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Edito : 2003 ANNEE DE TOUS LES DANGERS, UN NUMERO SPECIAL INTERNATIONAL
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LA GAUCHE AUJOURD’HUI, POINT DE VUE 3 : LA GAUCHE ENGLUEE PEUT-ELLE ENCORE PARLER ?
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LA GAUCHE AUJOURD’HUI, POINT DE VUE 3 : LA GAUCHE ENGLUEE PEUT-ELLE ENCORE PARLER ?
Par Jean-Marc Holleaux
Si la gauche, et notamment le PS est incapable d’accoucher d’un discours clair et émancipateur, c’est qu’elle est paralysée par un non dit, pire, par un reniement non dit, qui est l’intériorisation de ses contradictions entre ses actes et son discours fondateur émancipateur.
Si la gauche n’ pas le courage de purger ces non dits, quitte à faire de la peine à certains de ses amis et à perdre, peut-être, quelques voix (mais sans doute à en gagner bien d’autres), elle ne sortira pas de sa paralysie.
Ces non dits sont nombreux. Jean Delons, dans un article publié précédemment, en a élucidé quelques uns à propos du marché et du libéralisme. Je souhaite ici en évoquer d’autres, qui concernent l’éthique internationaliste d’une gauche qui redeviendrait émancipatrice.
Il s’est produit à propos de l’holocauste une évolution sémantique et idéologique sur laquelle nous nous sommes laissés entraîner : on est passé des camps d’extermination à l’Holocauste, et de là à la Shoah. Passer d’un fait terrifiant (les camps) à une nécessaire mémoire (l’Holocauste) est chose nécessaire. Le passage de l’Holocauste à la Shoah est d’un autre ordre, dans la mesure où cette dernière a été accaparée par les gouvernement conservateurs successifs israéliens à des fins qu’il convient d’analyser.
La Shoah, telle que définie par Israël, dans sa logique étatique, telle qu’elle est enseignée de manière obligatoire aux Etats-Unis, gomme volontairement et presque totalement l’extermination des tziganes, des résistants au nazisme, des homosexuels.
La gauche n’a pratiquement pas réagi contre cette évolution réductrice, qui retient la part la plus massive de l’holocauste, que nul sauf quelques révisionnistes ne songe à nier, et laisse l’autre part dans l’ombre.
Pour ce qui concerne les tziganes, cet oubli est particulièrement choquant en France, si on veut bien se souvenir que le seul camp d’extermination massive des tziganes était sur notre territoire, au Struthof, où 500 000 tziganes, au moins, ont été exterminés. Ce fait, complètement oblitéré, lié du reste à l’antique hostilité paysanne aux « errants » auxquels on attribuait volontiers (et encore aujourd’hui) le rôle de bouc émissaire.
La France aujourd’hui accorde parcimonieusement le droit d’asile aux Roms de Roumanie, qui sont l’objet, dans leur pays, d’une véritable épuration ethnique, alors que la Roumanie entrera probablement dans l’Union Européenne en 2007. Sur ce sujet, la gauche est muette.
Les résistants au nazisme sont aussi oubliés par le terme de Shoah. Cela rend bien service aux sionistes, qui revendiquent le monopole de l’Holocauste pour justifier la logique d’Etat d’Israël.Leur oubli sert aussi à gommer le fait que, dans le discours nazi, « résistant » égale « terroriste ». Cet oubli permet à l’Etat d’Israël de nier la résistance palestinienne comme résistance à l’oppression et de n’y voir que du « terrorisme »(1).
Il en est de même pour les résistants tchétchène, dans lesquels V. Poutine (et sans doute G.W. Bush) ne veut voir que des « terroristes ».
Or, on ne sortira pas la gauche de l’ornière si elle ne revendique pas historiquement sa solidarité avec tous les peuples opprimés, y compris dans le cas où ceux-ci n’ont d’autre voie de défense que le « terrorisme », cette reconnaissance seule permettant d’émettre une opinion, ou une critique, sur les actes de ce dernier. C’est cette reconnaissance qui peut permettre, par exemple, de distinguer en Tchétchénie ce qui ressort d’actes instrumentalisés par des puissances étrangères au service d’intérêts pétroliers ou de clans islamistes violents, de la résistance de la population, qui peut elle aussi prendre des formes violentes. C’est cette reconnaissance qui peut permettre de distinguer les formes désespérées de la résistance palestinienne de certaines dérives sectaires.
On ne sortira pas la gauche de l’ornière si elle ne condamne pas clairement la purification ethnique de fait que pratique l’Etat d’Israël, si elle ne salue pas la rage impuissante des palestiniens qui les mène au suicide, si elle ne condamne pas les massacres perpétués par l’Etat russe sur les tchétchènes.
Tant que la gauche ne purgera pas ses silences coupables et ses non-dits, elle sera paralysée pour tenir le discours qui n’est qu’à elle, le discours général émancipateur, son discours de référence fondamental, sa seule référence historique et théorique. Elle sera paralysée pour tenir un discours autre qu’un faire semblant.
Sur cette référence historique retrouvée, la gauche pourrait condamner comme résultat d’un même totalitarisme le soutien américain à A. Sharon et l’abandon par tous des résolutions de l’O.N.U. sur la Palestine, le soutien de fait à V. Poutine, le masque antiterroriste cachant une volonté de contrôle du pétrole de l’Irak.
Resterait enfin, alors, le vieux et vrai débat entre la résistance légitime au tyran et la violence aveugle, celle par exemple du 11 septembre 2001, qui n’est pas réellement liée avec la défense d’un peuple opprimé, même si ce lien est invoqué parfois comme justification, mais correspond, elle, à une volonté de puissance et/ou de pouvoir totalitaire. La « résistance » corse est aussi de ce tonneau.
De cette attitude conforme au discours émancipateur qui fonde la gauche, et à défaut duquel elle n’est plus qu’un marais de médiocres ambitions, il reste quelques bribes. L’Union Européenne impose aux turcs de traiter démocratiquement le problème kurde, mais on se tait sur la Tchétchénie et les Roms. On a mis un terme à la tyrannie serbe sur d’autres peuples de l’ex-Yougoslavie, mais quid du Tibet.
Une gauche française, une gauche européenne qui reprendrait son discours émancipateur, verrait ses positions se clarifier en politique intérieure ( qu’est-ce que le peuple de gauche ? On n’en parle plus), se distinguer clairement de l’élitisme réactionnaire sous lequel s’abrite un capitalisme déchaîné. On réagirait peut-être quand un ministre en exercice se permet d’ironiser sur les « droits-de-l’hommistes », quand bien même il se dit parfois bien des bêtises au nom des droits de l’homme.


(1) A propos de terrorisme, que penser du fait que quiconque critique le gouvernement d’A. Sharon est immédiatement taxé d’antisémitisme par des milieux débordant largement des activistes sionistes ? Nos porte-paroles ont-ils peur de ce terrorisme intellectuel et ne savent-ils pas la différence entre un peuple et le discours idéologique de ses dirigeants ?
Jean-Marc Holleaux est vice-président de Action et Réflexion pour le Changement Social (ARCS). Il participa à la création du PSU.
Capturé par MemoWeb à partir de http://www.cactus-republicain.org/index.php?ID=&Langue=Object&ThemeID=59&RubID=115&InfoID=225  le 16/07/2004