https://www.traditionrolex.com/18 La Gauche Cactus http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/ fr SPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP) 0,004% + abaya = quels liens ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2916 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2916 2023-11-01T00:06:00Z text/html fr Saûl Karsz <p>Saül Karsz, principal animateur du groupe Pratiques Sociales, nou rappelle deux infos apparemment sans lien : le don du milliardaire Bernard Arnault aux restos du cœur et l'interdiction de l'abaya à l'école. Et le lien est : l'art de faire regarder ailleurs et de gommer ainsi les vrais problèmes.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p><strong>Appel au secours des Restos du Cœur : 10 millions € (0,004 % de son patrimoine) octroyés par Bernard Arnault.</strong></p> <p>Raisons complexes de cette donation : poussée de bonne conscience, défiscalisation, contribution ponctuelle à la paix sociale, retouche d'une image pieuse, montant infime de la donation comparativement au patrimoine colossal du donateur. La charité bat ici son plein. Elle n'est pas forcément à bannir. Elle permet la pérennité d'instances comme les Restos du Cœur, essentiels à la survie de milliers d'adultes, d'enfants, de vieux. Mais elle pose question. Elle pose une grave question : la charité vient-elle remplacer la solidarité nationale, soit la participation palliative de l'État à la contention de certains des dégâts que le néolibéralisme inflige aujourd'hui à de vastes secteurs sociaux, dégâts dont le gentil donateur ne cesse de bénéficier ? On sait que le remplacement de la solidarité par la charité représente une tendance forte du néolibéralisme et augmente encore davantage la dépendance, voire l'aliénation, des populations paupérisées. Autant dire que le geste du milliardaire, que ses congénères ne vont pas forcément imiter, cela aussi il faut le signaler, est un arbre qui ne doit nullement cacher la forêt. Car c'est bien la société existante qui jette à la rue des populations de plus en plus nombreuses, dépossédées de tout, des enfants et leurs familles dorment sur la place publique, notamment dans les centres-villes (dont Paris), ou logent dans des conditions déplorables. Charles Dickens et Émile Zola seraient-ils redevenus des auteurs contemporains ?</p> <p><strong>Sérieuses carences en personnels enseignants, administratifs et de service dans les écoles publiques et interdiction de l'abaya, robe traditionnelle musulmane.</strong></p> <p>Des professions essentielles au fonctionnement scolaire (idem pour le travail social et les soins) sont rendues difficiles, parfois impraticables, au fil de politiques de démantèlement menées depuis des décennies. Les conditions salariales, effectivement insoutenables, ne sont pas les seules en cause. Les candidats ne se bousculent pas au portillon, ce qui accroit encore les difficultés de ceux qui restent. Et ce sont bien entendu les élèves qui en pâtissent. Des proclamations ministérielles s'ensuivent expliquant que tout va pour le mieux, ou presque. Plutôt presque. Mais il y a aussi des décisions énergiques qui sont prises, apparemment urgentes. Telle l'interdiction du port de l'abaya en classe. Ce vêtement est censé porter atteinte à la laïcité affirmée de l'école, ce qui reste à démontrer et surtout à expliquer. La laïcité, en effet, suppose des argumentations, des pédagogies, des disputes verbales et non des passages à l'acte, fussent-ils ministériels. Question : comment différencier les abayas des robes longues que des élèves portent surtout en période hivernale ? Les différencie un certain intégrisme dont les courants islamistes sont loin de détenir le monopole. On sait, en effet, que moins on veut expliquer et s'expliquer et plus on refoule (si possible aux frontières) les représentants du Mal. Mais ce n'est pas là le plus significatif, le plus percutant. L'intérêt de cette histoire réside justement dans la polémique qu'elle déclenche, dans le bruit qu'elle provoque, dans le tapage qu'elle réveille – dans le fait qu'elle détourne l'attention vis-à-vis de problèmes bien plus lancinants et complexes qu'on va très probablement laisser perdurer encore et encore.</p> <p>Tel est, justement, un lien fort entre les deux situations épinglées ici. L'une et l'autre illustrent l'art de regarder ailleurs, de faire comme si le réel était une illusion d'optique et une affaire d'appréciation personnelle. A nous de nous arranger pour tâcher de les regarder en face, pour agir en conséquence.</p> <p><i>Article paru dans <a href="https://www.pratiques-sociales.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.pratiques-sociales.org</a></i></p></div> De la république policière à la république fasciste ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2904 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2904 2023-08-28T23:13:00Z text/html fr Frédéric Lordon <p>Frédéric Lordon, dont nous apprécions toujours l'élégance et l'agilité de l'écriture réagit sur les récentes émeutes et en profite pour étriller la pensée bourgeoise, la presse « bien-pensante », l'hypocrisie du « courage de la nuance »… Il exagère, diront certains ? Bin non.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p>On savait déjà très exactement où en est le signifiant « républicain » après un communiqué ouvertement raciste et factieux de syndicats policiers d'extrême droite, invoquant comme il se doit « l'ordre républicain » pour lancer la chasse à l'homme, plus précisément à ceux des hommes considérés comme des « nuisibles ». Tout à son habitude de confondre modération et aveuglement, le journal Le Monde avait jugé le communiqué « révélateur de l'exaspération des troupes », là où il aurait plutôt fallu y voir la fascisation caractérisée de l'appareil de force — et en concevoir un chouïa plus d'inquiétude.</p> <p>Mais jamais Le Monde ne dira un mot de la fascisation en cours : consentir à l'aveu qu'elle se déroule sous les auspices d'un pouvoir qu'il a si longtemps encensé, c'est sans doute trop lui demander. Le Monde peut à la rigueur comprendre le fascisme comme malheureuse irruption venue de nulle part, ou comme curiosité historique sans suite possible, mais jamais n'accédera à l'idée que le fascisme naît « du dedans ». Car notre « dedans », pour Le Monde, c'est « la république » et « la démocratie ». Or comment la république et la démocratie pourraient-elles accoucher du fascisme puisqu'elles en représentent le principe opposé ? Voilà la bouillie qui traîne dans les têtes formées à l'Institut d'Études Politiques, école où l'on n'a notoirement jamais rien compris à ce qu'est la politique.</p> <p>L'idéalisme éditorialiste qui, se plaisant à répéter « république-démocratie », tient les mots pour des forces réelles et agissantes, ajoute généralement l'inculture historique à l'ineptie intellectuelle. Il ne sait pas que, si elle a été brève, il y a eu une République de Salò et que c'était une république fasciste. Il n'a pas lu Brecht et ne sait pas que « le fascisme n'est pas le contraire de la démocratie mais son évolution en temps de crise ». Tout ce que nous voyons aujourd'hui confirme pourtant la justesse de cette idée.</p> <p>Avec la sortie du DGPN réclamant l'extraterritorialité légale pour la police, reprise à son compte par le préfet de police Nuñez, avec la bénédiction du ministre de l'intérieur, un cran supplémentaire a été franchi. Même le besoin de s'envelopper de l'oripeau républicain est tombé. On ne veut plus qu'une chose, celle qu'on a toujours voulue d'ailleurs, et maintenant on ne s'embarrasse plus de circonlocutions pour la dire : l'exception permanente et la licence intégrale.</p> <p>Passée dans une économie morale séparée, la police a totalement perdu de vue la nature exorbitante des prérogatives qui sont les siennes dans une société : être mandatée pour détenir des armes et possiblement s'en servir. Des prérogatives aussi extraordinaires ne sauraient aller sans la conscience d'une responsabilité extraordinaire. Mais non : la police veut pouvoir tirer à tuer sans être empêchée, ou cogner jusqu'à laisser pour mort sans être réprimandée. De responsabilité spéciale, la police, entièrement adonnée à ses pulsions violentes, ne veut plus entendre parler — « nous avons les armes, nous nous en servons, fin de la discussion ». Et ceci maintenant — c'est bien la nouveauté effrayante — jusqu'au sommet de la hiérarchie. Ministre compris.</p> <p><strong>Hypothèses</strong></p> <p>Ici commence la divergence des interprétations possibles — pour maintenant ou pour plus tard.</p> <p><strong>Première lecture</strong> : la tétanie – comme il se doit pour un pouvoir qui, tout à sa passion d'offenser socialement et symboliquement la population, n'a plus aucune légitimité politique et ne tient plus que suspendu à sa police. On demande à Dupond-Moretti ce qu'il pense du communiqué syndical policier raciste et factieux. Réponse : « rien ». Du cœur de l'État surgit un discours d'un immonde racisme, et tout ce que le garde des Sceaux, c'est-à-dire le conservateur de la Constitution et de sa Déclaration des droits de l'homme, trouve à répondre, c'est : « rien ».</p> <p><strong>Deuxième lecture :</strong> le coup - Darmanin, pour dire le moins, arme un dispositif : laisser faire (hypothèse haute : encourager en sous-main) le grand débrayage de la police ; le pouvoir de Macron, cette fois-ci à poil pour de bon, à la merci du moindre trouble ; Darmanin indispensable pour rebrancher la police ; Macron connaît son maître. Peut servir pour Matignon si une crise aigüe se redéclenche, voire le cran d'après.</p> <p>À la confluence de la première et de la deuxième hypothèse, on notera l'évaporation soudaine de l'éditorialisme, qui avait sali son linge à hurler « Jupiter » pendant six ans, mais n'a pas un commentaire au moment où Jupiter se fait rouler dessus par deux sous-fifres du ministère de l'intérieur qui lui dictent leur nouvelle lecture des institutions. Il faut que la peur au sommet de l'État soit saisissante pour que le président avale ainsi de se faire dépouiller de toute souveraineté régalienne, camouflet sans précédent dans la Ve République. Mais on a encore rien vu avant d'apprendre que Macron est tombé d'une carafe en découvrant que tout ceci avait été orchestré dans son dos par son ministre de l'intérieur, humiliation elle aussi sans précédent, qui aurait valu normalement limogeage instantané du ministre, et devrait mettre en ébullition tous les fondus de la « popol » [la politique politicienne]. Ne connaissant de la politique que les « chocs d'egos », les coulisses et les manœuvres, ne sont-ils pas ici servis au-delà de toute espérance — cette fois d'ailleurs pour une bonne raison ? Et cependant regardent ailleurs. Les menées ouvertes du ministre de l'intérieur contre son président devraient être à la une de tous les médias, tourner en boucle. Rien.</p> <p><strong>Troisième lecture :</strong> la bascule délibérée. De l'observation passive de la dérive autoritaire jusqu'ici, le régime passe à l'accompagnement actif — prend la tête du processus et, selon son expression favorite, l'« assume ». La pensée se remanie en temps réel pour s'ajuster, ce qui est d'autant plus facile que la clique est inculte et sans principe : l'ordre est bon, l'ordre est désirable, l'ordre est même le seul désirable, rien ne doit venir en atténuer l'exercice. Que la logique des institutions y périsse n'a aucune importance — au bout de cette logique, n'y a-t-il pas d'ailleurs l'article 16, alors ? « L'ordre, l'ordre, l'ordre » : la république policière a trouvé sa devise.</p> <p><strong>Les vrais territoires perdus de la république</strong></p> <p>Il n'y a plus que le maintien du signifiant « républicain », dans une fuite en avant qui abolit la république, pour poser encore quelques problèmes, mais essentiellement cosmétiques. Au reste on peut toujours compter sur la veulerie, la complaisance et l'inculture (toujours la même) de l'éditorialisme capitaliste pour continuer de tenir l'intenable. La vérité est qu'il n'est plus un usage du mot « républicain » qui ne soit frauduleux.