S'il m'arrivait de rencontrer mon député, je lui dirais volontiers qu'il faut effectivement cesser d'outrager la "Marseillaise". Statistiquement, il y a de fortes chances que celle-ci soit aujourd'hui une jeune femme, résidant dans les quartiers Nord de Marseille, travailleuse précaire, et élevant seule ses enfants. La "Marseillaise" anonyme de 2004 se bat contre son patron qui vient d'annoncer qu'il ne paiera pas les heures supplémentaires de l'année dernière, et que celles à qui çà ne plairait pas n'ont qu'à chercher immédiatement un autre emploi ou bien tenter l'interminable roulette russe des prud'hommes.
La "Marseillaise" de 2004 se bat contre les spécialistes du Droit du travail qui lui ont répondu qu'il serait inconvenant d'ennuyer un employeur qui avait par ailleurs signé un accord sur les 35 heures fort avantageux pour ses "salariés-à-statut".
La Marseillaise de 2004, elle se bat contre le guichetier de son compte-chèque postal, lui même muté-sanctionné pour s'occuper des "petits-comptes".
Elle se bat contre un élu local qui vient de supprimer au dernier moment les crédits des ateliers culturels dans l'école primaire de ses enfants.
Elle se bat contre le conseiller d'orientation qui a menti de sang-froid en envoyant son fils aîné vers une filière sans avenir.
Elle se bat contre le chirurgien qui lui a extorqué sans prévenir 130 euros de dépassement d'honoraires non-remboursés par la sécu, au motif suffisant qu'il n'y a désormais plus qu'une seule clinique privée qui soigne sa maladie.
Elle se bat contre les dirigeants d'un office HLM qui lui ont refusé tout "passe-droit" puisqu'elle n'est recommandée par aucun notable siégeant au conseil d'administration.
Elle se bat contre le dealer de son quartier, qui exerce la triple fonction de revendeur, d'informateur de police et de dénonciateur des Françaises musulmanes ne respectant pas le ramadan.
Elle se bat contre la violence domestique, contre la violence routière, contre le harcèlement.
Elle se bat, la "Marseillaise" anonyme. Elle se bat pour élever ses enfants sans jamais gagner de points de retraite, comme aussi la Nantaise, la Lilloise, la Bretonne, la Guadeloupéenne et même la Corrézienne. Et pourtant, c'est par elle que la France se maintient encore dans le présent.
C'est bien elle qui faudrait cesser d'outrager chaque jour, la "Marseillaise" anonyme de 2004