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ALGERIE: LA FRANCE ET L’ALGERIE A LA CROISEE DES CHEMINS : UNE ELECTION POUR RIEN ?
Par Emmanuel Dupuy

Les élections présidentielles en Algérie, prévues le 15 avril prochain, s’annoncent sans grand suspens, compte tenu de la disproportion, en premier lieu desquels un traitement médiatique partisan au profit du candidat « officiel », le président sortant Abdelaziz Bouteflika et les autres candidats.
Malgré tous ces écueils, les démocrates et les républicains continuent à ses battre pour le pluralisme en Algérie.
La visite d’Etat toute « gaullienne » de Jacques Chirac, l’année dernière, semblait ouvrir une nouvelle ère des relations entre nos deux pays. La France redécouvrait l’Algérie et vice-versa…Une année de célébration de l’Algérie en France n’a cependant pas su cacher les graves maux qui affectent l’Algérie qui, rappelons le, est toujours aux prises avec le fanatisme religieux du GIA, et demeure victime des manipulations du complexe militaro-industriel.
Paradoxe, en effet, de voir qu’un million et demi d’algérois accueillaient- en liesse - le cortège présidentiel alors que ceux-là même défient quotidiennement le gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika, manifestant ainsi légitimement contre l’arbitraire de l’Etat, du « parti gouvernement » du RND (Rassemblement National des Démocrates) et du FLN (Front de Libération Nationale) à l’égard des médias indépendants et de l’opposition.
Cependant Chirac n’est pas De Gaulle et Bouteflika n’est pas Abd-el-Kader. L’Algérie d’aujourd’hui n’est pas non plus celle des Pères de l’indépendance de 1962.
Le scrutin qui s’annonce sans surprise ne doit ainsi nullement éluder la revendication profonde des Algériens pour le renforcement du lien francophone et la reconnaissance de la spécificité kabyle, comme gages d’ouverture et de modernité.
Au delà du lien affectif et de l’attachement viscéral des Français à la terre d’Algérie depuis 1830, l’on ne doit pas masquer les graves conditions économiques et la persistance durable de l’instabilité politique ainsi que le déficit démocratique chronique qui rend la relation bilatérale ambiguë.
L’Algérie et au-delà l’ensemble du pourtour méditerranéen, est revenue à la mode ces quinze dernières années ; à la fois pour ce qu'elle représente dans sa dimension historique, ses perspectives démographiques et comme potentiel lieu d’échanges et de débats sur la scène internationale - à l'heure où la formation des grands ensembles géopolitiques semble reprendre forme.
Dans la réalité, cependant, la situation est beaucoup plus complexe et les avancées pour la concrétisation d'une zone de co-développement et de co-prospérité demeurent particulièrement instables. Plusieurs phénomènes s'imbriquent les uns aux autres, ce qui constitue des obstacles majeurs à l’établissement d’un lien bilatéral, et au-delà multilatéral, dans le cadre de la relance, du processus euro-méditerranéen lancé à Barcelone en 1995 et laissé en jachère depuis.
Le premier est lié à l'intérêt des Européens, plus enclins à voir dans l'Est européen un nouvel eldorado, tant pour des raisons de commodités économiques que de proximités culturelles et historiques. Par ailleurs, le conflit israélo-palestinien paralyse les initiatives audacieuses et les retards historiques de la rive sud de la Méditerranée sont légions, notamment du point de vue démocratique. Au niveau économique, la coopération sud-sud est, par exemple, inexistante au regard des échanges qui ne représentent que 1% entre pays maghrébins entre eux.
Quoi que fasse désormais le régime des généraux pour conserver ses privilèges et ses prébendes, il lui sera ainsi difficile de le faire avec la menace d’une pression internationale croissante et impartiale qu’il faut maintenir. La transparence en matière économique doit ainsi être un des critères qui doit s'imposer peu à peu à tous les partenaires.
Si pour la première fois l'Algérie n'a pas privilégié l'option idéologique au détriment de ses intérêts nationaux, il appartient aux républicains des deux rives, de militer pour confirmer un partenariat pérenne et équilibré, basé sur la notion de co-développement et une gestion humanisée de la libre circulation des personnes.
La promesse de considérer avec attention l’épineuse question des visas, est un marché de dupes. Car enfin, si l’Algérie va mieux, pourquoi la jeunesse veut-elle fuir avec autant d’ardeur son pays ? Les apparences sont, en effet, trompeuses. La matière première algérienne réside incontestablement dans son capital humain.
A cet égard, il aurait été certainement plus utile pour le président candidat de pointer les innombrables retards accumulés en matière de soutien au développement et à la reconversion industrielle, devenue désuète avec la fin de l’économie planifiée. Ce travail de partenariat est le seul véritable gage pour éviter qu’une émigration massive vers l’eldorado européen, ne transforme définitivement l’Algérie en « arrière boutique » des économies florissantes occidentales.
