https://www.traditionrolex.com/18 La Gauche Cactus http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/ fr SPIP - www.spip.net (Sarka-SPIP) Ode à la veuve http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2765 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2765 2022-05-15T16:52:00Z text/html fr Mireille Jean-Gilles <p>La Gauche Cactus aime les facéties mais aussi la littérature et la poésie. Mireille Jean-Gilles nous offre cette Ode à la veuve, qui est aussi, surtout, une ode à la vie, illustrée par l'autrice</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> « Esquisse » http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2692 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2692 2021-10-14T13:24:00Z text/html fr José Vala <p>Poète, parolier, écrivain, chanteur à l'occasion, José Vala a ciselé, avec les armes de la poésie, un poème-portrait, cruel, pétri de rage rentrée d'un être qui ressemble beaucoup à un président de la République en activité.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>Viralité du discours Un virilisme guindé L'intimation au détour D'une contre-vérité</p> <p>Catalepsie du regard Une âcreté pour décor Le rictus en traquenard Du souverain matador</p> <p>Épidémie sous vide Intubation des idées Monologue suicide D'une guerre mal armée</p> <p>Un pas de deux infatué L'esquive sous-entendue Un rictus férocité A la santé des reclus</p> <p>L'homélie abrasive Le geste manichéen Une main en dérive Mutile du plébéien...</p> <p>Un pas de deux ambigu L'avidité en miroir Un obscur malentendu Aux allures d'aigle noir</p> <p>Le verbe tentacule Un grincement doctoral Le sabre et la férule Tranchent l'arbre social...</p> <p>Il se murmure que l'âme De l'in-animé Pandore Suceur de sang, pyromane Brûle les yeux de l'aurore...</p></div> Humeurs tardives http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2540 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2540 2020-09-14T20:24:00Z text/html fr Frédéric Vasseur <p>Un poème triste, rageur, avec un zeste d'espoir</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>Elle était là</p> <p>tous près</p> <p>elle était là</p> <p>souriante</p> <p>elle était là</p> <p>ronflante</p> <p>et puis merde !</p> <p>il y a Albert</p> <p>dans sa maison de retraite</p> <p>depuis un mois</p> <p>toujours pas pris le temps elle était là tristement allongée</p> <p>elle était là</p> <p>câline</p> <p>elle était là...</p> <p>ma colère</p> <p>juste ce qu'il faut</p> <p>pour ouvrir l a bouteille</p> <p>envie de te balancer des mots</p> <p>dans la gueule</p> <p>elle est là</p> <p>je n'ai même pas mal</p> <p>j'aime ça</p> <p>je la remercie</p> <p>de temps en temps.</p> <p>sans elle</p> <p>j'aurais plus d'envie</p> <p>sans elle</p> <p>serais plus en vie</p> <p>Merci</p> <p>Que la lutte soit belle !</p></div> 0H01 AVANT LE MONDE D'APRES http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2478 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2478 2020-05-17T21:24:00Z text/html fr José Vala Une étincelle d'amertume Dans les yeux du simulacre Ouvre la chape clownesque D'une horde de pantins On peut lire dans leurs iris Le mensonge enluminé La parabole narcissique Aux effluves de cruauté... Une horde d'impunité Tient les places et les rues Tire des balles suffisantes Au-delà de l'indécence... Fait légalité de barbarie En point d'orgue dissonant Sur la lame d'humanité Qui debout livre ses chants.. . A la marge de l'essence (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>Une étincelle d'amertume</p> <p>Dans les yeux du simulacre</p> <p>Ouvre la chape clownesque</p> <p>D'une horde de pantins</p> <p>On peut lire dans leurs iris</p> <p>Le mensonge enluminé</p> <p>La parabole narcissique</p> <p>Aux effluves de cruauté...</p> <p>Une horde d'impunité</p> <p>Tient les places et les rues</p> <p>Tire des balles suffisantes</p> <p>Au-delà de l'indécence...</p> <p>Fait légalité de barbarie</p> <p>En point d'orgue dissonant</p> <p>Sur la lame d'humanité</p> <p>Qui debout livre ses chants.. . A la marge de l'essence</p> <p>Le feu couve insaisissable</p> <p>Sylve aux ramifications</p> <p>Prêtes à vivre l'étincelle</p> <p>Et le temps de l'éruption...</p> <p>© José Vala 2020 "Inédits"</p></div> UN PETIT MOT DE RIEN http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2450 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2450 2020-03-07T18:50:00Z text/html fr Alain Kerjan <p>Nous aimons la langue et la littérature et sommes ravis d'accueillir Un petit mot de rien, où Alain Kerjan nous distille son amour du rien et les divers plaisirs que le rien nous offre. Un bol d'air philosophico-poétique qui fait du bien.</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>Figurez-vous qu'une poignée de bons amis m'avaient invité, Dieu sait avec quelle insistance, à leur parler enfin d'un sujet de mon choix. Je pensais tout bas : « C'est trop d'honneur que vous me faites ! » comme disait quelqu'un. Alors, je me suis réuni avec moi-même et, pour faire léger, il m'est venu à l'esprit de les entretenir tout simplement de ... RIEN ! Oui, parce que RIEN est pour moi un domaine de prédilection.</p> <p>Rien n'est-il pas, en effet, l'occasion d'apprendre quelque chose ? Sur rien, il y a tellement à dire ! Et puis, quoi de plus agréable que de discourir de rien, sans façon, entre nous ! J'ai toujours aimé ces échanges spontanés entre écouteurs tout terrain qui aiment, par exemple, fêter le huitième centenaire du pâté en croûte, plutôt que supporter des boniments fumeux où je n'y entends rien. D'ailleurs, toutes ces logorrhées étalées avec pompe appartiennent, je ne vous l'apprendrai pas, au monde de ces maîtres chanteurs manipulateurs à la langue de bois, qui plastronnent, avec quelle suffisance, sous les lambris dorés d'une certaine république ... « bananière ». De quoi être séduits par leur façon de remplir le vide ! Qui sontils en effet ? Rien que des manches à air. Qu'ont-ils à dire ? Rien que flagorneries et impostures, mais la main sur le coeur, comme jadis au serment du jeu de paume. A tant mentir, impossible même de croire le contraire de ce qu'ils disent. Que cherchent-ils ? Rien que pouvoir et argent. Que pratiquent-ils ? Rien moins que l'exact contraire de ce qu'ils professent : hypocrisie, mépris, autoritarisme, opportunisme, corruption, trafic d'influence, etj'en passe ! Et bien sûr, toujours impunis : vous connaissez la justice du pot de terre contreles pots de vin. Ah ! j'oubliais : la plupart, des psychopathes. Bref, rien que de très édifiant !