p>Nous ne partageons pas toujours les prises de position de Said Bouamama. mais nous avons considéré que sa réaction, argumentée, aux différentes tribunes publiées par des cercles d'origine militaire ou policière apportent des éléments de réflexion qu'il convient de considérer</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>La montée de l'extrême-droite aux élections municipale de 1900 avait suscité à Georges Clémenceau la déclaration suivante : « En ce moment, c'est la dictature du sabre et du goupillon qui est à l'ordre du jour ». Il soulignait ainsi les deux assises de l'offensive des droites nationalistes de la séquence historique : l'idéologie cléricale appelant à lutter contre la décadence et la dépravation et le pouvoir militaire s'exprimant pour un retour autoritaire à l'ordre. L'entre-deux-guerres et ses ligues sont également caractérisés par le double discours de la décadence et du péril civilisationnel comme diagnostic et d'appel à un retour viril à l'ordre comme solution. Ces deux séquences historiques sont par ailleurs inscrites dans un contexte de crise sociale et économique, de colères sociales massives et de crise de légitimité du pouvoir. Une série de tribunes et déclarations collectives récentes de militaires et de policiers d'une part et les contours de notre contexte contemporains [avec des ingrédients de même nature que ceux des deux séquences évoquées ci-dessus] d'autre part, réinterrogent l'articulation actuelle de ces deux assises du pouvoir [la contrainte violente et l'idéologie].</p> <p><strong>Du discours de la décadence à celui du délitement</strong></p> <p>En quelques semaines nous avons vu la succession d'une tribune de militaires de réserve, une autre de militaires dits d'active et une lettre ouverte au président de la République du syndicat Police-France, sans compter, bien entendu, les multiples déclarations de droites et du Rassemblement National affirmant « comprendre le malaise » qui s'exprime. Dans l'ensemble de ces textes et déclarations le cœur de l'analyse est identique et est exprimé comme suit dans la tribune signée par « une vingtaine de généraux, une centaine de hauts gradés et plus d'un milliers d'autres militaire » de réserve selon l'hebdomadaire Valeurs actuelles qui lui offre ses colonnes :</p> <p><i>Or, notre honneur aujourd'hui tient dans la dénonciation du délitement qui frappe notre patrie : – Délitement qui, à travers un certain antiracisme, s'affiche dans un seul but : créer sur notre sol un mal-être, voire une haine entre les communautés. […] – Délitement qui, avec l'islamisme et les hordes de banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre constitution. […] – Délitement, car la haine prend le pas sur la fraternité lors de manifestations où le pouvoir utilise les forces de l'ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des Français en gilets jaunes exprimant leurs désespoirs. […] Les périls montent, la violence s'accroît de jour en jour </i></p> <p>La répétition du terme délitement désigne le mal et pose un diagnostic appelant logiquement un remède précis. Ce mot renvoie à un champs lexical résumé comme suit par différents dictionnaires : désagréger, fragmenter, dissoudre, se décomposer, exploser, imploser, etc. En outre le terme renvoie également à l'idée d'un processus inscrit dans la durée marqué par une aggravation progressive pouvant aboutir à un point de non-retour. La « patrie » serait ainsi devant un péril imminent conduisant à terme à sa disparition. Comme nous l'avons souligné en introduction ce n'est pas la première fois dans l'histoire du capitalisme en général et du capitalisme français en particulier qu'apparaissent ces images rhétoriques d'un déclin mortel nécessitant une réaction d'exception urgente. Toutes les séquences de fascisme réel que nous avons connues sur la planète se sont légitimées à partir de ces images nommées déclin et décadence hier et délitement aujourd'hui. Si les causes avancées peuvent être différentes [Les juifs, les francs-maçons, les communistes et le parlementarisme hier, les musulmans, les « séparatistes » et les islamo-gauchistes aujourd'hui] le diagnostic reste identique. Toutes ces séquences ont également été caractérisées par l'idée d'une mission exceptionnelle pour enrayer le déclin à confier aux institutions détentrices du « monopole de la violence physique légitime » selon l'expression du sociologue Max Weber c'est-à-dire à l'armée et la police.</p> <p>La lettre ouverte du syndicat Police-France précise les contours de cette mission exceptionnelle : <i>« Dans le cadre de l'état d'urgence, il faut procéder au bouclage des 600 territoires perdus de la République, y compris avec le renfort de l'Armée, en contrôlant et en limitant les entrées et sorties de ces zones par des checkpoints sur le modèle israélien de séparation mis en place avec les territoires palestiniens. » </i> Certes il faut toujours se méfier des parallèles historiques et les différences de contexte doivent toujours être prises en compte mais l'écho avec le discours des ligues fascistes dès leur première apparition à la fin du dix-neuvième siècle est indéniable. Voici comment l'historien Serge Berstein résume le discours de celles-ci, le diagnostic qu'elles posent et le remède qu'elles préconisent :</p> <p>La défaite française résulte de la longue décadence que la démocratie a provoquée dans le pays. Aussi remet-il [Déroulède le principal dirigeant de la ligue des patriotes] en cause la philosophie des droits naturels, l'égalitarisme, les conceptions universalistes, le libéralisme. Le mal étant identifié, le remède s'impose de lui-même. Pour que la revanche soit possible et que les provinces perdues soient reconquises, il faut créer une France nouvelle, une société disciplinée, régie par un pouvoir autoritaire, organisée sur le modèle militaire avec le respect de la hiérarchie et le culte du sacrifice. Et cette mutation exige l'abandon du système parlementaire vu comme synonyme de bavardages, de faiblesse et d'impuissance.