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Impressions d’Iran sur fond de risque de guerre

mardi 27 juin 2006
par  philippe zarifian
popularité : 23%

Je viens de réaliser, du 9 au 23 avril 2006, un voyage de deux semaines en Iran. 4000 km, parcourus en car, dans la totalité des régions et des principales villes du pays. De très nombreuses conversations avec des Iraniens de tous âges, qui venaient spontanément à nous. C’était en majorité des jeunes. Je ne saurais, sur la base d’un voyage aussi limité dans la durée, présenter une quelconque analyse rigoureuse de ce qu’est l’Iran et de sa situation actuelle. Par contre, il m’en est resté des impressions fortes, qui se sont progressivement construites et confirmées durant le déroulement du voyage, et qui sont en complète opposition avec de ce que les grands médias occidentaux disent de ce pays, depuis plusieurs années, et particulièrement dans la dernière période, avec l’affaire de l’enrichissement de l’uranium et les risques de représailles contre ce pays, pouvant aller jusqu’à la réalisation d’une série de bombardements américains (l’idée d’un envahissement de l’Iran par l’armée américaine n’est pas, pour l’instant, crédible, mais un campagne de bombardements peut faire de nombreuses victimes et de gros dégâts). Ces médias ont nécessairement une influence diffuse au sein de la population des pays occidentaux. A propos de l’Iran, s’est constitué un corps de préjugés, tous négatifs, dont l’existence, dans le contexte actuelle, est dramatique. Je voudrais, modestement, contribuer à établir la réalité de ce pays et surtout de son peuple, et ceci à la demande express des Iraniens rencontrés, qui vivaient eux-aussi dramatiquement ce qui était dit sur eux dans les grands médias occidentaux. En Iran, dans toutes les villes, on reçoit les grandes chaînes de télévision occidentales : CNN, la BBC, Euronews (souvent en anglais et parfois en français) et, de manière plus rare, TV5 Monde. Regardant ces chaînes le soir à l’hôtel, j’ai pu mesurer et vivre le décalage dont je parle, et en souffrir.

1. Les raisons et l’organisation de ce voyage.

J’avais plusieurs séries de raison à vouloir réaliser un tel voyage, voyage que je voulais faire depuis longtemps, mais que diverses circonstances m’ont empêché de réaliser plus tôt. En particulier :
-  il s’agit du pays où mon père, Arménien d’Iran, est né et a vécu une large partie de sa jeunesse. Quand je suis né moi-même en France, mon père avait encore la nationalité iranienne et j’en ai hérité automatiquement. Je voulais aller sur les traces de mon père et de sa famille et découvrir mon propre pays.
-  Je voulais découvrir et comprendre la fabuleuse civilisation perso-iranienne, suivre ses étapes, et me rendre compte de ce qu’il en restait, non seulement dans la beauté de l’architecture et de l’art iranien, mais aussi, et surtout, dans les modes de pensée et de comportement des Iraniens. Pour des raisons que j’ai déjà exposées sur mon site (dans le cadre d’une approche de la mondialité), j’étais et suis encore plus persuadé de l’urgente nécessité de connaître les trajectoires et apports des différentes civilisations.
-  Enfin, bien entendu, je voulais savoir et voir, toucher du doigt, ce qu’il en était de l’Iran actuel, face aux préjugés dont j’ai parlé et dans le contexte de risque de guerre. C’est d’ailleurs ce contexte qui m’a décidé d’y aller rapidement.

Matériellement, comme je disposais d’un temps limité, je suis passé par un organisme, CLIO, qui présentait de nombreux avantages : il est spécialisé dans les voyages centrés sur l’histoire des civilisations, il réalise chaque année, depuis 14 ans des voyages en Iran et, comme j’ai pu le vérifier, possède, de ce fait, un excellent réseau de contacts dans tout le pays. Sauf à partir seul, CLIO et quelques organismes du même type sont les seuls à organiser des voyages dans ce pays. De fait, il est boycotté par les autres agences de voyage, soit pour des raisons politiques, soit parce qu’elles pensent que peu de touristes sont prêts à faire un tel voyage (l’Iran fait peur...). Cela représentait un incontestable avantage pour nous : il n’existe pratiquement aucun touriste en Iran et les effets, souvent ravageurs, du tourisme, n’existent donc pas. Mais en contrepartie, les Iraniens souffrent d’un effet d’isolement et aimeraient que leur pays soit davantage connu. Donc, un groupe de 24 français, en majorité des retraités, sympathiques et ouverts, la plupart déjà instruits (par des lectures) des éléments de base de la civilisation iranienne, mais en contrepartie nettement moins intéressés que moi par les dimensions politiques, sociales et affectives. Nous étions accompagné, pendant tout le voyage, par une "conférencière" française, qui venait en Iran tous les ans depuis 14 ans, bénéficiant d’un réseau développé d’accueil et de rencontres sur place, et qui, pendant les trajets, dans le car, nous faisais des conférences. La majorité étaient concentrées sur l’évolution historique du pays. Mais elle n’a esquivé aucun sujet. Et en particulier nous a fait trois conférences, très précises, sur l’évolution des religions en Iran et leur organisation actuelle, sur la situation des femmes et sur l’actualité politique.

Les impressions que je livre ici sont donc issues d’un mélange entre ce que j’ai moi-même vu entendu, ressenti pendant ces 4000 km, des discussions spontanés avec les Iraniens rencontrés, et des conférences dont j’ai parlé.