</p> <p>Quittons donc ce cloaque nauséabond pour nous accorder un rien de plaisir. Après tout, « Qui ne risque rien n'a rien » dit l'adage. N'est-ce pas excitant d'avancer de découverte en découverte ? De riens, je vous assure, il y en a tant. De tous ces riens, j'en suis persuadé, peut jaillir la lumière, à défaut de tout embrasser, encore que le tout n'est peut-être pas la somme des riens. En effet, rien n'est moins sûr, car, vous pensez bien, tous ces riens ne marchent pas du même pas. Vous le savez, chacun est différent, il y a rien et rien, un rien ne fait pas l'autre, comme un rien anodin, un rien agréable, un rien original ou un autre inattendu qui, mine de rien, peut changer le cours des choses, tant il est vrai qu'un rien peut en cacher un autre. Mais au juste, qu'est-ce que rien ? Comment le définir ? Que par lui-même. Rien, c'est rien. Impossible de l'augmenter ou le diminuer. Ajoutez ou ôtez rien à rien, ne fût-ce que trois fois rien, vous n'obtiendrez toujours rien. Voilà qui est clair. Quant à ajouter ou ôter rien à quelque chose, convenez que cela ne servirait à rien, sinon à considérer que ce rien deviendrait une sorte de faire-valoir du quelque chose ! Un paradoxe inconcevable ! Reconnaissez avec moi que rien est plus ambivalent qu'il n'y paraît. Sérieusement, à ce stade, rien n'est joué, mais un frémissement me parcourt l'échine et je me sens déjà un rien dans le vif du sujet.</p> <p>Précisément, il y a des jours où une question vient me tarauder. Grande question, allez-vous me dire, mais pourquoi pas ? Cette terre d'où nous venons, n'est-elle pas issue de rien, puisque tout a commencé par rien et que rien n'a jamais eu de commencement ? Et qu'y aura-t-il après elle, puisqu'elle retournera bien à je ne sais quoi et je ne sais quand , et nous avec ? Quelque chose ou rien ? Ou quelque chose qui, au bout du compte, deviendrait rien ? Car s'il n'y avait rien avant, n'y aura t-il rien non plus après, puisque rien ne prouve le contraire ? Et si ce rien survenait par une apocalypse générale, provoquée par la folie de ces potentats de vauriens qui agissent, sans coup férir, comme si de rien n'était ? Par instants, de songer à pareil cataclysme me glace le sang. Sans doute ai-je tort, puisque je n'y peux rien. Et vous, vous ne me direz pas que rien que d'y penser, cela ne vous touche en rien. Mais après tout, qu'importe ! Nous disparaîtrons, c'est prévu, aujourd'hui ou demain, infimes poussières que nous sommes, autant dire : rien. Alors, pour l'heure, vivons donc, et de préférence, en levant le voile sur quelques spécimens de riens, des compagnons, somme toute, assez contrastés ...</p> <p>Penchez-vous d'abord sur le simple quotidien. Sincèrement, rien peut toujours vous surprendre. Parce que rien vous paraît souvent quelque chose et quelque chose vous paraît rien, alors qu'en fait, « Rien existe aussi bien que le quelque chose » d'après Héraclite. En tout cas, rien se montre partout et nulle part, mais il est immuable et insaisissable. Pourtant son pouvoir est extraordinaire. Regardez comme un rien vous afflige et un rien vous fait rire, un rien vous embarrasse et un rien vous transporte, un rien fait aujourd'hui un coupable, surtout s'il est manant, et demain un innocent, surtout s'il est notable. Pour d'autres, un rien remplit l'esprit et le coeur sans les remplir, et les occupe sans les occuper, rien que pour masquer le vide, le leur.Vous voyez des gens se disputer, se battre, se tuer pour rien, et toutes les choses de ce bas monde passer et se réduire à rien. Au fond, rien est le seul à parler aux non-voyants et à se faire entendre des sourds, puisque ni les uns ni les autres ne voient ni n'entendent rien, même si aux sourds vous leur prêtez l'oreille. Quant à « L'art presque perdu de ne rien faire » selon Dany Laferrière, pour vous, je ne sais pas, mais pour ma part, j'avoue l'entretenir suivant ma fantaisie, par exemple, par un brin de sieste, petite courtoisie faite à mon corps, à me prélasser dans mon fauteuil, bercé par un air de musique, en savourant sur la langue … un succulentissime chocolat noir. N'est-ce pas un rien agréable ?</p> <p>Justement, il y a mieux encore, car, à aiguiser votre regard, vous observerez combien rien peut faire des heureux . Ainsi, celui qui ne possède rien est un être libre, car rien ne le possède. Chez lui, ni appât du gain, ni envie, ni jalousie pour je ne sais quels fortune et honneurs qui pourraient, à n'en pas douter, l'aliéner, et qu'un rien ou la mort soudain anéantissent, car, vous le savez, qui trop s'embrase, mal s'éteint ! Remarquez en passant, que mourir ainsi pour rien, est aussi minable que de ne pas vivre pour quelque chose. En fait, le possesseur de rien est riche de tout, car, en sage gourmet, il jouit sans posséder. Il savoure ainsi avec volupté tous ces prétendus riens que sont … le partage d'un mets délicieux, d'un moment chaleureux en famille ou entre amis ou avec l'élu(e) de son coeur, d'un jeu dit de société avec des enfants attachants, le commerce agréable d'une personne de qualité, une rencontre imprévue pour des moments de découverte inespérés, le spectacle splendide de la nature décliné sur le rythme des saisons, l'émotion ressentie à la contemplation d'un tableau, à l'écoute d'une musique, d'une poésie, ou, dans la froidure de l'hiver, du déroulement d'uneécharpe de mots truculents, dans le silence amical d'un groupe de bavards qui prennent plaisir à se taire ensemble ... Que sais-je encore ? N'y a t-il rien de tel pour goûter la vie ?