L’IRAN AURA-T-IL LA BOMBE ?
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Des rives de la Mer Caspienne à celles du Golfe, toute la partie ouest de l’Iran n’est qu’accumulation de richesses naturelles incommensurables. Le contraste avec l’Irak voisin est saisissant, malgré la similitude des énormes réserves de pétrole et de gaz. Car l’Iran jouit d’un bien encore plus précieux, dont il a su tirer la quintessence. De l’eau, des terres fertiles, un réseau d’irrigation dense, du soleil et un peuple laborieux et courageux : il n’en faut pas plus - ni moins - pour moissonner le blé deux fois l’an.
L’Iran a tout pour devenir un paradis. Serait-il privé d’hydrocarbures comme la France qu’il n’aurait aucune peine à assurer son indépendance énergétique grâce aux seules énergies renouvelables. Les Allemands, qui nous taillent d’allègres croupières dans ce domaine depuis quelques années (et en profitent pour éteindre un à un leurs réacteurs nucléaires), s’en donnent à cœur joie dans ce marché immense et vierge. Y compris dans le domaine de la géothermie profonde, qu’ils ont abandonné en Europe pour ne pas avoir à y souffrir de la vindicte hargneuse des lobbies de l’atome et du pétrole.
Dans un tel contexte, il est impossible de comprendre la farouche volonté des Iraniens de maîtriser les techniques du nucléaire si l’on ne prend pas en compte l’aspect politique et stratégique de ces dernières. Pour un pays comme l’Iran, l’argument français d’indépendance énergétique (dont les Verts ont, par ailleurs, démontré depuis longtemps l’inanité) ne tient pas ; et pourtant, ses dirigeants en font un usage diplomatique effréné. Le message gouvernemental officiel repose sur le simple accès au nucléaire civil. En cela, il ne fait que reprendre à son compte le grand mensonge de de Gaulle et de ses successeurs. N’importe quel Iranien croisé dans la rue vous avouera à voix basse (mais convaincue) qu’il ne supporte pas qu’on interdise à son pays d’avoir la bombe, alors que le Pakistan et Israël tout proches l’ont déjà. On connaît depuis longtemps le courage et la vaillance des Perses. Il semble cependant qu’on n’ait pas encore mesuré à leurs justes valeurs toute la fierté qu’ils éprouvent de ces qualités et toute la confiance qui les anime d’avoir su repousser l’invasion irakienne. Il y a là un cocktail dangereux, propice à entraîner ce peuple vers des extrémités fatales.
Mais on peut aussi être amené à penser que c’est justement sur ce chemin que les stratèges états-uniens cherchent à attirer l’Iran. Voilà bientôt un an que la diplomatie européenne cherche à calmer le jeu, mais ses efforts - affichés mais d’une hypocrisie éhontée, tant que la France n’aura pas elle-même dénoncé son propre mensonge - sont vains au regard de la détermination du gouvernement des USA à contraindre l’Iran à la faute évidente, celle qui obligera l’ONU à lui signer le chèque en blanc d’une intervention militaire.
Pour un homme tombé sous le charme de l’Iran et de ses habitants, c’est un crève-cœur que de voir ses dirigeants faire tout seuls le jeu de celui qu’ils nomment le Grand Satan. Il est vrai qu’ils ne peuvent adopter nulle autre stratégie. Leur contrôle du pays ne tient qu’à un fil, celui de l’animosité de sa population envers les USA et Israël. Plus elle monte, plus les élections leur sont favorables, et plus l’espoir d’une alternative démocratique et laïque s’estompe. Bush et ses conseillers le savent : le peuple iranien sombre dans une transe schizophrénique proche du coma mental dépassé. Epris de liberté, de paix et de prospérité, il a appris à survivre sous le joug, la guerre et la misère provoquée (par le blocus technologique et le surarmement). Mais à quel prix ! Aujourd’hui, il se résigne à l’issue fatale.
Bush le sait encore mieux : il y a en Iran une bourgeoisie qui ne s’est jamais résignée au départ du Shah. Ses hommes y ont perdu le pouvoir, et ses femmes l’émancipation que leur Impératrice leur avait offerte. Cette bourgeoisie attend elle aussi, avec gourmandise et impatience, le faux-pas des mollahs et l’invasion des GI. Rien de tout cela n’existait en Irak : il n’aurait su y avoir de relève, et la chienlit était la seule issue prévisible à la guerre. L’Iran donc aura la bombe, mais pas celle que ses dirigeants croient.
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