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Elégances Par João Silveirinho
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Conseil national du 25/04/04: L'intervention à laquelle vous avez échappé Par Jacques Lemarchand
Le cumul des mandats Par Sylvain Ethiré
Corse, un Non salvateur Par Pierre Henry
A propos de « Ramulaud » Par Jean-Luc Gonneau
Le MRC malade de ses élus (Variations sur un thème) Par Georges Michel
METTONS EN MARCHE LE MONDE DU TRAVAIL Par Jacques Decaux
Gauche et Droite Par Elie Arié
MRC : REBONDIR Par Michel Cabirol
Point de Vue* : Quelle stratégie face à la mondialisation Par Elie Arié
OPERA BOUFFE Par Georges Michel
LE FUTUR FONCTIONNEMENT DU POLE REPUBLICAIN Par Pierre Kerdraon


 
MRC : REBONDIR
Par Michel Cabirol

Depuis un an, la vie politique française a été agitée : nous avons connu de nombreux évènements, de fortes émotions et avons beaucoup travaillé et milité pour convaincre les français de la qualité de notre candidat et de son programme. Les résultats aux présidentielles furent décevants, ceux des législatives très faibles. Devant ces difficultés, nous devons reconnaître certains succès, analyser nos échecs et, surtout, réfléchir ensemble à l’avenir lucidement. En effet, il ne servirait à rien d’utiliser le futur proche pour des règlements de comptes personnels ou pour rechercher des boucs émissaires. Ce travail doit déboucher sur la définition d’une ligne politique claire. Ensuite, il faudra que nous nous donnions les moyens de la mettre en œuvre. Au niveau des succès, nous pouvons compter un renouvellement et un rajeunissement significatif d’un militantisme très actif. Il ne faut toutefois pas occulter l’immensité de la tâche qui nous attend sur notre arrondissement : garder le contact avec les sympathisants, les transformer en adhérents si possible, former les nouveaux adhérents même si ceux-ci présentent souvent un niveau de réflexion élevé, continuer notre implantation et accroître la qualité de nos contacts avec le tissu associatif.
Ces succès militants ne seront pas pérennisés si, collectivement au niveau national, nous n’analysons pas les causes de nos problèmes, ne réalisons pas une analyse fine de la situation en France et en Europe, ne définissons pas une ligne claire en disant où nous nous situons et avec qui nous pouvons tisser des alliances et ne mettons pas en place une organisation adéquate pour militer et pour réfléchir.

LES CAUSES DE NOS PROBLEMES
Certes, les médias ou les pesanteurs de la vie politique française ne nous ont pas facilité la tâche. Il sera difficile comme le proposait un dirigeant de Génération République de changer les journalistes de Libération ou du Monde (tout au plus peut-on ne pas acheter leur journal !). Il est souvent plus sain de rechercher en soi-même les causes de ses échecs. Avons-nous une vue fine des problèmes des Français et de la société française ou ne sommes-nous que des intellectuels bien intentionnés bâtissant des théories intéressantes mais incapables de les traduire en termes intelligibles et mobilisateurs pour 80% des Français ? Avons-nous vraiment déterminé à qui nous désirons nous adresser ? Jean-Pierre Chevènement a un grand respect pour les Français et a cherché à parler à leur intelligence. Toutefois, dans une campagne présidentielle, les discours intellectuels ne suffisent pas : si on ne peut parler aux tripes des gens (cela peut s’avérer dangereux), il faut essayer de toucher leur cœur. Jaurès ou Blum, qui n’étaient pas des autodidactes, savaient parler au peuple !
Pourquoi les remarques de la base sur la stratégie et la communication n’ont pas été prises en compte pendant les différentes campagnes électorales ? Quand de nombreux militants ont essayé de faire remonter la position de sympathisants ou de personnes rencontrées sur les marchés demandant de tempérer les attaques contre Lionel Jospin, ils n’ont pas été écoutés. De même, JP Chevènement pouvait difficilement se positionner en réaction vis à vis du couple Chirac-Jospin en misant sur le rejet des partis de gouvernement et vouloir être crédible en tant que gouvernant potentiel. F. Bayrou et A. Madelin ont rencontré le même problème. Les extrêmes qui ont recueilli le vote protestataire présentaient des programmes déraisonnables voire délirants mais les électeurs n’en avaient cure.
Enfin, il faut être lucide sur la désignation des candidats aux élections législatives. Improvisation, bougisme et jeunisme semblent avoir été les règles de base dans de nombreux endroits. Cette situation couplée avec nos atermoiements quant à d’éventuelles alliances ont conduit à des résultats catastrophiques et nous nous sommes donnés tous les moyens pour perdre des dizaines de milliers de voix. Une meilleure préparation n’aurait pas inversé la tendance mais nous aurait mis en meilleure posture pour les prochaines échéances.

