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LE FUTUR FONCTIONNEMENT DU POLE REPUBLICAIN Par Pierre Kerdraon


 
Gauche et Droite
Par Elie Arié


Lorsque, depuis plusieurs mois, on reste enferrés dans le même débat « ni-droite-ni-gauche-mais-bien-sûr-à-gauche » ou « ancrage-à-une-gauche-qui-est-ancrée-à-la-droite » sans avancer d’un pouce, c’est que le débat est mal posé. Et il est pourtant capital, car il risque de nous entraîner dans des prises de position suicidaires.
Si nous n’arrivons pas à progresser dans la formulation de notre positionnement, c’est parce que nous nous trouvons dans la situation insoluble où les mêmes mots - droite et gauche - ne sont pas compris par chacun de la même façon : dès lors, comment débattre, si on ne sait pas de quoi on parle ? Il faut commencer par définir ces deux termes, car les deux critères qui distinguaient depuis deux siècles la « droite » de la « gauche » sont devenus obsolètes depuis le début de la mondialisation libérale, mais nombre d’entre nous continuent à les utiliser dans leur ancienne acception.
Pendant deux siècles, la gauche représentait ceux qui voulaient changer la société, et s’opposait à une droite qui voulait conserver les choses en l’état. Le moins qu’on puisse dire de la mondialisation ultralibérale - qu’on peut difficilement qualifier de « gauche », qui n’est pas un phénomène inéluctable tombé du ciel, mais l’œuvre consciente de certains hommes et femmes (surtout une femme) politiques - est qu’elle fait subir au monde un des plus grands changements qu’il ait jamais connus : pour la première fois, le capitalisme échappe aux pouvoirs régulateurs des Etats - nations, qui se trouvent de plus en plus démunis de leviers de commande pour pouvoir agir sur lui ; face à ce phénomène, la gauche s’est résignée à accompagner cette « seule politique possible » , et se contente, comme certains vieux paysans qui aiment à parler patois pour s’attendrir sur leur enfance, d’user d’un vocabulaire qui fait référence à son lointain passé (on ne privatise pas les services publics, « on ouvre le capital », etc.) , et n’a plus pour objectif que de tenter de conserver un certain temps encore (car elle sait qu’à terme, ils sont condamnés) certains des avantages sociaux acquis autrefois de haute lutte .
Pendant deux siècles, la droite a représenté le nationalisme, et la gauche, peu ou prou marxisante, s’y est opposé au nom des principes de la lutte des classes et de l’internationalisme prolétarien. Aujourd’hui, c’est évidemment du côté de la mondialisation que se trouve l’internationalisme - même si ce cauchemar n’a aucun rapport avec ce dont certains d’entre nous avaient rêvé dans leur jeunesse. Notre internationalisme à nous, c’est l’universalisme des valeurs de la République - hors de France comme dans les régions françaises.
Il convient donc de cesser d’utiliser ces termes avec lesquels nous ne pouvons plus nous comprendre, car nous ignorons dans quel sens nos interlocuteurs les emploient (en admettant qu’ils se soient posé la question et qu’ils le sachent eux-mêmes) , et de les remplacer par la déclinaison de ce que nous voulons faire concrètement et qui se trouve résumé dans le discours de Vincennes et développé dans le programme du Pôle Républicain.
Car peu d’observateurs l’ont noté...mais nous avons gagné les élections Présidentielles. Si l’on admet, en effet, que ce qui amène les électeurs à s’abstenir, c’est le sentiment que leur vote n’influencera en rien l’avenir, 40 % du corps électoral a clairement indiqué, au soir du premier tour, qu’il partageait notre analyse « du pareil au même ». (En réalité, avouons que, depuis quelques années, il nous avait même précédé dans cette analyse). La contre - preuve de cet argument a été apportée par le 2e tour, où, face à une élection qui lui paraissait, pour une fois, comporter un vrai enjeu, l’électorat s’est, cette fois, mobilisé ; pour retomber ensuite dans son indifférence lors des législatives, la situation étant redevenue « normale » : PS ou UMP.