2. Eléments de cadrage.

Quelques éléments de cadrage :
-  L’Iran fait, en superficie, trois fois et demi la France, avec une population d’environ 65 millions de personnes. Il est donc peu peuplé, mais cela s’explique par sa géographie. Grande zone de transit entre l’Ouest et l’Est tout au long de son histoire, matérialisée par les pistes caravanières, on peut distinguer trois parties : o Un grand plateau central, situé en 900 et 1300 mètres, au climat continental (grand froid l’hiver, fortes chaleurs l’été, idéal au printemps), semi-aride (car les nuages sont bloqués par les montagnes), lieu des principales grandes villes. On trouve, sur ce plateau, deux vrais déserts à l’Est du pays. o Des chaînes montagneuses, dont une grande chaîne au Nord, qui sépare le plateau de la mer Caspienne. Téhéran est situé en bordure de cette chaîne, versant plateau. De la ville, on voit les montagnes proches, dont la plus élevé culmine aux alentours de 5600 mètres. Plus la ville s’étend, plus les quartiers périphériques atteignent des zones montagneuses. Et une grande et large chaîne à l’Ouest ; côté frontière avec l’Irak. A l’Est, une troisième chaîne, mais moins élevée, jouxte en particulier l’Afghanistan. Les chaînes du Nord et de l’Ouest sont entièrement situées en Iran. Ce ne sont pas des chaînes frontière. o Enfin les régions situées de l’autre côté des chaînes montagneuses. Au nord, une bande de territoire qui longe la mer Caspienne, au climat humide et tropical, véritable réservoir de production de riz (et de biens agricoles de tout genre) pour l’Iran. A l’Ouest, une zone assez large, qui aboutit donc à la frontière avec l’Irak, avec une double caractéristique : c’est la région d’exploitation et d’exportation du pétrole, avec, pour les besoins internes, des vastes complexes pétro-chimiques. Et c’est aussi une zone fertile qui alimente le reste du pays. De cette très rapide présentation, on peut tirer un enseignement politique et militaire. La majorité du pays est montagneuse. Si, dans son histoire, l’Iran a subi des nombreuses invasions et conquêtes, le pays n’a jamais pu être entièrement soumis. Et les Iraniens ont toujours fini par regagner l’indépendance de leur pays. Par ailleurs, le couplage entre hautes chaînes montagneuses, riches en eau, et plateau central aride, a conduit les Iraniens, très tôt dans leur histoire, a édifié un vaste réseau de canalisations, où circule une eau vive, tantôt à l’air libre, tantôt de façon souterraine, et qui alimente en eau une partie des zones du plateau (en particulier les grandes villes). L’Iran a développé, par nécessité, une véritable civilisation de l’eau. L’eau coulante est partout : dans les jardins des villes, le long de chaque rue, en bordure du trottoir, et bien entendu, sous forme d’irrigation des terres agricoles. Les montagnes font réservoir. On a donc le paradoxe d’un pays semi-aride, voire désertique, sur sa zone centrale, et qui en même temps a su domestiquer la circulation de l’eau, au point de la rendre omni-présente. Dans les jardins par exemple, les canaux font partie intégrante de l’architecture et de l’art iraniens.

-  le noyau central de la population iranienne est d’origine indo-européenne. Au départ, il s’agissait de deux peuples de nomades, originaires d’Asie Centrale, qui se sont sédentarisé sur le plateau central, autour de 2000 ans avant JC (on trouve les premières traces explicites des tribus mèdes et perses, sédentarisées sur le plateau à cette époque). Elles ont engendré la civilisation Perse, dont les mèdes ont été les alliés, fournissant en particulier les combattants (civilisation dont l’apogée se situe autour de 600 et 500 avant JC, à l’époque de constitution de l’Empire perse, qui s’étendait de la partie Ouest de l’Inde, jusqu’à la Grèce, l’un des plus vastes empires qui ait jamais existé). Le mot actuel d’Iran a une signification forte (que j’ignorais). Il vient de la langue indo-européenne et du mot Ayryana Vaejo, littéralement : "l"origine des Ariens". Les Ariens ne constituent pas du tout une race - contrairement à l’usage fait par Hitler, mais la localisation d’un peuplement situé en Iran et dans une partie de l’Inde. De manière plus simple, les Iraniens traduisent le mot "Iran" par "gens de l’Est". C’est essentiel à savoir : les Iraniens sont des "gens de l’Est", par nette distinction, en particulier, d’avec les "gens de l’Ouest", c’est-à-dire les Arabes. Ne jamais dire à un Iranien qu’il est Arabe ! L’histoire de l’Iran est jalonnée de conflits avec les populations arabes, en remontant jusqu’à l’époque de la Mésopotamie et en terminant par le conflit Irak - Iran. Pendant une période assez courte, 4 ans après la mort de Mahomet, l’Iran a été attaqué par les arabes, récents convertis à l’Islam, qui ont conquis le pays et importé la religion musulmane. A l’échelle historique, cette domination par l’empire arabe (dont le centre était Bagdad) a été courte, mais elle a eu pour effet d’imposer la croyance en l’Islam, face à la religion dominante à l’époque : le zoroastrisme. Les envahisseurs étaient sunnites. Pourquoi les Iraniens ont-ils choisi le chiisme ? Il y aurait long à dire sur ce sujet ; mais l’un des éléments a été constitué par la résistance des Iraniens à la domination ou à l’influence des Arabes ; En choisissant une branche dissidente de l’Islam et en en devenant le principal foyer d’existence, les Iraniens ont manifesté, à leur manière, leur esprit d’indépendance. Le second "âge d’or" culturel de l’Iran - après la période Perse - se situe autour des années 1200, culture dont on connaît le beauté et au sein de laquelle on trouve explicitement référence à l’Islam. Les Iraniens de l’époque ont, en quelque sorte, opéré une réappropriation de l’Islam, en l’incorporant dans leur propre civilisation (qui était considérablement plus ancienne). On ne peut néanmoins réduire les Iraniens à ce noyau central et majoritaire. Le peuple iranien est composé, depuis de nombreux siècles, d’une myriade d’autres peuples qui ont appris à coexister. On peut citer les Azéris, les Kurdes, les Baloutches (sunnites), le Turkmènes, les Arméniens (chrétiens)... Chacun de ces peuples a droit à un représentant au Parlement. La cohabitation pluri-séculaire se passe relativement bien. Même dans la période la plus radicale - la période Khoméiniste, les croyances et traditions de ces peuples ont été respectées, à la condition, toutefois, de respecter les lois d’Etat, inspirées de l’Islamisme. Le quartier arménien à Ispahan, légué à cette communauté "ad vitam aeternam", du fait de sa forte contribution artistique et artisanale à la construction de cette ville, quartier "auto-géré" par les Arméniens, témoignent de cette coexistence de très longue durée

