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Sarkozy, la politique du vide
Par Jean-Luc Gonneau

Nicolas Sarkozy, tout frais superministre de l’économie et des finances, n’a pas traîné pour faire une conférence de presse annoncée avec moult grosses caisses et cymbales. Il était si pressé qu’il a même viré une conférence internationale sur la sécurité alimentaire, avec la FAO, l’OMS et des tas d’experts prévue au même moment au même endroit depuis des lustres. On le comprend : que pèsent ces réunions de crève-la-faim face à l’éblouissant Sarkozy, qui se croit une vedette mondiale depuis qu’il est revenu de Washington.
Tout ça pourquoi ? Pour rien. Le Monde, toujours poli avec Monsieur Sarkozy, a noté complaisamment sa « détermination ». Mais détermination à quoi ? A rien. Ou plutôt si, quand même. On retiendra de la pluie de « mesures » annoncées les éléments suivants. Les ménages qui se sont saignés et endettés pour acheter leur logement seront incités à s’endetter encore : la fin des angoisses de fin de mois n’est donc pas pour demain pour ceux qui suivraient ce judicieux conseil. Des facilités fiscales sont envisagées pour les clients de crédits à la consommation, bonjour le boom du surendettement à prévoir. Les dons familiaux entre vifs seront moins taxés : merci, disent encore une fois les riches, les pauvres ne sont pas concernés. On va privatiser et vendre le patrimoine, c’est une version étatique de la liquidation judiciaire. Les grandes surfaces vont avoir des facilités pour ouvrir le dimanche : « nous ne sommes pas particulièrement demandeurs », répond le porte-parole des hyperépiciers, qui a le sens de la litote et qui sait bien, lui, que quand les porte-monnaie sont vides, l’augmentation de l’amplitude horaire ne crée que des frais supplémentaires. Le porte-parole en question est par contre plus vindicatif quand le ministre envisage (ce n’est donc pas forcément pour demain) de réintégrer les « marges arrières » de la grande distribution dans les prix d’achat : la seule « mesure » de bon sens proposée par Nicolas Sarkozy - il s’agit de limiter le racket des distributeurs face aux producteurs - est en effet bizarre dans cet océan libéral. On retrouve évidemment dans l’attirail sarkozien la diminution du nombre de fonctionnaires, qui était déjà la « mesure » phare des gouvernements Raffarin I et II : belle imagination, dont on connaît d’avance au moins deux conséquences : un chômage accru et une dégradation accélérée des services publics, sans compter la démagogie de ce genre de choses, qui sous-entend toujours que les fonctionnaires sont, au choix, inutiles ou feignants. Qu’il y ait des cossards dans la fonction publique, c’est probable, comme dans le privé, mais ça, on ne le dit jamais, comme on ne dit jamais qu’il y a des fonctionnaires qui travaillent énormément. Qu’il y ait des postes inutiles, c’est probable, mais qu’on manque de personnels, c’est en revanche certain : il suffit d’aller faire un tour à l’hôpital le plus proche de chez vous pour le constater.
Bien entendu, aucune de ces « mesures », et on vous passe le menu fretin, n’est à la hauteur d’une politique économique de relance et de développement dont nous avons besoin. La « réhabilitation de la notion de politique industrielle » dont se rengorge le ministre commence par une accélération des prévisions de privatisation
Ah, on oubliait : l’amnistie fiscale pour les petits cachottiers qui avaient illégalement planqué leur fric à l’étranger. Mais, ça, ça faisait vraiment bâton douteux. Alors, Nicolas a prié Raffarin de se charger de la commission. Et l’autre, autopromu pilote d’Airbus, l’a fait. Quand à ceux, beaucoup plus nombreux, qui ont planqué leur fric à l’étranger en toute légalité, profitant de l’extrême compréhension des réglementations européennes, pas de soucis, on continuera à les laisser tranquilles.
Et puis, comme le petit Nicolas est facétieux, il n’a pas pu s’empêcher de faire une blague à son ami Chirac. Il gèle tout plein de crédits, et même dans les budgets de la défense, pré carré du locataire de l’Elysée, ou de la cohésion sociale, domaine d’un collègue qui a le double inconvénient d’être le nouveau chouchou du Président et, par voie de conséquence, un rival potentiel. Pour les crédits de la défense, on sait à l’avance qu’il ne s’agit, comme souvent chez Sarkozy, que d’un effet d’annonce, et que ces gels ne seront pas appliqués. Pour la cohésion sociale, vu que ça concerne plus directement la « France d’en bas », faut voir.
A force de prendre des « mesures », Sarkozy et ses amis font de plus en plus dans le genre tailleur. Cela n’a rien à voir, mais je ne m’en lasse pas, chaque fois que je vois un tailleur, je pense à Pierre Desproges commentant sa naissance : « Mon père était tailleur, mais ma mère était là, ce qui est le principal ».