Des visas certes, et en nombre plus important, certainement, mais dans le cadre d’un véritable co-développement, qui impliquerait une obligation de retour en Algérie, pour que l’apport soit bénéfique aux deux économies et pour que la société algérienne puisse s’enrichir en retour, autant que la nôtre, du niveau élevé de qualification des candidats au départ.
C'est un immense défi qui incombe à nos deux pays. La France, terre d’accueil, où réside un français sur six qui, à un degré ou un autre, conserve un lien affectif ou familial avec l’Algérie ; l’Algérie, ensuite, qui doit s’engager sincèrement sur la voie démocratique et opter définitivement pour le pluralisme et la consolidation de l’Etat de droit. La lutte commune contre le terrorisme international, ne saurait ainsi occulter l’opacité du régime quant aux dizaines de milliers de victimes de la guerre civile qui frappe le pays si durement depuis 1991.
L’Algérie trouverait là une opportunité politique certaine pour réintégrer la scène internationale, domaine dans lequel elle était quasiment exclue depuis une décennie, malgré la tentative discrète de relance de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), aux résultats plus que mitigés.
Il y a de ce point de vue, un réelle urgence, tant se font pressantes et insistantes, les incitations américaines pour appuyer localement leur plan pour un Moyen-Orient élargi, qui ferait, très certainement disparaître - petit à petit - les acquis d’une histoire, d’un partenariat privilégié et d’une langue communes tissés depuis 1830.
D’où l’importance de concevoir les relations de part et d’autres de la Méditerranée, comme étant avant tout basées sur une compréhension mutuelle. Cette « communauté de destin » ou « nouvelle alliance », comme l’a annoncé avec éclat la France doit avant tout reposer sur certaines bases claires et le partage de valeurs communes.
Le partenariat euro-méditerranéen offre ainsi des instruments pour la défense et la promotion des droits de l'homme. Il faut donc rester particulièrement vigilant face à cette question, en ayant à l’esprit que le respect et la promotion de l'Etat de droit doivent constituer une conditionnalité de l'aide au développement.
Ainsi, malgré les contraintes qu'impose l’accord d’association avec l’UE, ratifié avec peine à la suite d'un long débat au parlement européen, le 11 octobre 2002, il faut remettre en perspective ces aspects positifs car, idéologiquement, l'Algérie, trop longtemps freinée par son arabo-islamisme militant semble désormais vouloir s’arrimer à l'Europe laïque.
Ce n’est ainsi pas la remise en cause aisée d’une loi d’arabisation voulue par le prédécesseur de Bouteflika, le général Liamine Zéroual pour plaire aux islamistes, qui changera la nécessité d’ancrer le lien linguistique entre nos deux nations, tout en reconnaissant la nécessaire diversité culturelle entre occident et le monde arabo-musulman.
Ce pont entre les deux rives de la bien nommée Mare Nostrum doit ainsi être, pour l’avenir, un élément de réflexion pour une réorientation de la préoccupation de l’Europe pour son flanc méridional. Il ne serait ainsi pas vain de penser que l’Algérie, et l’ensemble des pays du Maghreb, ont toute leur place dans un partenariat approfondi, qui pourrait constituer un prélude à une intégration plus poussée.
Dans ce contexte, la révolte de la jeunesse en Kabylie révèle le dilemme algérien. La centaine de tués au cours des émeutes d’avril 2001 doivent aussi rappeler la fragilité de ceux qui voient déjà l’Algérie être l’élément fédérateur pour l’ensemble du Maghreb.
Cet acte tragique dans la mémoire collective du pays, doit aussi rappeler combien le principe de laïcité est un vecteur universel de progrès social et humain. Faire aujourd’hui, des Algériens et des Algériennes, des citoyens fiers et conscients de la grandeur de leur Nation, c’est diminuer demain, le risque de la mainmise du fondamentalisme religieux sur l’histoire du pays.
Les élections générales d’ici quelques semaines, auront au moins le mérite de démonter la ferme détermination des républicains laïques algériens, massivement soutenus en cela par la population, à discréditer Bouteflika et son gouvernement « fantoche », tant il ne fait pas de doute que les véritables maîtres d’Alger sont les généraux, qui tiennent les rênes de la bourse et la matraque !
Au moment où la France célèbre le 19 mars, quarante deux années de relations douloureuses et passionnelles, la meilleure manière d’ancrer durablement la démocratie en Algérie reste de lui en donner les moyens.


Emmanuel Dupuy est Secrétaire Général de Terres-Sud 21