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Elégances Par João Silveirinho
Le Conseil national du 25 Avril 2004 et le point sur la gauche républicaine Par Jean-Luc Gonneau
Conseil national du 25/04/04: L'intervention à laquelle vous avez échappé Par Jacques Lemarchand
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Conseil national du 25/04/04: L'intervention à laquelle vous avez échappé
Par Jacques Lemarchand

Comme vous le savez sans doute, le débat sur un congrès anticipé a été brutalement écourté par le Secrétariat général du MRC. Plusieurs interventions n'ont pu avoir lieu.Nous publions ici l'une d'elles

Chers camarades, chers amis,

Comme Sami Naïr ce matin, moi aussi, je voudrais vous parler avec le cœur, même sur un sujet aussi aride que l’examen de la situation politique et la préparation des élections européennes de juin prochain. Faut il dire d’emblée que si nous n’avions pas été conviés à nous exprimer sur ces deux points, il nous aurait été difficile de rester silencieux, tant le climat au sein de notre parti, sérieusement dégradé depuis quelques temps, nous surprend en plein désarroi, que nous le voulions ou non.

Nos rangs de plus en plus clairsemés, désertés, notre état de démobilisation avancé, nos résultats électoraux discutables ainsi que le malaise et le doute omniprésent dont font état les militants, peut non seulement faire craindre le pire, pour le parti comme pour nos idées, à l’occasion de la prochaine consultation, mais sanctionnent à l’évidence une situation de dépendance et de fragilité extrême dont nous ne voyons absolument pas le bout.

Il n’est évidemment pas question de remettre en cause aujourd’hui, ni les choix opérés par la direction, ni les quelques options stratégiques qui nous restent dans le cadre du combat à mener à court terme. Mais au-delà de la véritable mobilisation qui s’impose, et des mesures de redressement énergiques qu’elle suppose, c’est quand même à un léger examen de conscience que nous devrions me semble t-il assez rapidement nous convoquer, pour l’avoir sans doute déjà trop longtemps différé.

Avions nous le sentiment, lors de notre congrès fondateur, de pouvoir être sitôt rejetés dans la situation que nous connaissons aujourd’hui, et tout spécialement à l’occasion d’une élection que nous anticipions comme le combat par excellence, celui qui nous permettrait enfin de nous exprimer pleinement, de faire la démonstration de notre originalité, de notre apport spécifique au débat politique français, de la justesse de nos thèses, de la force de nos idées, bref de l’actualité et de la pertinence des principes républicains ?

Je considère pour ma part la situation que nous vivons actuellement comme un véritable crève-cœur. Je devrais dire la situation dans laquelle nous nous débattons après nous y être progressivement laissé enfermer. J’ai personnellement de plus en plus de mal à accepter cet état de passivité quasi générale et de sauve qui peut électoral qui nous caractérise en ce moment, et qui semble officiellement souhaité, entretenu et défendu comme si c’était la seule attitude possible, la seule conduite à tenir au moment où tant de choses se font sans nous, à côté de nous, et donc contre nous. D’où mon appel, comme beaucoup d’autres, à un congrès anticipé, parce qu’il faut bien qu’enfin, nous nous ressaisissions.

D’où vient le malaise, en dehors de la manifestation presque parfaite de démocratie approximative à laquelle nous venons d’assister ce matin, avec la mise au voix d’une motion, qui prend bien soin de ne pas briser l’élan collectif nécessaire à très court terme en renvoyant le débat à l’automne, et qui se voit néanmoins balayée par un vote où seul un intervenant favorable a pu s’exprimer ? Pardonnez moi, mais nous serions au conseil d’administration des multinationales dont nous stigmatisons les méthodes, nous serions chaudement récompensés pour la manoeuvre. Encore qu’on ait vu récemment avec Eurotunnel, que même dans le monde des affaires, des réactions à la base pouvaient parfois battre en brèche les pouvoirs les mieux établis.

C’est un militant loyal qui vous parle, un de ceux qui font de la politique pour la beauté du geste, en plus ou en marge de ses occupations professionnelles qui lui suffisent amplement, un de ceux qui regardent avec bienveillance - mais étonnement tout de même - le parti qu’ils a rejoint avec fierté et conviction, par réflexe d’espoir aussi, par volonté de s’engager et de servir, par envie d’être utile et constructif dans le maelström politique au sein duquel la gauche a été précipitée il y a deux ans.

Voulons nous vraiment toucher les milliers de gens qui n’attendent qu’un signal, qu’un discours vrai, un peu moins de formules, mais un peu plus de sérieux et de considération pour leur condition difficile, un réel sens pédagogique aussi, une aptitude à formuler ce lien logique et de bon sens qu’ils attendent qu’on établisse entre leurs préoccupations quotidiennes et la grande idée de République. A la fois comme explication de leur malaise, vu sa mise progressive sur la touche, mais aussi comme seul remède possible, s’il est démontré, expliqué, exemplifié, porté en termes simples à leur connaissance individuelle et collective que c’est la seule solution qui résiste à l’analyse.

Oui, le voulons nous vraiment ? S’il a été demandé de laisser porte ouverte à une possible réflexion avant terme sur nos choix fondamentaux, ce n’est nullement pour le plaisir de rouvrir sans cesse des débats au sein de notre mouvement. C’est tout simplement parce qu’il y a urgence. Urgence à arrêter l’hémorragie militante, urgence à percer au sein du débat politique français, urgence à exister enfin.