</p> <p>Dès le départ, il faut l'avouer, la confusion était installée. Car « république » n'ayant jamais rien dit d'autre que « chose publique », elle est en elle-même une catégorie qui ne préjuge rien quant à sa forme, et peut tout aussi bien s'accommoder, selon les catégories usuelles de la philosophie politique, de la monarchie, de l'oligarchie ou de la démocratie — et même de Salò. Sans doute en France, le mot a-t-il reçu sa signification de la Révolution. Au moins la « république » d'alors, à défaut du tour qu'elle prit ensuite, était toute marquée des idéaux de démocratie et d'égalité, dont il est patent que la Ve République finissante leur est devenue totalement étrangère.</p> <p>C'est bien pourquoi, sans aucun contresens conceptuel ni aucune contradiction, nous pouvons nous rendre au constat irréfragable que nous sommes passés dans une république policière. En réalité nous connaissons désormais parfaitement les vrais territoires perdus de la république : ce sont les commissariats, les fourgons de police, la préfecture et l'IGPN, mais aussi le bureau du garde des sceaux d'où sortent des circulaires de talion, les tribunaux qui les exécutent en leur donnant la forme d'une justice d'abattage, dont les minutes sidèrent d'ignominie, les instituts médico-légaux qui falsifient les comptes-rendus, comme celui d'Adama Traoré, les prisons et les CRA bien sûr, et l'on pourrait y ajouter tous ces médias où le racisme a pris la consistance d'une ligne éditoriale. Voilà les vrais territoires perdus de la république — à l'exact envers de ceux qui sont usuellement donnés pour tels, ces quartiers d'où monte pourtant la demande d'égalité la plus authentiquement républicaine, où la valeur de la république — car dans une république démocratique et sociale il n'y en a qu'une : l'égalité — est prise au sérieux.</p> <p><strong>La bascule</strong></p> <p>Dans l'état actuel de violence dégondée et de racisme incrusté où se trouve la police, il y a tout lieu de craindre que la république policière ne soit qu'une configuration transitoire dans un mouvement appelé à se poursuivre : vers la république fasciste.</p> <p>On a longtemps réfléchi aux formes nouvelles que pourrait prendre un fascisme contemporain, qui permettraient de le qualifier sans qu'il ait à ressembler trait pour trait à celui des années 1930 — à l'image d'Orwell qui l'imaginait possiblement en chapeau melon et parapluie roulé. Ces exercices d'imagination sont en voie de devenir superflus. Quand des milices d'extrême droite prennent la rue pour y faire régner la terreur avec la bénédiction des forces de police qui regardent ailleurs, si elles ne les accompagnent pas, y en a-t-il encore à qui il faut faire un dessin ? Y a t-il encore beaucoup de questions à se poser quand ces mêmes forces de police votent à plus des deux tiers pour un parti d'extrême droite raciste, ou quand s'y répandent des insignes ouvertement fascistes voire néo-nazis ? Quand elles sont surreprésentées dans les projets d'attentats d'extrême droite ? Quand par ailleurs des éléments nazis s'affichent en toute décontraction autour du parti d'extrême droite promis au pouvoir ?</p> <p>Car c'est sans doute ce qu'il y a de plus terrifiant dans la situation présente, à savoir la convergence d'une police raciste hors de contrôle et des groupes de rue fascistes, convergence de deux milices en quelque sorte, qui signe le possible devenir « république fasciste » de la désormais bien établie république policière.</p> <p>« La police qui protège » était depuis un moment déjà une fiction en lambeaux, elle est complètement en cendres maintenant que nous avons vu le Raid, supposément nos « sauveurs » des jours d'attentat, tirant de bon cœur au fusil à pompe sur des émeutiers racisés. La confirmation est venue de Jean-Michel Fauvergues lui-même, ancien commandant du Raid devenu député Renaissance, et qui réclame lui aussi une « excuse de violence » pour le confort psychologique des cogneurs. Sauf l'aveuglement des forcenés, il saute maintenant aux yeux que la police, dans un nombre croissant de ses unités, n'est plus qu'une milice sadique ivre de violence, livrée à ses vendettas personnelles, contre la famille Traoré par exemple ou contre des journalistes, se faisant un point d'honneur et de provocation de médailler, de promouvoir en son sein, les cogneurs et les racistes patentés, totalement autonomisée, ne répondant plus de rien à personne. « Police républicaine » est devenu le plus sinistre des oxymores. L'État hors les libertés et hors la loi</p> <p>Mais c'est bien le bâtiment entier de la Ve « République », dans toutes ses structures, qui est en train de s'effondrer. Dans la main de la police, le gouvernement, croyant trouver son salut dans la fuite en avant, ne cesse plus d'installer un climat qui resserre la main de la police, dont l'intervention est en train de devenir la première des politiques publiques, en tout cas l'adjuvant nécessaire de toutes les autres. Alors le registre « policier » imprègne et sature toute la vie publique — et c'est bien ainsi que se qualifie une république policière.</p> <p>L'une des tendances les plus frappantes de ce climat général réside bien sûr dans la destruction avancée des libertés fondamentales. La restriction de fait du droit de manifester par l'intimidation policière violente, qui depuis longtemps aurait dû à soi seule scandaliser n'importe quel démocrate, s'accompagne des interdictions par arrêtés à des fins manifestes d'étouffer toute démonstration critique, comme le prouvent par ailleurs les arrestations ahurissantes qui suivent même la plus bénigne des atteintes symboliques à la majesté gouvernementale, présidentielle en tête.</p> <p>Sans surprise la restriction des libertés politiques fondamentales prend de plus en plus souvent la forme d'une illégalité d'État — entre arrêtés d'interdiction manifestement abusifs, ou bien publiés après coup, interventions policières totalement hors droit, comme la censure de la devanture d'une librairie au prétexte que le ministre de l'intérieur ne pouvait supporter son contenu. La partie de la justice qui ne s'est pas entièrement rendue à la ligne de répression totale finit par condamner, mais combien de temps encore ? Les redispositions légales suivront de près les abus extralégaux, à l'image des drones, de la reconnaissance faciale ou de la censure des réseaux sociaux, « manières de faire » qui rangent donc la France de Macron au côté de l'Égypte, du Pakistan ou de la Chine. Et de nouveau : comment appelle-t-on un pouvoir qui veut que le silence règne ? Dans un lapsus fameux, au tout début de son premier mandat, Macron voulant parler de la sortie de l'état d'urgence, avait dit : « Nous sortirons de l'État de droit ». Voilà.</p> <p><strong>La bourgeoisie et ses partis</strong></p> <p>Mais le séisme est total, emporte tout. Tel un immeuble effondré, tous les étages de la politique institutionnelle se sont écroulés les uns sur les autres, et tous sur le Rassemblement National. Nul ne pourrait plus dire en quoi Les Républicains s'en distinguent. Ni, par transitivité, la fausse majorité LREM qui d'une part aspire à s'allier avec LR, d'autre part traite avec la dernière complaisance le RN à l'Assemblée. Ainsi s'est constitué un bloc quasi-unifié, en tout cas idéologiquement, de la droite extrême : même idéologie économique et sociale, même racisme — et que ceux dans ses rangs qui ne disent mot sur une matière aussi grave sachent qu'ils sont comptés comme consentants —, même tropisme pour la conduite policière de la société, même mépris pour les réels principes d'une démocratie libérale. Alors la présidente Braun-Pivet offre au RN sa sympathie en plus des vice-présidences, le député Sitzenstuhl ne pense pas du tout qu'on puisse dire que CNews est d'extrême droite, le ministre Guérini non plus à propos d'Europe 1, la députée Petel demande qu'on dise « le jeune délinquant » plutôt que « le petit Nahel ». En fait tout Renaissance passe à l'extrême droite et sa base électorale avec.</p> <p>On mesure très exactement la dérive générale vers l'extrême droite quand la qualification d'« extrême-gauche » pour un parti aussi platement social-démocrate (au sens historique du terme) que la FI devient une sorte de cela va de soi - abondamment propagé par les journalistes comme il se doit. Logiquement, dans ce complet dérèglement des catégories, l'un des ilotes de France Info explique qu'un important leader du « Centre » vient de disparaître en Italie - il s'agissait de Berlusconi.</p> <p>La fusion de toutes les droites dans l'extrême droite devient en tout cas patente à l'effort de faire de la FI une sorte de paria institutionnel au motif d'un « arc républicain », appellation renversante de ce qui est plutôt en train de s'affirmer comme arc autoritaire-fasciste. Disons tout de même à ces gens que mettre du rouge à lèvre à un cochon ne fait pas oublier qu'on a affaire à un cochon. De fait, il n'est plus que la FI qui se différencie clairement de cet agglomérat infâme, où l'on trouve en position de satellite, c'est à peine un paradoxe, le PC de Roussel, passé sans l'ombre d'une hésitation du côté de la république policière, ainsi que la fraction du PS typique de la gauche d'extrême droite — Cazeneuve, Valls et consorts. Mais le lieu où le renversement des catégories et des valeurs, l'abolition des principes et le déni d'humanité font des ravages, c'est la bourgeoisie elle-même. En réalité elle n'a jamais trouvé personnage si adéquat que Macron pour la représenter. C'est qu'il fallait un individu particulièrement « libéré » pour lui autoriser un tel retour du refoulé. Car Macron a verbalisé le fond de sa pensée en explicitant la différence « de ceux qui ont réussi et de ceux qui ne sont rien », c'est-à-dire en installant formellement la catégorie des « riens ». D'où suit que, dessinant au passage en creux le traitement possible des « riens », il a posé la structure élémentaire de la pensée raciste : une sous-humanité expendable.</p> <p>On comprend que la bourgeoisie y verse tête première, racisme tout court à la suite du racisme social, quand la crise organique s'aiguise, que l'ambiance xénophobe se répand dans le pays, et que tous les éléments de la conjoncture viennent se solidariser avec la défense aveugle de son ordre : régime policier, police raciste, acclamations racistes. Selon une configuration qui n'a rien d'une nouveauté historique, s'il faut en passer par la pure ignominie politique pour défendre l'ordre bourgeois, ainsi sera-t-il. Tout ce que la situation générale offre est bon à prendre, sans distinction, sans réserve. Voilà donc la bourgeoisie qui, sur les réseaux sociaux ou dans les médias, hurle de rage et de jouissance contre les Arabes et les Noirs — en plus de se déverser par contributions à centaines, voire milliers d'euros, dans la cagnotte de la honte pour un meurtrier d'enfant. Arabe.</p> <p><strong>Le « courage de la nuance »</strong></p> <p>Mais dira-t-on, tout ceci est très exagéré. Car il y a une bourgeoisie éclairée, une bourgeoisie humaniste et cultivée — une bourgeoisie-de-gauche. C'est vrai : statufiée dans le déni. On se souvient de cette séquence récente, c'était au printemps, où le mot maudit, « illibéralisme », a commencé à émerger, pour la première fois dans une application possible à la France de Macron. La séquence est également connue sous le nom de « bal des cocus » puisque c'est à la même époque, en effet, qu'on a commencé aussi à faire parler les « intellectuels déçus du macronisme » — manière de voir où en était leur enthousiasme libéral après un 49.3, une répression féroce des manifestations, la chasse aux casseroles, aux cartons rouges et l'entrée dans les arrêtés d'interdiction tombés de la lune.