www.cactus-republicain.org :
accueil     Nous     La Banquise     Alerte !     Les thèmes     Contact     Livres et Publications     
TRIBUNE LIBRE : QUELS CHANGEMENTS POUR L’HOPITAL ? Par Elie Arié
Politique du médicament, info ou intox ? En avant pour le débat ! Par Michel Katchadourian
LES PROPOSITIONS DU GOUVERNEMENT SUR LA SANTE : POUR UNE ANALYSE OBJECTIVE Par Elie Arié
TRIBUNE LIBRE* : PENURIE MEDICALE ? Par Elie Arié
CANICULE, LE MEPRIS MONSTRUEUX DE CE GOUVERNEMENT Par Eric Mouron


 
Politique du médicament, info ou intox ?
En avant pour le débat !
Par Michel Katchadourian

En raison de l’avancée des sciences et des techniques, nous sommes passés en quelques années à une chirurgie moins invalidante, moins agressive et dont l'efficacité est identique voire supérieure aux anciennes pratiques ; toutes les prothèses et appareillages ont aussi beaucoup évolué. La situation est semblable pour la plupart des nouveaux médicaments, ils sont aujourd’hui plus performants, ils limitent les effets secondaires, leur utilisation est plus simple pour les enfants, les personnes âgées, ils évitent la multiplication des prises. Bien sur, l'industrie pharmaceutique met aussi sur le marché des médicaments qui ne sont ni vraiment innovants, ni à des prix raisonnables pour l'hôpital public et la sécurité sociale !
Cette fusion de la technologie et de la connaissance des maladies permet d'accélérer par exemple, le développement de l'imagerie moléculaire et de la médecine personnalisée, ce qui permet de prévoir et de traiter les maladies grâce à des thérapies sur mesure. Tout le contraire d’une médecine anonyme, avec les mêmes traitements pour tous. La question étant de savoir si tous les malades auront droit à ces traitements innovants ?
Tout le monde aujourd’hui fait référence à la santé publique, à la démocratie sanitaire et sociale, aux principes de précaution, à la place plus importante du préventif dans l'avenir, à l'intervention des citoyens, aux catastrophes sanitaires liées aux décisions prises sans concertation. Il serait dommage que pour les médicaments l'expérience ne serve pas de leçon.
Pourquoi cette confusion sémantique entretenue entre médicaments génériques (plus sous brevet) et copie de médicaments (encore sous brevet) ? Il existe une véritable confusion entre « génériques » et « copies » malheureusement personne ne semble avoir ou vouloir adopter le mot « copies » pour les pays pauvres qui serait plus précis, mais pose des problèmes un peu plus complexes à analyser. Les médias reprennent donc la terminologie habituelle, alors qu'elle introduit une confusion (par exemple: sida, Afrique, générique, alors que dans cette situation ce sont des copies qu'il faut mettre sur le marché)
En ce qui concerne la politique du médicament, en France et dans les pays développés, il s'agit bien de « génériques », c'est-à-dire de versions différentes de spécialités sans brevet (ou dont les brevets sont échus).
Les techniciens du médicament, les psychologues, les pédiatres, les gérontologues qui ont étudié ces questions en témoignent. La non bio-équivalence, les formes pharmaceutiques, les excipients, les couleurs, les odeurs, le goût des médicaments doivent être pris en compte dans un traitement.
Pour certains médicaments princeps, il existe déjà au moins 7 à 8 médicaments génériques aujourd'hui en France. Ce chiffre peut être multiplié par quatre dans d'autre pays (Belgique). Les pharmaciens ne pouvant avoir en stock qu’un générique par molécule, c’est une véritable guerre entre les génériqueurs qui se prépare avec des méthodes de « voyous » appelé pudiquement « coopération commerciale » comme par exemple, les remises aux officines (les remises sont supérieur sur les génériques que sur les médicaments princeps, pour les pharmacies ).
Il serait paradoxal de vouloir dégraisser le « Vidal » et assister à la multiplication des médicaments génériques pour une même pathologie !
Il est aussi contradictoire de vouloir agir contre les maladies iatrogènes, la surconsommation médicamenteuse (dans certain cas, car il existe aussi une sous-consommation de médicament), et laisser se généraliser l'automédication !
Difficile, pour une équipe médicale qui a travaillé afin d’obtenir un protocole individualisé efficace (parkinson, Alzheimer, cancer, dépression, asthme, diabète etc.), de voir ses médicaments substitués , et constater ensuite, que le traitement est moins efficace et moins bien supporté par le malade.
En ce qui concerne le remboursement des médicaments princeps sur la base du prix des génériques.