Dès lors , nous voyons clairement quelle est notre tâche : faire comprendre que c’est notre parti qui est porteur de cette analyse majoritaire ; et, pour cela, réussir à convaincre qu’une « autre politique » est possible. Il nous faut à la fois lutter contre la résignation des abstentionnistes et d’une large partie des électeurs de « gauche » ou de « droite » qui entrent dans la mondialisation avec l’enthousiasme de ceux qu’on mène à l’abattoir, et contre le nihilisme d’une grande part de l’électorat du Front National - essentiellement celui qui se recrute dans les couches les plus défavorisées de la population qui votaient autrefois à gauche - et qui partent , eux, du même cri de révolte que nous : « ça ne peut plus continuer comme ça ! » . Comment faire ? C’est ici que nous nous trouvons face à une vraie alternative stratégique, occultée par le débat « ancrage à gauche » ou « au-delà de la gauche ou de la droite », et qui est, en réalité, celle du court terme ou du moyen terme.
La stratégie du court terme est celle qui privilégie la stratégie électoraliste et qui estime qu’il faut annoncer notre « ancrage à gauche ». Elle est doublement paradoxale, parce qu’ il n’y a actuellement aucune élection déterminante avant cinq ans, et qu’il existe déjà un nouveau parti des « déçus du chevènementisme », l’ARG, dont l’objectif est de conclure au plus vite des alliances programmatiques - et non pas simplement électorales - avec le PS : il suffit donc aux tenants de cette ligne de le rejoindre.
Mais elle est surtout suicidaire : d’abord, parce que le PS n’a que faire d’un énième parti satellite, d’une ARG -bis (ni d’une ARG tout court, d’ailleurs) ; et surtout parce que quelle que soit la subtilité des arguments - dont aucun média ne se fera l’écho - dont nous revêtirions une éventuelle proclamation de notre « ancrage à gauche », celle-ci nous fera apparaître comme des satellites d’un parti rallié à la mondialisation que nous combattons : il nous retirerait toute raison d’être - et, aux électeurs, toute raison de voter pour nous. La proclamation de notre « ancrage à gauche » nous ferait vite regretter l’heureuse époque où nous faisions 1 % des voix aux législatives, objectif qui ne sera alors plus à notre portée.
La stratégie du moyen terme consiste à rester fidèles à nos analyses et à l’esprit de Vincennes et à attendre - activement - que la majorité de l’électorat s’y rallie. On peut d’autant plus qualifier cette attitude de « gaullienne » qu’il y a de bonnes raisons de penser que les événements se chargeront de transformer rapidement ce moyen terme en court terme.
En effet, jusqu'à présent, la mondialisation n’a personnellement affecté qu’une minorité de Français : certaines régions en voie de désindustrialisation, certaines professions menacées de disparition ; la majorité des Français redoutent le chômage, mais ne sont pas chômeurs.
Mais nous abordons maintenant - il suffit, pour cela, de consulter le menu de l’ OMC - les mesures qui affecteront tous les Français : la privatisation des services publics, des retraites, de l’éducation, de la santé, etc. Dans les quelques années qui viennent, tous les Français pourront mesurer, dans leur vie concrète, les effets de la mondialisation. Je crois que toutes les conditions seront alors réunies pour leur faire comprendre qu’une autre politique est possible, et qu’il serait catastrophique de sacrifier ce possible rendez-vous avec l’Histoire à un électoralisme sans élections.
PS : (oooh, ndrl) Jusqu'à présent, le débat sur l'"ancrage à gauche" s'est focalisé sur le mot "gauche", alors que celui d'"ancrage" est catastrophique en termes de communication. Quand un bateau part pour une grande aventure, il lève l'ancre; quand il jette l'ancre, c'est que le voyage est terminé, tout le monde descend; et quand il s'ancre (on parle plutôt d' "arrimage") à un autre, il abandonne toute possibilité d'influer sur l'itinéraire, dont le bateau - pilote ("la gauche moderne") devient le seul maître.




NDLR : les tribunes libres de Réchauffer la Banquise n’engagent que leurs auteurs.