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LA LIGNE : CULTURE ET POLITIQUE (SUITE) : EXCEPTION OU DIVERSITE ? Par João Silveirinho
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LA LIGNE : CULTURE ET POLITIQUE (SUITE) : EXCEPTION OU DIVERSITE ?
Par João Silveirinho
Dans le numéro précédent, nous avons tenté de préciser le champ du culturel, en le distinguant des mœurs, en ne confondant pas culture et médias, en montrant les liens entre culture et éducation…

Jean-Marie Messier, ex-patron de Vivendi-Universal, ex-vendeur mondialisé de films, de télévisions, de musiques, de livres, de journaux, ex- ministre de la culture de fait du temps déjà lointain de feu Jospin, est revenu à la une de l’actualité, en garde à vue cette fois. La vie de ce type est un roman, dites donc. Il devrait déposer les droits.

Jean-Marie Messier, rappelez-vous, du temps de sa puissance, est l’homme qui avait dit : « C’en est fini de l’exception culturelle française ». Et tant mieux, rajoutait-il, c’était du dernier ringard.

Les milieux culturels avaient été horrifiés, et les milieux politiques aussi. La Ministre de la Culture avait dit que ce n’était pas bien, le RPR que ce n’était pas le moment, Jérôme Clément, porte parole quasi-officiel de la télé culturelle depuis Arte, avait très respectueusement estimé que Monsieur Messier exagérait, tout en saluant très bas sa réussite entrepreneuriale (quel nez, Jérôme !). Seul Alain Madelin avait approuvé. Celui-là, quand il s’agit de faire le lit de l’Amérique, on peut compter sur lui comme femme de chambre en chef.

Jean-Marie Messier avait « relativisé » sa déclaration. On l’avait mal compris. L’exception culturelle était peut-être morte, mais c’était pour fêter la naissance d’un nouveau « concept » : la diversité culturelle. D’ailleurs, Vivendi-Universal n’en est-il pas un vivant exemple, avec tous ces films, tous ces CD etc ? Vous voulez de la diversité ? Des milliers de titres dans nos catalogues !

Redevenons sérieux. Oui, les catalogues des grandes compagnies (on dit « majors » quand on est in) illustrent bien la diversité culturelle. Oui, c’est bien la diversité culturelle qui est admise par l’Union Européenne, grâce à la France, paraît-il. Oui, les socialistes se sont ralliés à la diversité culturelle. Oui, Jacques Chirac l’a défendue publiquement, l’exception aussi, d’ailleurs, en fonction de l’humeur du jour.

Le problème, c’est que la diversité culturelle ne nous convient pas. Elle revient à dire ceci : chacun est libre de produire une œuvre culturelle, peut la mettre sur le marché, et c’est le public qui choisira. Hypocrisie sur tous les tableaux : chacun sait que la plupart des œuvres n’ont pas accès au public, car les réseaux de production et de distribution, où le « majors » font pluie et beau temps (attention, ici beau temps n’a rien à voir avec la météo ou le plaisir, mais uniquement avec le tiroir-caisse), ont des critères qui n’ont pas grand chose à voir avec la culture. La diversité culturelle, c’est l’avènement de la culture d’hypermarché : le choix, oui, mais entre des produits qui se ressemblent tous.

L’exception culturelle est tout autre chose : c’est le droit, pour tout peuple de protéger et promouvoir ses expressions culturelles. Nous avons bien dit « pour tout peuple ». Ceux qui prétendent que l’exception culturelle n’est qu’une forme de repli de la France sur elle-même déforment cette idée. L’exception culturelle a valeur universelle, elle universalise, là où la diversité culturelle mondialise. Elle donne à apprécier les différences, là où la diversité les efface. Elle permet à la culture de s’enrichir, là où la diversité la nivelle, en général par le bas.

L’exception culturelle suppose l’intervention de la puissance publique. Non pas pour censurer ou imposer des normes, mais pour permettre, dans chaque pays, aux créateurs, aux interprètes de pouvoir exercer leurs talents. Par cette intervention publique, la France a pu réussir à préserver sa création cinématographique, dans une Europe où, ailleurs, les films américains contrôlent plus de 80% du marché. Elle a pu sauvegarder la possibilité d’exister pour de petits éditeurs, pour de petits libraires grâce au prix unique du livre, pourtant combattu par les instances européennes.
L’exception culturelle demeure, comme toutes les conquêtes de la liberté, une idée à défendre contre les bradeurs de la mondialisation. Elle est une idée à promouvoir, car elle est une part de ce qui fait la dignité des peuples. C’est un des messages que la France universaliste peut envoyer au monde.

Et le monde la reçoit. Plusieurs pays européens ont adopté le prix unique du livre. D’autres aident leur leur création audiovisuelle. Il se dit par exemple, ici et là, que Monsieur Zapatero, nouveau premier ministre espagnol, voudrait s’inspirer du système français. Ils en ont de la chance, les espagnols, d’avoir un premier ministre qui s’intéresse à la culture, ce n’est pas de ce côté-ci des Pyrénées que ça arriverait.

L’exception culturelle demeure bien entendu la bête noire des libéraux. Le lobby des multinationales continue son offensive auprès de l’Union Européenne, dont on connaît la grande capacité de compréhension à ce genre d’argument. Le spectre de l’Accord Général sur le Commerce et les Services (AGCS), véritable bombe à retardement contre la notion de service public, rôde toujours. C’est pourquoi il faut, d’une part, rester vigilants et, d’autre part être offensifs pour une exception culturelle à l’échelle culturelle internationale.

Un dernier mot à partir d’un exemple concret : nous avons vu récemment un film d’un jeune réalisateur, pas encore distribué, réalisé sans soutien de fonds publics. Mais le film a pu se faire quand même. Et pourquoi ? Parce que les comédiens et techniciens ont accepté de travailler en participation, sans salaire, sans non plus se faire trop d’illusions sur la perspective de récupérer un jour quelqu’argent. Mais alors, mais alors, direz-vous, voilà des mécènes argentés qui travaillent pour des prunes ? Non, ils sont intermittents du spectacle. Et c’est ainsi que peuvent se faire bien des premières œuvres, et c’est ainsi que le régime d’indemnisation des intermittents participe de l’exception culturelle. Il n’y a qu’en France que cela est possible : intermittents de tous les pays, unissez-vous !
(à suivre)
Capturé par MemoWeb à partir de http://www.cactus-republicain.org/index.php?ID=&Langue=Object&ThemeID=59&RubID=148&InfoID=560  le 16/07/2004