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NOUVELLES DE LA GAUCHE CONGELEE Septembre 2003
NOUVELLES DE LA GAUCHE CONGELEE : A DIJON, RIEN DE NOUVEAU AU CONGRES DU PS
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NOUVELLES DE LA GAUCHE CONGELEE : A DIJON, RIEN DE NOUVEAU AU CONGRES DU PS
Par João Silveirinho


Le rideau est tombé sur le congrès du Parti Socialiste à Dijon. Triste pièce avec son interminable prologue, les motions, et son dénouement, sans surprise aucune. Rôles convenus ; un jeune premier, Montebourg, ayant apparemment pour principal bagage la prestance de son âge, et finalement défait, un barbon généreux un peu retors sur les bords quand même, Emmanuelli, flanqué qu’un Iago, Mélenchon, la perversion donc le sel en moins. Et un héros tout rose tout gentil, Hollande, monsieur prud’homme là où il eût fallu le Cid. Les traîtres du mélodrame, Fabius et Strauss-Khan, rivaux gémellaires, restés prudemment en coulisse avant le dénouement, l’ange purificateur putatif, Aubry, restée accrochée aux cintres, le noble vieillard, Mauroy, occupé dérisoirement à ferrailler avec un obscur baronnet, Dolez, décevant dans son premier grand rôle. Même l’habituelle vedette américaine Jack Lang se fit discret tandis que le Maire de Paris, tout occupé (chut ! c’est un secret) aux premières répétitions d’un grand show pour 2007, faisait l’impasse ou presque sur ce médiocre boulevard.
Critique facile ? Quand cela serait, on doit pardonner beaucoup, un max pour tout dire, à celui, moi, qui s’est farci les quelques quatre cent pages pondues par ces messieurs et très accessoirement, on l’a vu, dames. Même Fraise des Bois a admis que c’était une performance.
Qu’en ressort-il, de ces quatre cent pages lourdingues ? Un constat, d’abord ; le PS devient résolument, et quasi unanimement fédéraliste européen. Finies les contorsions pour ne pas le dire tout en le laissant entendre. L’avenir « socialiste » de la France est donc dans un grand marché. De projet opposable à la prééminence libérale, point : les quelques velléités qui se sont manifestées ont été balayées par la motion majoritaire. Le PS est maintenant clairement à la gauche, si tant est que subsistaient des doutes, ce que la CFDT de Notat et Chérèque est au syndicalisme : capitulard. Le marché a gagné la guerre, et sortons nos sparadraps pour panser les plaies.


LES MOTIONS, EN DEUX MOTS


Comme à son habitude, la presse, à part nous, s’est concentrée sur les problèmes de personnes et non sur les contenus. Le Monde s’est bien fendu d’un tableau comparatif, mais qui, curieusement, faisait l’impasse sur quelques propositions intéressantes émergeant de la bouillasse ambiante pour faire la part belle, ce qui est moins curieux, au texte Hollande. Nous allons donc être plus sérieux, même si moins compassés.
Utopia, la motion bobo cool
Il y a chez les signataires de cette motion, une incontestable bonne volonté. Parfois mêm dégoulinante. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil chez Utopia. Cela n’a pas pris auprès des militants : environ 1% des votes.
Quelques idées sympathiques : préférer l’idée de développement à celle de croissance, rappel opportun du fait que le travail n’est pas toujours un épanouissement mais aussi, pour beaucoup, une aliénation, prise en compte des besoins fondamentaux pour orienter la politique, idée, reprise par d’autres de couverture logement universelle sur le modèle de la CMU, réduction des écarts de salaires, revalorisation de l’éducation civique à l’école et quelques autres.
Mais en face, réduction accrue du temps de travail (qui finance ?), enfant au centre de l’école, deuxième langue dès la maternelle, quand tant d’enfants ont du mal à maîtriser le b-a ba du français, et deuxième en CM1, retour à une agriculture traditionnelle (qui pourra manger de la viande « traditionnelle » au prix que cela coûtera ? Qu’à cela ne tienne, les pauvres feront végétariens, c’est bon pour leur santé, et moi, je reprendrais bien une tranche de ce succulent charolais). Bref, l’arsenal du parfait bobo. En conséquence, Utopia est évidemment furieusement eurofédéraliste. Logique.Et tant pis pour le chocolat « traditionnel ».
Utopia se revendique d’un gourou, Dominique Méda, fort honorable sans doute. Un conseil ? Hé, Utopia, diversifiez vos sources.

