Nous assistons aujourd’hui à un exercice bien curieux de la démocratie. Nous n’allons pas nous appesantir sur les mensonges de Bush, Blair et consorts pour justifier une intervention en Irak, contredits par le brillant Général Tommie Franks en personne aux premiers jours de la guerre, ou par le subtil Conseiller Wolfowitz sur la présence d’armes chimiques. Pas plus que sur le soutien d’Aznar à la guerre contre l’avis de 90% de son opinion publique. S’il faut tenir compte de l’opinion maintenant, on ne peut plus gouverner ! Et quand tu la ramènes, tu risques ta peau, n’est-ce pas Docteur Kelly ?
Que dire des très larges négociations de Raffarin sur la réforme des retraites ! Ben oui, c’est plus facile avec la CFDT ou FO, pardi !
Et les négociations secrètes sur les AGCS ! Tu seras au courant quand on aura décidé ! Non mais, mêle-toi de ce qui te regarde !
Et l’interdiction de l’OMC pour les pays du Sud d’exporter certains médicaments vers les pays du Nord, votée par les pays d’Afrique, les larmes aux yeux, sous peine de mesures de rétorsion ! Et les subventions à l’exportation agricole des États-Unis et de l’Europe ! Le libre-échange, c’est bien, mais ça dépend dans quel sens ! Et ne t’avise pas de prendre des mesures protectionnistes, sinon, t’auras à faire à moi !
Il y a encore plus subtil : la Suède, consultée, dit « non » à l’euro. Donc, on reposera la question en 2010. Si ça ne marche pas en 2010, ce n’est pas grave, on reposera la question plus tard.
Et maintenant, le délicat Jacques Barrot en remet une couche : il est contre l’organisation d’un référendum sur le projet de Constitution Européenne. Ah ben oui ! On te consulte seulement si tu es d’accord ! Un petit ballon d’essai pour Chirac afin de savoir si on pourrait faire voter ça à la sauvette par l’Assemblée Nationale, en s’asseyant joyeusement sur les promesses faites pendant la campagne pour le plébiscite présidentiel ? Ou alors, on attend que l’opinion soit suffisamment préparée pour faire passer le « oui » en douceur et s’envelopper dans une parfaite légitimité constitutionnelle, démocratique et, bien sûr, républicaine. Dame !
Il est clair qu’on nous a régulièrement consulté depuis Maastricht pour savoir si on était toujours d’accord sur la façon dont se faisait la construction européenne ! Ah non ! Quand t’as dit oui, t’es foutu ! On ne te demande jamais plus si tu as changé d’avis.
Ça me fait penser à un enfant à qui une maman bienveillante demanderait : -Tu veux de la purée ? -Non ! -Tu veux de la purée ? -Non ! - Bon, ben, tu l’auras au goûter ! Et si t’en veux pas, tu l’auras ce soir !
Et puis, à la fin, le gosse en a tellement marre qu’il finit par dire oui. En somme, ils nous prennent pour des gros bébés. Quand ma grand-mère me servait de la purée, elle me chantait :« Quand tu seras dans la purée, reviens vers moi… ». Dans la purée, on y est ! D’aucuns penseront que j’ai mauvais caractère, ce qui n’est peut-être pas faux, mais faudrait pas pousser Mémère dans les orties! Ah, purée !