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CHRONIQUES DE LA VIE ORDINAIRE : CHERCHER UN EMPLOI Par Anne Alize
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CHRONIQUES DE LA VIE ORDINAIRE : CHERCHER UN EMPLOI
Par Anne Alize

C’est l’histoire de Bruno, venu de son Afrique natale trouver un peu de liberté en France.
La liberté, il l’a trouvée. Démocratie, visa en règle puis carte de séjour qui porte la mention « autorisation de travailler »…mais ce n’est pas si simple.
Son métier : danseur dans un groupe qui parcourt le monde entier. Beau métier, mais peu lucratif et surtout très irrégulier.
Bruno a plusieurs mois d’inactivité en vue, pas assez cotisé pour bénéficier des Assedic.
Il cherche donc un travail, n’importe lequel, pourvu qu’il lui permette de gagner sa vie, de payer son loyer et de se nourrir.
Comment Bruno découvre le travail clandestin

Premier réflexe de Bruno qui connaît encore mal le pays : il se tourne vers ses amis africains.
On lui donne les coordonnées d’un employeur qui cherche des vigiles pour les magasins. Très vite, effectivement, on lui propose un travail. Peu méfiant, il ne pose pas de questions, trop heureux d’avoir trouvé si vite un emploi !
Il travaille douze heures par jour, se déplace en grande banlieue parisienne …pour se rendre compte que cet emploi n’est pas déclaré : pas de couverture sociale, le risque de se voir retirer son titre de séjour, et à peine un demi SMIC en bout de course après avoir réclamé son dû à ce soi-disant employeur deux mois durant !
Comment Bruno découvre l’ANPE

Deuxième essai : une amie française un peu naïve, qui fait confiance aux « institutions de son pays » lui conseille d’aller à l’ANPE.
Il part donc à l’agence la plus proche de chez lui et remplit un long et fastidieux dossier (une demi journée de travail !) : il décrit en détail ses expériences, formule ses souhaits de formation … Enfin, il rencontre un « conseiller » de l’ANPE. Mais on l’écoute à peine, on ne tient aucun compte des éléments du dossier, Il est un inscrit de plus. Pire encore : quoique sa qualité de musicien et danseur professionnel soit clairement rappelée, le Conseiller ne lui parle même pas de l’ANPE SPECTACLE (qui pourrait l’aider peut-être à trouver un emploi réellement adapté à son profil ?).Un an plus tard, l’ANPE ne lui a toujours proposé aucun emploi, ni aucune formation.
Quant aux annonces…que ce soient celles affichées à l’agence ou celles qui sont maintenant consultables sur internet (modernité oblige) elles sont le plus souvent incomplètes et rarement mises à jour. Résultat : 10 % de réponses (négatives) aux lettres de candidatures, le reste sans réponse ; des déplacements inutiles et coûteux pour rencontrer d’hypothétiques employeurs, qui ont déjà depuis longtemps trouvé leurs salariés ; certains interlocuteurs qui n’osent pas dire franchement que le candidat a la peau un peu trop foncée à leur goût et qui trouvent des prétextes douteux ; enfin, des entreprises qui s’étonnent de voir se présenter du personnel non qualifié : « Nous cherchons un menuisier… Ah, l’ANPE a indiqué que nous avions besoin d’un manutentionnaire ?».
Ce que j’en pense

Bien sûr, allez-vous m’objecter, on ne peut pas faire de ce cas particulier une généralité : il s’agit d’un étranger sans expérience et sans qualification autre que la danse. Mais il s’agit aussi d’un homme jeune et en bonne santé qui a réellement besoin de travailler. Et de ce point de vue, ce n’est plus un cas particulier. L’insertion quels que soient l’âge, l’origine, le niveau d’études passe –entre autres- par l’accès à l’emploi. Devant le cas de Bruno – qui est loin d’être le plus dramatique, je le crains – comment s’étonner que nombre de nos compatriotes se découragent et se contentent du RMI ? A quoi sert l’ANPE, sauf à alimenter les tableaux statistiques ?
Une jeune mère avec qui je parlais récemment se désespérait : elle a déposé une annonce depuis deux semaines pour trouver une garde d’enfants et personne ne l’a contactée. Surprenant ? Si tous les demandeurs d’emploi font la même expérience que Bruno, ils ne comptent plus sur l’ANPE pour trouver du travail.
Je sais, pour les avoir rencontrées, que des personnes volontaires et compétentes travaillent chaque jour à l’Agence Nationale pour l’Emploi. Mais elles doivent se sentir bien seules et démunies et on est bien loin du résultat que l’on serait en droit d’attendre ! Le fameux PARE dont on nous a tant rebattu les oreilles n’est qu’une illusion formelle de plus. Quant au contrat jeune de Monsieur Raffarin …
Des dispositifs existent pour former des demandeurs d’emploi non qualifiés et ils ont fait leurs preuves. C’est le cas des contrats en alternance notamment, ouverts désormais à toutes les tranches d’âges et plus seulement aux fameux « jeunes de moins de 26 ans ».
Encore faudrait-il qu’une institution comme l’ANPE soit davantage en mesure de mettre en relations ceux qui cherchent un emploi, ceux qui en proposent et ceux qui peuvent former les premiers pour répondre aux besoins des seconds. Des associations et des entreprises spécialisées font ce travail chaque jour alors pourquoi pas l’ANPE ? Bien entendu, la bonne volonté doit être partagée par tous pour réussir dans une entreprise aussi ambitieuse. Bien sûr, toutes les difficultés ne s’aplaniront pas d’un coup de baguette magique. Mais une structure existe : reste à reconnaître ses faiblesses et à réfléchir sérieusement avec tous les acteurs concernés aux moyens de lui faire gagner en efficacité. Car des emplois existent et des personnes qui veulent travailler aussi !
Et Bruno dans tout ça ?

Sa persévérance a fini par payer. Il travaille de nuit, c’est un travail un peu pénible, mais enfin il est passé à nouveau du bon côté de la barrière, du côté de ceux qui ont la chance, en toute légalité, d’avoir un travail… du moins pour l’instant …