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REVENIR A L’ESSENTIEL Par Clémentine Autain
IL ETAIT UNE FOIS LE FEMINISME, LES HOMMES, LA FEMME ET LE VINGT ET UNIEME SIECLE Par Géraldine Biaux
FEMMES, APOCALYPSE NOW ! Par Jeannick Le Lagadec
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FEMMES, APOCALYPSE NOW !
Par Jeannick Le Lagadec


A l’heure où s’engagent des décisions essentielles sur les retraites, les régressions qui s’annoncent pour les femmes, encore plus touchées que les hommes, me font craindre le pire pour la société de demain. Les propositions du gouvernement sur les retraites ne doivent pas cacher le sort particulier et régressif réservé aux femmes dans les mesures envisagées. Est-ce la société que nous rêvons de laisser à nos petites filles ?
Petite fille, quand tu seras grande, tu gagneras moins que tes homologues masculins, mais n’y pense pas trop, le retraite, c’est encore loin ! Petite fille, tu auras des enfants et peut-être voudras-tu (ou devras-tu !) les élever durant leurs premières années. Un service public de la petite enfance n’est pas à l’ordre du jour, non, M. Raffarin préfère te subventionner pour que tu restes à la maison. Et la retraite ? C’est encore loin, petite fille, tu auras bien le temps de penser à ces années où tu n’auras pas cotisé.
Petite fille, tes enfants ont grandi, mais la réinsertion dans le monde du travail n’est pas simple, alors tu t’accroches et tu acceptes le temps partiel, un C.E.S., contrat emploi « solidarité ». Et la retraite ? Tu n’as pas les moyens de cotiser pour une retraite complémentaire, alors n’y pense pas trop, on verra bien. Petite fille fait ses calculs, l’âge de la retraite s’éloigne et, la décote s’ajoutant, la pension fond à vue d’œil. Mais rassure-toi, petite fille, tu vivras très pauvre, mais très longtemps !
Non, ce n’est pas de la science-fiction : la vie des générations futures se dessine aujourd’hui et la régression sociale est à l’ordre du jour. Premièrement, régression dans la politique familiale annoncée par le gouvernement. En effet, inciter les femmes à rester chez elles dès leur premier enfant, et notamment celles les plus fragiles économiquement, cumulent contradiction et régression. Contradiction, car en diminuant le nombre de cotisants, cette mesure aggrave les difficultés de financement des retraites, situation pourtant dramatique selon le gouvernement ! C’est par une véritable politique de l’emploi et par des mesures volontaristes pour l’égalité professionnelle que l’on pourra contribuer à régler le problème des retraites, et non l’inverse. Régression car elle supprime la liberté pour chacune d’avoir le choix de sa vie et de pouvoir changer de chemin, et oui, j’ai nommé là la liberté financière, synonyme d’indépendance, chèrement acquise par nos mères. Sans oublier la difficulté à se réinsérer dans le monde du travail : sur ce point, bien sûr, aucune proposition pour des formations, pourtant indispensables dans certains secteurs de pointe, après le congé de maternité ou le congé parental. Une fois les enfants grands, les femmes ne sont plus seulement mères, elles ont aussi chômeuses, ne cotisent toujours pas et n’auront donc pas leurs quarante annuités. Le but du gouvernement est bien atteint : baisser les pensions d’au moins 20%, et ce sont les femmes qui en seront les premières victimes.
A l’opposé du système libéral et ultraconservateur que met en place le gouvernement à un train d’enfer (santé, école, retraite, rien ne les arrête !), il faut aller vers un service public de la petite enfance en créant des crèches collectives mettant aussi à contribution les entreprise, prenant en compte les horaires de travail des salariés, des structures diversifiées, haltes garderies, assistantes maternelles encadrées dans des crèches familiales, laissant alors le choix à chaque famille pour la garde de son enfant. Certes, le gouvernement a aussi annoncé la création de places en crèches, mais aucun financement à l’horizon, pas de formation dans le public pour les professionnels de la petite enfance alors que le secteur est en pénurie grave. Il est à craindre que cette mesure reste un vœu pieux, un effet de communication servant à masquer le choix du gouvernement : la place des femmes est à la maison !
Deuxième régression dans le projet de réforme des retraites : aujourd’hui, le tableau n’est déjà pas rose ; selon la Direction de le Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques du ministère, « la faiblesse relative des retraites perçues par les femmes s’explique par des carrières souvent brèves et moins bien rémunérées ». En effet, en 2001, seulement 39% des femmes ont pu faire valider une carrière complète, contre 85% des hommes. Les lois Roudy et Génisson devant assurer l’égalité professionnelle ne sont pas appliquées, et les femmes gagnent toujours en moyenne 30% de moins que les hommes. Conséquence : la pension de retraite de droit direct s’élevait en moyenne à 1461euros (9583 francs pour un homme contre à peine 848 euros (5562 francs) pour une femme. Ajoutons que les femmes constituent l’immense majorité des quelques 750 000 personnes âgées qui ont pour seule ressource le minimum vieillesse car elles n’ont pu cumuler des droits à une pension. D’un montant de 570 euros (3739 francs), ce minimum les place en dessous du seuil de pauvreté. Loin d’améliorer la situation des femmes, les mesures de F. Fillon aggravent la situation. Aggravation à double détente : premier coup, allongement de la durée de cotisation. Pas ou peu de carrière complète car jusqu’à nouvel ordre ce sont toujours les femmes qui mettent au monde les enfants et souvent interrompent leur carrière pour les élever ou choisissent un travail à temps partiel. C’est alors que survient le deuxième coup, la décote diminuant alors de façon drastique la pension.
On le voit bien, politique familiale et réforme des retraites marchent d’un même pas vers une régression historique pour les femmes. Aujourd’hui plus qu’hier, il faut exiger l’application des lois Roudy et Génisson, et une réforme des retraites qui assurent aux femmes –et aux hommes- une pension équivalente à 75% du dernier salaire, prenant en compte le nombre d’enfants, les années de congé parental, sans une décote qui pénalise au premier chef celles qui assurent la descendance. Petite fille, rassure-toi, nous nous battrons.


Jeannick Le Lagadec est enseignante, adjointe au Maire de Champigny sur Marne chargée de la petite enfance et était secrétaire nationale du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) jusqu’en juin dernier