POUR UNE ANALYSE ADEQUATE DE LA SOCIETE FRANÇAISE
Après le « sursaut » du 1er mai, la France retourne à l’abstention et à l’apathie politique comme si rien ne s’était passé. Les bonnes âmes se lamentent sur les taux records d’abstention. D’autres, comme P. Devedjian, se réjouissent qu’une exception Française de plus soit supprimée : la France se trouvera dans une situation similaire à des grands pays européens et tendra vers une situation à l’américaine où la faible différence entre les 2 partis dominants et une loi électorale laminant les petits partis génèrent des taux d’abstention élevés. De plus, ce sont essentiellement les gens les plus aisés qui votent ,ce qui ne manque pas de plaire à M. Devedjian.
Le « sursaut » des jeunes s’est plus apparenté à une initiation politique limitée et fondée plus sur l’affectif que sur la raison. Il a surpris des gens plus âgés qui ont souvent une vision négative de la jeunesse (la « Bof Génération »). Ne pas comprendre l’abstention des jeunes c’est ne pas réaliser que toute la vie adolescente et adulte des moins de 40 ans s’est faite pendant la « crise » et sous la menace du chômage, qu’ils n’ont connu que Mitterrand et Chirac comme leaders politiques (et moraux !!) et qu’on leur a toujours dit qu’une seule politique était possible et qu’elle était mise en œuvre par des gens très intelligents (cf Jacques Delors conseillant à ceux qui étaient contre la ratification du Traité de Maastricht de quitter la vie politique). Dans de nombreux cas, cette attitude est renforcée par un discours incompréhensible et une pratique douteuse de nombreux hommes politiques (la corruption liée à la décentralisation à contribué à cette situation).
Il faudra donc étudier en détail les problèmes qui marquent les Français au-delà du rejet du politique, de l’Europe ou de la mondialisation : les effets de seuil (impôts, exonérations de charges, trappes à inactivités et à pauvreté, …), les « plafonds de verre » qui poussent de nombreux Français qui devraient être à gauche à rejoindre le Front National dans un réflexe de petit Blanc, l’ascenseur social est en panne, la dévalorisation permanente des diplômes, comment ne laisser personne sur le bord du chemin et aider les plus faibles (égalité et fraternité) sans désespérer les couches un peu plus favorisées (2x SMIC), comment favoriser l’emploi des jeunes sans mettre à la retraite de facto les plus de 50 ans. Il faudra analyser la confiscation du pouvoir par une oligarchie : quelques hommes politiques, médias, experts, s’interroger sur le mode de production des élites et des dirigeants des partis, sur le déclin de la citoyenneté sans parler de celui des syndicats et des associations.
La violence et l’insécurité ont été au cœur de la campagne : regretter l’étalage de sujets liés à ce problème dans les journaux télévisés pendant la campagne présidentielle est normal mais il faut aussi s’interroger sur le rôle des séries télévisées ou des films toujours plus violents, sur les jeux vidéo où on recommence à zéro quand on est mort, sur la permanence d’un sentiment d’insécurité même quand la délinquance recule. Quel avenir proposer aux jeunes qui s’ennuient dans les cités ? Comment analyser l’insécurité spécifique aux femmes (exploitation accrue dans des travaux précaires et mal rémunérés mais aussi machisme croissant de certains secteurs de la société). Il faudra aussi traiter les autres formes d’insécurité comme la précarité, l’exploitation renforcée avec la flexibilisation du travail, les catastrophes écologiques et l’insécurité alimentaire, voire l’insécurité routière. Il ne faudra pas oublier que l’insécurité et la frustration sont deux moteurs importants de l’économie capitaliste !
Quelle réforme de l’Etat : comment rendre l’Etat suffisamment efficace (globalement et non pas sur de simples critères économiques à court terme) pour empêcher une décentralisation accrue qui sera la négation de l’égalité républicaine ? Comment contrer l’offensive anti-fonctionnaire de la droite qui veut en outre s’attaquer aux services publics ? Comment redéployer les effectifs entre administrations ? Comment lutter contre l’idéologie actuelle contre les impôts soutenue par la droite mais aussi par une fraction non négligeable du PS ? Comment organiser la baisse des charges sur le travail peu qualifié ?
Ces analyses et d’autres à définir sont indispensables pour définir une politique qui ne soit pas que théorique mais aussi pour la traduire en un discours simple et compréhensible par tous. L’Europe fournit un excellent exemple. Notre ligne est juste mais beaucoup de Français fantasment sur l’Europe en y voyant « une nouvelle frontière » et la solution à de nombreux problèmes. Leurs illusions risquent d’être vite déçue mais nous pourrions chercher à communiquer de façon plus positive sur ce sujet. Cette question est d’autant plus d’actualité que des échéances importantes approchent.