</p> <p>La même logique de raisonnement se retrouve avec les ligues de l'entre-deux-guerres dans le contexte de la crise de 29, dans le discours pétainiste sur la Révolution Nationale, dans le discours nazi sur la dégénérescence de la race allemande, dans le discours mussolinien sur la « décadence des hiérarchies » qui signifierait « la décadence des Etats », etc. Sans conclure à la similitude totale des situations, les points communs avec notre contexte contemporain ne doivent pas être négligés alerte l'historien Michel Winock : <i>« Plus que jamais le changement brutal que connaît le XXe siècle stimule le discours de la décadence, l'appel au sauveur et le refuge dans une pensée au sens propre réactionnaire ».</i></p> <p><strong>Les nouvelles configurations de l'hégémonie culturelle comme consensus idéologique</strong></p> <p>Un autre point commun entre les trois séquences historiques évoquées ci-dessus [la fin du dix-neuvième et ses ligues « patriotiques », l'entre-deux-guerres et ses ligues nationalistes et aujourd'hui et sa fachosphère] est justement ce « changement brutal » qu'évoque Michel Winock. La première se caractérise par le paiement de l'impôt de guerre suite à l'accord de Francfort réglant la fin de la guerre franco-prussienne de 1870 d'une part et par ce que certains économistes ont appelés la « longue dépression » du fait qu'elle s'étale de 1873 à 1896 d'autre part. La seconde est inséparable de la crise de 29. La troisième enfin est indissociable de la nouvelle régulation du capitalisme du fait de ladite « mondialisation ». Dans les trois cas des effets comparables sont repérables : paupérisation rapide et massive des classes populaires, déclassement des dites « couches moyennes », explosion du chômage et montée en radicalisation des luttes sociales et des pratiques de « violences légitimes » visant à les contenir par la répression.</p> <p>Ces trois contextes différents mais porteurs de quelques invariants structurants ont suscités à la fois des organisations politiques appelant à la prise du pouvoir fasciste, des mesures législatives gouvernementales des restrictions des droits et libertés d'une part et de pénalisation de la contestation d'autre part [ce que les antifascistes des années trente appelaient le processus de fascisation], l'appel à un « sauveur » s'appuyant sur les « forces de l'ordre » [armée et police] pour sauver le pays du déclin et des prises de parole policières et militaires allant dans ce sens et enfin une nouvelle configuration du discours idéologique dominant partagée à la fois par le pouvoir en place et par les groupes fascisant qui le contestent. Ce dernier aspect est, selon nous essentiel. Dans ces trois séquences historiques le désaccord sur les solutions entre groupes fascisants et pouvoir en place s'accompagne d'un accord sur le diagnostic de la situation.</p> <p>L'accord n'est certes pas total et le discours idéologique tenu varie sur la gravité de la crise, sur l'ampleur et l'imminence du danger, sur les solutions à apporter, sur la figure du danger désignée, etc. Cependant l'idée d'une « menace extérieure » portée par des groupes sociaux précis [les juifs et les bolcheviks hier, les musulmans ou les « islamistes » et les islamogauchistes aujourd'hui] introduisant un virus mortel pour la nation fait l'objet d'un consensus entre groupes fascistes et pouvoir en place dans ces trois séquences historiques.</p> <p>Autrement dit le consensus idéologique repérable est celui portant sur les causes de la crise subie par les classes populaires c'est-à-dire sur le fait de les situer à l'extérieur du système social capitaliste et des choix économiques mis en œuvre par le pouvoir en place. Cette opération d'externalisation de l'explication des crises peut se dérouler, selon nous, selon deux modalités essentielles. La première est la construction d'un « ennemi extérieur » comme l'a été pendant des décennies l'URSS sous la forme du discours sur le « péril rouge ». La seconde est l'ethnicisation des questions sociales posant un groupe social « ethniquement » défini [ou religieusement, ou culturellement, etc.] comme la cause première du péril. Les deux modalités peuvent, bien entendu s'articuler aisément comme dans la version du péril judéo-bolchévik que nous avons connus dans l'entre-deux-guerres ou dans celle de l'alliance islamogauchiste que dénoncent les tribunes militaires et policières évoquées et avant elles le discours officiel du gouvernement.