</p> <p>Bien sûr tous ces aigles de la pensée, de Jean Viard (sociologue de France Info) jusqu'à Jean Garrigues (historien de télé) sont un peu gênés aux entournures mais tout de même nous appellent, comme Leila Slimani, Jean Birnbaum et tout le journal Le Monde à avoir « le courage de la nuance ». Marc Lazar, invité giratoire des médias raisonnables s'alarme presque sur C Ce soir : « illibéralisme », et puis quoi encore ? pourquoi pas dictature pendant qu'on y est. « Dictature » : c'est le motif de s'esclaffer grassement de toute la bourgeoisie macroniste, qui pense que « élections formelles » et « presse privée » épuisent tout ce qu'il y a à entendre par démocratie. Le reste n'existe pas. « Allez donc voir en Corée du nord ». Le macronisme n'est pas que la république policière en voie de fascisation : c'est aussi l'empire des débiles ? Malheureusement, ils ne sont pas les seuls à qui il faut faire comprendre la différence entre un état et une évolution, un point et une trajectoire — et une vitesse de parcours de la trajectoire à partir du point. Le problème avec les emplois du mot fascisme contraints de coller parfaitement à la situation du moment et à elle seulement, c'est qu'en effet avant l'heure c'est pas l'heure, mais qu'après l'heure c'est trop tard.</p> <p>Ça n'est pas en lisant La Nuance qu'on se réveillera à temps. Françoise Fressoz qui y chronique sa passion du macronisme tire des émeutes la conclusion qu'on attendait d'elle : « La gravité des faits, combinée à la forte demande de l'opinion, commande [à Macron] d'aller plus loin pour contrer la surenchère sécuritaire de la droite et de l'extrême droite ». Comme c'est brillant, comme c'est bien pensé : pour empêcher la survenue de l'extrême droite, menons nous-mêmes la politique de l'extrême droite — soyons nous-mêmes l'extrême droite. Aveugle, dénégatrice et possédée : la bourgeoisie macronienne.</p> <p>On reconnaît la « pensée » bourgeoise à ce qu'aucune méditation sérieuse de l'histoire — c'est-à-dire porteuse de leçons — ne peut y trouver sa place. Pire encore, toute évocation de l'histoire y fonctionne presque nécessairement comme une neutralisation, quand ça n'est pas comme une complète défiguration. Gageons qu'aucun des grands esprits qui éditorialisent à La Nuance ne manque d'avoir les années 1930 en tête. Celles-ci n'y figurent cependant que comme une pièce de musée dont il n'y a rien à tirer pour le temps présent. Admettons qu'entre la bourgeoisie ouvertement raciste qui fait activement advenir le pire, et la bourgeoisie pharisienne incapable de voir le pire advenir, nous ne sommes pas très bien partis.</p> <p>On ne dirait pas sans abus que le macronisme en tant que tel est un fascisme. On peut en revanche affirmer avec certitude qu'il aura tout installé, et tout préparé. Les régimes monstrueux ne prennent jamais que sur des terreaux adéquats. En six ans, le macronisme, totalement ignorant de ce qu'est une société, des forces qui la composent, de ce qui peut s'y réveiller, répandant partout une violence inouïe, aura déposé une épaisse et confortable couche de fumier. Tout va y pousser avec une déconcertante facilité.</p> <p>Macron, dit-on, aspire à entrer dans l'Histoire. Qu'il se rassure, il y a désormais matière. « Antichambre », c'est assurément une position dans l'Histoire. Il suffit d'avoir vu parader sa BRAV, cette unité antonyme faite de lâches, garde prétorienne devenue la métonymie de tout un régime, pour savoir très exactement dans quoi nous vivons et vers où nous allons.</p> <p><i>Frédéric Lordon est un économiste qui travaille avec la philosophie, selon sa propre définition, directeur de recherche au CNRS. Article paru dans son blog La pompe à phynance dans Les blogs du « Diplo »</i></p></div> Outre-mer : la bataille de l'octroi de mer http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2897 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2897 2023-08-21T22:02:00Z text/html fr Mireille Pierre-Louis <p>Taxe existant depuis plusieurs siècles, l'octroi de mer est une ressource financière indispensable pour permettre aux communes de financer leurs investissements publics. Le gouvernement, appuyé par le FMI, envisage de le supprimer. Un débat qui, comme beaucoup de ceux nos territoires ultramarins, n'a aucun écho en métropole. Mireille Pierre-Louis, ingénieure agronome et économiste spécialiste du financement des collectivités locales (et aussi figure reconnue de la poésie antillaise) nous alerte sur ce sujet, et nous conseille une vidéo instructive sur les problèmes de nos DOM. </p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p><i>L'octroi de mer est une imposition spécifique dans les départements d'Outre-mer de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion : les opérations soumises à l'octroi de mer sont les importations de biens et les livraisons de biens, faites à titre onéreux, par des personnes qui y exercent des activités de production (ndlr).</i></p> <p> Pour ceux qui pensent que l'octroi de mer est un impôt colonial qui alimente une économie de comptoir, il faut se sortir du prêt à penser idéologique, l'octroi de mer est une barrière qui protège la production locale, et sans cette barrière les importations vont exploser, et l'Etat va récupérer la rente de l'hyperconsommation avec une TVA qui, nationale, va alimenter directement le budget de l'Etat, alors que l'octroi de mer, versé aux Conseils régionaux, est redistribué aux communes</p> <p>Toutes les petites économies insulaires ont une barrière pour protéger la production locale et alimenter les budgets des communes. Sous la pression du FMI, ces barrières sont détruites petit à petit, la production locale s'effondre, les services publics également, c'est le schéma tracé pour les DOM, la refonte de l'Octroi de mer ayant été confiée à des experts du FMI.</p> <p>Au moment où l'Etat a de telles visées, prendre langue avec lui sur la "refonte" de l'Octroi de mer, est complètement suicidaire pour nos territoires, il faut se battre pour sauvegarder une autonomie fiscale, le reste ne devrait plus le concerner si l'on opte pour une autonomie. Mais perdre son autonomie fiscale et parler d'autonomie, serait pure duplicité.</p> <p>Une récente émission locale, où j'interviens, permet d'aborder la question de l'octroi de mer, mais également toutes les "urgences" dont devraient se préoccuper les politiques aujourd'hui. Hélas la démocratie est ici comme ailleurs en panne.</p> <p><i>Retrouvez cette émission sur youtube : <strong><a href="https://www.youtube.com/watch?v=og0AmscWF9o" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.youtube.com/watch?v=og0...</a>. </strong> </i></p></div> Les « 100 jours » : un flop de plus pour Macron http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2891 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2891 2023-07-27T10:29:58Z text/html fr João Silveirinho <p>Il fallait surement que la situation soit particulièrement préoccupante pour que João Silveirinho, notre rédac'chef, homme de l'ombre mais vigilant, prenne la plume. Il a flairé l'imposture des « 100 jours » d' « apaisement « et en dresse le bilan calamiteux. Immobilisme, symptôme de sédition policière, voilà où nous en sommes</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p>On allait voir ce qu'on allait voir ! Prenant acte de l'adoption de « sa » réforme des retraites et plus généralement de l'excellence de l'action de son gouvernement à quelques détails près, mais convenant qu'une partie (en fait la grande majorité, comme on le sait) de son bon peuple avait plus que rechigner à accepter cette réforme, notre impérieux président annonça au mois d'avril une volonté d'apaisement qu'il évalua à 100 jours, ce qui nous conduirait aux environs du 14 juillet, date symbolique s'il en est, et l'on connait l'attachement des impérieux présidents aux dates symboliques (entres autres, Vladimir Poutine fait partie du fan club, ce qui peut expliquer à la fois le nombre important de conversations téléphoniques avec notre président lors d'une certaine période et leur faible nombre de résultats concrets).</p> <p>Pour l'apaisement, notre multi-compétent président se mit à sillonner le pays, évitant très vite les casserolades qui avaient accompagné ses ministres lors de leurs virées provinciales en mettant en place des « périmètres de sécurité » de plus en plus vastes qui l'isolaient de toute contestation et lui permirent de multiplier les promesses, parfois chiffrées, mais sans un mot sur leurs financements (car, comme un écho, monsieur Le Maire n'arrête pas de rabâcher qu'il faut économiser sur tout), rarement accompagnées de leurs modalités concrètes, souvent discrètes sur leurs délais de mise en œuvre et largement évasives sur le futur contrôle de leurs résultats. Bref, des promesses dans le droit fil de l'aphorisme bien connu du philosophe Charles Pasqua (1927-2015) : « Les promesses n'engagent que ceus qui les reçoivent ».</p> <p>Du côté du pouvoir, on fit semblant de croire que l'apaisement sur l'affaire avait eu lieu, tout en n'ignorant pas, via de plus ou moins discrets sondages, que l'épisode demeurait présent dans la mémoire de la plupart de nos concitoyens. Puis vint la tuile. Une tuile dramatique. Tout récemment, notre président, pourtant par principe omniscient, pouvait découvrir (« qui aurait pu prévoir ? ») l'urgence de la crise climatique ou la situation des « banlieues » (hors Neuilly sur Seine, Versailles…), sujets pourtant abondamment documentés depuis plusieurs décennies. La mort d'un jeune homme de 17 par un tir de policier (homicide volontaire ou non ? légitime défense ? il revient à la justice de l'établir) suite à un refus d'obtempérer fut à l'origine de graves troubles (incendies, dégradations, manifestations parfois suivies de violences) durant cinq nuits. Tuile dans la tuile, un voisin a filmé la scène depuis sa fenêtre paraissant montrer clairement que les policiers mis en cause n'étaient pas en danger (la justice appréciera). Pain béni pour les Zemmour, Le Pen et autres Ciotti, le conducteur (français, mais pas assez pour eux ?) était enfant d'immigré. Quelques semaines plus tôt, un autre jeune homme, vers Angoulême, a subi le même sort, mais il n'y avait pas de film, donc quasi silence de la presse, qui se réveilla un peu suite à l'homicide de Nahel. Et l'on apprit ainsi que treize tirs fatals de la police pour le même motif ont eu lieu en 2022 : record d'Europe largement pulvérisé et honte pour notre pays.</p> <p>La mise en détention préventive du policier auteur du tir létal contre le jeune Nahel a engendré des réactions très inquiétantes au sein de la police. Dans des communiqués deux syndicats de policiers, dont le très influent Alliance, souvent très proches des positions du trio Zemmour ou Le Pen ou Ciotti se déclarent « en guerre contre les « nuisibles ». En voilà une attitude paisible qu'elle est bonne ! Quelques jours plus tard, quatre ou cinq « baqueux » (policiers de la BAC en argot argousin) passent à tabac un jeune, lui aussi pas français comme il faut, et le laissent dans le coma. Pas de film, mais plainte, et l'état du p'tit gars en dit long. Le supposé plus violent de la bande BAC est mis en examen et incarcéré. Intolérable pour beaucoup de ses collègues qui se mettent fissa en arrêt maladie ou en mode travail minimum. Inacceptable ? Pas du tout pour Frédéric Veaux directeur de la police nationale, qui s'est mis à dos les commissaires avec son projet de réorganisation de la police et espère se refaire la cerise auprès de la base : il déclare que la place d'un policier, même mis en cause, n'est pas en prison, immédiatement approuvé par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez (ancien membre du gouvernement). Ahurissant : un policier incarcéré sur décision de justice n'irait pas en taule ? Devant le scandale, notre magnanime président intervient : nul ne peut se soustraire à la justice. Les déclas de Veaux et Nuñez ? Il ne m'appartient pas de les commenter. Qui alors ? Darmanin, leur patron ? Pas même, bouche cousue, le Darmatin, qui s'était aussi tu après le communiqué quasi séditieux d'Alliance. Apaisement, tout ça ? Notre visionnaire président a visiblement besoin de lunettes.