La motion militante (M. Dolez), beaucoup de bruit pour peu
Attention, nous prévient, Dolez, ce n’est pas une motion comme les autres. Heureusement qu’il le dit, car ça ne saute pas aux yeux. Le principal intérêt du texte est qu’il montre, tableaux chiffrés aidant, que la politique de Jospin en matière d’emploi a été de remplacer le chômage par la précarité. On le savait, mais c’est bien qu’un socialiste le dise. Mettre en priorités des priorités le plein emploi et la laïcité est sympathique. Il y a même quelques idées pour y arriver, et des tableaux chiffrés tout à fait parlants. Si la défense du service public est convenue ( maintien, en gros, des acquis), l’allocation à l’autonomie des jeunes partagée par toutes les motions, la relance du logement social, finançable par une nouvelle vignette auto par exemple, doit être saluée. Concernant la culture, le texte est faible, faisant référence aux « diversités », dont nos fidèles lecteurs savent tout le mal que nous en pensons. Sur l’Europe, la « motion militante » préconise sans sourciller le transfert de souveraineté concernant la maîtrise de la mondialisation (bon courage !), la politique étrangère, la défense, la monnaie, le développement durable. Il resterait bien peu de choses aux Etats. Cet aveuglement eurobéat n’est pas compensé par une proposition plutôt bienvenue de critères pour une Europe sociale.
Au total, il manque un projet de société, et Dolez et ses amis ne peuvent se sortir de la contradiction entre les préconisations parfois pertinentes et les carcans européens et mondiaux que, de fait, ils avalisent. C’est un point commun à la plupart des textes de ce congrès.

Nouveau Monde, la motion bancale
Et voilà le poulet du duo Emmanuelli-Mélenchon. La vitrine est aguichante : « pour sortir du libéralisme, proposer un projet alternatif et construire un rapport de forces ». Qui, à gauche, irait contre un truc pareil ? Le texte ne tient malheureusement pas toutes ces promesses. Alignement de banalités sur la mondialisation libérale. Retenons-en une phrase, quand même : « L’Europe d’aujourd’hui se construit contre les citoyens. Laisser faire, c’est prendre le risque de tuer l’idée même d’un modèle européen spécifique…C’est condamner la gauche à l’impuissance ». Tiens, tiens. Le texte fustige la dérive sociale-libérale du parti. C’est bien.
Les propositions demeurent tièdes : refuser le libéralisme, l’AGCS, soutenir le développement durable et la coopération Nord-Sud, on n’a pas attendu Nouveau Monde pour dire ça. Mais peu de concret. Ah, si : il faut que l’Europe soit fédérale pour qu’elle soit démocratique. Ah bon ? Si elle est fédérale, elle ne se construira plus contre les citoyens ? Vous en êtes surs, les gars ? Pas vraiment, en réalité, mais ça ne fait rien, ils plongent. Courage, fuyons vers le fédéralisme.
Le texte est ensuite plombé par le choix fédéral : comment considérer que les propositions fiscales, économiques et sociales, qui vont dans le bon sens même si elles sont parfois vagues, puissent être valides dans un cadre européen fédéral. Nouveau Monde veut l’Europe fédérale, mais propose franco-français.
Nouveau Monde est bancal. Parfois sympa, mais bancal. Nouveau Monde veut l’union de la gauche, mais reste vague. Nouveau Monde veut rompre avec les dérives socio-libérales, mais ne veut pas rompre avec leurs tenants. Pétri de contradictions, ce Nouveau Monde.