</p> <p>Un tel discours idéologique ne peut avoir des chances d'être efficace qu'en suscitant une logique de panique, de peur, d'angoisse, etc. C'est la raison pour laquelle il se développe fortement par l'invention d'une différence « ethnique » beaucoup plus que par l'instrumentalisation d'une différence « objective ». Au moment où les « Juifs » hier et les musulmans aujourd'hui sont désignés comme cause de tous les maux de la société française en France comme ailleurs, ils sont déjà et depuis longtemps devenus français. Les discours sur l'impossible « assimilation » hier ou sur la « crise de l'intégration » [ou encore sur l'incompatibilité de l'Islam et des « valeurs de la République »] aujourd'hui, correspondent à une invention de la « différence » à des fins d'imposer un clivage entre deux composantes de la population française populaire en lieu et place du clivage de classes. L'ennemi extérieur est certes toujours présent mais sa dangerosité est accrue par l'existence d'un « ennemi intérieur » et par les alliances possibles entre eux. L'obligation de porter une étoile jaune portant la mention « juif » a pour objectif justement de rendre visible une « différence » qui ne l'était plus depuis longtemps. Le basculement du discours anti-immigré vers un discours antimusulman n'est pas sans lien avec cette logique de désignation d'un ennemi de l'intérieur d'autant plus dangereux qu'il est « intégré », d'autant plus périlleux qu'il est « invisible » ou qu'il se cache, d'autant plus pernicieux qu'il est présent dans nos syndicats, nos universités, nos associations, nos écoles, etc. La seconde condition d'efficacité d'une telle logique de panique est de mettre en scène des scénarios catastrophes en visibilisant des résultats catastrophiques supposés du « laxisme » face aux dangers qui menacent. La seconde tribune militaire émanant cette fois de militaires d'actives alerte ainsi sur les dangers à venir :</p> <p><i>Oui, nos aînés ont raison sur le fond de leur texte, dans sa totalité. Nous voyons la violence dans nos villes et villages. Nous voyons le communautarisme s'installer dans l'espace public, dans le débat public. Nous voyons la haine de la France et de son histoire devenir la norme. Ce n'est peut-être pas à des militaires de dire cela, arguerez-vous. Bien au contraire : parce que nous sommes apolitiques dans nos appréciations de situation, c'est un constat professionnel que nous livrons. Car cette déchéance, nous l'avons vue dans bien des pays en crise. Elle précède l'effondrement. Elle annonce le chaos et la violence, et contrairement à ce que vous affirmez ici où là, ce chaos et cette violence ne viendront pas d'un “pronunciamento militaire” mais d'une insurrection civile</i></p> <p>Hier comme aujourd'hui le discours sur la menace invisible se complète par un discours territorial dans lequel certaines zones géographiques sont construites comme symbole du danger qui menace l'ensemble de la nation. Les « hordes de banlieue » de la tribune dites des généraux ou les « 600 territoires perdus » à « boucler par des checkpoints sur le modèle israélien de séparation » ne sont rien d'autres que la version contemporaine de la territorialisation du danger. Une telle logique appelle inévitablement à des pratiques d'exception comme le propose ce syndicat de police.</p> <p>La nouvelle configuration idéologique de l'hégémonie culturelle dominante à base de « guerre » contre le terrorisme, le communautarisme, le séparatisme d'une part et de territorialisation du danger sous la forme du discours sur les « territoires perdus de la République » d'autre part constitue bien un consensus idéologique entre le pouvoir en place et ses contestataires d'extrême-droite. La logique électorale conduit la droite à la reprise de ce consensus. Plus grave l'emprunt par de larges pans de la gauche d' « éléments de discours », comme disent les libéraux, issus de cette nouvelle configuration de l'idéologie dominante, contribue objectivement à l'enracinement de celle-ci. Dans le combat pour l'hégémonie culturelle aucun emprunt à l'adversaire n'est possible sans le renforcer. L'illusion d'une reprise de certains thèmes dominants en les « adoucissant » conduit inévitablement à renforcer cette nouvelle configuration.</p> <p><strong>L'appel au sécuritaire comme accompagnement politico-médiatique</strong></p> <p>Bien entendu les « 600 territoires perdus » ne sont pas exempts de facteurs de dégradation. L'idéologie n'est que rarement entièrement hors sol. Elle s'appuie fréquemment sur des constats sociaux indéniables mais pour en proposer des attributions causales faisant écran à la perception des véritables causes sociales, économiques et politiques. Les fameux « 600 territoires perdus » se caractérisent tous par des taux de pauvreté hallucinants. Ils ne sont que la partie la plus visible de l'iceberg du déclassement social subit ces dernières décennies par l'ensemble des classes et quartiers populaires. La réaction à ces changements brutaux et massifs ne sont pas univoques. La colère sociale prend des canaux divers d'expressions. Certains de ceux-ci orientent vers le collectif, la solidarité et la résistance. D'autres vers l'individualisme, la guerre de tous contre tous et l'adaptation au pire pour survivre. Les quartiers populaires en général et les « 600 territoires » en particulier ne sont ni les jungles humaines où la violence est constante que décrivent les médias sensationnalistes, ni des havres de paix et de solidarité que renvoient en réaction certains militants. Ils sont les deux à la fois avec des variations selon les endroits, les moments, les structures collectives encore disponibles, etc. Ce qui est constant en revanche c'est la triple violence qu'ils subissent : la violence sociale de la précarité économique d'autant plus destructrice qu'elle n'est pas exercée par un acteur visible d'une part, la violence de la surveillance policière spécifique d'autre part et en particulier des contrôles au faciès humiliants et la violence du discours médiatiques les décrivant comme espaces de « sauvagerie ». C'est pourquoi nous parlions dans un article antérieur de « violences atmosphériques ».