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La question sociale et le contrat d’intégration
Par Pierre Henry

Le contrat d’intégration proposé par le Gouvernement aux étrangers primo-arrivants, dont les réfugiés statutaires, à défaut de lever la confusion asile/immigration, présente le mérite de la formalisation. D’une certaine manière, il dit à la société française, vingt cinq ans après le courageux document de Bernard Stasi : « Ils resteront ». Et c’est tant mieux !
Mais dans la spirale sécuritaire qui s’est emparée des sociétés européennes après le 11 septembre 2001, ce contrat d’intégration peut aussi être un marqueur fort discriminant. L’agence de l’immigration créée dans la précipitation, pilotée par l’Office des migrations internationales aura décidément beaucoup de défis à relever.
Si le terme intégrer signifie bénéficier d’un traitement égalitaire dans l’accès aux droits et obligations fondamentaux, alors nul doute que le chemin sera très escarpé pour ce gouvernement comme pour tout autre avant lui. Car vingt ans de restructuration de l’économie nationale dans une perspective de compétitivité libérale mondiale ont laissé sur le bas-côté de « nombreux normaux inutiles » pour reprendre l’expression de Robert Castel. Cette guerre économique n’a pas opéré, elle, de distinction entre ouvriers étrangers et nationaux.
L’adhésion aux valeurs de notre République, le sentiment d’appartenance se structurent d’abord autour de la question sociale.
Pense-t-on le ventre creux, la mine défaite, en étant menacé d’expulsion, en s’inscrivant durablement dans le chômage ? Peut-on s’intégrer en ayant un déficit de formation initiale, linguistique, professionnelle ?
Les trente piteuses ont frappé de plein fouet depuis 1975 les fils et les filles de la deuxième génération de migrants, les enfants d’ouvriers, français étrangers, mélangés dans les zones industrialisées du début du vingtième siècle.
Pense-t-on sérieusement qu’un citoyen français « de souche », privé de travail, en déficit de formation, à la recherche d’un logement, soit moins vulnérable, moins désaffilié qu’un étranger ayant cherché refuge dans notre pays, adhérant à nos valeurs mais ne parlant pas notre langue ?
Aussi il y a fort à craindre que la question du contrat d’intégration proposé aux seuls étrangers primo-arrivants fonctionne à terme comme un leurre et introduise confusion et discrimination dans une société française déjà fort fragmentée. Le contrat d’intégration ne saurait opérer une distinction entre une communauté nationale supposée homogène et les « étrangers ». Derrière cette notion se cache un risque non négligeable d’ethnicisation de la question sociale.
L’apprentissage de la langue comme outil d’intégration est une nécessité absolue. L’antériorité de nos positions sur ce sujet nous dispense de longs développements. Mais là encore, quelle différence fondamentale y a-t-il entre un Français illettré (ils étaient près de 50 000 à être ainsi recensés lors du dernier appel à conscription en 1995) et un étranger primo-arrivant alphabétisé dans sa langue d’origine ?
Pourquoi refuser avec obstination et constance l’accès des demandeurs d’asile à un apprentissage minimal de notre langue ? Est-ce une question d’allocation de moyens ? En ces temps de disette, voilà qui est assez inquiétant, voire lassant pour l’ensemble des organismes qui travaillent depuis de nombreuses années cette question. Enfin, des sanctions sont-elles prévues pour celles et ceux qui ne pourraient suivre les quelques formations linguistiques proposées ? Quel est, au final, le sens de l’injonction de l’Etat, cet « intégrez-vous » adressé aux seuls étrangers ?
Moins qu’un contrat d’intégration uniquement destiné aux étrangers, rejoignant de manière légale la France, c’est d’un « contrat d’affiliation » qui permette aux plus démunis « français et étrangers » de reprendre confiance , de ré-adhérer aux fondamentaux de notre société dont nous avons besoin. En quelque sorte, un contrat de deuxième chance. Mais cela suppose une volonté, une vision non parcellaire, moins sécuritaire et cosmétique du rapport que la France entretient avec ses « étrangers ».