EUROPENNES, L’ELECTION PARADOXALE
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Un ami lecteur nous faisait, non sans bienveillance, reproche, lisant les articles de la dernière « Banquise », de ne pas avoir évoqué l’élection européenne du 7 juin prochain. Poussant plus avant, il nous demandait ce qu’on attendait pour appeler à voter pour le front de gauche. Les amis lecteurs sont comme ça : ils ont souvent raison (mais pas toujours) et ne sont jamais contents, sauf quand ils le sont. Précisons tout de suite un point : la Gauche Cactus appelle à voter à gauche, mais en respectant ce qui fait notre diversité. Si je fais campagne pour le front de gauche, c’est à titre personnel, et je ne demanderai pas à nos administrateurs et/ou fondateurs, en majorité revenus des partis et « non-encartés », mais pour certains membres du PS, du PCF, du PG, du MRC… à quelle liste ils apporteront leur suffrages.
Revenons à l’élection européenne. Un premier constat s’impose : parmi toutes les consultations à caractère national, c’est celle qui mobilise le moins les électeurs. On peut sans doute le regretter, mais il n’est pas inutile de tenter de comprendre ce désintérêt, sans toutefois entrer dans lse détails. Les français n’ont jamais été majoritairement enthousiastes en regard de l’idée européenne, manifestant au mieux, du moins au début du processus, une certaine bienveillance envers l’« Europe de la paix ». Au fil d’une construction européenne marquée de plus en plus par le libéralisme et le poids des lobbies industriels puis financiers (mais le ver était déjà dans le « fruit » du traité de Rome fondateur), cette bienveillance s’est transformée en indifférence, puis en méfiance, avec le point culminant du refus du traité constitutionnel proposé par referendum en 2005.
Chaque élection du parlement européen a donc été marquée par une forte abstention, et par des votes qui étaient bien davantage motivés par des enjeux de politique intérieure que par des adhésions à des propositions concernant l’avenir de l’Europe. Caractère accentué par la fréquente timidité de ces propositions, à laquelle les manifestes publiés par les deux plus gros partis européens cette fois-ci ne vont pas déroger. Ajoutez à cela un mode de scrutin interrégional inepte, fabriqué pour avantager les partis dominants et à portion plus que congrue les autres. Il s’agissait d’éviter qu’une liste de type Tapie ne revienne tailler des croupières au PS, et qu’une liste de type Pasqua précède celle de l’UMP de l’époque conduite par, tiens donc, Nicolas Sarkozy. Pas de danger de ce genre, ou alors vraiment très réduit, avec le scrutin interrégional qui met le ticket d’entrée au Parlement européen à un score prohibitif pour les « petits » ou les « moins grands ». Ajoutez encore le pouvoir extrêmement réduit du parlement européen face à la Commission et au Conseil des ministres, et vous obtenez le résultat que l’on sait : abstention forte, et vote défouloir.
Le paradoxe, cette fois, ne tient pas à une modification de l’attitude des électeurs face à l’objet européen, qui continue à ne susciter aucun enthousiasme (les candidats qui ont lancé plus tôt leur campagne le constatent : les réunions publiques sont maigrelettes). Il tient, peut-être, au contexte de crise, et au fait que nos compatriotes ressentent de plus en plus la vacuité, la nocivité de la politique conduite par le gouvernement. Comme cela est déjà arrivé, il n’est pas impossible que le parti majoritaire subisse un vote sanction, qui pourrait aussi s’étendre au Parti Socialiste à peine convalescent et toujours, en réalité, divisé sur la question européenne. Ne le cachons nullement : cette sanction du parti gouvernemental, nous la souhaitons vivement. Malgré tout ce qui précède, malgré les enjeux politiques limités au niveau européen de cette élection, il est important de battre la droite. Il faut donc aller voter.
Et puis, ne le cachons pas : la Gauche Cactus avait fait, en 2005, une campagne active pour refuser le traité constitutionnel. Réchauffer la Banquise y consacra un tas d’articles. Aussi nous plairait-il que le plus grand nombre de députés possible défendant une Europe sociale et solidaire contre le carcan libéral qui prévaut aujourd’hui soit élu, même si nous ne nous faisons pas d’illusions sur les marges de manœuvre qu’ils pourront créer. Raison de plus pour aller voter.
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