</p> <p>C'est dans ce contexte global qu'il convient de restituer la dégradation des rapports avec la police depuis plusieurs décennies. Une socialisation précoce [quasi-enfantine] et négative à l'institution policière s'est installée du fait du type de présence des agents de cette institution [contrôle à répétition, interventions guerrières, type d'armements, etc.] dans de nombreux quartiers. Les interactions avec la police sont perçues comme porteuses de dangers, d'humiliations potentielles et de rapports de force. La présentation médiatique et politique d'agents des forces de l'ordre victimes de violences grandissantes déconnectée de ce contexte global est réductrice. Elle amplifie ces « agressions », masque les causes profondes et produit une demande grandissante de sécuritaire sur laquelle surfe l'extrême-droite et sur laquelle s'appuient les tribunes militaires pour appeler à un régime d'exception pour une partie précise de la population.</p> <p>La colère sociale d'« en bas » que les « Gilets Jaunes » ont symbolisé et visibilisé est une conséquence de l'insécurité sociale. La pandémie et sa gestion ont encore accrue cette dernière faisant craindre aux classes dominantes de nouvelles expressions plus radicales de la contestation de l'ordre établi. La gestion libérale du financement du coût économique de la pandémie conduit de surcroît à de nouvelles mesures austéritaires qui ne peuvent qu'amplifier encore cette contestation. Transformer la colère contre l'insécurité sociale en révolte contre « l'insécurité » est la logique de nombreux discours politiques et médiatiques récents successifs : polémiques sur les islamogauchistes fleurissant sur le terreau du laxisme, discours sur les rixes entre bandes de jeunes qui seraient en explosion quantitatives, instrumentalisation de l'émotion suscitée par la mort d'agents de force de l'ordre en affirmant pour elles aussi une hausse vertigineuse, injonction à l'unanimisme excluant tout débat sur les causes à chaque attentat ou agression contre un agent des forces de l'ordre, etc.</p> <p>Les réactions de certains médias vont dans la même direction de susciter une demande de sécuritaire globalement et d'appel à un homme providentiel pour certains. L'hebdomadaire Valeurs actuelles transforme une des tribunes des militaires en pétition publique et annonce le 10 mai qu'« ils sont déjà 784 000 à soutenir cet appel ». L'hebdomadaire Marianne feint de prendre de la distance en affirmant que la tribune des ex-généraux contient des « relents putschistes » mais pour mieux affirmer ensuite qu'elle « met le doigt là où ça fait mal[ ». LCI commande un sondage à la société Harris qui conclut que 58 % des personnes interrogées soutiennent cette tribune, que 86 % de ceux-ci considèrent que les lois de la République ne s'appliquent plus sur l'ensemble du territoire, que 84 % pensent que la violence augmente, que 74 % analysent l'antiracisme comme une des causes de la « dégradation » de la situation, que 73 % partagent l'affirmation de l'existence d'un « délitement » de la société et que 49 % se déclarent favorable à une intervention de l'armée « sans qu'on ne lui en donne l'ordre » pour garantir la sécurité. Bien sur les chroniqueurs médiatiques et pseudo experts sont s'en donné à cœur joie pour dénoncer, approuver ou nuancer les tribunes en question mais sur la base d'un constat partagé quasi-unanime sur le fameux pseudo « délitement » de notre société.</p> <p>Nous ne partageons pas l'affirmation de l'existence d'un danger fasciste à court-terme. La classe dominante n'en a ni le besoin politique, ni le besoin idéologique, ni les moyens politiques immédiatement disponibles. Sur le plan des besoins politiques, elle dispose encore de ressources électorales lui permettant d'espérer sauvegarder une façade légale et démocratique tout en poursuivant ses politiques néolibérales et en faisant de nouveau payer la facture du COVID aux classes populaires. Sur celui des besoins idéologiques, elle a réussi à imposer son hégémonie sur un large pan du champ politique [Jusqu'au sein d'une partie du Parti Communiste, de la France Insoumise et de l'extrême-gauche] sur les questions de la « laïcité », des « valeurs de la République », de la lutte contre le pseudo « séparatisme », etc. En témoignent les faibles mobilisations et/ou les silences assourdissants à propos de la loi sur le séparatisme. En témoigne également le contraste entre les appels à se mobiliser contre la loi sur la « sécurité globale » et ceux contre la loi sur le séparatisme alors qu'elles sont fondamentalement des « lois jumelles ». Sur le plan des moyens politiques enfin l'assise sociale et organisationnelle d'un pouvoir fasciste n'est pas encore suffisamment large.</p> <p>En revanche les tribunes militaires et policières indiquent qu'une partie de la classe dominante est inquiète des radicalisations possibles des luttes sociales. C'est cette partie que visait déjà l'extrême-droite avec son collectif « Audace Jeunes actifs Patriotes » depuis 2014 s'adressant aux dirigeants des PME [Petites et Moyennes Entreprises]et des TPE [Très Petites Entreprises] et son cercle « Audace » également créé en 2014 pour des entreprises plus importantes. C'est également cette partie qui a investie dans la promotion de nouveaux titres comme « Valeurs actuelles ». L'actionnaire principal de ce titre est ainsi Iskandar Safa qui était la 92ème fortune de France en 2020. Encore largement minoritaire cette fraction du patronat utilise sa presse comme ballon d'essai, comme mesure de l'opinion et de ses réactions aux différents thèmes de la bataille idéologique, comme outil d'analyse de son champ des possibles politique.