UNE LIGNE CLAIRE
L’idée de base du pôle républicain est que le clivage entre les libéraux et les progressistes et les souverainistes (liaison montrée entre la question sociale et la question nationale) devient plus important que le clivage droite/gauche. Pour certains, la situation est si grave qu’il s’agit d’agréger un maximum de personnes venant d’horizons très différents sur une base minimum pour que tous s’y retrouvent (jusqu’à Ph. de Villiers !!!). Le but était de capter un maximum de suffrages parmi ceux qui avaient voté non à Maastricht et qui craignent la mondialisation libérale. Malheureusement, l’action politique est plus complexe. Les notions de droite et de gauche (même pervertie), de vote utile, et l’enracinement des partis traditionnels surtout en province n’ont pas permis à JP Chevènement de vraiment émerger aux présidentielles même si son score est honorable. Devons-nous persister dans cette voie ou essayer de proposer un programme visant à séduire les abstentionnistes, les électeurs de gauche déboussolés voire dévoyés à l’extrême droite, ou plutôt des intellectuels républicains des deux rives ?
Ce choix pourrait être rejeté par certains car s’apparentant trop à de la tactique ou à du marketing. Il est toutefois indispensable pour que le pôle républicain se forge une identité forte et claire. Il n’est pas, encore, en mesure d’être un parti dominant ou hégémonique capable de rassembler les aspirations de pans très divers de la société Française comme le PS des années 70 ou le PC d’après guerre. Un positionnement plutôt à gauche ne serait pas contradictoire avec la fameuse phrase de Jaurès : « le socialisme, c’est la république achevée ». Cette ligne sera vite facilitée par la pratique du gouvernement Raffarin. Cette démarche sera aussi la plus efficace. Pierre Guidoni, dans un livre sur le nouveau parti socialiste, avait bien montré comment les socialistes ont toujours perdu plus de voix à gauche qu’ils n’en ont gagné au centre. La volonté de séduire quelques personnes ou groupuscules certes estimables mais à l’audience très limitée nous a beaucoup fait perdre sur notre gauche. La plupart de ces personnes ont quitté le navire début mai. Il faudra que certains qui se gargarisaient de compter 30 000 adhérents aux pôle républicain nous expliquent ce qu’ils sont devenus et qu’ils reconnaissent que le MDC n’a pas autant démérité que certains l’ont dit.
La loi électorale actuelle et les pesanteurs du système politique conduisent à se poser la question des alliances : alliance purement défensive, alliance plus proche du style gauche plurielle, alliance où l’on influencera fortement ses partenaires du type programme commun.
Pour passer des alliances il faut à la fois être fort soi-même et que les autres parties le veuillent ! Le parti socialiste a sauvé les meubles en termes de députés mais il est en crise profonde et il a laminé ses alliés. Le pôle républicain peut-il être le socle d’un rassemblement pouvant influencer significativement le PS ?

QUELLE ORGANISATION ?
Dans de nombreux domaines, avoir une bonne idée ne constitue que 20% du travail à fournir. La développer et mettre en œuvre une organisation adéquate sont indispensables pour réussir. La préparation de notre futur congrès sera un excellent test. Mettrons-nous en place quelques comités de dirigeants et d’experts qui émettront un texte (sans doute très bien écrit) auquel le reste des militants n’aura le droit que de changer quelques mots ou virgules ? Ou bien chercherons-nous à susciter partout des discussions et des contributions générales ou thématiques ? Aurons-nous un débat préliminaire sur notre positionnement par rapport à la gauche ou sur les clivages de la société Française ?
Par la suite, saurons-nous avoir le courage d’aller au contact du « peuple » pour l’écouter, traduire en mesures concrètes (parler de la santé en général est important mais faire des propositions sur le remboursement des soins dentaires ou des lunettes l’est aussi) ou en combats politiques ses aspirations profondes ? éventuellement changer nos façons de militer (est-il suffisant d’être les meilleurs distributeurs de tracts ?) ? agréger des militants venant d’horizons divers et gérer nos différences ? travailler collectivement dans des commissions qui ne seront pas dirigées par des maîtres censeurs ou qui ne deviendront un instrument de pouvoir pour 2 ou 3 dirigeants ? Les mois qui viennent seront cruciaux pour le pôle républicain. Une discussion franche et libre entre nous peut nous permettre de nous rassembler sur une ligne claire et de rebondir. Elle nous permettra aussi de nous ouvrir à tous les orphelins de la politique qui se sentent à gauche mais trahis par les partis politiques traditionnels (les débats actuels au PS et les atermoiements du PC nous ouvrent un vrai boulevard). Si nous échouons, le pôle républicain se transformera en groupuscule (« moins nous sommes nombreux, plus nous sommes forts ! ») et ne laissera le choix à la majorité de ses militants que de rejoindre une autre organisation politique ou de quitter, déçus, l’engagement politique. Une vraie chance s’offre à nous, nous devons la saisir !


NDLR : les tribunes libres de Réchauffer la Banquise n’engagent que leurs auteurs.