-  enfin, avant dernier élément de cadrage, l’économie. Toute l’économie iranienne est commandée par un principe, qui a fait figure, pour l’Iran, de nécessité : l’indépendance (et l’auto-suffisance). Elle est assurée au plan agricole. Au plan industriel, l’Iran dispose d’un appareil de production conséquent (depuis l’industrie lourde jusqu’aux biens de consommation). Visuellement parlant, l’Iran est un pays moderne, avec un excellente infrastructure routière, des villes très claires dans leur urbanisme et surtout très propres (une étonnante propreté), très peu de pauvreté "visible" parmi les population, simplement mais correctement vêtue. Si l’on devait le classer, on le classerait dans le second monde, dit aussi "pays émergents". Car bien entendu la modernité ne doit pas cacher les zones de pauvreté (particulièrement nettes à la campagne) et les inégalités sociales. L’actuel président a d’ailleurs exploité à fond le thème de la lutte contre la pauvreté et de la redistribution des richesses pour se faire élire. A l’inverse du Brésil, l’industrialisation du pays s’est faite autour de ce principe central d’indépendance et d’auto-suffisance : la majorité des entreprises sont iraniennes et sont centrées sur le marché interne. Certes les produits sont moins sophistiqués et technologiquement avancés qu’en France ou au Brésil, mais ce n’est pas nécessairement un défaut... Cela assure au moins une faible dépendance vis-à-vis des multinationales. Un point frappant : l’absence des firmes américaines ! On peut citer une histoire pittoresque : Coca Cola avait installé une grande usine, pour inonder le marché iranien. Mais, lors de la dégradation des relations entre Iran et Etats-Unis, la firme a du se retirer. Elle a laissée, de fait, aux Iraniens, la technologie de fabrication des contenants. Et quant au contenu, les Iraniens ont inventé un simili Coca. Si vous demandez un Coca dans un café, pas de problème : vous l’aurez, mais un Coca "made in Iran"... Par contraste, je doit dire, l’influence des produits et de la publicité nord-américaine (et plus généralement émanant des grandes firmes mondialisées) m’est apparue flagrante à mon retour en France. Aller en Iran, c’est faire une véritable cure de désintoxication.
-  Dernier élément de contexte sur lequel il faut insister : la guerre Irak-Iran, que nous connaissons mal, ici en France. Cette guerre a été déclenchée par Saddam Hussein en 1980, qui pensait pouvoir compter sur l’effet de désorganisation en Iran, du à la chute de Shah et à la révolution khomeiniste et sur une faible motivation à combattre de l’armée iranienne. Saddam pensait gagner rapidement, par une guerre éclair, avec pour principal élément de convoitise : les champs et installation pétrolifères qui sont dans la zone ouest de l’Iran, jouxtant l’Irak précisément et offrant un accès à la mer. L’offensive de Saddam a été explicitement soutenues par tous les pays arabes, et, plus discrètement, mais réellement, par les puissances occidentales. L’Iran s’est alors retrouvé seul contre tous (j’ignore s’il a reçu une aide de la Russie). Il a réussi stopper l’offensive irakienne. Et il s’en est suivi 8 longues années de guerre, assez proche, même si les armes étaient différentes, de la guerre de 1914-18. Dans la dernière phase de la guerre, les moyens humains venant à manquer, les mollahs (qui jouaient le rôle d’agent recruteur) sont allés chercher, dans les petites villes et villages de l’intérieur du pays, les jeunes gens, et ces jeunes, totalement inexpérimentés au plan militaire, ont été placés aux avant-postes et./ou sur les zones minées, en avant front de l’armée régulière. D’où une véritable hécatombe. Cette guerre n’a servi à rien : en 1988, l’armistice est signé, sur la base des délimitations de frontière datant d’avant la guerre. Echec donc pour Saddam, mais aussi pour tous ses alliés. Une guerre aussi sauvage et récente laisse des traces. En particulier, elle a développé trois types de sentiments en Iran : o Un sentiment d’isolement, renforçant le principe, déjà solidement installé, selon lequel "il faut avant tout compter sur ses propres forces", o Bien entendu, un fort sentiment de méfiance vis-à-vis des pays arabes. Il ne faut pas se tromper : au plan des affects, la coupure iraniens / arabes est nettement plus forte que celle entre chiites et sunnites. Une partie de la population iranienne, épuisée par cette guerre, cherche une réconciliation de longue durée avec le monde arabe. Mais elle sait aussi que ce sera difficile. o Enfin, paradoxalement, c’est au cours de cette guerre que le peuple iranien a commencé à rompre avec le régime khomeiniste. Cela peut sembler paradoxal, car une guerre aurait plutôt tendance à resserrer les liens. Mais c’est le comportement des religieux qui a été jugé insupportable par la population. L’épisode de la mobilisation forcée des jeunes gens (voire jeunes enfants) est restée dans les mémoires et symbolise une première montée de haine contre le régime. Dans de nombreux villages et petites villes, en particulier de la partie ouest du pays, j’ai pu voir des grandes affiches, avec des portraits de jeunes gens. Renseignements pris : il s’agissait des portraits des jeunes du village ou de la ville en question, qui étaient morts à la guerre "en martyrs" (et un martyr est supposé aller directement au paradis). On a là la profonde ambivalence de la situation : ces portraits remémorent un épisode particulièrement terrible de cette guerre, et le début de rupture entre le peuple et le régime, mais en même temps rappellent la foi en l’Islam

