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BUDGETS: DES TROUS ABYSSAUX
Par Eric Mouron

Il est de plus en plus question de dette publique ces derniers temps, et surtout du fait qu'elle ne cesse de croître. Fin février, le gouvernement a averti les autorités de Bruxelles que le déficit des dépenses publiques dépasserait, cette année encore, la limite de 3% du PIB (produit intérieur brut) qu'il est censé respecter selon le traité européen de Maastricht. Ce déficit, qui est passé de 3,2% du PIB en 2002 à 4,1% en 2003, se monte à 63,4 milliards d'euros pour la seule année 2003. Quant à la charge de la dette (le remboursement des emprunts contractés pour la combler) elle a représenté 39 milliards d'euros rien qu'en 2003. Et le cumul de cette dette atteint désormais le milliard d'euros (63% du PIB) :100 fois plus que le "trou" de la Sécu
Quand on sait que le "trou" de la Sécurité sociale, qu'on nous dit "abyssal", n'est que de 9,5 milliards d'euros (à peine 0,6% du PIB), on pourrait s'étonner que ceux qui dirigent le pays n'aient pas sonné le tocsin depuis longtemps. La dette de l'État est en effet cent fois plus élevée que le "trou" de la Sécu, qualifié d'"intolérable" par le ministre des Finances. Pourtant, de la part des dirigeants français, elle ne semblait guère susciter d'inquiétude, au moins en public et jusqu'à ces derniers jours. La raison est simple. Pendant des années, et quelle que soit leur couleur, les gouvernements ont tous imputé à la Sécurité sociale des dépenses de plus en plus faramineuses dont l'État se défaussait sur elle: entretien des hôpitaux, formation des futurs médecins, subventions déguisées ou pas aux trusts de la pharmacie, aux constructeurs d'appareillages médicaux, et, bien sûr, une liste interminable d'exonérations de charges patronales en tout genre. En cachant cette réalité-là, seule responsable du fameux "trou", les gouvernements successifs ont tous tenté de culpabiliser la population (on se soignerait trop bien, on vivrait de plus en plus longtemps...) afin de lui présenter, à chaque fois, l'addition.
Le "trou" de la Sécu est invoqué chaque fois qu'un gouvernement veut réduire les remboursements, augmenter les prélèvements, allonger le nombre d'annuités pour une retraite à taux plein, ou tout cela à la fois. Venant après la "réforme" Fillon des retraites du printemps dernier, celle de la Sécurité sociale promise par Chirac-Raffarin, bien sûr pour après les élections régionales, n'échappera certainement pas à la règle.


16000 euros par personne...

Mais on reparle d'un "trou" d'une tout autre ampleur, celui des finances publiques dont on découvre maintenant, alors qu'il ne date pas d'hier, qu'il représente une dette équivalant à 16000 euros par habitant de ce pays, enfants compris. Mais ce n'est pas chaque citoyen individuellement qui a ainsi les moyens de s'endetter et de dépenser plus qu'il ne gagne. Tout un chacun n'a pas la possibilité de puiser dans les dépenses de l'État! Ce privilège, il est réservé à ceux qui gouvernent et à ceux qu'ils servent directement.
Juste après sa réélection en 2002, Chirac a déclaré que l'État devait faire des économies budgétaires et, en même temps, qu'il diminuerait l'impôt sur le revenu, donc réduirait les recettes de l'État. C'était une façon de dire
que, même quand il n'y aurait plus d'argent dans les caisses pour les services publics et la majorité de la population, on saurait toujours en
trouver pour alléger notablement l'impôt des plus riches, quitte à creuser encore le déficit de l'État. Même chose quand, à la veille de ces élections régionales, Raffarin a décidé de débloquer tout de suite 1,5 milliard d'euros pour les restaurateurs. Et ce ne sont là que de tout petits exemples, des petits trous supplémentaires qui s'ajoutent encore à celui, colossal, fait dans le budget de l'État par les quelque 150 milliards d'exonérations et subventions de toute sorte au patronat que, cette année encore, les autorités ont soustraits aux finances publiques.
Chacun ne bénéficie donc pas également des dépenses de l'État, loin de là. L'État opère un transfert des ressources publiques vers les classes privilégiées au détriment du financement de services publics indispensables à la population. Il le fait aussi par le biais de taxes et impôts divers qui sont prélevés sur la population pour rembourser les emprunts que l'État contracte auprès des banques et des financiers internationaux afin de combler le "trou" de son budget.
Les possédants gagnent ainsi deux fois. Une première fois par les cadeaux que l'État leur fait, et une seconde fois en prêtant à l'État des capitaux contre lesquels celui-ci leur verse de substantiels intérêts, qu'il récupère en faisant payer la population.
En 1916, dans L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine dénonçait déjà dans la dette publique un énorme "tribut (du capitalisme rentier) frappant la société tout entière", et affirmait que "le capitalisme, qui a inauguré son développement par l'usure en petit, l'achève par l'usure en grand". Près d'un siècle plus tard, ce constat est plus actuel que jamais: le capitalisme ne crée plus rien, il ne fait que parasiter et détruire le corps social dans son entier. Il ne serait que temps de le renverser.


Eric Mouron est militant de Lutte Ouvrière