</p></div> Jupiter, blanchisseur des consciences http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2890 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2890 2023-07-26T10:26:00Z text/html fr Yann Fiévet <p>Le président Macron essaie d'endosser le costume de sauveur de la planète face aux aléas climatiques. Yann Fiévet en montre, implacablement, l'inanité et s'en irrite même un brin. Et nous ajouterons, entant qu'arbitres des élégances bien connus, que ce costume ne lui va pas du tout.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p>Maintenant qu'il pense être sorti vainqueur de la longue séquence dans laquelle il a su brillamment imposer sa réforme des retraites à son peuple décidément trop ingrat, maintenant qu'il est en passe de mettre en place tous les outils disponibles de l'arsenal répressif destiné à tuer dans l'œuf toute contestation intransigeante sur le champ de l'écologie, le monarque absolu peut reprendre avec ardeur l'une de ses marottes favorites : recevoir en son Palais les dirigeants les plus sales de la planète. A ce titre, nous n'avons pas oublié que lors de son premier quinquennat il avait reçu en grandes pompes le Président égyptien Al-Sissi et qu'il lui avait fait remettre, en relatif catimini mais pas vraiment incognito, rien moins que la Grand-Croix de la Légion d'honneur. L'homme qui dirige l'une des dictatures les plus répressives du Proche-Orient, où ses prisons grouillent de tous ses opposants, était ainsi officiellement adoubé par son homologue d'un pays où l'on sait, en principe, ce que signifie l'expression Droits de l'Homme ! La concurrence est tellement âpre sur le marché des dictatures florissantes qu'il nous est permis de craindre une bousculade au portillon. Le premier à s'y présenter en cette fin de printemps fut MBS.</p> <p>La grandiose offensive diplomatique du prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane (MBS), devait sans doute inévitablement passer par une longue visite de huit jours en France, visite qui se termina par le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial. Etonnamment longue, cette visite de MBS illustre à merveille son stupéfiant retour en grâce. Mis au ban de la communauté internationale après l'ignoble assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en 2018 à Istanbul – dont il était le commanditaire -, le prince héritier avait été remis en selle l'été dernier par Joe Biden et Emmanuel Macron. "Nous savons bien que le recevoir n'est pas très populaire, dit-on au Quai d'Orsay. L'affaire Khashoggi est une horreur mais il est aujourd'hui très difficile de ne pas parler à MBS." Le langage diplomatique est une langue de bois, une langue lourdement chargée d'hypocrisie. Il ne s'agirait donc que de passer l'éponge sur un crime horrible ? Un mauvais moment à passer sans doute ! Chez les Saoud on exécute à tour de bras, les femmes n'ont toujours pas droit de cité, les homosexuels sont jetés en prison, etc. Fermons les yeux ! Ne les ouvrons pas davantage sur la guerre que l'Arabie saoudite livre au Yemen, notamment avec des armes vendues par la France. Il est vrai que nos médias sont plutôt discrets sur la chose. Oublions donc ces broutilles ! Puisqu'il est question de broutilles, mentionnons-en une dernière pour faire bonne mesure : les salariés français travaillant au sein de l'ambassade d'Arabie saoudite à Paris ne peuvent pas prendre leur retraite. Le pays des Saoud a oublié de payer les cotisations à l'URSAF les concernant. L'Arabie saoudite a également une grosse ardoise à l'AP-HP pour ses ressortissants venus ces dernières années se faire soigner dans les hôpitaux parisiens. Le pays de MBS est éminemment solvable mais est un très mauvais payeur. Gageons que de tout cela il ne fut pas question une seconde dans les salons feutrés de l'Elysée. On ne doit jamais fâcher un hôte de marque !</p> <p>L'absence de la distance nécessaire – on pourrait dire décente – vis-à-vis des régimes les plus sombres de la planète ne se limite pas à la réception officielle de leurs dirigeants dans les haut-lieux du pouvoir régalien. Elle est également remarquable dans l'insuffisante sympathie envers les opposants déclarés de ces régimes barbares. Il en va ainsi de la décision d'interdire la manifestation que le Conseil National de la Résistance iranienne souhaitait organiser le 1er juillet à Paris. Interdire cette manifestation des Iraniens est un marchandage – déguisé en crainte pour l'ordre public en France - contre la démocratie, la liberté d'expression et la liberté de réunion. Elle revient à céder au chantage exercé par le fascisme religieux au pouvoir en Iran, un régime qui se maintient, après le soulèvement des neuf derniers mois, en s'appuyant essentiellement sur une large vague d'exécutions qui a fait plus de deux cents victimes depuis le début du mois de mai. Il convient de ne pas froisser le régime des mollahs. Dans le même ordre d'idées, on veille à ne pas froisser non plus le régime turc. Dans l'affaire du triple assassinat de représentants de la communauté Kurde près du Centre culturel Ahmet-Kaya, siège du Centre démocratique kurde de France (CDKF), à Paris en décembre dernier, La Turquie a protesté contre ce qu'elle perçoit comme une « propagande anti-Turquie » en France. Si l'auteur des faits a bien été interpellé, il est à craindre que la Justice évitera de faire du zèle pour rechercher les commanditaires de cette action criminelle. Rappelons qu'un autre triple assassinat de Kurdes commis à Paris, en 2013, n'a toujours pas été élucidé.</p> <p>Après MBS, quel sera le prochain visiteur à venir se faire blanchir sous les lambris de l'Elysée ? Les paris sont ouverts. Jupiter n'a que l'embarras du choix. Nous savons que l'un des candidats potentiels à commencer de redorer son blason, redevient doucement fréquentable. Un homme là aussi avec lequel il faut, paraît-il, de nouveau parler. Il s'agit de Bachar El-Assad soi-même ! En mai 2023 —il a fait son grand retour sur la scène internationale. Le dictateur syrien était en effet présent au dernier sommet de la Ligue Arabe. Un début sans doute prometteur dans le paysage cynique mondial. Pour le moment, il reste encore un peu trop sulfureux pour la France. D'autres prétendants vont forcément lui passer sous le nez avant que son tour ne vienne. Dans l'attente, il conserve le droit d'espérer que l'oubli estompe progressivement la mémoire de ses innombrables crimes.</p></div> Naël : 17 ans, ce n'est pas un âge pour mourir http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2883 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2883 2023-07-19T09:53:00Z text/html fr Patrick Le Hyaric <p>Revenant sur le drame de Nanterre, Patrick Le Hyaric en décortique avec précisions quelles causes peuvent faire advenir un tel événement, quels symptômes du malaise social il révèle, quelles failles ou, plus gravement, de quelles défaillances, aveuglements et acharnements politiques il est issu.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p>Tristesse ! Que dire ? Sécher ses larmes ? Serrer les poings ? Comment est-ce possible ? Nahel a été tué de sang-froid. Mourir ainsi à 17 ans abattus à bout portant par un policier. Mourir en laissant sa maman, ses proches pleurer des souvenirs, des moments partagés, mais surtout une possibilité de vie. Chaque jeune de France se dit : cela aurait pu être moi. Chaque maman se dit : cela aurait pu être mon fils.</p> <p>À toutes celles et ceux qui se gargarisent avec le mot République, pour mieux balafrer ses idéaux, nous devons demander ce qui a été fait pour qu'il reste en vie. Partout, en France, on crie : justice ! Il y a bien un lien ténu entre la mise en œuvre de la loi de sécurité de 2017 portant sur l'utilisation des armes à feu par la police et son interprétation par la hiérarchie policière. Il y a le même lien ténu entre l'augmentation des « refus d'obtempérer » et l'augmentation continuelle du prix des assurances. Cela ne justifie pas qu'on tue. Les images ont obligé à voir une réalité. Elles ne montrent pas la menace que le refus d'obtempérer fait courir à deux policiers ni à autres personnes. Rien ne justifie qu'on meure d'une balle dans la poitrine à 17 ans. Absolument rien. Nous sommes aux côtés de sa maman, de ses proches. Nous sommes aux côtés du maire de Nanterre, des élus et de la population.</p> <p>Ce drame ne relève d'aucune fatalité. Il discrédite l'État et ses forces dites de l'ordre alors qu'elles devraient être des « gardiens de la paix ». Au nom d'un ordre juste, les coups de menton ministériel promeuvent juste de l'ordre. De l'ordre dans une société où la majorité de la population n'en peut plus d'entendre les bruits de l'argent qui coule à flots à un petit pôle de la société, des scandales divers de corruption, les magouilles de toute sorte. Ces messieurs du haut ne parlent jamais du mur qui enferme les habitants des cités. Leur problème est le « mur de la dette » à rembourser. À qui ? Aux banques et aux fonds financiers qui se gavent du manque de services publics dans ces mêmes quartiers comme dans les campagnes. Cela fait des mois que l'on sent les tréfonds de la société bouillir. Aucune leçon n'a été tirée des résultats des élections municipales où la plupart des maires ont été élus… sans électeurs. Aucune leçon réelle des résultats des différents scrutins dans les quartiers populaires. Aucune leçon des conditions du confinement dans les quartiers populaires. Aucune leçon des mises n'en garde sur la violence des « contrôles policiers au faciès » le racisme et le mépris dont sont l'objet ces citoyens. Même l'ONU vient de déclarer ce vendredi que la France doit « s'attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme parme les forces de police. Oui, l'ONU.</p> <p>Qu'ont-ils bien à faire les jeunes de ces quartiers discriminés des proclamations gouvernementales sur les « taux » de chômage quand eux sont assignés à résidence, discriminés et invités à devenir « ubérisé » en s'endettant pour longtemps. En ce moment même avec les constructions des équipements des Jeux olympiques s'accélèrent ce que l'on appelle la gentrification, c'est-à-dire l'accélération du déplacement des populations les plus en difficulté de ces quartiers par des catégories sociales plus aisées. Celles et ceux qui y habitent, parents et enfants, ouvriers, employé, étudiants, bref les premiers de corvée, celles et ceux que l'on croise de très bonnes heures dans les transports en commun n'auront pas accès à ces logements. Ils sont trop chers. Et que dire de la possibilité pour elles et eux de participer aux Jeux olympiques quand il faut presque deux mois de salaire pour disposer d'un billet ? Pourquoi, les habitants des « banlieues » ces lieux mis au ban de la grande ville et de la société n'ont-ils pas droit au beau.</p> <p>Dire ceci n'est pas justifier les violences et les destructions de voitures des voisins, de services publics, de mairies, de dépôts de bus, les attaques de magasins pour voler. On croit s'en prendre à l'État ou à tout ce qui représente l'État. En fait, c'est à soi-même et à ses semblables qu'on fait mal, c'est sa voisine, son voisin, son cousin qu'on empêche d'aller au travail, voir qu'on met au chômage. Ces violences, se retournent toujours contre les populations les plus en difficulté, donnent prétexte au pouvoir de restreindre encore la démocratie.</p> <p>L'apaisement et le dialogue dans les cités sont indispensables. Pour cela, la confrontation politique doit reprendre ses droits. Mais les autorités publiques doivent écouter, entendre et en tirer les conclusions pour améliorer réellement la vie des citoyens. Pas le énième « plan banlieue » mais le respect, l'égalité des droits, la fin du racisme et des discriminations, l'accès à l'école, la formation, la culture, le sport et à un travail intéressant correctement rémunéré, a un logement de qualité à un prix abordable.