3. Impressions d’Iran.

J’en viens à l’essentiel de mon propos : indiquer les principales impressions qui se sont peu à peu forgées dans mon esprit au cours de ce voyage.

3.1. L’art de vivre.

Si j’essaie de restituer l’élément qui m’a le plus frappé dans le peuple iranien, j’en viens à celui-ci : l’art de vivre. L’art de vivre bien. Non pas du tout par recherche de la richesse, mais par facultés de savourer tous les instants de la vie, dans une relative sérénité et lenteur, dans un goût indéniable de la beauté, sous toutes ses formes, dans l’ouverture amicale à autrui, dans l’offre du thé et les conversations. Cet art de vivre remonte à loin. Je n’ai pas le temps ici d’indiquer comment il a commencé à se condenser dans le zoroastrisme (Zoroaste, plus connu en Europe sous le nom de Zarathoustra, a vécu au 6ème siècle avant JC, mais la religion qui se réfère à lui ne s’est diffusée que de manière progressive dans le pays) et la manière particulière dont le peuple iranien interprète le chiisme. Mais l’exemple qui me semble le mieux témoigner de ce goût et de cet art de vivre est l’occupation des jardins publics. Ceci est connu : ces jardins sont magnifiques. Et dès que la chaleur monte, ils sont un lieu de fraîcheur, grâce aux arbres et aux fontaines. Or ces jardins sont entièrement appropriés par le peuple. Il y en a dans toutes les villes. Il y a toujours une pelouse, étonnamment verte et bien entretenue (la propreté est partout en Iran, jusque dans les maisons des plus pauvres). Non seulement il est permis de marcher sur la pelouse, mais elle est un véritable lieu de vie : on s’y allonge, on mange en famille, une nappe posée sur l’herbe, laquelle fait office de tapis. Les enfants jouent librement tout autour. Des conversations se nouent. Certains jardins ont des sortes de cafés où l’on peut s’asseoir dans des divans, boire du thé ou du café, fumer du narguilé. Je ne suis pas ici dans l’anecdote, mais dans un élément essentiel de la vie des Iraniens. Pendant qu’en France, on se précipite devant la télévision, les Iraniens sont dehors, dans les jardins ou dans les rues. Dans cet art de vivre, j’inclue un goût pour la beauté, nullement réservé à des classes culturellement bien dotées, mais général. Tout iranien aime ce qui est beau. Dans la plus petite maison, dans un village de l’intérieur, on trouvera un minuscule jardin, parfaitement entretenu, une terrasse et des coussins. C’est sans doute l’art de la mosaïque et des miniatures persanes qui exprime le mieux ce goût : une beauté dans la finesse des motifs ou des traits, dans la géométrie des formes, dans l’assemblage des couleurs. Chez la moindre femme, même celles qui sont prisonnières d’un Tchador, vous verrez s’exprimer une subtile coquetterie, la manière de souligner le contour des yeux ou de laisser des mèches de cheveux s’échapper... Je ne veux pas dire par là que tout le peuple iranien est artiste. Il serait absurde de le dire. Mais tous apprécient la beauté de l’art qui leur a été légué et se l’approprient. Par exemple, l’immense place centrale d’Ispahan, sans doute un des plus beaux lieux du monde, est un espace de vie populaire, doublé par le bazar qui jouxte la place. J’espère que cela durera et dans quelques années, cette place ne sera pas infectée par des masses de cars de touristes ! Si on ne comprend pas cette philosophie de l’art de vivre, on ne comprend rien aux Iraniens, dans tous les domaines.

