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L’EUROPE DE MERKEL : L’INTOX A TOUT VA

dimanche 18 décembre 2011
par  Gérard Bélorgey
popularité : 82%

Le discours de Sarkozy à Toulon n’apporte rien de neuf : la perspective de faire persévérer l’Europe dans une solidarité avec non pas l’Allemagne, mais avec Merkel, c’est à dire, malgré toutes les intelligentes roueries qui peuplent la stratégie de la chancelière, dans l’erreur de Merkel, penser que l’exception allemande pourrait être un modèle européen, alors que l’Allemagne est ce qu’elle est - en exportant chez les autres - grâce au fait que les autres ne sont pas comme elle !

On rappelle, en effet, que son industrie d’export n’a pu se bâtir que grâce à un euro fort pénalisant pas mal d’autres Européens, que grâce à une politique de restrictions sociales et salariales pénalisant les plus modestes Allemands, que grâce à l’utilisation, au profit de ses activités de montage de biens terminaux de haute qualité, d’intrants venus de pays pauvres à main d’œuvre mal payée et à monnaie faible, c’est à dire grâce à un libre échange qui a par ailleurs détruit des tissus industriels différents (comme une large part du nôtre) en faisant prospérer quelques gagnants sur la misère, voire l’esclavage ouvrier, dans les pays émergents et sur chômage et précarité déferlant sur la vieille Europe : y compris pour la précarité en Allemagne, celle-ci étant , par contre, épargnée d’un gros chômage grâce à ceux d’Espagne, d’Italie ou de France , etc.. (mais elle a su passer, comme d’habitude, ce mistigri du chômage sans qu’on se rende compte, cette fois-ci, de sa responsabilité, en mesurant toutefois maintenant son refus de solidarité - n’est-ce une logique protestante capitaliste ? - envers qui n’a pas été vertueux).

Pour autant nous ne voyons pas Bismarck (créateur des premières assurances sociales ouvrières) dans la Chancelière , mais l’inflexible statue du commandeur de l’idéologie capitaliste libérale : sous des dehors feutrés, une espèce de chef de guerre féminin qui se croît investie d’une mission (et dans ces cas-là c’est toujours dangereux d’autant que c’est contagieux sur N. Sarkozy qui a la même propension) , la pilote d’une lutte de classe contre les abus des peuples, une lutte engagée au prétexte des dettes souveraines des pays européens, qui ne sont pas les seuls à en avoir de par le monde (!), mais qui sont, eux, solidarisés par l’euro et celui ci - c’est bien lui qu’on veut sauver et non telle ou telle communauté d’Europe qui paiera pour ses fautes par des années d’austérité, de pénitence méritée - cet euro inepte, pouvaient bien penser des économistes sérieux, se révèle un merveilleux outil pour engendrer une crise et exiger des sacrifices.

C’est très intelligent et pervers. Il est bien vrai que l’euro est une monnaie tout à fait illogique pour la zone non "optimale" mais hétérogène qu’elle concerne et dont elle a fait diverger les économies. Mais posons-nous la question : est-ce que l’euro n’a pas été volontairement conçu et conduit de la sorte (c’est la méthode Monnet) pour mener à une crise mettant au pas les pays insuffisamment orthodoxes libéraux ? Les bons et sincères européistes et bien des naïfs sociaux-démocrates n’y ont vu que du feu, alors qu’ils se sont fait piéger comme des novices qu’on oblige à entrer dans les ordres. Car c’est une machine de guerre montée de longue date et qui a enfin trouvé son terrain : c’est (cf. le livre de Noemi Klein) "la stratégie du choc ou le capitalisme du désastre" mis au point par Milton Friedman (l’ultra libéral, Prix Nobel d’économie en 1976) qui conseilla aux hommes politiques de Pinochet aux dirigeants chinois et de la nouvelle Afrique du Sud d’imposer immédiatement après une crise les réformes très douloureuses avant que les gens n’aient eu le temps de se ressaisir.

D’où cette espèce d’urgence que l’on met maintenant partout en avant. "Pendant cette émission (un numéro très alarmant d’ "Envoyé Spécial" sur l’euro, tout de suite après Sarkozy à Toulon), un journaliste nous dit "telle et telle dette européenne a augmenté de tant de centaines de millions". Il y a le feu. Et donc les pompiers (que nous montre l’émission). Immédiatement après le président de la République, naturellement pompier en chef (et non chef de camp), ces fonctionnaires européens autoritaires mettant la Grèce en tutelle légitime, ces présidents de l’Eurozone et de l’Union, imprégnés de leur difficile devoir qui affichent leur mépris du Parlement européen et des journalistes, ces ministres français allant se faire sermonner à Bruxelles par leurs homologues allemands. Ceux-là qui entourent Merkel ont pour slogan "Nous avons la force" et elle se lit à tel point dans leur gestuelle et sur leurs visages, que leur certitude impérieuse inspire de penser que la vraie question est bien quand même, par des changements électoraux et par des alliances avec d’autres pays permettant de sortir du couple Merkel-Sarkozy, de changer le rapport de forces entre, non pas la seule France, mais entre l’Europe et l’Allemagne.