</p> <p>Ce n'est pas le chemin que montre le pouvoir qui va jusqu'à interdire aux députés de voter une loi de recul de l'âge de la retraite. Loin de moi, l'idée de tout mélanger. Seulement l'épisode du coup de force pour imposer la loi des 64 mois a des conséquences sur les modes de « luttes » dans cette jeunesse et ses parents qui ne sont jamais écoutés. Mais on peut en dire de même des territoires ruraux, là où on s'est beaucoup mobilisé contre la loi des 64 ans, là où manquent tant de services publics, là où deux paysans se suicident en silence chaque jour. Qui porte contre eux, la violence ? Même le rapport commandé à Jean-Louis Borloo sur les banlieues a été jeté à la poubelle en direct à la télévision, pour des raisons politiciennes. Qui a donc soufflé sur les braises de l'incendie qui couvait depuis un long moment ? Et ce ne sont pas les déplacements ministériels ou de pseudo-réunion de crise sous l'œil des caméras qui ouvrent le chemin d'un renouveau du dialogue, de l'apaisement, de la construction d'une police proche et au service des habitants. Nahel, ce prénom qu'il ne faudra pas laisser s'enfouir dans l'oubli !</p> <p><i>Article paru dans la Lettre internet de Patrick Le Hyaric</i></p></div> Un moment de révolte émeutière http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2881 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2881 2023-07-18T09:44:00Z text/html fr <p>Temps Critique, la revue animée par Jacques Wajnsztejn a consacré aux mouvements de révoltes pouvant avoir un caractère d'émeutes ces dernières décennies jusqu'aux dernier consécutifs à la réforme des retraites et à la mort de Nahel. Une immersion dans notre passé récent qui évoquera des souvenirs pour les plus anciens, des éléments de connaissance pour les plus jeunes, et des réflexions pour tous</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p>1) Tout d'abord, un point essentiel dans le glissement sémantique qui s'est produit entre 2005 et 2023, y compris dans Temps critiques. Ainsi, alors que dans notre article du n°14 (« La part du feu ») nous faisions état d'une révolte des banlieues que nous étions à l'époque peu nombreux à saluer sans la mythifier, aujourd'hui, y compris donc au sein de la revue, si on en croit quelques courriers ou discussions orales, il semblerait que la question de la révolte soit passée au second plan ou même soit occultée par l'insistance nouvelle portée sur le phénomène « émeute », comme s'il surdéterminait ou concentrait tout ce qu'il y a à dire sur le sujet. Or, l'émeute n'est qu'une expression concrète, sous une forme particulière, de cette révolte première basée sur une colère et des émotions qui ne trouvent plus de transcription politique. Si on laisse de côté la situation américaine, la pratique émeutière s'origine en France dans de nouvelles formes de violences urbaines en provenance des « quartiers » ou banlieues dès la fin des années 19701. Mais leur caractère limité géographiquement, puis le développement de pratiques alternatives plus « politiques » comme la « marche pour l'égalité et contre le racisme » de 1983, qui a produit une reconnaissance politique de ce mouvement, au moins à gauche, n'ont pas constitué un terreau fertile au développement de nouvelles pratiques émeutières, malgré l'émergence de nouveaux courants « radicaux » faisant l'apologie de l'émeute2. La surprise n'en a été que plus grande en 2005 quand la révolte a tout à coup signifié l'échec des différentes politiques de la ville et le décrochage progressif de certains territoires. Déjà à l'époque l'incompréhension a été grande du fait que les « émeutiers », en attaquant des bâtiments publics où des biens privés de leurs propres quartiers, creuseraient leur propre misère. Ce qui est sûr, c'est qu'ils sont restés isolés dans ce qui est devenu pour la postérité une « révolte des banlieues » (de certaines en fait) puisqu'elle ne s'est pas étendue aux villes et a fortiori aux centres-villes3. Or, la révolte de l'été 2023 n'est pas qu'une révolte des banlieues, puisque contrairement à 2005, elle concerne aussi les centres-villes. Elle n'est donc pas exclusivement le fait des jeunes des banlieues, mais de jeunes en général qui pratiquent des formes d'action directe déjà présentes dans la seconde phase de la lutte sur le dernier projet de retraite, à savoir après le passage en force de l'article 49.3. Une nouvelle donne pendant laquelle les débordements commis par des manifestants ou la « casse », au sein même de la manifestation et non pas seulement à sa tête, de cibles économiques et financières étaient déjà nombreux. Pourtant, personne n'y trouvait vraiment à redire ; cela fut encore moins jugé inadmissible par les autres manifestants. Après les grèves « par procuration » qui devinrent une habitude à partir de 1995 et semblaient ne poser de problème à personne, on eut droit à des affrontements avec la police (Black Bloc, autonomes ; membres du cortège de tête) et à de la « casse », par procuration là aussi ; a minima sous forme d'applaudissements, mais parfois aussi en faisant bloc pour ne pas isoler les manifestants les plus actifs et offensifs. Cela fut à vrai dire facilité d'une part par un service d'ordre syndical assez faible en nombre et peu déterminé, et d'autre part par une police recevant des ordres à géométrie variable et sans grande lisibilité ou cohérence, selon certains responsables du service d'ordre. Darmanin seul y vit alors la main de « black bourges » et « d'enfants de bonne famille » (24 mars 2023) avant de traiter les émeutiers de banlieues de « délinquants » (4 juillet 2023).</p> <p>La carte des émeutes ne correspond pas à celle de 2005. À l'époque, elles avaient clairement lieu dans les quartiers les plus pauvres de France où régnait un sentiment d'abandon de la part de l'État et des pouvoirs publics. La carte des incidents actuels ne confirme pas cette caractéristique. On peut d'ailleurs noter que Nanterre n'avait pas connu de troubles en 2005. Paris intramuros y avait aussi été épargné alors que là on observe aujourd'hui un grand nombre de manifestations, d'affrontements et de casses dans le centre de Paris, de Lyon, Marseille, Rennes, Toulouse, Montpellier, etc. En effet, depuis 2017, il ne s'agit plus de l'équivalent d'un « Dix ans ça suffit » adressé par les manifestants de mai 1968 à de Gaulle, mais d'un sentiment de haine vis-à-vis de Macron ; un sentiment qui pousse à une sorte de solidarité basique contre des mesures gouvernementales et policières qui n'apparaissent plus comme des dysfonctionnements ou des bavures, mais, à tort ou à raison, comme un « système » ou plus justement qui semblent faire système4. Un contexte et une prise de conscience qui n'est pas toujours politique au sens strict de l'ancienne conscience politique de gauche ou de la conscience de classe, mais qui ne se réduit pourtant pas à un « ressenti », car cette tendance du pouvoir à privilégier la répression par rapport à la prévention s'est objectivée à partir des années 2000. En effet, cette « conscience » ne faisait que poindre dans les années 2005-2006 et surtout elle n'était pas autant partagée. La coupure entre révolte dans les banlieues d'une part et mouvement contre le CPE étudiant d'autre part était apparue comme totale, alors que moins d'un an séparait les deux phénomènes. Il est vrai que des tensions entre jeunes pendant des manifestations anti-CPE, avec pratiques de dépouille et affrontements physiques parfois, avaient de quoi désespérer.</p> <p>Nous ne sommes plus dans cette situation. Un « alliage » et non pas la tarte à la crème du discours syndicalo-gauchiste sur la « convergence », s'est construit entre fractions diverses de la jeunesse et certaines couches ou catégories sociales engagées préalablement dans une lutte contre le pouvoir en place. Cet alliage qui semblait improbable s'est forgé progressivement dans une certaine exemplarité des luttes depuis 2017 et non pas sur la base d'intérêts à défendre. La présence d'une diversité sociologique, politique et générationnelle de manifestants plus importante qu'auparavant, le développement des cortèges de tête, les initiatives des Gilets jaunes et certaines actions directes contre les grands projets capitalistes (Notre-Dame des Landes, le TGV Lyon-Turin, Sivens et les grandes bassines) ou d'autres sur le climat témoignent de cet alliage où il n'est pas question non plus de chercher et trouver une quelconque « intersection » possible. Il s'est exprimé concrètement par une similitude des pratiques entre certaines des actions directes dans les centres-villes et les déambulations sauvages qui se sont produites pendant les nuits de la fin de la lutte contre le projet de retraite. Il y a eu une même volonté de prendre le contrôle de la rue et des axes de circulation. Pour les uns, c'est parce que, depuis les Gilets jaunes, ce contrôle est devenu un enjeu dépassant largement la question du lieu exact (cf. les ronds-points) puisque les trajets et même le droit à manifester sont de plus en plus remis en cause ; pour les autres, les sans-pouvoirs et sans–représentants, il s'agit de prouver son existence et éventuellement sa puissance potentielle ou latente, là où la puissance publique n'apparaît plus clairement que policière, et éventuellement de dépasser, comme les Gilets jaunes avant eux, cette territorialisation, parfois plus subie que choisie, en s'aventurant jusque dans le cœur des villes, lieux de pouvoir et de consommation.</p> <p>L'embrasement est certes beaucoup plus général qu'en 2005 du point de vue géographique et du nombre de participants5. Mais la dimension émeutière reste minoritaire : beaucoup de protestataires subissant les mêmes conditions difficiles ou discriminations en restent à des pratiques plus défensives ou respectueuses de l'ordre comme les « marches blanches ». Ce sont pratiquement toutes les banlieues et aussi les derniers quartiers populaires des villes, qui sont concernés6, et dans toute la France des centaines de communes de taille diverse. Par ailleurs, comme pendant le mouvement des Gilets jaunes, les petites villes sont aussi touchées, mais comme nous le repérions déjà dans notre article du n°14 et aussi dans l'analyse du mouvement des gilets jaunes, si la révolte essaime ou se propage de partout, la révolte n'est toujours pas une révolte de masse ; même et sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles elle reste émeutière ou infra-politique. Cette dernière caractérisation n'est pas pour nous infâmante, d'autant qu'elle servit déjà, pour certains, à délégitimer la révolte des Gilets jaunes.</p> <p>De cette focalisation sur les émeutes, il en ressort forcément une interprétation en termes soit insurrectionniste (l'apologie pure de l'émeute même si elle n'a rien d'insurrectionnelle), soit spectaculaire et médiatique avec l'idée d'une émeute pour l'émeute ou encore le discours sur une virtualité de l'émeute comme chez Macron, qui y voit une extension perverse des jeux vidéo pour se prémunir de toute accusation de responsabilité politique, personnelle ou gouvernementale.</p> <p>2) De ce point, il s'ensuit un autre presque aussi important, consistant à ne pas considérer ce qui se passe comme une nouvelle émeute, une simple émeute supplémentaire. Il n'y a pas de raison pour que notre caractérisation de la révolte de 2005 ne soit plus valable en 2023. Il ne s'agit pas aujourd'hui d'un rituel tel celui du 31 décembre à divers endroits où se produit une sorte de concours annuel au plus grand nombre de voitures brulées, mais d'un niveau de réaction qu'on n'a pas connu depuis vingt ans, de la même façon qu'il s'était écoulé aussi une vingtaine d'années entre les « rodéos » de Vaulx-en-Velin et Vénissieux des années 1980 et la révolte de 2005. Il est vrai que ce moment de révolte émeutière fait lui-même partie d'un continuum de luttes, dont la fréquence depuis presque sept ans donne l'impression qu'elles arrivent ensemble. Chacune resterait en mémoire (projet de loi-travail, Gilets jaunes, retraites, Sainte-Soline, banlieues), avec une idée qui s'ancre, celle qu'on se trouve face à un État qui parle sans arrêt de réforme, mais dissout ses principales institutions en s'éloignant d'un « modèle républicain » qui devient imprésentable aussi bien au niveau intérieur, pour des fractions importantes de la population, qu'à l'étranger comme on a pu le voir récemment dans la presse anglaise7 ou la presse allemande (cf. infra).