3.2. Croyant, mais non religieux ; religieux, mais sans église ?

J’en viens à un élément qui figure au premier plan des stéréotypes concernant l’Iran. On croirait, au vu des certains reportages ou images, que les Iraniens sont un peuple largement aliéné par la religion, un peuple triste et fanatique, vivant au diapason de ses dirigeants. Ceci est radicalement faux. C’est exactement l’inverse qui est vrai. De ce que je connais des différents pays du monde, je n’ai jamais ressenti une telle coupure, une telle distance volontairement entretenue entre le peuple et la structure politico-religieuse qui dirige l’Etat et tente (de moins en moins) de contrôler la population. Je partirai de la structure dictatoriale politico-étatique. La force dominante est l’église chiite. La grande différence entre chiisme et sunnisme est que les chiites ont développé leur influence autour d’une véritable structure hiérarchisée, une véritable pouvoir ecclésiastique, qui n’est pas sans rappeler ce qui a pu exister chez nous, à l’époque de Moyen Age. L’Eglise chiite - car le mot "Eglise" peut être utilisé - est structurée par niveaux hiérarchiques. Au bas de la structure se trouve des fidèles, qui occupent un emploi ordinaire au sein de la société civile, mais sont en même temps dévoués au régime. Une bonne partie d’entre eux ont été dans les premiers rangs durant la guerre Iran-Irak et ils se regroupement dans une myriade d’association d’anciens combattants ou de handicapés. On ne connaît pas leur nombre exact. Ils seraient environ 100 000. Ce nombre peut sembler important, mais il faut le rapporter aux 65 millions d’Iraniens. Ce sont eux qu’on voit, à la télévision, lors des manifestations de soutien au régime. Et ils sont dangereux, car, infiltrés dans la population, ce sont des "mouchards" potentiels. J’ignore si le peuple iranien a inventé un système de signes qui permet de les distinguer, mais le passant que j’étais était incapable de les identifier. Juste au dessus viennent les mollahs. Ils portent un vêtement caractéristique qui les identifie aussitôt. Les mollahs à turban blanc sont des mollahs ordinaires, choisis en général en fonction des années d’études passées dans les écoles coraniques. Les mollahs à turban noir sont censés pouvoir de réclamer d’une ascendance remontant à Ali (gendre de Mahomet et figure centrale de l’Islam chiite). Les mollahs seraient quelques centaines (mais aucun chiffre fiable n’existe). Comme je l’ai indiqué, ils sont presque invisibles dans les lieux publics. En 2 semaines et 4000 km, je n’en ai vu que trois. Au-dessus des mollahs, les Ayatollah, strate supérieure, censée avoir poussé loin ses études et sa méditation coranique. On peut les assimiler à nos évêques. Je n’ai pas réussi à obtenir leur nombre. Parmi les Ayatollah, se distingue un groupe privilégié, qui jouit d’un prestige encore supérieur : les grands Ayatollah. Ils sont une vingtaine. Leur caractéristique est que tous peuvent prétendre figurer dans la descendance direct d’Ali. Enfin, au sommet de la pyramide : le Guide Suprême, aujourd’hui Ali Khamenei, qui a remplacé Khomeini à sa mort. Ajoutons que cette Eglise, comme ce fut aussi le cas en France , est traversée par des conflits de pouvoir et de légitimité. Derrière une façade unifiée, on peut dire que plusieurs "familles", c’est-à-dire plusieurs lignées familiales, descendant réellement ou fictivement d’Ali, se disputent en permanence la prééminence ; Cela peut aller jusqu’à des vagues d’assassinats. Comment et sur quoi agit cette structure dictatoriale ? Elle a d’abord une fonction de quadrillage de la population. Indiquons que cette fonction est de moins en moins efficace. Elle joue avant tout négativement ; par un pouvoir de dénonciation de "mauvaises moeurs" ou d’"idées séditieuses", sachant que tout l’appareil judiciaire est tenu par les religieux. Mais elle n’a plus aucun pouvoir d’entraînement ou de mobilisation. Elle a ensuite et surtout un pouvoir de contrôle du pouvoir politique. Même si le gouvernement actuel, à commencer par le nouveau président de la République, sont des laïcs, et même si coexiste, avec le pouvoir religieux, un système "démocratique", il n’est en secret pour personne que le pouvoir politique élu est étroitement et visiblement contrôlé par la hiérarchie religieuse, au travers d’une série de commissions ad hoc. On sait comment la commission chargé d’avaliser la candidatures, à éliminé la grande majorité des candidats progressistes aux dernières présidentielles. Quelques mots sur Mahmoud Ahmadinejad : son élection, réalisée sans doute par défaut, a été une surprise pour tout le monde. En fait, il est l’émanation d’un nouveau parti politique, créé il y a trois ans, à l’occasion de la campagne électorale pour la mairie de Téhéran. Ce mouvement a gagné les élections et désigné Ahmadinejad comme maire. Ce parti vise à concilier trois tendances :
-  un strict conservatisme religieux, et donc une allégeance à Khamenei,
-  un technocratisme moderniste, qui n’est pas sans reprendre certains projets du Shah. Le gouvernement formé par le Président est un gouvernement de technocrates.
-  enfin un populisme de façade, de préoccupations vis-à-vis de la situation des pauvres, qui se marque dans la façon dans le Président s’habille. Populisme de façade, mais qui n’est pas sans constituer un point fort de la religion islamique : sa capacité à se préoccuper des problèmes de pauvreté et à développer, à cette occasion, une multiplicité d’associations d’aide aux populations démunies. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles les "pauvres" ne sont pas visibles en Iran, moins qu’à Paris ! Pratiquement pas de mendiants dans les rues, pas de grandes zones de bidonvilles comme à Sao Paulo ou Lima... Les gens peuvent être habillés très simplement, mais toujours de façon correcte. La pauvreté se voit surtout à la campagne.

