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Edito : CONTRE LA MELANCOLIE, C’EST NOTRE ANNIVERSAIRE !
LA LIGNE : PERFORMANCE ET COMPETITION
LE PEUPLE INATTENDU
APPEL POUR UNE ALTERNATIVE A GAUCHE
FERRY-BOITE
LA PENSEE UNIQUE ECONOMIQUE : QUELQUES EXEMPLES DECOUSUS


 
LA LIGNE : PERFORMANCE ET COMPETITION
Par Jean-Luc Gonneau
Situons ce texte dans son contexte ; l’idée en est venue en écoutant François Morel, psychologue, professionnel, et historien, amateur, dans le domaine de la toxicomanie.

Il avance une analyse qui tend à montrer que la consommation de substances psychotropes suit, comme d’autres consommations, non seulement des modes, mais des évolutions économiques et sociales lourdes. A époque d’angoisse, montée des sédatifs et des calmants divers. A époque d’euphorie, montée des anti-dépresseurs, des excitants.

Aujourd’hui, qu’on ne sait plus trop ou on en est, alternance et simultanéité, pour le plus grand bonheur des laboratoires pharmaceutiques et des dealers, fonctions parfois voisines qui ont d’ailleurs des points de rencontre, la Bourse par exemple. Des cycles, en quelque sorte, qui rejoignent assez les boucles que Jean Delons nous décrit depuis quelques temps avec talent et impertinence.

François Morel devisait ainsi, considérant qu’il n’est pas si étonnant que dans une société ou l’on doit afficher sa compétitivité, on ait recours à quelques adjuvants judicieusement adaptés : on connaît la dilection des sportifs pour certains mélanges (d)étonnants, l’addiction du monde « des arts et du spectacle » à des coke-tails revigorants, et la déferlante des prozacs en tout genre pour le commun des mortels.

On ne prétend pas ici à une analyse approfondie. Il s’agit très modestement d’ouvrir, peut-être, un débat, à partir d’humeurs et de quelques convictions.

Nous vivons une époque, on nous le dit chaque jour, on l’on se doit d’être compétitif et performant. Rien ne nous étonne de la part du grand capital, relooké ou non nouvelle économie. La nouveauté nous vient de la gauche, de celle, en tout cas, qui nous gouverne assez régulièrement depuis vingt ans. La France qui gagne, c’était nous. Va pour les élections, va pour le foot. Qu’y gagnions-nous, nous ? Qu’y gagnait en fait la France ?

Nous avons compris, en militants raisonnables, que la droite nous a longtemps joué le refrain de l’incompétence, de l’incapacité à gérer. D’un côté les bons sentiments, de l’autres les responsabilités. C’était bien sûr injuste, une ficelle bien grosse. Qu’il fallut tordre le coup à ces bobards a été nécessaire. On ne parlait alors ni de performance, ni de compétition, mais de compétence. Il fallait prouver que la gauche, aux affaires, n’était pas plus incompétente que la droite. Ce fut fait aisément, la tâche n’était pas si rude.

Entre temps, le monde change, la mondialisation arrive, c’est à dire l’extension à l’extérieur du modèle social américain. Il s’agit donc d’être compétitif et performant. Hors cela, point de salut, la compétition est impitoyable, les faiblards seront irrémédiablement éliminés. Est-ce bien raisonnable ?

On ne refera pas ici la critique, éculée, du marché comme moteur de l’économie. On sait depuis longtemps que c’est un outil précieux, mais non déterminant, dans une palette de dispositifs économiques diversifiés, pour la plupart remisés au grenier puisque non conformes au « nouveau » credo libéral. On reviendra seulement sur une idée, dont on aura compris que nous ne souhaitons pas démordre : si la compétence est nécessaire, utile, souhaitable, participant en première ligne de l’émancipation de l’humanité, il n’a jamais été démontré qu’elle soit davantage productive que d’autres modes d’organisation. C’est un credo, on l’a dit, un schéma mental, peut-être. On confond l’excellence, objectif louable, et la victoire, objectif passager et vaniteux. Prix Nobel, Oscars, Césars, Victoires, Coupes du Monde : on désigne les meilleurs ? Amusettes. Messier, Pinault, Arnault, Bolloré, le baron Ernest : héros de l’industrie ? Maquignons de luxe.

On rappellera, mais c’est presque superflu, que la compétition moderne n’a qu’un but, et un moteur : l’argent. Le sport devient spectacle, l’industrie la bourse, l’art le show bizz.
Dans ces conditions, tout doit pouvoir se vendre, nous y sommes presque. Et ce qui a le plus de valeur, on le sait depuis toujours mais on commence seulement à le marchandiser, c’est le temps, le temps du travail bien entendu, dopé à la performance, sorte d’hypertemps, ou nos vieilles « cadences infernales » sont devenues une norme, dont il faut être fier. Néo stakhanovisme, l’histoire est narquoise, mais il paraît qu’il trichait, lui. Mais aussi temps du loisir, envahi par d’autres compétitions, d’autres pressions.

Lafargue est bien loin, mais n’est-ce pas, pourtant, le moment de réécrire un droit à la paresse ? C’est une affaire de longue haleine, une reconquête de ce que tous les renoncements, toutes les trahisons, petites ou grandes, tous les accommodements de la gauche soit disant moderne face au libéralisme ont mis en péril. Le droit d’inventaire prendra du temps.
Capturé par MemoWeb à partir de http://www.cactus-republicain.org/index.php?ID=&Langue=Object&ThemeID=59&RubID=110&InfoID=173  le 16/07/2004