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LES ENERGIES RENOUVELABLES, UN ENJEU POUR LE DEVELOPPEMENT DU SUD, UN INSTRUMENT CONTRE LA MONDIALISATION FINANCIERE Par Jacques-Robert Simon
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LES ENERGIES RENOUVELABLES, UN ENJEU POUR LE DEVELOPPEMENT DU SUD, UN INSTRUMENT CONTRE LA MONDIALISATION FINANCIERE
Par Jacques-Robert Simon



Mondialisation ou Impérialisme ?

Il est surprenant de constater que l’idéologie dominante, qui implique mondialisation, concurrence, marché, n’a apparemment aucune espèce d’idée directrice autre que d’enrichir les uns au détriment des autres. Historiquement, il est indéniable que le désir de s’enrichir s’est accompagné, quelquefois mais pas toujours, d’une amélioration du niveau de vie de la collectivité, même si ce n’était qu’une conséquence et non un but. Mais cet enrichissement a conduit au bien commun car les personnes qui souhaitaient s’enrichir devaient, pour le moins, être actifs et souvent novateurs. Actuellement, ceci n’est plus nécessaire : la « création de valeur » est avant tout financière, fondée sur un cumul d’effets de rente et de spéculation. Les nations ont donc un rôle essentiel à jouer dans une « nouvelle donne » des échanges économiques et financiers.
Les pays pauvres, et surtout les peuples qui les constituent, doivent pouvoir décider de leur propre sort avec l’appui des pays du Nord qui en auront la volonté politique. C’est le chemin que nous souhaitons pour la France et pour l’Europe dans le cadre d’accords bi ou multilatéraux ou en reformant de fond en comble les institutions internationales telles que le FMI et la banque mondiale pour les rendre plus attentives à l’intérêt de tous, et surtout des plus fragiles.

Echanges Nord/Sud

Chacun s’accorde à penser que les échanges Nord/Sud se réduisent en fait au transfert des richesses des plus pauvres vers les plus riches. Cette situation a été connue dans la plupart des pays dits développés en leur sein même. Des révolutions et des réformes successives ont permis dans le cadre d’états ou de nations d’amoindrir cette exploitation. La situation actuelle ne permet pas d’entrevoir, à brève échéance, un changement de cet état de fait dans les relations Nord/Sud. Il faut donc agir au niveau des citoyens : ceux-ci doivent retrouver la possibilité de faire des choix réels, et non pas imposés par un système insidieusement totalitaire. Parmi ces choix, ils pourront proposer l’émergence d’un tissu industriel autochtone axé sur les technologies liées aux énergies renouvelables. Les pays de la bande Sahélienne devraient être les premiers concernés par cette proposition.

Energies non renouvelables : pétrole, charbon, gaz, uranium
La consommation actuelle des diverses énergies non renouvelables alliée aux perspectives de croissance dans les pays industrialisés permet des estimations raisonnables des réserves disponibles. Le pétrole et le gaz peuvent alimenter les consommateurs pendant encore quelques dizaines d'années. Le charbon est abondant mais son utilisation pause des problèmes environnementaux importants. Ces problèmes sont encore plus aigus pour l’uranium d’autant plus qu’il est impensable de disséminer des centrales nucléaires dans le monde entier. La consommation telle que nous la connaissons peut se poursuivre pendant un temps assez long pour enrichir une minorité, mais dramatiquement court si l’on veut mettre en place d’autres solutions. On peut alors penser raisonnablement que le seul choix porteur d’avenir pour l’ensemble de l’humanité repose sur l’utilisation judicieuse de l’énergie solaire, abondante dans les pays démunis et a priori moins génératrice de sociétés guerrières.
Selon la formule de M. Bose, nous ne sommes pas sortis de l’âge de pierre parce qu’on manquait de pierres mais parce qu’on avait inventé une meilleure technologie.