</p> <p>Dans un tel contexte les tribunes militaires et policières apparaissent comme un des résultats de la bataille pour l'hégémonie culturelle menée depuis plusieurs décennies sur les thèmes de l'immigration, du pseudo-communautarisme, du soi-disant danger « séparatiste », des prétendues « menaces sur la laïcité », etc. L'illusion de combattre idéologiquement les conséquences [les fameuses tribunes, l'implantation de l'extrême-droite dans les institutions militaire et policière, etc.] sans s'attaquer aux causes [la nouvelle idéologie culturelle à base de « civilisation menacée »] est le principal élément de la dynamique de droitisation de la société française.</p> <p><strong>Paru dans : <a href="https://bouamamas.wordpress.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://bouamamas.wordpress.com/</a></strong></p> <hr class="spip" /></div> Farida http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2512 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2512 2020-07-14T00:09:00Z text/html fr José Sanchez <p>José Robalo, un ami sur facebouque (nous recommandons vivement sa page) nous a fait découvrir José Sanchez (très bonne page facebouque aussi). Nous publions ici un texte à la fois sensible et implacable à propos de Farida, cette soignante fortement rudoyée par les forces de l'ordre pour avoir jeté un caillou sur les robocops policiers.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>Quand vous êtes dans une manifestation, nassé par une police surarmé, qui soudainement se met à gazer tout l'espace respiratoire, et charge tout le monde sans distinction. Qu'ils arrivent sur vous avec cette violence sans qui milice ne serait pas milice, il y a des réactions humaines différentes. Tenter de fuir pour s'en protéger (nota : pas toujours possible), ou réagir avec colère à cette charge indécente. Ce sont deux réactions à la fois de courage et de peur, les deux. Deux réactions contre l'inhumanité de la situation que vous n'avez pas créée, mais que vous subissez.</p> <p>Je ne juge ni l'une, ni l'autre des réactions. Je juge par contre celle qui est violence organisée, préméditée, contre des manifestants désarmés, des citoyens qui défendent leurs droits, la justice sociale ou autre cause humaine. Je juge l'horreur de troupes qui, en toute lâcheté, s'en prennent avec violence, à des gens désarmés. C'est plus facile, hein les (z)héros ? Je juge des énergumènes qui violentent et tabassent une femme de 50 ans, 1,55m, qui ne résiste pas au moment de son interpellation, mais qui est un danger, parait-il, pour la douzaine de malabars hyper-armés, qui l'entourent, justifiant ainsi leur violence gratuite.</p> <p>Farida, 12 à 15 heures de travail par jour, pour un salaire de merde, a soigner les malades du COVID, qui a mis sa vie réellement (elle…) en danger, qui a du coup attrapé le covid, et qui est au bout du bout, qui en plus, doit prendre avec le sourire, ce matraquage policier en règle, alors qu'elle manifeste pour réclamer justice ! Elle aurait avant lancé un petit caillou de colère face à cette gentille police qui gazait et chargeait tout azimuts. Petit caillou et pas pavé, contrairement aux affirmations des menteurs assermentés ou des collaborateurs de tout le temps à jamais. Petit caillou, ramassé au sol, jeté à telle distance, que même un champion de lancer sur disque n'aurait pu atteindre sa cible, cible casqué, protégé par boucliers et super armure, ne pouvant même pas être chatouillé par ce caillou ridicule, symbole à lui seul de l'offense qui nous est faite.</p> <p>Quoi qui se soit passé avant la séquence violente sur cette infirmière, rien ne pourrait justifier la violence sur citoyen désarmé et interpelé. Rien. Interpellation ce n'est pas tabassage et torture. Et la police n'arrête que des présumés innocents. La police n'a pas à faire justice. Mais un petit caillou, vous pensez... Ce petit caillou, qui fait le bonheur de béeffeème et consorts, et des syndicats de l'extreme-droite aux tirs de LBD qui mutilent en chantant "c'est bien fait pour sa gueule !". Ce petit caillou ridicule, qui aurait fait mal au malabar robocop casqué et sous bouclier, ce membre du coté obscur de la force, dans un lamentable mensonge, comme seules les versions policières de l'histoire peuvent en offrir. Mais nous vivons dans un monde ou l'immonde à ses défenseurs. Ou la justice sociale et humaine rame pour se faire entendre. Ou elle est réprimée. Il y en a qui préfèrent le désordre vichyssois à la justice humaine. La rafle à l'humanité. Les gestapistes aux résistants. De tout temps à jamais. Moi, je suis Farida.</p></div> LA PREFECTURE DE POLICE DE PARIS DE M. PAPON A D. LALLEMENT EN PASSANT PAR M. GRIMAUD http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2500 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2500 2020-06-10T01:16:00Z text/html fr Andy Crups <p>Le policier en retraite Andy Crups nous montre comment cette question a taraudé la police dans un historique de la Préfecture de police de Paris de Maurice Papon à aujourd'hui Didier Lallement. Très instructif.