Cette description de la structure politico-religieuse dictatoriale peut donner l’impression d’un pouvoir fort. C’est exactement l’inverse qui est vrai. Le peuple, en nette majorité, les déteste. Le peuple iranien est un peuple cultivé, indépendant et fier. Il a vite compris qu’il avait affaire à une nouvelle dictature et n’entretient aucune illusion sur ses dirigeants. Qui plus est, au fil du temps, il a su construire un véritable rapport de force. Les religieux et les policiers interfèrent très peu dans la vie quotidienne des iraniens et dans l’occupation des lieux publics (la rue, les jardins, les cafés, etc.). Ils se font discrets, se tiennent à l’écart. Je ne parle pas ici de la surveillance ou de l’emprisonnement des opposants politiques à propos desquels je ne dispose d’aucune information autre que celles qu’on obtient en Europe. Je parle vraiment de la masse du peuple. Il s’est créé comme un espace vide entre la structure dictatoriale et la vie du peuple. La rue est libre. Elle est libre dans la manière de s’y mouvoir, mais aussi dans l’usage de la parole. J’ai discuté avec de nombreux iraniens et iraniennes, qui venaient spontanément à ma rencontre. Pas à un seul moment je n’ai senti le moindre signe de peur ou d’auto-censure chez eux. Le peuple iranien a largement pris le pouvoir sur sa manière quotidienne de vivire, et, sur les points les plus sensibles, il pratique la chaise vide, la résistance passive. Cas les plus flagrant : les mosquées sont au trois quart désertes. Comme il est possible, pour un non-musulman, d’y entrer, j’ai pu le vérifier maintes fois, même lors de la prière du vendredi. L’immense mosolé construit à la gloire de Khomeiny est un échec retentissant. L’immense salle centrale est déserte, au point que les autorités ont décidé de couper la salle en deux, pour qu’elle fasse moins vide... Alors le peuple iranien est-il religieux ? C’est une question difficile à cerner. J’apporterai trois impressions à ce sujet :
-  il me semble que le peuple iranien, celui, majoritaire, mais non unique, qui est de confession chiite, est réellement croyant. Cela se manifeste dans des fêtes essentielles, les seules qui mobilisent du monde : les anniversaires des 11 (ou 7 selon la croyance) descendants directs d’Ali, autour de leur tombeau. Ce sont ces descendants et uniquement eux qu’on appelle "imam". La religion chiite dit qu’il en existe un douzième, secrètement disparu, mais qui reviendra dans un rôle de sauveur. A noter, au passage, que l’auto-flagellation n’est plus pratiquée en Iran (à l’inverse de l’Irak). Mais entre être croyant et être inféodé à un appareil religieux, il existe une grande différence, et, dans le cas de l’Iran, une différence croissante. On peut dire qu’on a un peuple croyant, mais de moins en moins religieux. Une sorte de retour du rapport direct à Dieu. Ou bien on pourrait l’exprimer d’une autre façon : un peuple religieux, mais qui rejette l’Eglise (l’appareil, le dispositif de pouvoir) qui prétend l’incarner.
-  La seconde, mais qui nécessiterait des études poussées, est que le peuple iranien reste bien représenté, dans sa philosophie pratique, par le zoroastrisme, seule religion qui ait pris son essor (à partir du 6ème siècle avant JC) sur le sol iranien. Religion optimiste, non moralisatrice, ni culpabilisatrice, rejetant l’idée de péché originel, religion de plaisir de vivre, du développement de la réflexion personnelle et du respect des grandes forces naturelles, tout en étant (déjà !) monothéiste. J’ai l’impression que, dans le peuple iranien, s’est forgé, au fil de l’histoire, une interprétation de l’Islam qui reste marquée par cette philosophie pratique. Et c’est totalement à l’inverse de l’image triste et noire que l’on donne en général des Iraniens, quand on les présente comme des fanatiques religieux (ce qui est une absurdité sans nom).
-  Enfin, il faut tenir compte d’un trait majeur du peuple iranien : son indépendance. C’est un peuple qui a subi un nombre considérable d’invasion et de guerre, qui a été plusieurs fois "soumis" à une puissance étrangère, qui se sent dans un environnement désormais hostile (hostilité des pays occidentaux, hostilité ancestrale des pays arabes), qui a toujours réussi à se libérer et qui a donc assimilé, en profondeur, le principe "comptez d’abord sur des propres forces". Ce qui est valable dans les relations extérieures, l’est dans les relations internes. Le peuple compte avant tout sur lui-même. Les autorités politico-religieuses agissent, mais à distance, à l’écart. Un exemple : lorsque Ahmadinejad a été élu, il a voulu opérer une reprise en main du peuple, en particulier sur le plan des mœurs. Echec retentissant. Trois semaines après, il a fait machine arrière, et les choses sont redevenues comme avant. Bien entendu, nous sommes là dans un équilibre instable, qui ne pourra pas durer éternellement. Ce qui impose ce type de compromis, c’est l’absence de toute solution au plan du pouvoir politique élu, et donc l’échec des réformateurs. Je n’ai pas d’avis ni d’informations particulières concernant l’influence de l’opposition démocratique et laïque au régime ; La seule chose certaines que les religieux ont à chaque fois complètement faussé le jeu électoral. Quant à l’ancien président, considéré comme réformateur, il joue un jeu trouble. On ne doit oublier qu’il fait partie de la caste des grands dignitaires, et actuellement, il dirige l’une des commissions importante au sein du système politico-religieux.