</p> <p>Il ne vous aura pas échappé que, tout en cheminant, vous avez insensiblement gravi des échelons dans la consistance du rien. Pour autant, vouloir faire le tour de rien, serait, avouez-le… un rien prétentieux. Ah ! Si vous pouviez mesurer l'insondable richesse du rien. A défaut, pour rester modestes, sachez au moins débusquer, ici et là, d'autres riens que sont ces bivouacs de création, d'innovation, d'entraide et de solidarité, de « sobriété heureuse » aussi, dirait Pierre Rabhi, construits parfois au prix d'efforts héroïques. De quoi s'agit-il ? Rien moins que de tenter de préserver notre environnement, sauver des emplois, réduire les inégalités et discriminations sans nombre, soulager et défendre les plus démunis, apporter un peu de joie et de beauté, imaginer des solutions pour recréer du lien social dans cet univers d'individualisme forcené dont tous, nous pâtissons. Rendez-vous compte : ce n'est pas rien ! Qui sait ? Peut-être le ferment qui demain fera lever la pâte ? Assurément, des riens ... ô combien précieux !</p> <p>Vous me rétorquerez alors : ces riens sont-ils valorisés pour adoucir les maux de notre société ? Eh bien, sauf par des militants, pas vraiment, parce que, voyez-vous, ils ne rentrent pas dans le moule du prêt à penser dominant, c'est-à-dire celui du paraître, de la consommation effrénée, de la compétition individuelle, de la concurrence généralisée, de la marchandisation croissante érigée en système, de l'addiction aux robots espions et autres algorithmes, et, partant, à la pensée unique. Pire que le paradis d'Orwell ! Tout cela si cher à l'« homo economicus » et « numericus » rabâchés du matin au soir, mais moins à « l'homo intellectus » plutôt en perte de vitesse. Ces riens restent sous le boisseau car Spinoza dit que « tout ce qui est précieux est aussi difficile que rare ». Même en chaussant vos bésicles, ces riens précieux, vous ne les découvrirez pas dans les « médias » grand public qui excellent à enfumer le bon peuple de leur marigot de bobards, fariboles, baliverneries, carabistouilles et pièges à gogos, pour qu'en gavant ces bipèdes, ils ne pensent à rien. Chez eux, de l'emballage parfois, mais de contenu point, sinon édulcoré ou dramatisé pour surtout ne rien remettre en cause.</p> <p>Ecoutez, pardonnez-moi un gros mot par les temps qui courent, si, à propos de ces riens si précieux, j'ose, en dinosaure que je suis, parler de valeurs humanistes ! Et que dire des auteurs courageux et parfois anonymes de ces riens précieux ? Observez-les : ils alertent, résistent et persévèrent, car ils ont le bien commun chevillé au corps, ils croient au temps long et qu'une pierre peut changer le cours de l'avalanche, même si, comme disait Chamfort, « ceux qui sonnent le tocsin sont persécutés, tandis que les pyromanes sont laissés en repos ». Imaginez ce difficile combat, car, en réalité, ils ont un grand tort : celui de ne pas appartenir à la caste des capitalisateurs, thésaurisateurs, spéculateurs, technocrates désincarnés au crane d'oeuf, évadés fiscaux et autres « premiers de cordée », au point de s'entendre dire, en langage fleuri, « qu'ils ne sont rien », voire des « fainéants », et qu' ils « coûtent un pognon de dingue » ! Vous avez bien entendu : non, je n'ai pas la berlue, ce sont là les sorties d'un jeune despote narcissique hors sol, bouffi d'arrogance, éructant périodiquement du haut de l'Olympe son souverain mépris. Dites-moi, ne trouvez-vous pas que ce dangereux olibrius aux relents faisandés d'Ancien Régime, prêt au pire pour imposer son pouvoir, est, pour le coup … bien moins que rien ? En vérité, voyez comme rien est à la fois déconcertant et merveilleux ! Qu'apporte, en effet, l'homme en venant au monde ? Rien. Qu'emmène t-il en le quittant ? Rien. Mais entre les deux, il peut, fort heureusement, faire le choix lucide de confectionner toute une bigarrure de riens ou présumés tels, pour humaniser la cité, embellir la vie et redonner du sens, s'il est encore temps, à une société qui marche sur la tête. Alors, libre à vous de faire ce choix valeureux, sans toutefois confondre l'écume de la vague avec la profondeur de l'océan.</p></div> HOPITAL (1,2 et 3) http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2375 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2375 2019-10-15T01:00:00Z text/html fr Hervé Mesdon <p>Un peu de littérature, on y tient, avec un texte,du regretté Hervé Mesdon</p> - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>Planté et figé tel un arbre dans pas de vent. Il n'y a que les yeux, leurs yeux qui me regardent, qui me prouvent que j'existe. Ils me regardent. Ils me sourient… Ils ont l'air content. Comme un discret parfum de victoire. Une lueur de fierté dans leurs yeux. Sont là, autour de moi. Moi, allongé dans un lit. Parfum de victoire ? Hum ! Je flotte carrément dans l'excrément. Mi-solide, mi-liquide. Ils me sourient quand même. Il y a Anaïg, ma fille. Il y a ma Dominique. Je cherche comment elle a caché ce qui lui est arrivé. Qu'est-ce qui cloche ? Caché sous ses cheveux sûrement. Elle est finaude. D'autres têtes que je ne connais pas… Si, celui-là peut-être : blouse blanche, l'œil escarbille, maigre, long cou, moustache. Je le connais ? Pas sûr…</p> <p>Dominique me dit très fort que les odeurs c'est pas grave, que je peux y aller autant que ça me fait du bien, sans fausse honte. En tout cas, elle s'en est bien remise, elle, mieux que moi. Ça me soulage un peu. M'occuper d'elle j'aurais pas pu, vu mon état. C'est elle qui aura à s'occuper de moi, ça me fait presque rigoler.</p> <p>Bon dieu, de bon dieu, j'ai fait un de ces voyages ! C'est comme s'ils étaient sur le quai de la gare en train d'attendre mon retour. Ils auraient dû convoquer la fanfare tant qu'à faire. Revenu d'où ? De loin c'est sûr pour être aussi mal en point. Pendant ce temps je sens que des orteils jusqu'au bout des doigts c'est tout en bouillie. Percé de partout : tubes dans le nez, bouche, gorge, sexe. Tubes, sondes et cathéters.</p> <p>Quelques essais. Causer… Pas un mot qui sort. Les dents… En haut il en manque tout un stock. Plus de barbe… Imberbe, ça se dit. Vous saviez ? Pratiquement sourd. Lever un bras : m'ont attaché, les sales cons ! Curieusement je me pose pas d'questions sur le fonctionnement dans ma tête. Vu l'état du bonhomme, je vois pas ce qui peut les mettre en joie comme ça. Je prends dans une de mes mains une main de Dominique, dans l'autre une d'Anaïg, pour marquer le coup, montrer que j'existe, donner un signe. C'est tout ce que je peux faire.