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>Décidément il est encore confirmé que l'on a bien du mal à retenir des leçons de l'histoire concernant la Préfecture de Police de Paris. La PP est de retour et la vieille dame que l'on aurait pu croire remise enfin dans sa sphère de compétence a réalisé un retour en force pour parvenir jusqu'à disparaître même de l'organigramme du Ministère de l'Intérieur, pourtant garni depuis quelques années d'une direction générale de la Gendarmerie, autre force de Police héritée de la construction historique des forces de sécurité intérieure. Pendant toute son histoire la Préfecture de Police de Paris a régulièrement été précurseur en matière de police pour le meilleur et parfois pour le pire. Son caractère spécifique étant une proximité immédiate avec tous les pouvoirs exécutifs, elle est parvenue tout comme la gendarmerie pour d'autres raisons à ne jamais être totalement intégré à la Force de Sécurité d'Etat décidée en 1941.</p> <p>Pourtant tout aurait pu basculer dans l'après-guerre tant la PP avait été utilisée par le régime de collaboration de Vichy. Pourtant grâce à la libération de Paris durant laquelle notamment les syndicats de policiers vont agir activement, la PP va se voir décerner la légion d'honneur et va être réinstallée dans son rôle de « Police de Paris ». La PP après quelques purges en interne va alors se poser en interlocuteur direct du Ministre et non comme entité au sein de la Police Nationale. Dès lors elle reconstitue ses propres directions de renseignements et de police judiciaire et d'ordre public. Sa grande autonomie va atteindre sa limite lors de l'affaire Ben Barka. En effet cet opposant marocain va être enlevé en plein Paris en Octobre 1965 par plusieurs individus dont deux hommes qui présentent des cartes de police. Il ne sera jamais retrouvé en revanche les policiers sont des Inspecteurs de la « Mondaine » de la PP. Le ministre d'alors Roger Frey n'a pas été informé en temps utile, le pouvoir exécutif est excédé et le Président de la République tape du poing sur la table.</p> <p>Roger Frey va donc préparer une réforme en profondeur pour remettre la PP à sa place et surtout son Préfet de Police qui n'était autre qu'un certain Maurice Papon en place depuis 1958. Ce haut fonctionnaire n'avait pourtant pas été inquiété pour les évènements du métro Charonne en 1962 durant lesquels la PP avait démontré une gestion plus que douteuse puisqu'au-delà du triste bilan humain la discutable technique d'ordre public et l'extrême brutalité avaient alors été largement dénoncées. Ce haut fonctionnaire devenu ministre sera rattrapé par son passé seulement en 1981, pour être condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l'humanité.</p> <p><strong>L'arrivée de Maurice Grimaud</strong></p> <p>Le nouveau Préfet de Police sera Maurice Grimaud jusque-là directeur général de la Sûreté Nationale qui deviendra la Direction générale de la Police Nationale en 1969 lors de la mise en œuvre de la réforme. Maurice Grimaud en provenance de la « Police d'état » c'était un camouflet infligé volontairement à la PP qui traditionnellement disposait de Préfets acquis à la culture PP. Maurice Grimaud était un haut fonctionnaire qui avait déjà largement démontré son engagement Républicain. En 1944 il est auprès du Général De Gaulle et plus tard il occupera divers postes de Préfet. A l'âge de 21 ans il avait été témoin de la confrontation mortelle entre manifestants et force de l'ordre lors des évènements tragiques de février 1934 à Paris (manifestation anti parlementaire à l'issue de laquelle on dénombrera 1 policier et 16 manifestants tués ainsi qu'un millier de blessés). Il dispose donc d'une image assez précise du maintien de l'ordre lorsqu'il prend son poste à la PP. Il va d'ailleurs être confronté rapidement à de graves troubles à l'ordre public durant tout l'épisode de « Mai 1968 » durant lequel il demandera aux C.R.S pour la première fois de leur histoire d'intervenir à Paris. Il écrira une lettre devenue célèbre à tous les policiers intervenant en maintien de l'ordre dans laquelle il utilise la formule : « Frapper un manifestant tombé à terre c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière ». A la fin de cette crise majeure même si l'on déplore plusieurs milliers de blessés à Paris tout le monde s'accorde à penser que sans la gestion « Républicaine » de cette crise par ce Préfet le bilan aurait pu être beaucoup plus tragique.</p> <p>En 1969, la PP rentre dans le rang, le Directeur général de la Police Nationale a enfin autorité sur l'ensemble de la Police Nationale dont la Police Parisienne. Le territoire de compétence de la PP est restreint à Paris Intramuros et même si celle-ci conserve ses directions spécialisées en matière de renseignements, Police judiciaire et Ordre Public, l'entité Police Nationale est constituée. Par la suite les préfets de police se sont succédé dans une forme de consensus face au pouvoir exécutif du moment. Philippe Massoni pourtant de par sa longévité de 8 ans sur le poste du à sa parfaite connaissance du monde politico-policier en tant qu'ancien commissaire et directeur des renseignements généraux, va lui aussi marquer positivement son empreinte Républicaine à la PP.