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Edito RLB 16
LA LIGNE : PENSER LE TRAVAIL, C’EST FATIGANT
IMPOTS, UNE POLITIQUE FISCALE EN FAVEUR DES RICHES
MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE REPUBLICAINE ET SOCIALE
LINUX ET LES MIRS
LES HUMEURS DE JMH : HA ! PUREE !


 
LA LIGNE : PENSER LE TRAVAIL, C’EST FATIGANT
Par J.L Gonneau
Raffarin, à qui rien de ce qui est humain n’échappe, en général pour en faire de la bouillie, a martialement déclaré récemment (en frappant de son petit poing ? l’Histoire est muette à ce sujet) qu’il fallait réhabiliter le travail. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais une phrase de ce genre dans la bouche de Raffarin, ça vous a tout de suite des relents pétainistes. D’autant que, selon certains sociologues, mais les sociologues ne sont pas infaillibles, une large majorité de français seraient satisfaits de leur travail. Mouef, satisfaits d’avoir du travail, sans doute en ces temps de disette de l’emploi. Mais satisfaits de leur travail, voire, en cette époque de harcèlements divers, de productivisme effréné, de stress doctement érigé en « méthode de management » dans certaines écoles, de compétitions individuelles exacerbées par les rémunérations « au mérite » qui favorisent au moins une chose de façon certaine : les coups bas entre collègues.
Jean-Pierre Chevènement, lors de sa campagne présidentielle, empruntant au répertoire syndical traditionnel, de revaloriser le travail. Il y avait, derrière cette notion, autre chose que la -nécessaire- revalorisation financière des revenus les plus bas, mais ce fut surtout sa proposition de revalorisation –financière- du SMIC qui fut retenue, par les médias à défaut des électeurs.
C’est cette « autre chose » qu’il serait pourtant intéressant de développer. Pendant des siècles, nous en sommes restés à une conception chrétienne du travail, liée à la faribole du péché originel : puisque tu as forniqué, homme, fini les bonnes petites choses gratos qu’il suffisait de cueillir dans les vergers paradisiaques. Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. Avec, peu à peu, la construction d’une morale autour du travail, la paresse étant un très gros péché. Paul Lafargue, entre autres, a mis un conséquent pavé dans la mare en publiant son Droit à la paresse à la fin du 19e siècle.
Il établissait que le travail n’était pas « bon » en soi, ni « mauvais » d’ailleurs. Enfin débarrassés, croyait-on, du fatras moraliste autour du travail, que Raffarin nous ressert avec sa « réhabilitation », on allait enfin pouvoir parler de choses sérieuses. Entre autres, la nécessité sociale du travail : une chose nécessaire, ce n’est pas forcément une chose « bonne ». Entre autres, les conditions à réunir pour que le travail soit une source d’épanouissement et non d’aliénation pour l’individu. Ces réflexions furent abondantes, mais sont tombées dans l’oubli. Bosse et tais-toi, déjà que tu as de la chance d’avoir un job, tel semble être aujourd’hui un discours dominant.
Rappelons donc quelques idées trop vite oubliées. La satisfaction procurée par le travail ne doit pas se limiter à la paye mensuelle, même si celle-ci est indispensable (et, pour une minorité, assez jouissive quand ils comparent l’énormité de la somme avec l’indigence des efforts fournis, pour la majorité assez frustrante quand ils constatent le contraire).
Le travail doit aussi procurer des satisfactions intellectuelles, d’ordres très divers : sentiment de participer, par son travail à une œuvre utile pour la société, possibilité d’échanger savoirs, techniques, sympathies aussi, amélioration des compétences, exercice intellectuel appliqué à un problème concret, participation à la création de produits ou services nouveaux…
Ce sont tous ces éléments qu’il convient de valoriser, et non la seule « efficacité » économique, évaluée en termes de rendement et/ou de rentabilité et n’ayant qu’une traduction monétaire
Bien des critiques du fordisme du début du siècle dernier ont insisté sur ces points. Plus près de nous, les théoriciens du job enrichment en montraient encore l’importance. L’ultra-libéralisme a balayé tout cela. Nos jeunes sont feignants, entend-on parfois. S’ils voulaient vraiment travailler, ils trouveraient du boulot, ajoutent d’autres. Nous n’avons pas le sentiment que le pourcentage de cossards augmente à chaque génération. Mais travailler pour être payé au lance-pierre, viré au moindre écart (du salarié ou de son employeur : on a le licenciement économique facile, en ce moment), de moins en moins respecté par sa hiérarchie, et qui plus est pour des emplois à utilité sociale douteuse ( des exemples : le télé-marketing, les fast food, les produits financiers attrappe-gogos, les myriades de gadgets inutiles, de produits alimentaires nocifs…) ne suscite pas forcément l’enthousiasme. Plutôt que de « réhabiliter » quelque chose qui n’en a pas besoin, et en plus de revaloriser (ça, il y en a besoin), ne convient-il pas de redonner du sens au travail ? Et si on compte sur le Medef pour ça, mieux vaut aller se coucher.
Capturé par MemoWeb à partir de http://www.cactus-republicain.org/index.php?ID=&Langue=Object&ThemeID=59&RubID=106&InfoID=116  le 16/07/2004