Mais, à l’aube du combat pour les européennes, nous sommes coupés du peuple et des forces vives de la nation, nous qui la portons pourtant si haut, et avec raison. Voulons nous, d’ailleurs vraiment faire de la politique ? Voulons nous vraiment peser sur le rapport de force qui prévaut au sein de notre pays ? Voulons nous vraiment donner une chance à notre credo républicain et aider à la diffusion en profondeur des idées qui nous ont rassemblé ? Et, si tel est le cas, avons-nous aujourd’hui le sentiment d’avoir avancé sur ce chemin qui se voulait autre, et voyons nous pour l’avenir quelque chance d’y contribuer efficacement ?

A l’évidence, la réponse est non. Notre influence a dramatiquement décru, reculé, fléchi. Notre formation politique a même, on peut le dire hélas, pratiquement disparu du paysage politique français. Pouvons nous, alors que nous préparons une échéance ô combien importante, conserver cet état d’esprit qui consiste à attendre que l’échéance de 2007 survienne et que le « paysage politique s’éclaire de lui-même », comme tu le disais Jean-Luc, ce matin même ?

Nous méritions mieux. Nous méritons mieux. Mais tant que nous ne serons pas profondément d’accord sur ce que nous voulons pour l’essentiel, c’est à dire le pouvoir, et sur les moyens d’y parvenir, c'est-à-dire la sympathie, la confiance, l’intérêt et le soutien actif de nos concitoyens, nous ne ferons rien que nous agiter en pure perte. Personnellement je suis venu vous dire que je ne voulais plus d’un contrat flou, d’un projet vague, d’un parti mou.

Nous sommes ici pour parler Europe : or je ne comprends pas qu’on se refuse obstinément à voir le monde tel qu’il est, ni les changements immenses qui sont en train de s’opérer sous nos yeux, en bien comme en mal : Ils sont géopolitiques certes, commandés par une idéologie exécrable et régressive, sans doute, asservis à des oligarchies que Michel Scarbonchi a parfaitement illustré ce matin en nous décrivant le rôle du groupe des 133. Mais qu’avons-nous à dire sur les préoccupations des européens, le réveil de l’individu, quels que soient les pays, les assauts d’un narcissisme débordant, la montée de l’irrationnel, la toute puissance de l’image, le règne des formules choc, du désir suggéré, de convivialités frelatées ?

Comment pouvons nous passer à côté de ce que notre époque exprime pourtant d’elle-même, à la base, en contrepoint de cette modernité odieuse : recherche désespérée de sens, exigence de véritables choix de vie, refus des solutions toutes faites, attente de réponses personnalisées, rejet des approches dogmatiques, horreur absolue des situations uniformisées. Or qu’est ce que la République sinon tout cela ! Quel meilleur argumentaire pour l’Europe à naître mais que je ne vois nulle part pris en compte, ni considéré comme aussi important ou stratégique que le statut de la BCE, le maintien des services publics, l’arrêt des privatisations, … qui en sont pourtant la condition ? Voilà, me semble t-il, ce qu’il faut avant tout expliquer, concrètement, précisément, assidûment, en quoi la République est la seule à pouvoir accueillir de telles aspirations, celles des citoyens européens d’aujourd’hui, et pourquoi l’Europe de Maastricht, comme le sentent déjà beaucoup de gens, fera tout pour s’y opposer, même si elle s’évertue à donner l’illusion du contraire.

Oui, nous sommes à l’ère de la séduction et du désir, et nos concitoyens ont raison de vouloir du sens et de la raison de vivre, que le besoin ou le devoir, pas plus que l’abnégation soumise ne suffisent plus à générer, ou à susciter. Et c’est tant mieux. Là aussi nous méritons mieux que des pis allers.

Nous sommes par ailleurs à l’ère de la simplification à l’extrême, et il faut faire avec. Car elle n’empêche pas moins la manifestation d’une véritable attente de discours vrai, que la dérision ambiante, si prompte et si féroce à en pointer toute éloignement, sanctionne impitoyablement. Il existe dans le peuple une immense attente de cohérence, d’honnêteté, et d’authenticité. Là se situent à la fois notre difficulté, ne serait ce que pour nous en persuader, mais également notre chance et notre raison d’être, puisque ce sont des qualités que personne ne peut apporter à ce degré d’excellence dans le débat politique.

Avons-nous si peur de ces notions compréhensibles par chacun, peur de perdre notre âme que nous refusions systématiquement le combat sur ce terrain là ? Que nous n’osions descendre dans l’arène sociale et populaire ? Utiliser les armes et les mots de notre époque, accepter de vivre dans le présent, et non dans un avenir supposé meilleur ou plus porteur ?

Retrouver prise sur les évènements et renouer avec l’électorat n’est pas qu’affaire d’argent ou de moyens, si la volonté, avant tout, n’est pas au rendez vous.

La volonté, mais aussi l’organisation et le leadership au jour le jour. J’aime cette devise de de LATTRE qui posait comme principe de toujours refuser de subir, quelque soient les circonstances. Voilà qui caractérise bien, en effet, le sens et la raison d’être de notre mouvement. Redonner espoir, élever le débat, rassembler et fédérer. C’est pour retrouver cet élan, renouer avec le succès que j’ai appelé de mes vœux un congrès anticipé à l’automne, et que j’ai pour ma part signé le document qui vous a été distribué ce matin. Car il importe que notre parti, aujourd’hui à bout de souffle, nous redonne demain envie de marcher tous ensemble vers une réussite qui nous tend les bras.