</p> <p>Tiens, c'est Michel assis près de mon lit maintenant. Lui, il connaît. C'est un copain. Il est toubib, lui. Il doit savoir des trucs lui et comprendre. A lèvres fines, mais sans voix, j'articule : « de l'eau… de l'eau ». Michel ne comprend rien. Il panique. Je lui montre le brumisateur vittel sur la table, juste sous son nez et Michel regarde derrière lui où il n'y a rien. Il dit : « quoi, le mur ? ». Ça fout dans des rages ! Rageusement je cherche l'ardoise magique qu'on a posée à ma portée sur le lit mais qui s'est fait la malle. Je m'énerve. Michel la trouve et me la met en main, marker dans l'autre. Je vais au plus simple. J'écris :O. Michel dit : « quoi zéro ? ». Bon dieu ! J'efface tout. J'essaye autre chose. D'un marker malhabile j'écris : « date où ». C'est bon, ça passe. Michel me hurle : « 4 mai… pas changé, tu es toujours en réa ». Comme si je savais que j'avais été en réa… Il est pas clair ce mec ! L'eau tant pis. Je vais attendre la venue de quelqu'un d'autre. Je suis épuisé. .......</p> <p>Dans la ja-ja morphinique il n'y a ni nuit, ni jour qui soient donnés. Tout d'un bloc. Tout électrique. A moi de découper dans la morne platitude du temps pour qu'il y ait de l'avant, du pendant et de l'après, pour que ça ait de la gueule, la vie.</p> <p>Des évènements qu'il faut et tout ça doit être vrai. Plus que vrai. Beaucoup plus vrai que le réel, j'en avais le sentiment. C'est comme ça que ça tient. C'est ça qui fait tenir. Si je laisse l'incohérence se glisser là-dedans, le doute, tout serait foutu. Le cœur en aura marre de se fatiguer pour rien. La tête, marre de traîner derrière elle des fagots d'histoires mortes. Le corps, de vibrer à nerfs trop tendus, sans pisser, sans manger, sans bouger.</p> <p>Il y en a eu des moments comme ça. Mais peu. Pas assez pour que ça chavire. Quand une aide-soignante vient tendre dans ma chambre des fils d'antibiotiques, les tisse en faisant de mon lit, avec moi à l'intérieur, un cocon dont je deviens la larve, c'est du vrai ça, c'est du solide. Je peux m'y accrocher, lutter, travailler là-dessus. Quand toute une nuit (nuit de coma bien sûr qui n'a rien à voir avec la réalité de la nuit), quand toute une nuit je reste éveillé (comateusement éveillé évidemment) parce que le docteur de garde de nuit voulait à tout prix me faire la peau pour se venger d'un autre toubib, voilà qui aide à survivre. Globalement je suis tout, tout ce qui se passe. Tous acculés dans leurs derniers retranchements. Sur les chapeaux de roue. Route facile. Ça va aller. Pas s'inquiéter.</p> <p>De la vie, ma vie qui peut-être n'en est plus, pourrait ne plus en être, pourrait n'être qu'un chant de l'entre deux, faire un terrain d'aventure. Un champ libre vaste, ma vie ! Qui veut s'y précipite. Qui veut fait un détour pour l'éviter. Je vois que la vie au fond, ma vie au fond, elle ne vaut que par la chaleur de ceux qui ont besoin que je sois là. Le contingent en Afrique du Nord un peu avant 1960. On en connaissait tous qui en étaient revenus dans des caisses emballées des trois couleurs, d'autres avec du si cabossé partout dans la tête que jamais ils ne s'en étaient remis. Aux familles de ceux qui partaient là-bas on disait qu'ils pouvaient confier à l'armée une valise (pour quoi faire ?), une chemise bleu ciel et une cravate noire. Au cas où. Façon de les préparer à l'idée peut-être. Bien une idée de connard de militaire. Et c'était rangé où tout ça ? Eh bien ici c'était rangé à l'hôpital, service de réa.</p> <p>Ça devait être tout de suite à mon arrivée dans le service, 21 avril ou 22. Sonnerie discrète mais insistante. Différente de tout ce que j'avais entendu comme sonnerie. Et quelqu'un a dit : « tiens on en a un aujourd'hui ». D'un placard on a sorti une valise en cuir vache claire, avec des lanières fantaisie, cuir plus sombre. C'était dedans que ça sonnait. Dedans il y avait aussi la chemise et la cravate. En cuir la valise ! Je me suis dit que jamais ma mère saurait faire simple. Quelqu'un a expliqué que tous les 25 ans ça sonnait comme ça et alors on faisait une courte cérémonie, un hommage en somme. Il y a eu vaguement des paroles, des musiques, des paroles de gosses. Et puis il y a eu ma mère qui m'a enfilé la chemise bleu ciel, m'a noué la cravate noire et a dit : « il a fait son temps celui-là, à son jumeau de faire le reste maintenant, chacun son tour ». J'étais un nouveau poignard orange serré dans son poing.</p> <p>Je suis réveillé maintenant. J'ai fait surface. Sont tous contents. J'ai même droit aux félicitations des uns et des autres. Comme si j'y étais pour quelque chose ! Reste plus qu'à remettre tout propre à bord, chaque chose à sa place et tout sera parfait. Va falloir faire des efforts maintenant ont dit les toubibs, les aides-soignants, les infirmiers. Bien sûr qu'il va faire des efforts répondent Priscilla, Anaïg et Dominique. Pas mon mot à dire.</p> <p>Pourtant le chantier c'est pas du boulot pour bricoleur. Du gros œuvre ! Réapprendre à respirer, à manger, à se tenir debout, à bouger un bras, puis deux, à avoir des dents, à mettre un pied devant l'autre, à pisser proprement, déféquer de même, réapprendre à s'habiller, à se laver, à se peigner… comme un prince, à avoir une barbe qui ait de la gueule. A se demander si c'est pas ma mère qui avait raison : allez hop, on abat tout comme les barres d'immeubles en banlieue et on remplace par du neuf. Allez, pas de pensées négatives, mec, tu vas tout droit. Pourquoi toujours ma mère au centre vénéneux de cette affaire ? Pourtant je l'ai adorée ma mère.</p> <p>Premier truc « faire du fauteuil » comme ils disent. C'est bien. Un autre regard sur le monde. Mon ardoise magique je sais mieux la retrouver. Pouvez pas savoir à quel point être assis sur un fauteuil, ça change un bonhomme. Mais je fatigue vite. Au bout d'une heure, je tiens plus. Jour après jour, allonger les durées. Et puis se débrancher de la machine, respirer seulement sur oxygène. Là aussi il faut y aller petit à petit. Progrès de jour en jour. « Et puis tes yeux qui sont vifs comme avant » dit Priscilla. « Et ton teint qui est beaucoup moins blanc » dit Anaïg. Et en plus tous les louzous qu'on te donne pour que tu voies la vie en rose. Mais dans le même temps y a plein de moments je retournerais bien dans la ja-ja, personne m'emmerdait, personne à qui rendre des comptes. Ça l'énerve Dominique quand je dis ça. « Pourquoi qu'on s'est décarcassé les uns et les autres si tu avais autant envie de retourner dans ta ja-ja ? » Faut pas t'inquiéter Dominique, bien sûr que je déconne. Je dis juste ça pour faire bien, un peu cabot le mec.