Nouveau Parti Socialiste, moins pire qu’on s’y attendait
Autre duo, Montebourg-Peillon, la tendance jeune propre sur elle. 70 pages, rien que ça. Et au final, plutôt une bonne surprise : des mots acérés pour critiquer la distance avec le mouvement social, une bonne analyse de la montée des inégalités, le souci, partagé par d’autres textes, de subordonné l’OMC à l’ONU. C’est mieux que rien, mais supprimer l’OMC serait plus radical, non ? Autre bonne idée, vu que la banquise l’a eue bien avant, défendre un principe d’ « exception service public, comme il y a une exception culturelle ». Autre pique contre Jospin qui rejoint nos analyse : « peut-il y avoir économie de marché sans société de marché ? ». Le texte répond non. Nous aussi, ça fait longtemps.
La motion tartine longuement sur les réformes institutionnelles, dada de Montebourg, mais éloignées de ce mouvement social que le même regrette d’avoir perdu de vue. Il est plus intéressant sur les propositions de réforme fiscale, solidement argumentées, et sur le social, plutôt bien traité, sur le rôle de l’investissement public dans l’industrie. Bien plus en tout cas que le couplet sur la responsabilisation des actionnaires pour éviter les dérives des entreprises, ce qui est une billevesée. De même, la proposition de faire des salariés les copropriétaires de leur entreprise parait dangereuse, porteuse d’inégalités et fatale aux mouvements sociaux. Comme ça, remarquez, les socialistes n’auront plus à les « retrouver ».
Curieux texte, donc, qui aligne des remarques pertinentes (rappeler, par exemple, qu’ « un mois de salaire d’un éducateur coûte moins cher à la société qu’une semaine d’incarcération ») et certitudes mal fondées sur l’inéluctabilité de la mondialisation, dont on conteste par ailleurs les modalités. Concernant l’Europe, le texte est lui aussi fédéraliste, mais avec moins d’enthousiasme que les autres. Cette manie qu’ont les socialos de croire que le fédéralisme, tel une baguette magique, transformera comme par enchantement l’Europe ultra libérale, anti services publics, marchande que nous connaissons et que ces mêmes socialistes dénoncent, en vert paradis où toutes les propositions qu’ils font pour la France seraient miraculeusement avalisées. Naïfs ou faux-jetons ?

Pour un grand Parti Socialiste (Hollande), la motion fadasse
La motion majoritaire pour finir. Nous en dirons peu, car il y a peu à dire de ce catalogue d’intentions sans cesses ressassées depuis vingt ans et sans cesse trahies. Un PS « ancré à gauche et réformiste », « ancré dans la société », qui dit qu « être de gauche dans la mondialisation, c’est faire le choix de l’Europe ». Pourquoi pas, mais pourquoi, aussi ? On n’en saura pas plus. Le texte contient vingt « engagements » qui sont autant de « bonnes intentions » très générales du genre programme commun du parti socialiste européen pour les élections éponymes, rencontre avec les altermondialistes (ça sera du sport après Evian), convention du parti sur l’emploi, défense du service public etc. La France est bouleversée par tant d’audace. Bien sur, tout ça dans une Europe fédérale ( voir plus haut). C’est le texte le plus vague, le plus plon-plon qui a gagné le congrès. Mauvais signe.

Le Congrès en un mot

Bien entendu, les éléphants, si absent pendant des semaines, ont ramené leur trompe, dans, ce qui est rassurant, une certaine indifférence. Fabius, spécialiste du genre, s’est fendu d’une tirade à gauche, rangée depuis dans ses cartons pour la ressortir dans deux ans, pour le congrès suivant. Strauss-Kahn a fait un bide. Aubry un petit succès d’estime. Les autres leurs numéros. La star a été B. Thibault, le secrétaire général de la CGT. Une idée pour les communicants si nombreux du PS : Thibault prochain premier secrétaire, ce serait de la balle, non ?