</p> <p><strong>Évolution sous Nicolas Sarkozy et arrivée du "Grand Paris"</strong></p> <p>Ainsi, depuis 1969, la PP avec ses 20 000 Policiers est restée cantonnée à la capitale. Mais un ministre de l'Intérieur en 2002 qui, ayant de grandes ambitions politiques, trouve au sein de la PP une hiérarchie acquise à son discours martial. Il s'entoure d'un grand nombre d'hiérarques de culture PP. Ces chefs de la PP seront pour certains nommés en province pour dynamiser la Sécurité Publique (Direction centrale qui a la gestion de tous les commissariats sur l'ensemble du territoire). Dès lors le schéma professionnel policier devra s'inspirer de la PP mais pour des raisons évidentes cette stratégie simpliste allait se heurter à une réalité professionnelle incontournable. Pourquoi après toutes ces années, la PP avait plus subi la réforme de 1969 que réalisé sa propre révolution professionnelle ? Vraisemblablement parce que les spécificités de la PP lui ont laissé penser que le format était efficace. En effet la PP intramuros avec ses 20.000 Policiers était le schéma d'une police de riche en moyens ayant en charge une zone de surveillance extrêmement réduite. Le taux de policiers pour 10 000 habitants sur Paris est unique en France. En 2009 pour la PP intramuros (dixit la cour des comptes) c'est 50,98 alors qu'à Marseille c'est 17,28. Les budgets de la PP sont plus consistants en raison d'une proximité du pouvoir exécutif et enfin la zone de compétence est infinitésimale, Paris intramuros c'est 105.4 km² alors que pour Marseille c'est 240 km². Evidemment face à ce constat, la PP développait des arguments concernant une charge de travail surévaluée par rapport aux contraintes gouvernementales et un afflux quotidien d'une population laborieuse venue des banlieues. Il n'en reste pas moins que la PP était efficace à hauteur des moyens et certainement pas efficiente de sorte que le schéma professionnel PP n'avait rien de « magique ».</p> <p>En revanche il semble que cela avait largement échappé au ministre d'alors devenu par la suite président de la République. En 2008 la PP toujours observée avec bienveillance par le nouveau pouvoir va en profiter pour se jeter sur le projet du Grand Paris. C'était inespéré pour la PP de pouvoir reconquérir une compétence Francilienne. Pour bien impulser son nouveau développement c'est un proche du président et ancien Directeur Général de la Police qui va être nommé à la Préfecture de Police en la personne de Michel Gaudin. Le mouvement s'amorce et, lors des évènements de Villiers-le-Bel en 2007, pour la première fois des compagnies de district de la PP (effectifs dédiés au maintien de ‘ordre) sont envoyées en renfort (sans moyens radios adaptés et avec une méthodologie de travail très différente) sortant ainsi de leur zone de compétence habituelle. En 2009, la PP va donc étendre sa compétence comme par le passé (avant 1969) sur l'ensemble des territoires de la petite couronne (75, 92, 93, 94) francilienne et disposer désormais de près de 28 000 policiers.</p> <p>Mais on pourrait se dire que finalement refaire grossir la PP dans un « grand Paris » c'est rationaliser l'action de police sur un territoire donné et que cela peut correspondre à une logique. Pour cela il faut donc observer comment la PP toujours bien dotée en moyens et en personnel a-t-elle fait sa répartition sur la banlieue. De même il faut aussi observer sa capacité en matière de renseignement et d'ordre public pour s'assurer de l'intérêt de cette évolution de la PP. Pour ce qui concerne la répartition territoriale des effectifs de la PP (Source : Cour des comptes), on ne peut pas dire que les choses se sont améliorées pour les départements car si l'on en revient au taux pour 10 000 habitants, en 2018 c'est 38,47 policiers pour Paris intramuros et 19,72 pour Le département en grande difficulté de la Seine Saint Denis soit environ la moitié. Il est vrai qu'un certain nombre de directions centrales peuvent rayonner sur le département mais est-ce réellement le cas ? En 2014, pour le calcul du nombre de policiers sur le terrain en temps T (source : DSPAP) c'est 439 policiers à Paris intramuros et 202 en Seine Saint Denis soit une fois encore environ la moitié. On peut aisément mesurer que la PP comme tout au long de son histoire reste une police riche en moyens et effectifs et que son apport sur la banlieue n'est pas des plus substantiels depuis la mise en place du Grand Paris. Pour ce qui concerne ses directions spécialisés le résultat n'est pas des plus probants. L'affaire de l'attentat mené à l'intérieur des locaux de la PP par un personnel des services de renseignements PP a mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnements. Quant au potentiel d'ordre public de la PP, il a été sollicité et observé lors de la crise dite « des gilets jaunes » et on ne peut pas dire qu'il s'est distingué des autres forces. En revanche ce que l'on a pu constater c'est que la gestion d'ensemble et que l'utilisation de nouvelles unités dites « offensives » étaient des évolutions largement sujettes à caution.</p> <p><strong>Arrivée de Didier Lallement et de sa guerre aux "fauteurs de troubles"</strong></p> <p>C'est d'ailleurs dans ce contexte que Didier Lallement a été nommé à la tête de la préfecture de Police succédant à Michel Delpuech fin connaisseur de la PP pour y avoir une bonne partie de sa carrière. Ce préfet a été « limogé » selon la formule utilisée en ces circonstances. Si l'on peur supputer sur les raisons de cette éviction, ce qui peut constituer un élément de réponse c'est le choix du successeur réputé comme étant un homme autoritaire. Il semble donc qu'après quelques mois d'agitation sociale importante il a semblé important pour le pouvoir d'abandonner la doctrine de maintien de l'ordre qui avait prévalu jusque-là et qui consistait à accompagner et encadrer les mouvements sociaux plutôt que de les réprimer. Pour les commandants d'unités dédiées au maintien de l'ordre ils savent de par leur expérience que « leur intervention ne doit jamais créer un trouble supérieur à celui existant ».