3.3. L’oppression des femmes : l’habit ne fait pas le moine.

Il est incontestable que l’oppression des femmes figure comme un problème majeur de l’Iran. J’espère montrer qu’il est moins aigu que dans bien des pays arabes musulmans, mais néanmoins bien réel. Là aussi, je ne me reposerai que sur des impressions de voyage. Et sur deux éléments en particulier : l’habit et le comportement.

Le port des vêtements par les femmes est régi par une loi, étatique, qui exprime un principe islamique : les femmes ne doivent pas, dans les lieux publics, montrer des parties dénudées de leurs corps, mis à part le visage et les mains. Pas même les chevilles. Cette loi s’applique à toutes les iraniennes, qu’elle que soit leur confession, et elle s’applique aussi aux touristes. Mais quelle est la réalité ? Il me semble qu’il existe deux grandes coupures parmi les femmes :
-  une coupure générationnelle,
-  une coupure "grandes villes" et campagnes. Pour l’essentiel, les femmes qui ont autour de la quarantaine et plus, qui ont "accompagné" la révolution khoméneiste et restent les plus marquées par les traditions, portent le Tshador, vêtement de couleur noir (ou brune), qui ressemble à s’y méprendre aux vêtements des bonnes sœurs en France. Elles portent le Tshador avec naturel et aisance. Elle le garde chez elle (alors qu’aucune loi ne les y oblige). C’est comme s’ il faisait partie d’elle-même. C’est lié à une religiosité nettement plus marquée que chez les jeunes, mais aussi aux rapports sociaux de domination, de longue date instaurés au sein du foyer entre hommes et femmes. Je veux dire par là qu’il ne faut inférer, du port du Tchador, une particulière soumission au pouvoir politico-religieux. Ces femmes peuvent être toute aussi rebelles que les autres si les autorités prétendent interférer dans leur manière de vivre et leurs opinions. Et comme nous sommes dans une économie où l’artisanat familial tient une grande place, ce sont souvent elles qui fabriquent les produits (ce sont elles qui font les tapis par exemple), alors que le mari joue le rôle de commerçants. Elles sont un élément essentiel de l’économie iranienne et le savent. Les femmes des nouvelles générations, depuis les lycéennes jusqu’aux femmes d’environ 35 ans, ont une autre manière de se vêtir et un autre comportement. Si je laisse de côté le cas des lycéennes (je vais y revenir), il existe une tendance progressive, mais forte, à laisser tomber le Tchador et à interpréter la loi sous forme du port d’un foulard et du pantalon. Là toutes les couleurs et toutes les astuces sont possibles. Le foulard, en particulier, devient un élément distinctif, un élément de mode. Et toutes les femmes s’arrangent pour le porter en faisant apparaître leurs magnifiques cheveux noires. Je me suis dit - mais je n’en suis pas sûr ! - qu’il devait exister entre elles une sorte de défi : c’est à qui saurait utiliser le foulard de manière à montrer la pus grande partie possible de ses cheveux ! Les pantalons sont de toutes les sortes, comme en France. Manifestement, le pouvoir politico-religieux a renoncé à lutter contre ce mouvement de fond. Mais il est vrai qu’il est avant tout développé dans les grandes villes (Shiraz et Téhéran sont à la pointe de ce mouvement). Le cas des lycéennes est très intéressant. Elles n’ont pas le choix. Le port du Tshador leur est imposé. Et on voit donc, par exemple lors des visites des bâtiments ou des musées, des nuées de "corbeaux" (c’est ainsi qu’elles se qualifient !) s’abattre dans ces lieux publics, avec toutes la vivacité de la jeunesse. Or, cette fois-ci, l’impression vraiment très forte que j’ai ressenti est qu’elles vivaient le port du Tchador comme une camisole de force, et qu’il ne faudrait qu’un signe politique (ou une révolte ?) pour qu’elles l’abandonnent aussitôt. Il faut dire que lycéennes, voire étudiantes, qui portent le Tchador, sont presque toutes en jean sous leur robe. Et elles sont capables de sortir soudain, de dessous cette robe, des camescopes ultra-modernes pour vous filmer ! J’en viens au second élément, plus important encore : le comportement pratique des jeunes générations (jusqu’à 35 ans environ). Ici surprise complète pour moi. De mon expérience du Maroc et surtout de ce qu’on avait pu me dire sur certains pays arabes, je pensais que les femmes se tenaient à l’écart des hommes, voire n’osaient pas les regarder en face. En Iran, c’est tout l’inverse. Chaque fois que notre car s’arrêtait dans un lieu, et vu le très faible nombre de touristes en Iran, nous étions tout de suite l’attraction. Les premières à nous faire "hello" avec de grands gestes et sourires étaient les lycéennes. On était aussitôt entourés de "corbeaux" rayonnantes et rieuses, qui nous regardaient droit dans les yeux et nous posaient des tas de questions (et il en avait toujours une qui savait assez d’anglais pour jouer le rôle de traductrices). Bien entendu, elles nous bombardaient de photos et en retour acceptaient avec plaisir d’être photographiées. Les jeunes filles étaient plus discrètes, mais s’approchaient aussi de nous, et c’est avec elles qu’on avait les conversations les plus soutenues. Un certain nombre de ces jeunes filles, des étudiantes en général, étaient seules et se déplaçaient en toute liberté. Voici bien la surprise : des femmes qui vous regardent droit dans les yeux, qui vous accostent, qui discutent, qui rient... Je ne veux absolument pas dire que les femmes iraniennes ne subissent des rapports d’oppression et de discrimination. Ce serait d’ailleurs ridicule de tenir de tels propos. Je veux simplement signifier qu’il existe en Iran, dans les lieux publics (plus dans l’espace privé ?), un mouvement presque irréversible d’émancipation vis-à-vis des formes traditionnelle et rétrogrades d’oppression. Et l’expression, parmi les jeunes générations, d’une vraie joie de vivre, d’une vitalité expressive qui fait chaud au cœur.

