IMMIGRATION : LE CHANGEMENT, C’EST POUR QUAND ?
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Le débat autour de l’immigration a fortement imprégné la vie politique française (et européenne) depuis quelques années. Il a redoublé de virulence avant et pendant la campagne électorale. Avec, au moins, deux conséquences désastreuses. La première est l’alignement progressif de la principale formation politique de ce qu’on a de plus en plus de mal à qualifier de « droite républicaine » sur les miasmes xénophobes du Front National. Ce qui est inquiétant pour l’avenir.
Le seconde a été la multiplication de mesures coercitives vis-à-vis des populations immigrées, étendues dans certaines applications pratiques (contrôles au faciès, officiellement proscrits, mais on sait ce qu’il en fut (1), tracasseries administratives) aux personnes d’origine immigrée mais de nationalité française, voire à nos concitoyens ultramarins. Ceci est inquiétant, et intolérable, pour le présent.
Face à la dérive xénophobe de la droite, la gauche n’a pas présenté un front uni au niveau des propositions. Concernant l’immigration dite illégale, les programmes électoraux allaient de la régularisation totale des immigrés présents sur le territoire (NPA) à celle « au cas par cas » (PS), ce qui, littéralement, ne change rien à ce qui se passe aujourd’hui, en passant par la régularisation des travailleurs « sans papiers » (FG).
Mais l’immigration englobe bien d’autres catégories que les « illégaux » : immigration économique légale, regroupement familial, mariage avec un conjoint étranger, demandeurs d’asile.
Spécialiste du kidnapping politique (n’avait-il pas, naguère, piqué les gendarmes au ministère de la Défense), Nicolas Sarkozy a veillé à confier au seul ministère de l’Intérieur la politique d’immigration, restreignant les recours à la Justice, éliminant les Affaires étrangères des dispositifs, sans même parler des Affaires sociales et du Travail. Nous apprenons, avec une infinie tristesse et des tonneaux d’amertume, qu’il n’est pas envisagé de modifier les compétences ministérielles à ce sujet. Il appartient pourtant, à notre sens, aux Affaires étrangères d’intervenir dans les domaines de l’asile (la France est signataire de la convention de Genève, ce dont s’est peu soucié Claude Guéant) et de la délivrance de visa. Il appartient à la justice de veiller aux contrôles de légalité. Le ministère de l’Intérieur, lui, ne devrait intervenir que sur les problèmes d’infractions à la loi (police) et la délivrance de documents administratifs (services préfectoraux).
Pierre Henry, directeur général de France Terre d’Asile, éminent spécialiste des problèmes d’immigration, et ami du Cactus, préconise, lui, plutôt qu’un statu quo ante Sarkozy, la création d’un ministère des Migrations et de la Protection internationale. L’idée est stimulante, elle prend en compte la diversité des situations, elle peut aussi englober les situations de « nos » migrants à nous, français quittant le territoire.
Ce que nous espérons, considérant que l’immigration demeure, hélas, une patate chaude électorale jusqu’au deuxième tour des élections législatives, c’est qu’une fois ce délai passé, le gouvernement reconsidère le monopole du ministère de l’Intérieur sur la question. Le droit de vote conditionnel promis (mais aura-ton les moyens juridiques d’y pourvoir ?), c’est bien, mais une nouvelle politique d’accueil, d’intégration, ce sera mieux.
(1) Mais il est annoncé que ça va changer. Chic !
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