</p> <p>Une fois ces institutions résorbées dans la société capitalisée, il ne reste que le squelette du modèle et pas grand-chose d'autre qui peut faire perdurer une « exception française » qui résiste mal à l'épreuve du temps. Ce sont finalement les forces de l'ordre qui représentent aujourd'hui le socle de cet État affaibli. Une situation qui explique aussi pourquoi la justice, une institution essentielle de l'ancien État dans sa forme nation, ne trouve rien de mieux aujourd'hui, alors qu'elle est en crise et le fait parfois savoir (par exemple à Sarkozy), que de ratifier la décision du pouvoir exécutif, de frapper fort sur des prévenus présumés émeutiers. Or ces derniers, pour la plupart, au récit des audiences, n'en ont aucunement l'envergure (révolutionnaire, insurrectionnelle, islamiste radicale ou même mafieuse). Progressivement, l'État français est ainsi passé de la croyance en un miracle d'une école méritocratique chargée de compenser la rigidité de son processus d'ascension sociale à l'idée d'une politique sécuritaire qui supplante en partie un discours et des politiques d'aide sociale. S'il y a déjà un certain temps que nous avons signalé le passage de la forme nation de l'État à sa forme réseau avec le phénomène subséquent d'une « résorption » des principales institutions de l'État, la tendance s'étend et s'accélère, mais sous une forme qui peut surprendre dans la mesure où cette résorption ne conduit pas forcément et unilatéralement à un affaiblissement de l'institution, comme dans l'Éducation nationale, mais à une réaction d'autonomisation plus ou moins offensive et effective. Il en avait été ainsi en Italie à la sortie des années 1970 dans les procédures d'exception menées contre les groupes de lutte armée et la mafia, puis avec l'opération Mani pulite des juges, qui sauva peut-être l'État mais pas les partis ; il en est peut-être ainsi aujourd'hui en France, avec la tendance à une autonomisation des forces de police via la montée en puissance de leur syndicalisme et sa radicalisation droitière très différente de la période des années 1960 à 1980, pendant laquelle Gérard Monatte, et son syndicat autonome de la police, joua la carte du rapprochement des policiers avec le syndicalisme ouvrier, par exemple en mai 1968.</p> <p>De cette résorption des institutions républicaines, les Gilets jaunes ont bien été conscients, eux qui ont voulu réveiller positivement les souvenirs et slogans de la révolution française ; les jeunes des « quartiers » en sont aussi conscients, à leur manière, pour certains plus nihilistes, quand ils se réfugient dans une sorte « d'anti-France » parce qu'ils semblent dépossédés des idéaux de la république. Ainsi, sur les bâtiments publics attaqués et incendiés, des drapeaux ont été brûlés avec ostentation. C'est ce caractère nihiliste et finalement l'absence de revendication qui disqualifieraient d'entrée de jeu ces révoltés et ferait qu'ils ne peuvent bénéficier de la reconnaissance relative que l'État accordera finalement aux Gilets jaunes à partir de janvier 2019, après avoir cherché à les humilier verbalement et brutalement dans les premiers moments du mouvement.</p> <p>Les médias se sont chargés de mettre en regard comme deux équivalents, deux types de violences qui seraient toutes les deux insupportables. D'un côté celle d'une police qui compte à son tableau de chasse récent trente mutilés du mouvement Gilets jaunes, six de celui contre la réforme des retraites plus ceux de Sainte-Soline, auxquels on doit ajouter la multiplication par six des tirs mortels sur les véhicules depuis la loi de 20178. Le tout couvert par une justice qui leur permet de fait, en leur accordant la plupart du temps l'impunité, la violation de droits élémentaires jusqu'au droit à la vie ; de l'autre celle de jeunes qui seraient « ensauvagés » ou « décivilisés » selon les mots d'un gouvernement aux abois, reprenant des termes et thèmes chers à l'extrême droite classique9. Le moins qu'on puisse dire, si on admet qu'on a affaire à deux formes de violence, c'est qu'elles sont asymétriques. En 2005, nous signalions l'erreur consistant à passer la révolte des banlieues au crible d'une analyse de classe ne pouvant que conduire à faire resurgir l'image menaçante d'un « lumpenprolétariat », alors que déjà l'image même de son contrepoint mythifié, le prolétariat, s'estompait. Aujourd'hui et ici il n'en est même plus question, ni dans la presse officielle ni même dans les officines gauchistes qui tardent à se prononcer hormis Mélenchon et quelques proches de LFI, qui pour le moment « enfourchent le tigre », mais en dehors d'une ligne de classe (le discours sur « les pauvres » ou les ségrégués).</p> <p>3) C'est l'enchaînement des événements depuis 2017 qui crée comme une sédimentation des révoltes, même si elles n'ont pas les mêmes raisons de départ ni les mêmes objectifs. À ce niveau, s'il y a bien immédiateté de la révolte et un pathos qui va avec, il n'y a pas que de l'immédiat parce pour beaucoup la haine qui se personnalise dans l'anti-Macron est aussi une haine de l'État, qui se reporte sur ses forces de l'ordre traitées de keufs, bâtards, pigs ou autre milice d'État ou du capital par les plus politisés, qui s'attaquent plus globalement au capitalisme, bien souvent réduit aux banques et à la finance.</p> <p>Ce que l'on peut dire, c'est que lorsqu'il se produit une succession de phases de révolte, cette succession produit une impression de dissolution de la singularité de chaque épisode, qui devient comme ordinaire ou à la limite comme attendu.</p> <p>4) Comme nous le disions à l'époque, ce qui caractérise les révoltes du capitalisme tardif (et ses « émeutes »), ce n'est pas essentiellement leur caractère collectif, mais un mélange de réactions individuelles, subjectives et affinitaires, de bandes ou de quartiers qu'on retrouve aussi bien parmi les jeunes prolétaires de banlieue que parmi les Black Bloc, voire les milieux « antifa ». C'est aussi pour cela qu'elles ne peuvent être assimilées à des mouvements sociaux ni même à de nouveaux mouvements sociaux comme certains sociologues (Touraine, Dubet) caractérisèrent les mouvements des années 1980.</p> <p>Elles n'existent que par l'expression d'une sorte de mainmise sur l'avant de la manifestation et sur des pratiques de « débordements » qui ne viennent pas se rajouter sur le mouvement comme pendant les Gilets jaunes, mais les constitue comme objectivité10. À notre façon, nous avons abordé cette question dans la brochure « Les chemins de traverse de la question sociale » (Interventions n°20, octobre 2022), qui parlait de l'exclusion dans l'inclusion à travers l'inessentialisation de la force de travail, la fin de la nécessité d'une armée industrielle de réserve et la production accrue d'une population de surnuméraires plus que d'« actifs » au sein d'un État social en grande partie maintenu, même si ce n'est plus sur les bases d'un rapport entre capital et travail.</p> <p>Tout cela n'est pas « attendu », au sens où, par exemple, l'était une probable opposition syndicale et par suite une lutte sur le projet de retraite. Cela est bien plutôt craint par un pouvoir central qui a eu tendance à abandonner une politique nationale (cf. l'abandon du plan Borloo) pour laisser la gestion à court terme de pans entiers du territoire à des maires qui ne sont guère tenus d'appliquer, par exemple, les réglementations sur le logement social, mais qui, par contre, prônent pour la plupart l'armement de leur police municipale.</p> <p>Craint, disions-nous, car s'il n'y a pas de perspective insurrectionniste dans ces révoltes, il n'y a pas non plus de perspective à terme pour le pouvoir central en place. Du point de vue de ce dernier, il ne s'agit plus de croire à des solutions de type économique et sociale par l'emploi, le logement et l'extension du salariat comme source d'intégration ; ni de proposer une solution dans le cadre républicain et laïque « à la française », vu sa crise actuelle. En effet, pour l'État, il devient difficile d'insister sur les anciennes valeurs censées le définir — Liberté, égalité, fraternité —, alors qu'on assiste justement à un affaiblissement de la transcription effective de ces valeurs dans les rapports sociaux. Pour les jeunes révoltés, le manque se traduit en négation et produit en retour un effet boomerang.</p> <p>Sans doute cette crainte existe, de la part d'un gouvernement qui aura concentré les difficultés et subit des oppositions et luttes à un point rarement égalé depuis 2016. C'est peut-être cette succession de phases délicates à gérer qui explique la prudence de départ du pouvoir, la condamnation formelle du policier mise en cause et une relative sous-médiatisation des réactions émeutières. C'est en tout cas ce qu'ont relevé certains « experts » en information et communication pendant la phase ascendante des deux ou trois premiers jours. Et ce… jusqu'à ce que les pillages et aussi leur mise en scène prennent une importance telle qu'elle puisse servir de contre-feu à l'État et plus précisément au gouvernement, en direction d'une opinion publique retrouvée ou reconstituée. Cette crainte de la part du pouvoir s'exprime aussi dans les décisions préfectorales autoritaires comme l'arrêt des transports publics le soir ; la suppression de la plupart des fêtes locales, concerts (Mylène Farmer à Lyon) et autres, y compris dans de petites villes comme Hyères où la fête des terrasses ouvrant la saison a été annulée ; jusqu'à l'interdiction de tout rassemblement ou manifestation aujourd'hui. Sans oublier des premières peines « à chaud » démesurées prononcées par des tribunaux qui expédiaient les procédures sans se soucier du principe d'individualisation des jugements (cf. Libération, le 3 juillet), tout le monde étant présumé « émeutier », avant semble-t-il de se reprendre et d'en revenir à des normes de peines habituelles (cf. Enquête Le Monde, le 8 juillet). Il n'en demeure pas moins que la proportion des procédures de comparution immédiate est plus élevée que pendant la répression contre les Gilets jaunes11. Ce rappel de la notion de négativité avec donc une part de nihilisme ne signifie pas, bien sûr, qu'il faille rejeter les manifestations ou actions comportant de la négativité ni ne doit préalablement nous empêcher de les décrire et de les interpréter. Dire qu'il y a de l'attendu, de la répétition dans ces récoltes émeutières, ne signifie pas qu'elles soient sans intérêt politique. En effet, elles contiennent aussi du « nouveau », d'ailleurs davantage dans la forme que dans le contenu (mais quel contenu ?). On pourrait alors parler d'innovations formelles…</p> <p><i>Article paru dans le blog de la revue Temps Critiques (<a href="https://blog.tempscritiques.net/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://blog.tempscritiques.net/</a>) dirigée par Jacques Wajnsztejn. Les notes de bas de page figurent sur notre site .</i></p></div> L'horreur et l'exploitation de l'horreur http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2869 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2869 2023-06-11T16:08:00Z text/html fr Patrick Le Hyaric <p>Patrick Le Hyaric revient sur les agressions d'Annecy et de Saint-Brévin les Pins pour dénoncer méticuleusement les amalgames honteux, racistes d'une certaine classe politique, de droite soi-disant « républicaine » ou d'extrême droite, la violence montante de la fachosphère et la négligence gouvernementale et nous donne un conseil : visiter l'exposition du Musée national de l'immigration.