</p> <p>D'ailleurs les services de communication ont largement tenté d'expliquer que la doctrine avait changé comme si on changeait de doctrine comme on change de sous-vêtements ! Ainsi donc, si le nouveau Préfet a été choisi pour son côté « va t en guerre » le risque est important en matière de Paix Publique. Récemment des hauts responsables des CRS et de la Gendarmerie mobile qui restent les seules formations disposant d'une réelle culture de la gestion des foules et du Maintien de l'ordre, se sont émus des tactiques proposées par la Préfecture de Police notamment pour ce qui concerne les « nasses » qui visent à encercler les manifestants. Il semble donc que la PP a perdu sa mémoire car à la suite des évènements du métro Charonne, la règle était de ne jamais provoquer de mouvement de foule sans s'assurer de la possibilité d'échappatoires.</p> <p>En tout état de cause depuis un an ses apparitions en uniforme et ses déclarations intempestives laissent à penser que ce fonctionnaire a imaginé pouvoir se métamorphoser en policier expert du maintien de l'ordre. Cependant tout semble indiquer qu'il n'a manifestement pas compris le sens premier de sa mission qui est la préservation de la paix publique alors qu'il donne l'impression de faire la guerre à des ennemis « fauteurs de troubles ». Les valeurs républicaines et le sens de la mesure doivent être le fil conducteur de l'action du Préfet de Police sous peine d'être rattrapé par la longue histoire de la PP qui a déjà connu le meilleur et le pire entre Maurice Grimaud et Maurice Papon pour ce qui concerne les Préfets de Police de la 5ème République.</p> <p><i>Andy Crups est commandant honoraire de la Police Nationale. Ce texte est paru dans Délinquance, justice et autres problèmes de société, le précieux blog de Laurent Mucchielli (<a href="http://www.laurent-mucchielli.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.laurent-mucchielli.org</a>)</i></p></div> VIOLENCES POLICIERES : UN NOUVEAU CAP EST FRANCHI http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2448 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2448 2020-03-10T18:38:00Z text/html fr Les Effronté.es <p>Castaner et le préfet Lallement, son bras armé franciller font cogner les filles par leurs troupes. Le collectif Les Effronté.es partagent une indignation (presque) générale , avec quelques témoignages qui ne font pas honneur à la police et aux gendarmes</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique68" rel="directory">Libertés</a> <div class='rss_texte'><p>Une première dans une manifestation féministe. Le féminisme est le mouvement le plus pacifiste de l'histoire. Samedi 7 mars avait lieu une marche en non-mixité de genre (sans hommes cisgenres), à l'occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes. Juste avant son arrivée Place de la République (fin du parcours déposé), les forces de l'ordre ont fait une démonstration de brutalité machiste mêlant dérive du pouvoir et masculinité toxique, comme une sorte de vengeance patriarcale contre l'empowerment grandissant des femmes. Les violences policières, et notamment dans le cadre de manifestations politiques, sont systémiques et exponentielles. Elles s'exercent depuis plus longtemps encore sur fond de racisme à l'encontre des populations des banlieues. Jusqu'à présent, les manifestations féministes étaient épargnées.</p> <p>Un nouveau cap a donc été franchi. Alors que la manifestation se déroulait comme prévu, des jeunes femmes ont été gazées sans sommation, attrapées par les cheveux, frappées, traînées dans le métro, certaines ont terminé en garde à vue sans raison valable en étant traitées de façon intolérable, comme elles en témoignent dans le média Kombini News. Des policiers leur ont tenu des propos inadmissibles : “vous allez bien vous lécher la chatte en garde à vue, bande de gouinasses”, “salope, grosse pute” “tu fermes ta gueule” répété X fois”, “elle est à qui la rue maintenant hein ?” “chiale, mais moi je vais te donner des vraies raisons de pleurer”, adressés aux jeunes femmes à terre, en pleurs et sans plus de souffle. Lorsqu'elles se sont retrouvées en cellule, elles ont subi des humiliations et maltraitances diverses : fouille avec pantalon baissé sans justification, insultes, “tu donnes envie à personne de faire des gosses !” de la part d'un chef, refus de donner à boire ou d'accompagner les gardées à vue aux toilettes, ou encore obligation d'uriner avec une porte laissée largement entrouverte malgré la présence d'hommes dans le couloir… Bilan : quatre jours d'ITT pour l'une des militantes qui témoignent, un jour pour une autre. Motif de leur interpellation : “manifestation non-autorisée” alors que celle-ci a été déclarée, le préfet Lallement lui-même le confirme dans son communiqué du 8 mars.</p> <p>Dans tous les cas rien ne justifie une telle conduite de la part des représentants de la loi ! Didier Lallement doit mettre fin à cette escalade de violence policière dont il est directement comptable. Marlène Schiappa a tweeté qu'elle avait été “choquée de voir des gendarmes tirer les cheveux de jeunes filles”, mais ça ne nous suffit pas ! L'impunité des gendarmes et des policiers en roue libre, qui se livrent à des violences envers la population sans respecter la loi, ce n'est plus possible. Christophe Castaner va-t-il continuer de nier les violences policières ? Va-t-il continuer de balayer la question d'un revers de main ? Les “grandes gagnantes” attendent une réponse de pied ferme.</p></div> https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18