Energie solaire, généralités

L’énergie solaire reçue à la surface du globe terrestre est de l’ordre de 100mW/cm2. Une lampe qui consomme 50W nécessite donc au moins 500cm2. Quel que soit le rendement du dispositif permettant la conversion de l’énergie lumineuse en électricité, l’énergie solaire se caractérise donc par son caractère diffus : des surfaces relativement importantes sont nécessaires pour obtenir une quantité d’électricité raisonnable. A titre d’exemple, une centrale nucléaire conventionnelle (1000MW) devrait être comparée à une surface de cellules solaires couvrant environ 100km2 (Ref. Observatoire de l’énergie). La récupération et l’utilisation de l’énergie solaire nécessitent donc des territoires dont la densité de population est faible. C’est une des raisons qui permet d’affirmer que les pays de la bande Sahélienne doivent être des acteurs privilégiés de cette démarche.

Un peu de technologie : la société de l’hydrogène

L’énergie solaire peut être utilisée de multiples façons, mais nous n’illustrerons qu’une seule filière, qui peut se résumer par : énergie solaire + eau de mer + sable  hydrogène (et oxygène) + électricité.
Le sable permet, après réduction, de former du silicium, qui est le matériau constitutif des cellules solaires permettant la transformation des photons solaires en électricité. L’eau engendre de l’hydrogène et de l’oxygène par un procédé industriel ancien et bien établi : l’électrolyse. Toutes ces étapes sont d’ores et déjà industrielles. Si des efforts de R&D sont certes nécessaires, la probabilités de succès industriel de l’ensemble ne fait aucun doute.
Les ingrédients de départ sont pratiquement à disposition sans limites et leur utilisation ne pose pas de problème, même à très grande échelle. L’hydrogène formé est un combustible idéal par la quantité de chaleur dégagée et le caractère non polluant du produit de combustion (l’eau). Hydrogène et électricité sont, d’autre part, des vecteurs parfaitement complémentaires pour le transport et le stockage de l’énergie.


Les énergies renouvelables pour gagner la paix

Gagner la paix plutôt que gagner la guerre : c’est la gageure d’une « société de l’hydrogène ». L’énergie solaire se trouve partout, et surtout dans les pays les plus pauvres. Les technologies associées sont suffisamment avancées pour que les échéances ne soient pas trop lointaines. Les pays du Sud peuvent parfaitement s’en emparer et les enrichir pour constituer un tissu industriel qui leur soit propre. Ceci implique cependant que ceux-ci soient mis à l’abri des prédateurs : il faudra donc substituer la coopération à la concurrence. C’est la concurrence qui conduit à l’effritement des valeurs essentielles ( dont le travail). Etre le premier à tout prix implique inéluctablement l’effondrement des principes moraux.
Le temps presse cependant : le « marché » envahit chaque jour un peu plus notre quotidien. Les Etats-Unis, et ceux qui les suivent aveuglément, imposent chaque jour davantage des contraintes financières, commerciales, culturelles, militaires dont il sera de plus en plus difficile de se débarrasser.. La France et l’Europe peuvent prendre des initiatives, qui seraient une illustration du co-développement . A ce titre, les migrants faisant leurs études en France ont un rôle crucial à jouer : il est de leur devoir de participer à la formation dans leur pays d’origine en particulier pour aider aux transferts de technologies nécessaires.


Utopie ou vision à long terme ?

Tout cela est-il bien raisonnable ? Plutôt que de se livrer à des spéculations abstraites, il est possible de suivre le cheminement pris par le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) qui a réussi à introduire au niveau français l’énergie nucléaire comme source essentielle d’énergie électrique. Ne serait-il pas possible de créer un commissariat à l’énergie solaire tel qu’on avait commencé à le faire dans les années soixante dix ? Lorsque la volonté existe et lorsqu’on s’en donne les moyens, bien des choses, même qualifiées d’utopiques, peuvent être réalisées. Si on a pu marcher sur la lune, ne pourrait-on pas utiliser les énergies renouvelables pour tenter de remédier à des problèmes existentiels de nos sociétés ?


Jacques-Robert Simon est professeur de chimie inorganique à l’ESPCI