Pour le présent, les forces au pouvoir en Allemagne donnent des leçons à tout le monde (au pauvre Barouin, comme à l’émissaire réel de Nicolas Sarkozy qui est le germaniste et très habile B. Lemaire, moins chargé d’amadouer la CDU que de faire passer dans l’UMP et le Centre l’esprit de la CDU). Pour le présent les forces au pouvoir en Allemagne ne démordront pas d’un poil de leurs intérêts : l’ouverture commerciale, l’euro fort, la banque centrale potiche anti inflationniste, le refus de toute monétarisation de la dette qui ferait perdre un peu d’argent aux préteurs, (ce qui serait pourtant " un prêté pour un rendu" puisque, par leurs taux d’intérêt, ces prêteurs ont tondu les États imprudents ou nécessiteux , et qu’ils vont même obtenir de l’Allemagne qu’elle paye des taux plus élevés).

Alors si réviser les traités c’est les aggraver, il ne doit pas en être question et c’est ce qu’a gentiment dit Moscovici, un peu coincé entre ses anciennes fonctions de ministre si européen des affaires européennes et sa mission de directeur de campagne. Il a même transgressé sa foi passée dans les traités (qu’il a appliqué et que les socialistes ont couronné en votant l’intégration de celui de Lisbonne dans la Constitution française) en disant non seulement qu’il fallait faire des euro obligations, mais, en outre, - ce qui dépasse l’article 123 - que la BCE doit devenir prêteur en dernier ressort. Entre Hollande hier et cela ce soir il y a du progrès. Mais "peuvent mieux faire" est la mention que méritent ces élèves en campagne présidentielle. Face à une position Merkel/Sarkozy qui instrumentalisent l’euro et l’Europe pour un combat de classe, c’est point par point qu’il faut prendre le contrepied de ce que les Traités traduisent de ces intérêts d’une classe dominante étroite et rivée sur ses profits, en attaquant précisément les points auxquels tient le gouvernement allemand d’aujourd’hui parce qu’ils ont fait "sa force" tant revendiquée. Il faut donc que l’opposition la mieux placée pour peut-être l’emporter - à la condition qu’elle rallie une bonne part des autres - dise enfin que l’euro doit être piloté pour être porteur de commerces extérieurs nationaux équilibrés, d’emplois géographiquement bien distribués en Europe et donc de développements diversifiés et non, uniquement, pour se garder de l’inflation, laquelle doit être contenue mais dans une proportion éventuellement plus souple que la dérive de 2% des prix qui est la règle d’or d’aujourd’hui et qu’il n’y a pas forcément de mauvais effets - tout au contraire - à ce que l’euro soit moins apprécié sur le marché international des changes ; que la définition des missions de la BCE doit, au demeurant, être complètement revue pour lui permettre d’être non seulement le prêteur en dernier ressort, mais aussi le recours des États dans les cas graves et le financeur d’un développement pris directement en charge par un budget de l’Union ; que le principe de l’ouverture commerciale de l’Europe doit être révisée au profit d’une maîtrise du libre-échange, de la mise en place si nécessaire de protections négociées et de la recherche d’accords de réciprocité avec les grandes puissances commerciales garantissant sur la durée les équilibres des comptes commerciaux réciproques ; que l’Union doit être dotée de la capacité d’action de recherche et développement (par faculté d’emprunt de l’Union à cette fin et par une fiscalité propre, à rechercher au premier chef dans une taxe carbone en son sein et à ses frontières et dans les protections anti dumping ). A défaut de ces changements majeurs, répétons-le, l’Union des apprentis sorciers éclatera, mais l’on ne sait pas vers quoi. Voilà le vrai chantier à opposer à l’intox - auquel il n’est pas assez répondu sur le fond par les oppositions - au matraquage répétitif actuel qui veut nous faire consentir à une révision des Traités dans le sens d’une solidarité disciplinaire pilotée par les intérêts non seulement de l’industrie surtout ouest allemande mais aussi de toutes les firmes dont les transnationales (parmi lesquelles nos propres grandes marques aux profits, emplois et implantations largement externalisés) qui misent sur l’euro fort et sur le libre échange pour importer à bas prix des composants ou des biens et produits de consommation dont les concurrences continueront à ruiner bien des acteurs économiques (on doit reporter à un autre billet les confrontations connues d’arguments sur cette question dont la réponse est déjà évidente dans la désertification industrielle de la France et dans les difficultés aggravées, hors le cas des céréaliers, de beaucoup de nos derniers agriculteurs). Et également inspiré par le capitalisme financier qui a été si bien nourri par le service de la dette et qui ne veut trouver ni le risque de défaut de paiement d’un débiteur, ni celui d’une dépréciation de ses créances ou d’une érosion de ses taux d’intérêt réels, toutes questions qui pourraient se poser en cas de dépréciation de l’euro, suite logique d’un assouplissement de politique monétaire, mais que pourraient toutefois contribuer pour partie à traiter une réforme du Système Bancaire Européen. C’est bien l’Europe et le libre échange qui sont au cœur réel de la campagne présidentielle et celle-ci, il faut l’espérer devant la gravité et l’importance des coups à la Milton Friedmann qui se préparent, devrait enfin révéler quelques vérités et faire bouger les lignes...

Le blog de Gérard Bélorgey : http://www.ecritures-et-societe.com


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