</p> <p>On est le 28 juillet. Rentré il y a deux jours du Service de Réhabilitation Respiratoire où à la sortie de l'hosto j'ai passé un mois et demi. Trachéo, trou béant sous ma glotte équipé d'une canule plongeant dans ma trachée pour la double fonction de m'alimenter en oxygène et de me rendre la parole. Tuyau branché à la canule sortant de mon cou puis serpent blême jusqu'à une grosse bonbonne dans un coin du hall d'entrée. Trachéo, faite en réa pour me libérer de tous les tuyaux qui par le nez et la bouche me plongeaient dans le corps. M'ont dit que je devrais la garder toute ma vie. Ça a été le choc d'apprendre ça. M'ont remis à peu près d'aplomb là-bas. Je marche, je respire, je mange, je parle, je ris… Je peux même boire l'apéro, que demander de plus…</p></div>  TROP TARD http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2355 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2355 2019-05-01T02:36:00Z text/html fr Hervé Mesdon Un soir chez Yvonne et Tommy, tout en découpant dans un magnifique jambon italien de fines tranches succulentes, Tommy nous raconta l'histoire d'un bègue à la terrasse d'un café. Le garçon : qu'est-ce que j' vous sers ? Le bègue : Un ca… ca… ca… café puisque j'a… j'a… j'arrive jamais à dire une b… une b… une bière. Le garçon (rigolard) : Mais vous l'avez dit ! Vous venez de dire "bière". Vous (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>Un soir chez Yvonne et Tommy, tout en découpant dans un magnifique jambon italien de fines tranches succulentes, Tommy nous raconta l'histoire d'un bègue à la terrasse d'un café. Le garçon : qu'est-ce que j' vous sers ? Le bègue : Un ca… ca… ca… café puisque j'a… j'a… j'arrive jamais à dire une b… une b… une bière. Le garçon (rigolard) : Mais vous l'avez dit ! Vous venez de dire "bière". Vous voulez une bière ? Le bègue (furieux) : Non, tr… tr… trop tard !</p> <p>Quelques jours plus tôt, Dominique m'avait raconté ceci en rentrant du boulot. C'était au cours d'une séance de travail en lecture avec une fillette de 6 ans rebelle à l'application de toute consigne donnée et ne supportant pas en outre que tout ne soit rempli. Sur une fiche de lecture, la fillette devait entourer le mot "chat" chaque fois qu'elle le voyait. Elle commença. Elle entoura correctement 3 ou 4 mots "chat". Puis transgressant la consigne qui sans doute l'angoissait en l'empêchant de tout remplir, elle se mit à entourer d'autres mots. Dominique : Arrête ! Regarde ! Est-ce que c'est chat, ce mot ? La fillette : Non. Dominique : Tu vois tu t'es trompée. Fais attention. La fillette : (se remettant avec frénésie et un plaisir évident à entourer au hasard) : Trop tard !</p> <p>Me revient encore en mémoire une autre histoire de "trop tard". C'était peu de temps après la mort de mon père. Toute sa vie, sans avoir été un bouffeur de curé, mon père avait affiché son scepticisme quant à la religion. Quand il mourut la question ne se posa même pas et il fut enterré civilement. Quelques jours après l'enterrement, mon frère me dit qu'il n'était pas sûr que notre père finalement n'aurait pas souhaité "passer par l'église". Avec une sorte de jubilation qui m'étonna moi-même, je lui répondis : "trop tard !"</p> <p>Trop tard ! Trop tard ! Trop tard ! Tous ces "trop tard" qui, tous, punissent : autopunition du bègue, punition de celle qui avec sa fiche lui créait l'angoisse pour la fillette, punition posthume de ce père avec lequel les relations n'avaient pas toujours été simples. J'ai le sentiment qu'autrefois le "trop tard" avait la banale légèreté d'une simple notation temporelle. Le temps faisait des boucles et paraissait arrêté. On n'était jamais vraiment trop tard. On se répétait parce que le temps se répétait et on avait plaisir à se répéter : on faisait ce qu'avait fait son père, on avait plaisir à faire aujourd'hui ce qu'on avait fait hier et il était rassurant de penser qu'on le ferait encore demain et que d'autres après nous le feraient aussi. C'était des fines modulations de la répétition que venait le plaisir. Répéter avait le goût du bonheur. Aujourd'hui trop tard, trop tard pour tout. Trop tard pour inventer ce qui a déjà été inventé, dire ce qui a déjà été dit, faire ce que des millions d'autres avant nous ont déjà fait. Trop tard ! Trop tard ! Faire du neuf. Nouveau Roman, Nouvelle Vague, Nouvelle Economie, Nouveaux Philosophes, Nouveaux Riches et Nouveaux Pauvres. Seule la nouveauté a sens et valeur et nous pauvres déboussolés nous nous essoufflons à courir après des trains que nous loupons les uns après les autres. Trop tard ! Trop tard !</p></div> UNE HISTOIRE D'ENFANCE http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2329 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2329 2019-02-08T17:44:00Z text/html fr Hervé Mesdon J'aime que les vêtements flottent autour de moi et qu'ils n'aient pour mon corps que de fines caresses. Je ne supporte ni les jeans ajustés, ni les cols roulés. Ceintures, bretelles et cravates me font horreur. Ma mère avait pour habitude de me sangler dans des habits raides et durs, collant à la peau alors qu'à l'extérieur toute rondeur était gommée. Je conserve une photo de cette époque. J'y porte ce manteau bleu pâle en un tissu incroyablement lourd (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>J'aime que les vêtements flottent autour de moi et qu'ils n'aient pour mon corps que de fines caresses. Je ne supporte ni les jeans ajustés, ni les cols roulés. Ceintures, bretelles et cravates me font horreur. Ma mère avait pour habitude de me sangler dans des habits raides et durs, collant à la peau alors qu'à l'extérieur toute rondeur était gommée. Je conserve une photo de cette époque. J'y porte ce manteau bleu pâle en un tissu incroyablement lourd que ma mère avait fait retailler dans un manteau à elle. Il me descendait jusqu'au milieu des mollets et il y avait ces six ou sept gros boutons qui une fois boutonnés me boudinaient de partout, ce col râpeux et serré qui, si je ne tenais constamment la tête bien droite, m'irritait tout le dessous du menton.