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Edito: 2004, ANNEE DE LA JUSTICE ET DU TRAVAIL (version UMP) Par João Silveirinho
LA LIGNE : UN GRAND CHAMBARD POUR L’EUROPE ? Par Jean-Luc Gonneau
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LA LIGNE : UN GRAND CHAMBARD POUR L’EUROPE ?
Par Jean-Luc Gonneau


C’est la dernière idée à la mode, dont les promoteurs savent pertinemment qu’elle est irréalisable dans l’immédiat, ce qui ne l’empêche pas d’être perverse pour plus tard : il faut élire une assemblée constituante européenne.
Il est dommage que ce soient ceux qui prônent, à juste titre, un aggiornamento du socialisme français, englué dans les collusions libérales qui aient enfourché ce canasson. D’Emmanuelli, Mélenchon, Montebourg, Peillon, par ordre alphabétique, et compagnie, on attendait mieux.
Une observation d’une grossièreté qui ne nous dérange pas, et nous ravit au fond un peu : il n’y a aucune urgence. Cette proposition ne correspond à aucune demande sociale. A un moment où les retraites sont amputées, les minima sociaux bousculés, le chômage en pleine forme, le droit du travail sérieusement menacé, la justice sous pression, le droit pénal malmené, la recherche sacrifiée, l’enseignement supérieur à vau l’eau, l’école malade, l’hôpital bientôt réduit à la charité et encore, l’environnement gravement menacé par les pollutions de toutes sortes, les inégalités, chez nous comme partout dans le monde, galopantes, voilà que ces messieurs se découvrent une irrémédiable urgence : une assemblée constituante européenne.
Certains, pas tous il est vrai, des promoteurs de cette faribole, s’apprêtaient à voter la « constitution Giscard », faute de mieux disaient-ils. C’est dire leur haut niveau d’exigence vis-à-vis de l’Europe.
Une autre observation, de haut vol celle là, pour montrer qu’on peut aussi : une constitution suppose une volonté populaire de constituer une nation, ou au moins un consensus à ce sujet. Ce fut le cas aux Etats-Unis, avec certes des soubresauts, mais quelle nation s’est constituée sans soubresauts ? Ce fut le cas au Brésil, en Suisse, pour ne citer que quelques exemples de modèles fédératifs ou confédératifs. Ce ne fut pas le cas en Union Soviétique, avec les conséquences que l’on sait lors du dépérissement du régime communiste. Cette volonté ou ce consensus se fonde, pas toujours mais presque toujours, sur des éléments forts de culture commune, dont la langue est souvent l’un des vecteurs principaux (la Suisse constitue à ce niveau un cas très particulier). Cette culture commune suppose des brassages, des échanges d’idées, de créations, de savoirs. Elle progressera avec la mise en commun de projets, industriels, scientifiques, universitaires, culturels encore. Les fondateurs de l’Europe ne s’y étaient d’ailleurs pas trompés. Nous vivons encore avec des étendards européens datant de cette époque : Airbus en est le vivant exemple.
Cette Europe là est aujourd’hui en panne. L’Europe est devenue une zone de libre échange, objectif d’ailleurs avoué des britanniques dès leur adhésion, soumise à la loi des marchés, où les politiques nationaux, de droite comme de gauche, ont trouvé un outil commode pour se dessaisir de leurs responsabilités. La « constitution Giscard » ne faisait qu’acter cet état de fait, inscrivant sa vocation libérale comme pierre angulaire de son identité. L’Union Soviétique ne pouvait pas être autre que communiste. L’Europe ne pourrait pas être autre que libérale.
Qu’on ne s’y trompe pas : tout projet constitutionnel entamé aujourd’hui, ratifié ou non par le suffrage universel, et ce d’autant plus que les dirigeants des nouveaux entrants ont la fibre libéralo-américaine solidement ancrée, sera d’essence libérale. Pour qu’il en soit autrement, il y a lieu de conduire un combat préalable. Et ce combat, seuls des états européens politiquement forts sont en mesure de le mener.
Il passe par la renégociation de multiples accords ou traités, par l’inversion de certaines priorités : la recherche, la culture, la coopération, parents pauvres de l’action européenne, doivent devenir ses points de force.
Il passe par la mise à bas de la plupart des directives instaurant la concurrence comme mode de gestion européenne. Remplacer le commissariat à la concurrence par un commissariat aux grands projets industriels serait significatif.
Il passe par la priorité du social sur l’économique, faute de quoi l’Europe ne sera qu’une pâle copie des Etats-Unis (et encore, sans même le volontarisme industriel américain).
Il passe par la reprise en main par les Etats des services publics et, plus généralement, des secteurs qu’ils estiment d’intérêt général pour eux. Ce n’est pas à une commission Tartempion, ni même à un gouvernement européen de le décider.
Il passe par une lutte réelle contre la spéculation et plus globalement le tout financier. Instaurer une taxe de type Tobin est possible. Même dans un seul pays, même en la limitant dans un premier temps aux mouvements financiers de source ou de destination interne. Pour information, Lula vient de le faire au Brésil.
Aux zélotes d’une assemblée constituante, nous disons ceci : commençons par le commencement, camarades, faisons en sorte que la gauche, en France et dans d’autres pays, soient les défenseurs de ce combat, de ce grand chambardement européen qui peut nous permettre d’échapper au libéralisme. Et puisque ce sont pour l’essentiel des membres du parti socialiste, ajoutons ceci qui leur ira droit au cœur : à chaque fois, depuis vingt ans, que la gauche a choisi la voie européo-libérale, elle s’est plantée aux élections. En voilà un argument qu’il est bon.
Capturé par MemoWeb à partir de http://www.cactus-republicain.org/index.php?ID=&Langue=Object&ThemeID=59&RubID=140&InfoID=462  le 16/07/2004