www.cactus-republicain.org :
accueil     Nous     La Banquise     Alerte !     Les thèmes     Contact     Livres et Publications     
Recherche
Edito: EUROPE! EUROPE? QUELLE EUROPE? Par João Silveirinho
La Ligne: CULTURE ET POLITIQUE Par João Silveirinho
LETTRE A UN COMMISSAIRE EUROPEEN
TRIBUNE LIBRE: PENURIE MEDICALE ? Par Elie Arié
COMMENT DEVENIR PRESIDENT Par Jacques-Robert Simon
LES HUMEURS DE JMH Par Jean-Michel Hureau
TRIBUNE LIBRE: PRINCIPE DE LA GRENOUILLE CHAUFFEE Par Olivier Clerc


 
La Ligne: CULTURE ET POLITIQUE
Par João Silveirinho

On n’a pas attendu le conflit des intermittents pour savoir que culture et politique ne font pas souvent bon ménage, même s’ils sont, depuis des siècles, intimement liés. Si nous étions mauvaises langues, ce qui n’est bien entendu pas le cas, nous pourrions suggérer que le manque de culture de beaucoup de nos dirigeants explique l’indifférence affichée par nos politiques en vue envers les questions culturelles. Et il ne serait pas, dans ce cas, nécessaire de traverser l’Atlantique pour trouver des exemples.
Traitée au mieux comme appendice dans les programmes électoraux, dotée de budgets marginaux dans les dépenses de l’Etat, la culture n’a que rarement retenu l’attention du pouvoir. Depuis le début de la cinquième République, seuls Charles De Gaulle et François Mitterrand ont un temps hissé la culture au rang de priorités nationales.
Il faut reconnaître, d’un autre côté, que les acteurs de la vie culturelle ne sont pas toujours commodes : souvent jaloux de leur indépendance (qui le leur reprocherait, hors des politiques ?), parfois aussi serviles (le mécénat des princes a créé des traditions), peu nombreux, tous comptes faits, face aux cohortes salariales, et pesant peu, en gros sous sonnants et trébuchants, face aux armées patronales. Qui plus est, ils dépensent, c’est certain, et ne rapportent pas toujours, ce qui, en un siècle ou une prétendue efficacité est érigée en règle d’or, est suspect, au limites de l’insupportable.
Pourtant, la culture est l’âme des peuples, elle est aussi, comme l’exprimait voilà déjà longtemps Joffre Dumazedier, la relation particulière de l’homme au monde. Elle est peut-être la finalité de la vie.
Les politiques ont parfois mis la culture à toutes les sauces. Essayons au moins de savoir de quoi on parle.


Culture et mœurs, la confusion

La culture partage avec la citoyenneté, dont on verra qu’elle en est une composante, le triste privilège d’être mise à toutes les sauces. Il fut un temps, pas si lointain, où les choses, à défaut d’être simples, étaient au moins claires : la culture était alors assimilée aux Beaux-Arts : arts graphiques et plastiques, musique et danse, littérature et théâtre, plus quelques disciplines annexes. Ces objets se déclinaient selon des formes souvent attachées aux classes sociales : les riches à l’opéra, les pauvres dans les beuglants, où quelques riches, quand même, se risquaient à s’encanailler. La hausse du niveau de vie, le développement de l’éducation, la diversification des médias ont compliqué les choses. Pour certains, aujourd’hui, tout ou presque est culture : on parle des arts de la table, des arts et traditions populaires, de la mode … Premier écueil : ne pas confondre la culture et les mœurs. Parler de la « culture américaine » en citant Coca Cola, Mc Donald, Disneyland ou les jeans, c’est confondre culture et mode de vie et, au passage, faire injure aux éminents représentants d’une vie culturelle américaine qui fut intense et le demeure sans doute. Il s’agit, au mieux, d’éléments de civilisation.

L’éducation, préalable à la culture

Il est vrai que le langage courant, lui-même, ne facilite pas la clarté : qu’est-ce qu’un homme cultivé ? Un créateur, même talentueux, n’est pas forcément « cultivé ». On a connu de grands peintres quasi analphabètes, de grands musiciens un peu imbéciles, de grands écrivains ignares. On s’accorde généralement pour admettre que l’ « homme cultivé » est celui qui a acquis, par la fréquentation d’oeuvres culturelles, mais aussi par une accoutumance à penser les relations des choses entre elles, un sens esthétique et la capacité de le raisonner : un mélange de passion et de raison, en quelque sorte. On voit ici bien le lien entre éducation et culture : point de culture sans éducation. On voit aussi l’utilité de l’idée de « pluridisciplinarité culturelle » : la sociologie ou l’histoire ne sont pas des sujets culturels, mais elles concourent à l’explication de la culture, elles lui donnent du sens. On voit enfin que la culture englobe une activité de production et une activité d’assimilation.

Ne pas confondre les médias et la culture : contenant et contenu

Autre confusion souvent constatée : celle entre la culture et les médias susceptibles de la véhiculer. Ainsi disposons-nous souvent d’un Ministère de la Culture et de la Communication : il y a des liens entre les deux, mais ce n’est pas la même chose. La télévision ne véhicule pas que de la culture (dont la qualité constitue un autre débat), mais aussi des informations, des divertissements. D’ailleurs, pour la majorité des politiques, c’est bien davantage son rôle de média d’information que son rôle culturel qui retient l’attention. Les déclarations de François Léotard (qui fut Ministre de la Culture, étonnant, non ?) concernant le « mieux disant culturel » justifiant l’attribution de TF1 au groupe Bouygues sont encore dans certaines mémoires.

La culture en danger

Nous avons indiqué les principales confusions qui entourent la culture. Il pourrait venir à l’esprit du lecteur qu’il est certes utile de savoir ce que la culture n’est pas, mais qu’une définition manque au paysage. Nous tenterons l’approche suivante : la culture, c’est l’ensemble de la capacité créatrice passée (patrimoine) et présente d’une communauté et l’influence de cette capacité sur la pensée des membres de cette communauté : à la fois processus de production et mode d’appropriation. On ajoutera que ce qui distingue la création culturelle de la création industrielle, commerciale ou scientifique, c’est la gratuité de son élaboration intellectuelle, même si les enjeux économiques ne sont pas absents.

On aura donc compris que la culture est une composante indispensable d’une identité nationale. Que la culture d’un pays se dilue, et c’en est fait de sa capacité à survivre. En ces temps de mondialisation, le danger de dilutions culturelles est évidemment grand. D’autant, on le verra, que la production culturelle a aussi une dimension économique, quand bien même on considérera que la culture doit demeurer en marge du secteur marchand.
(à suivre)
Capturé par MemoWeb à partir de http://www.cactus-republicain.org/index.php?ID=&Langue=Object&ThemeID=59&RubID=144&InfoID=526  le 16/07/2004