</p> <p>Pour les jambes ça allait encore malgré sa longueur. Le boutonnage ne descendant pas trop bas, il restait une relative aisance pour la marche. Pour les bras… c'était une autre paire de manches : chaque mouvement devait être minutieusement étudié et prévu car il fallait tenir compte de la raideur des épaulettes, des lourds revers aux poignets, de la pliure difficile aux coudes. Ma seule chance fut que, satisfaite de la réalisation de sa couturière, ma mère voulut « qu'il me fasse de l'usage » et décida donc de le réserver pour les dimanches.</p> <p>Elle avait sur l'habillement une gamme très complète de théories toutes définitives et irréfutables. A chaque fois qu'elle m'emmenait dans les magasins pour, comme elle disait, « renouveler ma petite garde-robe », elle les développait interminablement aux vendeuses qui, on s'en doute, se gardaient bien de la contredire. Et moi, engoncé dans ces pantalons à plis, ces chemises aux cols coupants, ces manteaux épais que des doublures et rajouts divers sous forme de poches, de ceintures, de martingales, que sais-je encore, transformaient en tenues de scaphandrier, ces vestes cintrées et étriquées que ma mère affectionnait tant pour la « demi-saison », je devais subir en plus du martyr de ses discours, celui de ses mains qui sans ménagements venaient tirer le dos du vêtement pour voir s'il tombait bien, pincer le tissu à la taille pour vérifier si avec une ou deux fronces ça ne serait pas mieux, apprécier la qualité du drap et encore celui de ses énumérations de toutes les imperfections de ma personne commentées en plus pour la vendeuse : « il a le dos très rond, vous savez », « vous voyez bien qu'il n'a pas de fesses, il ne le remplit pas », « décidément ça ne lui va pas, il a le cou trop court ».</p> <p>Immanquablement, après maints essayages, ses conceptions théoriques en matière d'habillement se trouvaient confirmées et elle ne manquait jamais de conclure en disant que toutes ces modes nouvelles, c'était bien beau mais que quand même, « il n'y avait rien de plus seyant que le classique ». Toute mon enfance, ce « classique si seyant », guindé et sinistre dont elle me vêtait, m'a désespéré.</p></div> BAS D'GAMME http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2300 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2300 2018-10-18T00:16:00Z text/html fr Hervé Mesdon Dural avait dit : « il est fichu vot' lave-linge. Combien de temps qu' vous l'avez ? » « Ça fait bien dix ans » avait dit Dominique. Ouais… C'est un Ariston… Du bas d' gamme… Dix ans c'est déjà beau. Du bas d' gamme… Du bas d' gamme… C'est vite dit. On l'avait payé assez cher à l'époque quand même. C'est du bas d' gamme, ça s' voit… Des modèles qui s' font (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>Dural avait dit : « il est fichu vot' lave-linge. Combien de temps qu' vous l'avez ? » « Ça fait bien dix ans » avait dit Dominique. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Ouais… C'est un Ariston… Du bas d' gamme… Dix ans c'est déjà beau. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Du bas d' gamme… Du bas d' gamme… C'est vite dit. On l'avait payé assez cher à l'époque quand même. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> C'est du bas d' gamme, ça s' voit… Des modèles qui s' font plus… et puis aujourd'hui, dix ans pour un lave-linge, c'est plus que correct… J'vais être honnête avec vous : j' peux vous l' réparer bien sûr… mais combien ça tiendra…</p> <p>Il appelait ça un lave-linge, lui. C'est comme ça qu'ils disaient aussi sur les prospectus des grandes surfaces. Dominique ne s'y faisait pas. Elle avait toujours appelé ça une machine à laver. Elle avait quinze ans quand sa mère avait eu sa première machine : une Vedette. « Une révolution pour les femmes » avait dit sa mère. « Ah oui, la machine à laver c'est une révolution pour les femmes ». Jamais elle pourrait appeler ça un lave-linge, Dominique. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> A votre avis faudrait que j' la change alors, ma machine à laver ? <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Moi j'fais du Fagor, c'est du costaud et pas trop cher. Vous faîtes c' que vous voulez, mais réparer ça, franchement… Dominique avait pensé : « ça sera un peu plus cher qu'en grande surface mais au moins on aura un vrai service après-vente et puis Dural, ça fait vingt ans qu'on le connaît, on peut lui faire confiance ». Alors on s'était installé à la table de cuisine et Dural avait sorti les catalogues et donc c'était une Fagor…</p> <p>C'était il y a un an et demi. Il y a quelques mois, étendant son linge, Dominique a trouvé qu'il sentait le caoutchouc brûlé. Elle m'a dit : « faut que tu regardes la machine à laver, mon linge on dirait qu'il sent le brûlé ». J'ai fourré mon nez dans le tambour. Pouahh ! « Ouais, ça sent drôlement le brûlé là-d'dans, faut appeler Dural » <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Allo Dural, c'est la machine à laver qui est en panne. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Ah ça fait deux mois que je suis en retraite. Faut appeler Laclaque, c'est lui qui a repris ma clientèle. Laclaque a ouvert la machine, humé, réfléchi un moment, mains sur les hanches… « Ouais, ça sent bien le brûlé… Pas bon signe… C'est du Fagor… J'connais pas bien… C'est espagnol, ça… C'est du bas d' gamme. Dural faisait du Fagor. Moi j'fais Electrolux, c'est aut'chose comme qualité. Faut que je le ramène à l'atelier pour voir ce qu'il a dans le ventre ». Alors Dominique a dit : « et moi comment que j'fais en attendant ? » <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> V's inquiétez pas, j'ai un vieux lave-linge que je prête dans ces cas là. « Lui aussi appelle ça un lave-linge » s'est dit Dominique. Laclaque est là, au cul de sa camionnette, admiratif, prenant Dominique et moi à témoin, les yeux sur son vieux lave-linge, puis sur nous pour voir l'effet produit. « C'est quelque chose, hein ? Vingt ans qu'il a. Presque une pièce de musée. Et ça tourne comme un avion. Jamais en panne. Un Electrolux. Mais alors d'un poids, j' vous dis pas ! 90 kilos ! Va falloir me donner un coup d' main pour le monter ».