3.4. Le risque de guerre ?

Fait curieux : pour entendre parler de l’affaire du nucléaire iranien et des risques de guerre (ou du moins de bombardements), il faut, soit être à l’extérieur de l’Iran, soit écouter les informations diffusées par les grandes chaînes occidentales. Il n’existe absolument aucun signe visible, ni aucun propos qui indiqueraient que le peuple iranien se préparerait à une guerre. Personne ne nous en a parlé. Je ne doute pas que le pouvoir politico-religieux fasse des préparatifs, qu’il achète des armes à l’Union Soviétique, etc. Mais, une fois en Iran, on n’en sait pas plus qu’en France, du moins lorsque l’on ne fait qu’un simple voyage. Pour l’instant, le peuple se sent peu concerné. Il faut malgré tout revenir sur certains points essentiels :
-  les Iraniens, toutes opinions politiques et croyances confondues, se sentent et se vivent de longue date, comme un peuple isolé, au sein d’un monde relativement hostile. Ils n’ont en particulier, non seulement aucun lien d’alliance avec les pays occidentaux qui manifestent, depuis le renversement du Shah, une hostilité latente ou ouverte (seul l’Allemagne et le Japon ont des échanges commerciaux notables, du type : pétrole contre biens d’équipement), mais surtout une grande défiance vis-à-vis de leurs proches voisins, les pays arabes. Paradoxalement, les Américains, dans leur grande sagesse stratégique, leur ont rendu un fier service : être définitivement débarrassés de Saddam et du parti Baas, a une signification forte pour les Iraniens, après 8 années d’une guerre terrible. Et de même, le fait que le pouvoir des Talibans soit tombé est aussi un grand ouf de soulagement. L’étau s’est donc desserré de ce point de vue. La religion ne passe pas avant l’histoire. Je veux dire par là que le fait qu’une partie des Irakiens et des Iraniens partagent la même religion chiite n’induit pas automatiquement des bons rapports. On peut simplement penser qu’il facilitera un retour à des situations normales de bon voisinage. On peut remonter très loin dans l’histoire de ces deux pays, on retrouvera toujours des affrontements : depuis les conflits avec l’ancienne Mésopotamie (et donc Babylone), jusqu’à la guerre de 8 ans, en passant par la domination arabe imposée à l’époque où la capitale du Kalifa était Bagdad. Les Iraniens souhaitent profondément entrer dans une période de paix et de réconciliation, en particulier avec l’Irak. Il est possible que quelques "fous" au niveau du pouvoir politico-religieux aient des visées expansionnistes sur l’Irak. Mais je n’en ai vu aucun signe.
-  Du fait de cet isolement, et aussi du fait de la fierté d’être les héritiers d’une grande civilisation, les Iraniens recherchent l’indépendance, voire l’auto-suffisance dans tous les domaines. A l’inverse du Brésil, par exemple, ils ont modernisé leur appareil productif et leurs (remarquables) infrastructures, avec une très faible implication de firmes étrangères. Et leur agriculture est avant tout orientée vers le marché intérieur. Il est dès lors possible que le peuple soutienne son président sur un point précis : l’indépendance dans le nucléaire. Mais ce serait plus par une sorte de réflexe politique que par un intérêt pour cette question. On peut d’ailleurs se poser la question : pourquoi l’Iran aurait-il besoin du nucléaire ? S’il est vrai que Ahmadinejad tient des propos absolument fous et dangereux sur Israël, pour des raisons qui m’échappent, les Iraniens, "gens de l’Est", sont loin, non seulement physiquement, mais surtout mentalement d’Israël. Il n’existe aucun contentieux, ni présent ni passé. Et même si on peut le regretter, les Palestiniens sont loin eux aussi. Ils n’ont pas d’histoire commune.
-  Enfin, on ne peut exclure qu’une guerre soit lancée, par les Américains, avec ou sans caution de l’ONU. Pour l’instant, je ne vois pas d’autres possibilités qu’une vague de bombardements. Mais les Américains peuvent faire mal, s’ils bombardent, non seulement les sites nucléaires, mais les installations industrielles et les infrastructure. Il n’est pas besoin d’être un grand devin pour savoir que les Iraniens, toutes opinions confondues, feront face. Ce serait cette fois-ci un grand service que les Américains rendraient...au pouvoir dictatorial en place à Téhéran !

Les photos pouvant accompagner ce texte se trouvent sur le site perso de Philippe Zarifian : http://perso.wanadoo.fr/philippe.za...


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mercredi 31 décembre 2008 à 15h15 - par  FX用語

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lundi 29 décembre 2008 à 19h58 - par  インプラント

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lundi 29 décembre 2008 à 11h16 - par  レーシック

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dimanche 28 décembre 2008 à 20h36 - par  インプラント

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