Quelles conséquences, pour les malades allergiques, de la sous-estimation du rôle important des excipients, pour les traitements long, à vie, pour la bonne observance des traitements, , mais aussi: quelles conséquences pour l'industrie pharmaceutique et pour l'emploi en France ? Les médicaments innovants seront-ils réservés à ceux qui pourrons encore se les payer avec des tarifs « libre » comme au Etat-Unis ? En Allemagne, pour les forfaits qui ne concernaient que les médicaments « identiques », le concept s'est élargi à « comparables » !
Enfin sur le concept « Vivent les Médicaments génériques, citoyens et anti-capitalistes ! », c’est plutôt comique ! Teva, un laboratoire israélien, premier génériqueur au monde, vient de rafler 15 % de part de marché en France, ses cours de bourse explosent. Avec lui, les grands laboratoires : allemands (Merck et GNR), américain (Ivax), français (Sanofi, Rousel-Uclaf), israélien (Teva), indien (Ranbaxy) se sont lancés dans la fabrication des génériques.
Le chiffre d’affaire mondiale réalisé par les molécules phare en fin de brevet qui vont être repris en partie par les génériqueurs, est de 80 milliards de dollars. Le curseur de l’éthique n’est donc pas forcément à placer entre génériques et profits capitalistes ! Ce n’est plus un acte civique mais un vrai business. Pourquoi inventer cette usine à gaz alors qu’il suffirait de baisser les prix des médicaments de marque tombés dans le domaine public ? Pourtant, c’est bien une question importante de santé publique, de sécurité sanitaire. Les trafics de médicaments se généralisent : les labos start-up éphémères, bientôt, les médicaments discounts, les sous-labos de complaisance (document OMS). Comment retrouver les responsables en cas de pollution médicamenteuse sur les êtres humains, dans la nature ?
En France se sont encore les pharmaciens qui ont le monopole de la distribution, avec des obligations de services publics et un diplôme spécifique. La notion de pharmacien responsable est propre à la législation française mais plusieurs pays ont mis en place des réglementations techniques de l'activité pharmaceutique pouvant exiger la présence de « personnes qualifiées ».
Potentiellement dangereux, le médicament est vendu dans notre pays dans des conditions particulières. Ainsi, la réglementation n'autorise pas le pharmacien à mettre les médicaments à la portée du public à l'inverse des produits de parapharmacie. La situation est différente aux Etats-Unis ou au Royaume Uni, où les médicaments vendus sans ordonnance sont accessibles sur les rayonnages des «drugstores». En Allemagne, il y a une liste précise des médicaments pouvant être vendus chez des droguistes, dans des magasins spécialisés ou des grandes surfaces. Est-ce possible en France ?
Nous disposons en France aujourd'hui, d'un dispositif sanitaire de qualité et indépendant, la gestion de l'embargo sur les produits bovins d'origine britannique l'a démontré. Mais les agences ou administrations nationales en charge du médicament sont en concurrences pour l'instruction d'une demande dans le cadre de la procédure centralisée d'évaluation.
L'Union Européenne s'est dotée d'un dispositif d'évaluation du médicament (humain et vétérinaire) appuyé sur une Agence Européenne pour l'Evaluation des Médicaments (règlement du 22 juillet 1993,) localisée à Londres, pays de la déréglementation de la privatisation, et inaugurée le 26 janvier 1995.
Les logiques capitalistes sont les même pour toutes les industries. Par exemple : des groupes de grande distribution s'engagent à leur tour dans la guerre des prix bas en France (dépêche AFP)
"Nous avons atteint voire dépassé tous nos objectifs" en 2003, dont un bénéfice net de 1,63 milliard d'euros en hausse de 18,6% par rapport à 2002, mais "il nous reste un défi majeur, ce sont les hypermarchés français", explique le PDG du groupe Carrefour. Ceci fait suite au développement des magasins "discount" comme Aldi, Lidl , Leader Price et Leclerc .La campagne passera par un développement de marque à bas prix et aux exigences de qualité réduites et en augmentant ce qu'ils appellent la "massification" européenne de ses achats permettant de négocier de meilleurs prix auprès des fournisseurs (pression sur les salariés). Reste que, derrière la justification de la défense du pouvoir d'achat des Français, la tendance peut paraître inquiétante pour l'emploi en France. Dans l'électroménager et le textile, les hypermarchés ne cessent en effet d'internationaliser leurs achats, quitte à ne plus garder, en Europe même, que des centres de conception (pour combien de temps!). Cette tendance générale s'accentuera encore après l'élargissement en mai de l'Union européenne à dix pays d'Europe centrale et orientale.