</p> <p>Laclaque a installé le monstre sur un diable. Lui devant, tirant, moi derrière, soutenant, guidés par Dominique : « un peu à gauche… attention, une marche plus haute », nous voilà ahanant dans l'escalier de pierres plates qui serpente de la rue jusqu'au seuil de la maison. Plus que deux marches. Laclaque tire d'un coup sec et la vieille Electrolux ripe sur le diable et se met à glisser vers moi. Je saute dans le vide pour l'éviter et après un court envol je me scratche sur la rambarde un mètre plus bas. Un craquement dans la cuisse. Une douleur vive. La machine qui continue sa glissade et comme au ralenti bascule à son tour dans le vide. Moi, réflexe, les deux bras en avant. A nouveau craquements, douleurs vives, dans les poignets cette fois. Ça a duré quoi, deux secondes. Michel le voisin a tout vu de son balcon. Il se précipite égrainant derrière lui des « putain, oh putain d' putain ».</p> <p>Dominique hurle qu'avec du matériel pareil aussi, que ça devait arriver, qu'il fallait du secours. Laclaque lui : « oh punaise, punaise de punaise, faut m'aider à l'soulever, il est dssous, punaise, mais il est dssous, aidez moi ». Moi je suis d'ssous. Juste la tête qui dépasse d'un côté, les deux pattes de l'autre et la machine en travers sur mon ventre. Ma tête toute blanche qui gueule : « enlevez moi ça, de dieu ! » Et maintenant que Michel d'un côté, Laclaque et Dominique de l'autre m'ont libéré du poids de la machine, je gueule que j'ai mal : « De dieu qu'est-ce que j'ai mal ». Dominique repousse les deux autres : « faut pas l' toucher, appelez les urgences, faut pas l' toucher surtout ». Laclaque regarde son vieux lave-linge et là il dit juste ce qu'il aurait pas fallu : « punaise, sûrement qu'il va être foutu maintenant ». Alors là, la Dominique elle se déchaîne. Qu'il a qu'à la rembarquer sa machine de merde. Que je pourrais être en train de crever là sous leurs yeux et y aurait quand même que sa saloperie d'Electrolux de merde qui l'intéresserait.</p> <p>D'autres voisins. Les pompiers. Encore des cris. Des putains et des punaises. Finalement Dominique a filé sur l'hôpital avec les pompiers et ce qu'il reste de moi. Pas brillant. Des contusions partout. Fracture du fémur droit et des deux poignets. Pendant ce temps, Laclaque aidé de Michel a chargé la Fagor dans sa camionnette, installé l'Electrolux qui, miracle, fonctionne malgré sa pirouette. « Elle peut dire c' qu'elle veut, ça c'était du lave-linge quand même » qu'il a dit à Michel avec orgueil. Laclaque a appelé deux jours plus tard. Pour la machine c'était grave. Le tambour, les axes, tous les caoutchoucs à changer, plus la main d'œuvre. Il s'était renseigné sur le prix des pièces, il y en avait au moins pour trois cents euros. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Mais c'est la moitié de ce qu'on l'a payée ! <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> A moins qu'il y ait encore la garantie.</p> <p>Dominique s'est précipitée, a fouillé dans les papiers. Un an et trois mois qu'ils l'ont achetée. « Plus sous garantie, la poisse ! » Laclaque a dit que Dural allait sûrement pouvoir arranger ça, que chez Electrolux y aurait aucun problème, que si ça avait été une Electrolux évidemment… Mais Dural a dit que non. Que lui il ne pouvait rien. Que quand c'était eux qui intervenaient, les concessionnaires, ça marchait pas. « Les fabricants n'ont peur que des consommateurs, vous comprenez ». Et puis lui il était en retraite. Il partait là pour un mois ou deux. Il fallait qu'ils comprennent. Non, il fallait que ça soit eux qui écrivent directement. « En recommandé hein, n'oubliez pas, en recommandé ».</p> <p>L'après-midi dans ma chambre à l'hôpital, on s'y est mis tous les deux. On a tout expliqué. Dit que c'était pas normal, une machine de seulement un an et trois mois. Qu'il y avait sûrement « un vice caché » (c'est Laclaque qui avait dit ça). Qu'en plus nous n'étions que tous les deux et que donc la machine n'avait pas beaucoup tourné. Que ça ne s'rait vraiment pas bon pour leur réputation. « Et n'oublie pas d'ajouter la photocopie de la facture d'achat et celle du devis de réparation ».</p> <p>Un mois qu'on attend. Quinze jours que je suis rentré de l'hôpital et que je tourne en rond, claudiquant sur ma seule patte valide, mes deux bras inutiles bringuebalant comme ils peuvent. Chaque midi, quand elle rentre du travail après avoir visité la boîte à lettres, j'interroge Dominique, « alors ? » Non, rien. Et hier midi, Laclaque a téléphoné. Où en étions-nous avec Fagor ? Parce que lui, il fallait qu'il sache s'il commandait les pièces ou quoi. Parce que lui il allait bien falloir que ça se règle cette histoire là. Il avait passé du temps quand même avec tout ça. Et puis son lave-linge de dépannage immobilisé. Lui il perdait de l'argent avec tout ça. Il pouvait nous vendre une Electrolux si on décidait d'acheter au lieu de réparer. Ça s'rait quand même normal qu'on achète chez lui après tout ça.</p> <p>Dominique, la moutarde lui est montée au nez. Elle lui a dit qu'il n'avait qu'à venir reprendre sa vieille machine, leur ramener la Fagor et qu'il fallait qu'il s'estime heureux encore qu'on ne porte pas plainte contre lui pour homicide involontaire et que des témoins on en avait et qu'on allait acheter une autre machine bien sûr, comment faire autrement, mais sûrement pas une Electrolux qui m'avait écrabouillé et elle avait raccroché.