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p>Annecy et avec elle la France entière a été fortement ébranlée par l'horreur, l'indicible, l'incompréhensible. Des petits enfants attaqués, poignardés par un homme âgé de 31 ans, lui-même père de famille Un homme poussé et égaré sur les routes de l'exil depuis sa Syrie natale pour fuir les horreurs de la guerre dont il était l'un des soldats. Le malheur frappe six familles à qui nous apportons notre pleine solidarité, notre affection et nos souhaits de meilleurs rétablissements. Tout en sachant que les douleurs dans les chairs comme dans les esprits ne s'effaceront pas avant longtemps. Poignarder l'innocence, c'est poignarder l'avenir. Il est bien que ce criminel ait pu être arrêté et déféré devant la justice. Son procès permettra sans doute d'écarter les manipulations et les amalgames, notamment le lien malhonnête entre droit d'asile et l'acte d'un forcené.</p> <p>Comme après chaque drame désormais, jusqu'à l'abjection, une cohorte de responsables politiques, de la présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale en passant par le sinistre Ciotti, voyagent dans le même wagon-lit poisseux de l'extrême droite avec Le Pen et Zemmour. Comme des rapaces, les uns et les autres se sont jeté sur les torrents de larmes causées par la lâcheté d'un homme, pour déverser leur haine et remettre en cause le droit international, le droit d'asile, l'immigration. Ce fut pour eux, une aubaine pour tenter de faire oublier la loi des 64 ans et les méthodes antidémocratiques déployées pour l'imposer. « Chaos migratoire » crie le sinistre Ciotti. « Rétrécir le droit d'asile » s'enflamme Le Pen. « Il y a plus important que les conventions internationales, il y a la survie du peuple français » éructe Zemmour tandis que ses amis de Génération identitaire appellent à « une reprise en main virile de notre civilisation ». Ils ont été déçus que ce criminel ne soit pas musulman. Il se revendique chrétien. Oui, mais alors !… « Un mauvais chrétien » s'est-on exclamé sur Cnews.</p> <p>Peu importe ! Pour la grande parade des obsédés de la différence, des obnubilés de l'expulsion, c'est un étranger. Certes ! Mais, avant tout, la vérité c'est qu'il est malade mental et que sa demande d'asile lui a été refusée il y a quelques jours. On estime à 40% le nombre de sans domicile fixe souffrant de pathologies psychiatriques. Très peu bénéficie d'une prise en charge et de protection. De la faute à celles et ceux qui surfent sur l'horreur après avoir voté et mis en œuvre tous les plans d'austérité. Les mêmes qui se contre-foutent des trente-cinq millions (oui 35 millions de réfugiés) qui vaquent sur la planète. Ce sont les pays pauvres qui en accueillent quasiment le quart d'entre eux ! Les lugubres propagandistes savent pourtant que plusieurs crimes et de féminoïdes perpétrés ces derniers jours ne sont pas le fait « d'étrangers » en Bretagne, en Vendée et ailleurs. Ces discours ont libéré à Annecy la fachosphère dans la rue, menaçant le maire de la ville et la présidente de la communauté d'agglomération, la Ligue des droits de l'Homme et les associations de solidarité.</p> <p>La stratégie des extrêmes droites est de travailler la déraison, de jouer sur les peurs pour mieux cacher leur mission fondamentale : servir de bouée de sauvetage au capitalisme exploiteur, diviseur, aliénant en désignant « l'autre », l'immigré, l'enfant d'immigrés même s'il est Français, l'étranger comme le responsable des malheurs que provoque ce système. Tout est fait pour cultiver la méfiance, la défiance, les peurs irraisonnées détournant chaque jour un peu plus les yeux et les esprits des valeurs éthiques, sociales et solidaires qui fondent notre civilisation. C'est ainsi que le spectre politique du gouvernement jusqu'à l'extrême droite procède à une mutation du droit tournant le dos aux politiques d'accueil, au droit d'asile, au regroupement familial, et au bout du compte aux intérêts de la France qui n'a cessé de s'enrichir des apports extérieurs. En envisageant « la déchéance de nationalité », l'ancien président socialiste avait libéré une ignoble voie : une dangereuse hybridation des discours des droites, des extrêmes droites, des centres maintenant et d'une partie de ceux qui se réclament de la gauche, est en cours.</p> <p>Au moment où la faim et la misère reprennent de la vigueur, où les guerres et les conflits ensanglantent les pays où la population est la plus démunie ; au moment où les modifications climatiques accélèrent les migrations de celles et de ceux qui veulent échapper à la mort, la question n'est pas de savoir si on est pour ou contre l'immigration. L'enjeu fondamental est d'être à la hauteur de l'humanité tout en combattant les véritables tares de nos sociétés : l'exploitation, la précarité, la mise en concurrence, les destructions des services publics. La question est de savoir si nous allons agir pour bâtir un monde commun où primerait la coopération entre les peuples, la fin du pillage des pays du sud et leur mise sous dépendance. L'immigration n'est pas une problématique nouvelle. On ne peut oublier les déplacements humains au fil des époques et leurs intégrations pour faire société commune malgré des peurs et des appréhensions.</p> <p>Ce qui s'est passé à Saint-Brevin-les-Pins, avec la démission du maire, aurait pu être l'occasion pour les pouvoirs publics d'organiser un débat serein, raisonné, autour d'un accueil digne et organisé des étrangers et des demandeurs d'asile. Le pouvoir et les grands médias ne l'ont pas voulu, préférant accréditer la thèse d'une violence banalisée contre un maire, comme en subissent tant d'autres. Or, il s'agissait ici d'un projet l'accueil de réfugiés que l'extrême droite veut empêcher par tous les moyens. À l'immense majorité de nos concitoyens qui souffrent, qui peinent, qui ne sont jamais écoutés, nous faisons appel au débat, à la réflexion, a la raison : les demandeurs d'asile ne sont en rien responsable de la pression sur les salaires, la galopante inflation, les meurtrissures contre les services publics, les mépris des puissants, les précarités et insécurité de toutes sortes. C'est bien l'inaction publique qui crée les problèmes que dénoncent ceux-là mêmes qui ne veulent pas de l'accueil : l'errance, la délinquance, la folie. Rien à voir avec la génétique raciale ou civilisationnelle. Ces maux sont le résultat d'un système économique qui exclut, précarise les travailleurs français et immigrés, leurs enfants mis partout en concurrence.</p> <p>Que le défi soit complexe, nul, ne le nie ! Mais il doit être relevé au nom même de l'intérêt général, au nom des valeurs originelles de la République, au nom de l'humanisme. Il passe par une information exacte, par la fin de la stigmatisation, des discriminations, de l'exclusion et de la précarisation des classes populaires et une partie des classes moyennes. C'est la condition pour refermer les plaies de la violence des fractures sociales. Nous devons alerter toutes les travailleuses et tous les travailleurs, les citoyennes et les citoyens : le grand clivage n'est pas comme veulent le faire croire la droite extrême et l'extrême droite entre le national et le racial, entre Français et étrangers. Il est entre le capital lucratif, qui exploite toutes les femmes et tous les hommes quelles que soient leurs origines - et la capacité de toutes et tous à faire cause commune pour gagner la souveraineté sur le travail et construire ensemble un monde commun, juste, solidaire, libre, désarmé et en paix. Je vous conseille la visite de l'excellente nouvelle exposition qui s'ouvre ce 17 juin au Musée national de l'immigration rue Daumesnil à Paris.</p> <p><i>Article paru dans la Lettre internet de Patrick Le Hyaric </i></p></div> Macron , on n'en peut plus, mais après, c'est quoi ? http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2860 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2860 2023-05-06T14:50:20Z text/html fr Jean-Luc Gonneau <p>Englué par les conséquences de sa désastreuse réforme des retraites et de son inaction concernant la politique sociale, la santé, l'éducation, l'industrie, l'environnement, tout, quoi, Macron va connaître des temps difficiles avant son (ouf !) départ. Mais quoi après ? Jean-Luc Gonneau en dit (un peu) plus.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p>Macron, on en a fait le tour. Dans quatre ans, bye bye. Il aura marqué L'Histoire, catégorie poubelles. Pendant quatre ans, il ne pourra pas se débarrasser de la honte due à sa réforme des retraites, tel un capitaine Haddock avec son bout de sparadrap. Lui, ce seraient plutôt des kilomètres de sparadrap qu'il devrait trainer, de quoi en refiler quelques morceaux à M'ame Borne, sa souffre-douleurs, G. Attal, célèbre moulineur de vide, B. Le Maire, ministre-délégué à la protection des intérêts de la phynance, O. Dussopt et O. Véran qui essayent, en vain, de faire croire qu'ils sont toujours « de gauche » : on ne sait jamais, ça pourrait servir pour la suite. N'oublions pas G. Darmanin, à qui, à l'instar de son « opposant » E. Ciotti, il ne manque pas grand'chose pour rejoindre le Rassemblement National (il trouve M'ame Le Pen « molle » face à l'immigration). Il y en a sans doute quelques autres. Et nous n'avons pas inclus M. Schiappa, qui a au fil des ans, avec une remarquable ténacité, constitué sa propre collection personnelle de bouts de sparadrap. Mais revenons à Macron, leur maître en toutes choses, leur donneur d'ordres, quasi divin inspirateur.</p> <p>En quatre ans, malgré les kilomètres de sparadrap, les milliers peut-être de casserolades, et même, en juin ou plus tard, un (très) éventuel retrait de la réforme que chacun sait, Macron peut toujours continuer à détricoter les services publics (pour le plus grand bien des intérêts privés qui lui sont si chers) et aiguiser les dissensions (ainsi, la xième loi sur l'immigration est certes reportée, mais pas abandonnée) à coups de décrets discrets, d'ordonnances ne passant pas par le Parlement, ou de lois agréables aux députés Les Républicains ou même à un accord tacite du Rassemblement National.</p> <p>Peut-être pas tout de suite, car l'heure est à la tournée présidentielle des casserolades, où le président saupoudre des promesses sucrées assorties de la perspective de quelques milliards sortis d'on ne sait où, afin de remplir le panier garni promis vers le 14 juillet, à l'issue des « cent jours », susceptible de « donner du sens » à l'action gouvernementale. Promesses qui seront au mieux tenues de façon édulcorée, au pire plongées dans les ténèbres de l'oubli, comme l'ont été celles issues des « grands débats » ou des quelques « Grenelle » des années passées. Et boum, le lendemain, le monarque tranche : pas de vote, le 49.3. Le monarque reste impavide : qu'importe s'il exacerbe les colères populaires, ce ne seront pas « ceux qui ne sont rien » qui le feront plier. Et la pauvre madame Borne, qui l'avait quand même un peu cherché lors de ses vaticinations précédentes, en prend plein la tronche, ce que peu chaut au monarque.</p> <p>Dans quatre ans, (certains disent « peut-être avant », mais, dans la lignée de la métaphore bien connue, il apparaît que le sujet concerné soit accroché à sa présidence comme la moule à son rocher, et Lénine aurait probablement et à juste titre que « les conditions objectives ne sont pas réunies »), Macron rendra enfin son tablier. Ce qui excite quelques appétits. Si en quatre ans il se passera bien des choses, et qu'il est vain de commencer à prendre des paris sur la configuration de la prochaine élection présidentielle, il est peut-être utile d'esquisser un état des lieux des forces (et des faiblesses) politiques en présence.