Alors la politique des médicaments génériques en France, médicaments fabriqués dans les pays sans protection sociale ou sous la dépendance des fonds de pensions anglo-saxon, avec des contrôles peut-être réduit à terme, par des labos cotés en bourse, est-ce une démarche de santé publique, d'accès aux soins pour tous ou une déréglementation de plus, façon Carrefour ?


Questions et propositions

•Si des médicaments sont jugés inefficaces (il faut rester prudent sur le concept « service médical rendu (SMR) insuffisant » : effet placebo (psychologique) relationnel, et autres situations, sont à étudier aux cas par cas), il faut les sortir du marché et rembourser tous les autres à 100 % immédiatement car ils sont indispensables pour les malades !
•Aucune « liberté » de prix n'est acceptable, la santé n'est pas une marchandise !
•Pour les médicaments tombés dans le domaine public : baisse significative des prix, la recherche ayant été largement amortie, mise sur le marché d’un minimum de génériques pour un médicament de marque et pour les maladies importantes, respect de l’ordonnance faite par les médecins (clause de non substitution) avec un remboursement à 100 %.
Nous ne partons pas de rien, la recherche publique existe en France : l’INSERM (Institut national de la Santé et de la Recherche médicale), le CNRS (Comité national de la Rechercher scientifique), le CEA (Commissariat à l'Energie atomique), l’Institut Pasteur, l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), l'ORSTOM (Organisme de Recherche scientifique et technique d'Outre-Mer), l'IFREMER (Institut français d'Exploitation de la Mer).
Le développement d’un pôle public de la recherche, de la production du médicament permettrait notamment de stopper l’abandon par les trusts pharmaceutiques des produits dits « financièrement non rentables », de fixer des prix uniques négociés dans la transparence avec l'ensemble des acteurs concernés.
50% des maladies présentes dans le monde restent sans traitements efficace, 39% des nouveaux médicaments sont issus des biotechnologies, les Etats unis y consacrent chaque année 20 ,5 milliards de dollars en recherche et développement, l’Europe 7,6 milliards de dollars (source entreprises du médicament).
Bref, nous avons besoin de coopération non basés sur le profit entre les peuples plutôt que la guerre économique, la guerre des prix, qui va ruiner tous les salariés, la recherche en France et en Europe ! (exemple : OPA Sanofi-Synthélabo sur Aventis)
A moins que, comme pour le reste de l'industrie, le choix soit fait de délocaliser, casser les statuts, et de réimporter des médicaments fabriqués pas cher mais revendus avec des grosses marges aux futurs clients-malades. La sur-médicalisation, quand elle existe, ne tombe pas du ciel !La célèbre devise "Citius, Altius, Fortius" réservée à une élite sportive, devient la norme pour tous.
Le dopage généralisé, la médicalisation, de la pauvre existence, de la vie duraille, pour aider les citoyens à endurer les dix commandements du gagneur, méritent un traitement de fond contre l’insécurité sociale, plutôt qu'une culpabilisation généralisée.
L'automédication qui représentait près de la moitié des acquisitions en France pour les populations en 1960, s'était littéralement effondrée. En effet le recours au médecin a été facilité par l'augmentation de la densité médicale et par la généralisation de l'assurance maladie à l'ensemble de la population. Pour des raisons multiples, crainte du chômage, précarité, manque de médecins du travail et pression qu'ils subissent, désyndicalisation etc., les accidents du travail et les maladies professionnelles sont sous-déclarées, les maladies mentales explosent. L'automédication remonte depuis quelques années pour des raisons identiques. Vouloir favoriser son développement, c'est aggraver un peu plus l’inégalité et l’insécurité sociale.
La droite, le MEDEF, les assurances, surfent sur cette crise et la vague libérale pour remettre en cause l'ensemble de notre système de santé, privatisation, mise en concurrence, attaque frontale contre les services publics et l'économie sociale. Par contre, aucune mise en concurrence, par la création d’ un pôle de santé publique, des grands laboratoires pharmaceutiques, n'est programmée. La concurrence et l'insécurité, les gros actionnaires, ils ne connaissent pas. Ils connaissent juste les jetons de présence partout et les parachutes dorés en cas de pépins.
Ce qui rend plus difficile la tâche des spécialistes des privatisations, des déréglementations, c'est qu'il existe toujours de véritables besoins d’éthique, de sécurité sanitaire, d’égalité d’accès aux soins, exigés par les populations et le mouvement social.
Ce débat à propos des médicaments, qui préoccupe les gens, qui concerne l’avenir de notre société, va-t-il être organisé démocratiquement et publiquement avec les mêmes moyens que ceux utilisés pour la promotion des génériques ? C’est ce qu’il faut exiger.