</p> <p>Laclaque est venu dès le lendemain, très froid. Il a ramené la Fagor, repris l'Electrolux, dit en partant qu'il aurait été en droit de demander un dédommagement. « Et quoi encore ? » a dit Dominique en lui claquant la porte aux fesses. Le lendemain, Dominique a lu dans le journal que chez But, il y avait « boum, boum sur les prix ». Elle y est allée et elle est tombée en arrêt devant une Ariston, presque la même que celle qu'on avait eue il y a plus de dix ans. Le vendeur lui a dit : « à ce prix là, c'est vraiment du bas d' gamme vous savez, on vous conseille pas trop, on a la qualité au-d'ssus, tenez voici une Fagor, c'est déjà autre chose ». Dominique a senti qu'elle allait vite s'énerver, alors elle l'a arrêté tout de suite. « Non, moi c'est du bas d' gamme que je veux, pas d'Fagor, pas d'Electrolux et même pas de Vedette si ça existe encore, y a pas mieux que le bas d' gamme. Vous me la livrez quand la Ariston ? »</p></div>  VOUS SAVEZ, ON A EU UNE BELLE VIE, HELENE ET MOI http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2287 http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?article2287 2018-06-18T23:42:00Z text/html fr Hervé Mesdon Baptiste arrivait vers 6 h : « c'est encore moi, tu vois Yvonne ». Yvonne lui disait : « tiens, prends une chaise ». Il s'asseyait et il pleurait en silence. Il n'essayait pas d'arrêter ses larmes. Elle continuait à préparer la soupe. Il n'enlevait ni sa vareuse, ni sa casquette d'ancien marin de commerce. Les mains à plat sur ses genoux. Les larmes coulaient et elles tombaient où elles pouvaient. Je suis venu t'embêter encore avec mes histoires, (...) - <a href="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/spip.php?rubrique72" rel="directory">Nouvelles, poèmes etc</a> <div class='rss_texte'><p>Baptiste arrivait vers 6 h : « c'est encore moi, tu vois Yvonne ». Yvonne lui disait : « tiens, prends une chaise ». Il s'asseyait et il pleurait en silence. Il n'essayait pas d'arrêter ses larmes. Elle continuait à préparer la soupe. Il n'enlevait ni sa vareuse, ni sa casquette d'ancien marin de commerce. Les mains à plat sur ses genoux. Les larmes coulaient et elles tombaient où elles pouvaient. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Je suis venu t'embêter encore avec mes histoires, je vais pas rester . <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Pour l'instant c'est histoires sans paroles en tout cas. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Oui, je vais y aller, je reviendrai un autre jour quand ça ira mieux. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Dis pas d' bêtises, tu vois bien que je fais la soupe, tu vas la manger avec nous.</p> <p>Petit à petit les larmes diminuaient et puis elles s'arrêtaient. <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> On dirait que ça va mieux ? <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Tu peux pas savoir comme c'est dur Yvonne. Et les larmes recommençaient à couler. Vers 7 h Adrien rentrait du travail. -Tiens, Baptiste ! <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Oui tu vois, c'est encore moi. -Et elle t'a même pas servi un coup d' pinard ! <br /><img src="http://www.la-gauche-cactus.fr/SPIP/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-32883.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Sûrement pas, d'ici que le pinard lui réamorcerait la pompe, je préfère le laisser se vider d'abord.</p> <p>Baptiste souriait alors. Adrien s'asseyait en face de lui et il remplissait deux verres : « alors, qu'est-ce que tu deviens ? » Dès qu'Adrien était là, Baptiste ne pleurait plus. Il enlevait vareuse et casquette. Il pouvait parler les choses au lieu de les pleurer. A partir de ce moment là, il n'arrêtait plus, il parlait, il parlait, il aurait parlé des heures et des heures. Il parlait d'elle, de lui et elle, il parlait de ce qu'il n'y avait plus et puis il parlait du rien, du vide, du froid, du silence de maintenant. Vers 10 h Adrien disait qu'il fallait aller dormir. Baptiste, docile, s'en allait alors, titubant un peu.</p> <p>Depuis plus de deux ans c'était ainsi, depuis la mort de la femme de Baptiste. C'était pas une vie pourtant qu'il avait eue Baptiste avec Hélène. Quand elle était morte on avait dit que sûrement c'était une délivrance pour tous les deux. Hélène c'était juste un peu au-dessus du légume : elle grognait, remuait un peu une main, bougeait les yeux. Trente ans qu'elle était comme ça. Le bateau de Baptiste était à Dakar. Un télégramme : « Hélène gravement malade ». Il était rentré par avion. Voilà, il l'avait retrouvée comme ça, une « attaque ». Il y avait son fils de 5 ans, il y avait Hélène. Il avait quitté la marine et trouvé un emploi de magasinier. Il avait élevé son fils, il s'était occupé d'Hélène. Il fallait tout faire pour elle : la lever, la coucher, l'installer dans le jardin en été, près de la cheminée en hiver, la faire manger, la laver. Il fallait tout faire, il avait tout fait. Quand son fils, à 18 ans, était à son tour entré dans la marine, Baptiste avait arrêté son travail pour mieux s'occuper d'Hélène. Ses deux petites retraites, les légumes de son jardin vendus sur le marché, ils avaient vécu de ça. Son fils avait vite cessé de les voir, il n'y avait plus eu qu'Hélène. Il lui arrivait de dire à Yvonne et à Adrien : « vous savez on a eu une belle vie, Hélène et moi ». « Les gens peuvent pas savoir ».</p> <p>Il disait qu'il avait compris plein d'choses avec elle, des choses qu'on ne peut même pas expliquer : « elle savait se faire comprendre, je la comprenais moi ». Quand Hélène était morte, il s'était dit comme les autres que c'était une délivrance pour tous les deux. Il y avait eu l'enterrement et on lui avait rabâché que c'était sûrement une délivrance et il répondait oui, oui. Mais dès le lendemain matin il avait su que ça n'était pas une délivrance.</p> <p>Et de n'avoir plus que le mur à qui parler, c'était une délivrance peut-être ? Et de n'avoir plus le chaud de son corps dans le lit ? Et de n'avoir plus à lui mettre son chapeau pour le soleil ? De ne plus lui faire sentir les fleurs du jardin ? Combien de fois il ne s'était pas dit qu'il allait la rejoindre, mais il n'avait pas eu le courage. "Maintenant c'est trop tard ». Et c'était comme ça depuis plus de deux ans. Tous les deux, trois mois il venait, il pleurait avec Yvonne, il parlait avec Adrien. Yvonne se disait qu'on ne pouvait pas continuer à le laisser dans cet état : « une pitié de voir un homme se moisir comme ça ». Un jour elle décida de prendre le taureau par les cornes. Elle se souvint qu'autrefois au bal, Victorine Person et Baptiste dansaient quelquefois ensemble. Et puis Baptiste avait rencontré Hélène. Victorine n'avait rencontré personne. De temps en temps, sur le marché Yvonne et elle faisaient un brin de causette. Victorine n'avait jamais été une beauté et comme tout le monde elle avait vieilli, mais bon… Un dimanche Yvonne invita les deux âmes esseulées. Trois mois plus tard, pour le mariage, Yvonne s'était mise en frais d'un chapeau neuf et Adrien pour une fois avait mis la cravate.</p></div> https://www.traditionrolex.com/18 https://www.traditionrolex.com/18