</p> <p>La République en Marche avait à peine cinq ans lorsqu'elle fut renommée Renaissance, comme quoi la marche, ça fatigue, même les jeunes cadres autoproclamés dynamiques. Ce parti relativement majoritaire doit tout à Macron, tout comme l'UNR (et ses successeurs) devait tout à De Gaulle. Mais n'est pas De Gaulle qui veut. Même si beaucoup d'entre nous n'ont jamais été gaullistes, nous devons concéder qu'il avait une histoire et du souffle. Macron n'a ni l'une et à l'usage, ni l'autre, et son parti n'a jamais été, comme ceux de De Gaulle, qu'une chambre d'enregistrement de la volonté du chef, mais un chef sans histoire et sans souffle. Et dans ces cas-là, lorsque le départ programmé du chef pointe à l'horizon, le parti vire au marigot et des crocodiles lorgnent l'héritage, même si l'héritage que Macron risque d'être fort écorné par des passifs conséquents. Laissons donc les Philippe, Le Maire, Darmanin, qui seront peut-être rejoints par quelques autres, s'ébattre avant probablement de se battre, en les regardant du coin de l'œil quand même, car ce peut-être parfois divertissant. Peu implanté dans la société (c'est le cas de tous les partis), peu implanté dans l'histoire politique du pays, Renaissance semble voué au mieux à un lent dépérissement, ou à une explosion..</p> <p>L'autre parti de droite (Les Républicains) est lui aussi dans une situation fragile, les uns souhaitant un rapprochement avec les macronisme, pas déjà franchi au fil des années par plusieurs personnalités, acceptant ainsi une vassalisation, d'autres louchent, plus ou moins discrètement, vers le Rassemblement National. Ecartelés les Rep. A l'extrême droite, si on peut se réjouir du fiasco de l'entreprise, on ne peut que s'inquiéter de la « bonne santé » du parti de Mme Le Pen, collectionnant de flatteurs sondages et ceci sans rien faire, engrangeant une bonne partie des dépités du macronisme. Permettons-nous à ce sujet une rapide incise : voilà que Darmanin accuse Mélenchon d'être la cause de la montée du RN ! On a le droit, et parfois le devoir, de faire des reproches à Mélenchon, mais comme il n'a rendu hommage aux policiers victimes de violence, voilà ce qui explique la montée du RN. On remarquera en outre que le dit Darmanin n'a jamais eu un mot pour les victimes des violences (pardon « usages disproportionnés de la force ») et des humiliations subies de la part de la police. Mais ce ne sont que des civils, et qui n'avaient qu'à pas être là, comme l'exprima un gradé policier à propos d'n blessé grave à Sainte-Soline. Fin de l'incise et faisons court : ce sont bien les conséquences désastreuses de la politique macroniste qui sont la cause principale de la montée du RN. Ce que l'on déplorer à ce sujet, c'est que la gauche, trop éparpillée sur le terrain, n'a pu faire le travail de conviction souhaitable pour freiner cette montée. La gauche, justement, elle en est où ? En petite forme, mon bon monsieur. Mais entrer dans détails, rendez-vous début juin pour notre prochain numéro !</p></div> Construire un front large pour la démocratie http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2854 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2854 2023-05-02T14:17:00Z text/html fr Patrick Le Hyaric <p>En France (et pas seulement), l'idée même de démocratie serait en danger ? Patrick Le Hyaric nous propose une analyse très complète des causes de cette mise en cause et pose des éléments de réflexion pour que la gauche relève ce défi.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique7" rel="directory">Actualités</a> <div class='rss_texte'><p>Selon une enquête ViaVoice pour nos confrères de Libération (1) plus de trois Français sur quatre estiment que la démocratie française est en « mauvaise santé ». C'est dire la profondeur de la crise démocratique. Nous assistons, pour le moins, à une dérive autoritaire du pouvoir macroniste. Elle est grosse de dangers pour l'avenir. En effet, alors que la plupart des enquêtes d'opinion confirment la progression de l'extrême droite, les actes et les déclarations du pouvoir, validant de nombreuses thèses portées par celle-ci, l'encouragent. Au-delà, elles créent des jurisprudences permettant de saper les fondements de la République telle qu'énoncée dans le préambule de 1946 de la Constitution française, partie intégrante de notre bloc de constitutionnalité.</p> <p>Celle-ci qualifie notre République de « sociale et démocratique ». Et, l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen déclare que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ». M. Macron s'en affranchit allègrement. Les institutions présidentialistes plaçaient déjà le Parlement sous contrainte d'un ordre du jour dictée par le pouvoir exécutif. Aujourd'hui c'est le président seul qui en détermine le calendrier, comme en témoignent ses prises de paroles, ou même les ministres découvrent les décisions concernant leurs périmètres de compétences. Il a expliqué ces derniers jours que l'utilisation de l'alinéa 49.3 de la Constitution serait utilisée autant que de besoin pour contraindre le Parlement. Il envisage même de gouverner par « ordonnances ».</p> <p>Et, l'accumulation des lois sécuritaires constitue un inquiétant arsenal aux mains du pouvoir. Ce qui a été présenté comme des outils pour lutter contre le terrorisme peut devenir un rouleau compresseur contre toute opposition, toute idée subversive, toute action populaire. C'est ce qui a conduit la défenseuse des droits à s'alarmer ces derniers jours des « risques d'atteinte aux droits et libertés ». Cette alerte est inédite ! En effet, le gouvernement multiplie les interdictions de manifester. Il a été jusqu'à assimiler récemment le port d'une casserole à une menace terroriste. Un mot désormais utilisé à tout va pour faire taire toute contestation. C'est une insulte à celles et ceux qui en sont victimes ! C'est vraisemblablement au nom de la lutte contre « l'éco-terrorisme » que l'ambitieux locataire de la place Beauvau à tour à tour promis la dissolution de la coordination d'associations regroupées dans « les soulèvements de La Terre », d'Alternatiba, inquiété des associations d'aides aux migrants, de droit au logement au nom du délit de « promotion du squat », inscrit récemment dans une loi.</p> <p>Plus facile d'accuser des associations que de créer des structures d'hébergement d'urgence et de lancer un grand plan de construction et de réhabilitation de logements à prix abordables et de faire respecter le droit au logement. Une étape supplémentaire a été franchie avec les menaces de ce même ministre visant à discréditer et à punir du retrait d'aides publiques la Ligue des droits de l'Homme. Celle-ci a commis le crime de documenter la réalité des violences policières lors du mouvement de Saintes-Soline. Cette vile attaque est d'ailleurs fortement soutenue par les grands médias du système pour discréditer cette grande association créée pour défendre le capitaine Dreyfus et qui, depuis, n'a jamais failli à son devoir, contrairement aux dires de la Première ministre et du Figaro. Contre les faits, ce dernier s'est permis d'accuser l'organisation des droits humains d'avoir couvert les crimes staliniens pendant que la cheffe du gouvernement lui fait un procès en… islamo-gauchisme. Quelle bassesse dans ce continuum de discrédit de l'organisation de Francis de Pressensé, de Paul Langevin, de Ferdinand Buisson, de Daniel Mayer, d'Henri Noguères, de Madeleine Rebérioux, d'Henri Leclerc et bien d'autres.</p> <p>Il s'agit, en fait, pour le pouvoir d'empêcher toute contestation en disqualifiant des associations, en les accusant de ne pas se soumettre aux « valeurs » de la République. Et, la course à l'échalote est sans fin ! Voici que M. Ciotti, ancien camarade de parti de M. Darmanin, votant comme lui le recul de l'âge de départ en retraite est furieux contre ceux qui s'y opposent notamment les forces de gauche. Il qualifie son action de « terrorisme d'extrême gauche » et souhaite que le combat contre elle devienne une « priorité nationale à l'égal du combat contre le terrorisme islamique ». (Entretien dans le Figaro du 27 mars). Mieux encore le président du Medef a pu dans un silence assourdissant déclarer il y a quelques semaines que l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite est « un risque nécessaire » (2)</p> <p>La boucle est bouclée. Pousse-t-il à décréter l'État d'urgence ? Décidément le fond de l'air sent mauvais ! En vérité, ce sont les « valeurs » du capitalisme que le pouvoir, la droite et l'extrême droite ne veulent pas voir contestées. L'outil pour ce faire est la fameuse loi baptisée à l'origine de « lutte contre les séparatismes » rendue plus présentable sous le vocable de « loi confortant le respect des principes de la République ». Celle-ci conditionne l'attribution d'aides publiques à la signature d'un « contrat d'engagement républicain ». Ainsi, une association portant une parole critique sur l'action de l'État peut être considérée comme attentatoire à la « République ». On croit rêver ! Pourtant c'est de cela qu'il s'agit lorsque le ministre de l'Intérieur suggère de dissoudre « Les soulèvements de la Terre » ou encore lorsqu'il appelle les collectivités et l'État à réduire les aides publiques à la Ligue des droits de l'Homme. Il est flagrant que ce même ministre de l'Intérieur a trouvé les premières manifestations trop tranquilles. Du coup, il a fait changer la tactique policière pour favoriser le développement de violences afin de discréditer le mouvement syndical.</p> <p>D'ailleurs en refusant de recevoir l'intersyndicale au plus fort de la crise, M. Macron agit en conformité avec sa pensée profonde : Les confédérations syndicales sont pour lui, inutiles. Toutes les élucubrations médiatiques autour de ses rapports personnels avec Laurent Berger cachent cette conception fondamentale. Il fallait humilier les syndicats, les désigner comme inutiles aux yeux des travailleurs pour en affaiblir la force et le rôle. Or, c'est le contraire qui se produit. L'unité syndicale marque vraisemblablement une nouvelle étape dans le combat du travail contre le capital. Les mouvements syndicaux, citoyens et environnementaux, tirent leur force de leur capacité d'agrégation de toutes les résistances sociales jusqu'à réclamer une nouvelle République ; sociale et démocratique.</p> <p>La décision du conseil constitutionnel, approuvant le recul de l'âge de la retraite, tout en refusant le référendum d'initiative partagé, a convaincu de nouvelles fractions de la population du verrouillage du système accélérant et réduisant encore le chemin qui mène à la crise de régime. Un régime qui, par nécessité, s'enfonce dans un néo-libéralisme autoritaire. Face à ce projet, les antagonismes entre le capital et le travail sont poussés à leur comble. De partout le peuple constitué veut se faire entendre, aspire à prendre son destin en main, pour qu'enfin ses intérêts, ses aspirations à mieux vivre soient pris en compte.</p> <p>Le grand complexe du média-business, comme à chaque moment clés des mouvements populaires, se placent à contre-courant pour tenter de faire réussir l'entreprise macroniste*, notamment avec la survalorisation des « violences » et les mensonges à propos de la lutte contre les hausses des prix, ou encore en se félicitant d'une attitude prétendument responsable de l'extrême droite désormais présentée, tout naturellement, comme une alternative. Mais, il n'y a pas de démocratie véritable sans pluralisme des idées, sans pluralisme politique, sans pluralisme des médias. La démocratie sera amputée tant que la fine fleur du capital national détient la quasi-totalité de la presse et des médias. Dans un contexte si préoccupant, si inquiétant, les forces sociales, syndicales, associatives, les forces de gauche, écologistes et démocratiques ne devraient-elles pas lancer ensemble un puissant appel unitaire suivi d'une multiplicité d'actions pour la démocratie et les libertés, le respect de la personne humaine, le respect de la volonté et de la souveraineté populaire ? C'est une pressante nécessité au moment où la bourgeoisie capitaliste veut asphyxier la démocratie pour accélérer le démembrement des conquis sociaux. <i>Article paru dans la Lettre internet de Patrick Le Hyaric </i></p></div> https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18