QUAND GISCARD FLINGUE AU SILENCIEUX LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX...
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QUAND GISCARD FLINGUE AU SILENCIEUX LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX...
Par Rémi Uzan
C’est la ligne Maginot des défenseurs du « OUI », à gauche, de la Constitution européenne. C’est aussi le principal argument des syndicats de travailleurs européens qui défendent le texte (pour les syndicats patronaux, évidemment, le « OUI » coule de source). La fameuse -ouvrez les guillemets, roulements de tambour-Charte des Droits Fondamentaux de l’Union. Passons sur le fait que cette Charte est bien en-deça des droits garantis par la Constitution française. On savait aussi déjà que les rédacteurs de la Constitution avaient d’avance invalidé les quelques avancées progressistes de la présente Charte puisque cette dernière « ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union » art II-111. Apparemment cette émasculation des quelques droits surnageants dans cet océan de libéralisme pur et parfait n’a pas suffi à Giscard et à ses « conventionnels » qui ont utilisé une méthode redoutablement perverse pour s’assurer qu’ils ne pourraient jamais être appliqués. On peut l’appeler la tactique des « explications a posteriori » version constitutionnellement correcte du flingage au silencieux. Démonstration : dans le préambule de la Charte figure une petite phrase qui n’a l’air de rien : « la Charte sera interprétée par les Etats membres en prenant dûment en considération les explications établies sous l’autorité du praesidium de la Convention qui a élaboré la Charte et mises à jour sous la responsabilité du praesidium de la Convention européenne ». Cette phrase se retrouve à l’article II-112 intitulé « Portée et interprétation des droits et des principes ». Bref, tout ce que vous allez lire, brave gens, ne peut être compris qu’avec l’interprétation du praesidium de la Convention. Un texte qui n’est, comme c’est curieux, pas annexé au projet de traité. Heureusement, pour ceux qui ont du temps à revendre, et avec l’aide d’Internet, il est possible de trouver ces explications au fin fond du site de la Convention http://european-convention.eu.int/p... . Le document fait 52 pages et sa lecture laisse pantois. En introduction Giscard prend soin de préciser « Bien que ces explications n’aient pas en soi de valeur juridique, elles constituent un outil d’interprétation précieux destiné à éclairer les dispositions de la Charte. ». Un beau casse-tête en perspective pour les juristes et, surtout, les juridictions chargées de l’appliquer... Prenez la peine de mort. La Charte des Droits Fondamentaux stipule dans son article II-62 alinea 2 : « Nul ne peut-être condamné à la peine de mort, ni exécuté ». Pas de chance, les explications du praesidium remettent tout de suite les points sur les « i » : "La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire : a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ; c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection." "Un État peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions ...". Ce qui, on en conviendra, rend l’abolition à géométrie variable, c’est-à-dire caduque. C’est à se demander ce que faisait Robert Badinter, père de l’abolition française et membre de la Convention européenne, pendant que ses petits camarades réduisaient son grand-oeuvre à néant. Autre exemple, au hasard, lorsque Giscard et ses camarades nous « expliquent » l’article II-72 qui stipule que « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d’autres des syndicats et de s’y affilier pour la défense de ses intérêts. » Ca donne : « L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État" On conviendra que la protection de la « morale » pour restreindre le droit de réunion et d’association laisse la porte ouverte à bien des abus pour peu qu’un Commissaire tendance Buttiglione, le croisé ultracatholique remercié par le Parlement européen, s’appuie sur cette explication lumineuse... Tout le reste de la fameuse Charte est ainsi corrigé, dans un sens restrictif cela va sans dire, loin du regard de l’électeur. C’est dire la considération qu’on lui porte...
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