LA GAUCHE REFONDEE (UNE RAISON DE PLUS DE VOTER NON)
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LA GAUCHE REFONDEE (UNE RAISON DE PLUS DE VOTER NON)
Par Michel Pillier
La campagne référendaire en France a déjà révélé au grand jour des vérités que la droite socialiste et la droite tout court - ce qu’on appelle le camp du OUI - auraient bien voulu pouvoir cacher. Première vérité : le texte du traité constitutionnel européen (TCE) - qui primerait, s’il était adopté, sur les constitutions nationales - est délibérément très contraignant sur l’application des principes ultra-libéraux ou atlantistes. En revanche il ne l’est pas du tout sur les quelques valeurs généreuses (moins généreuses tout de même que celles ayant cours dans la plupart des pays membres) qu’il affiche sans s’engager à rien. Parler d’Europe sociale dans ces conditions relève évidemment d’une mauvaise plaisanterie. Ce traité interdit quasiment tout ce qui peut réguler le capitalisme pur et dur : le marché, rien que le marché ! Très logiquement, c’est à gauche que la résistance au TCE s’est faite la plus déterminée et la mieux argumentée. Pour l’essentiel, même s’il existe des exceptions, la gauche votera Non et la droite Oui. Le clivage droite-gauche retrouve enfin un réel contenu. Porté par un vrai mouvement citoyen, le Non illustre ce mouvement d’en bas que les états-majors invoquent quelquefois mais qu’ils craignent tant. La démocratie, confisquée en Europe par des oligarchies non élues et en France par des alternances sans alternative, revient sous l’impulsion des citoyens : que du bonheur ! Le Non semble avoir acquis une force propulsive suffisante, grâce à une argumentation sérieuse et documentée, pour être en capacité de gagner. L’opération de marketing médiocratique montée par Jacques Chirac auprès de jeunes soigneusement sélectionnés, avec le concours d’animateurs vedettes de la télé commerciale ne paraît pas pouvoir inverser la tendance. Mais gardons-nous d’oublier ce précepte sportif : un match n’est jamais gagné avant que la dernière balle n’ait été disputée. Ne brûlons donc pas les étapes. Le match n’est pas définitivement joué.
Pour gagner, il faut avoir un mental bien trempé. Et jouer tous les points sans avoir peur. Le NON, qui n’était pas favori, a dû jouer les qualifications. Il devra encore batailler pour déjouer les pièges de l’arbitrage et les roueries de l’adversaire. Dans ce jeu dont les règles sont souvent biaisées, le NON a créé une première surprise. Il faut maintenant transformer l’essai et accentuer le score. Ne relâchons pas notre effort. C’est seulement à ce prix que la donne pourra être changée. D’abord la donne européenne. La victoire du Non est absolument indispensable pour que ce mauvais traité constitutionnel n’entre pas en application. On nous dit parfois qu’il est illusoire d’espérer une renégociation. C’est faire bien peu de cas d’une volonté populaire qui pourrait faire école dans d’autre pays. Nous verrons bien. En toute hypothèse, même si la réorientation européenne doit prendre plusieurs années, mieux vaut en rester provisoirement aux traités antérieurs que de partir dans une mauvaise voie dont nous ne pourrions plus sortir. Depuis le traité de Rome, l’absence de Constitution n’a jamais empêché l’Europe d’avancer. Mais cette constitution-là, elle, l’en empêcherait. Un succès du Non ne mettra pas l’Europe plus en crise qu’elle ne l’est déjà. Le Traité constitutionnel ne résout en rien cette crise : il l’aggrave et la pérennise ! Au contraire, un Non puissant offrira une chance d’en sortir par des réorientations dont Laurent Fabius, Jean-Pierre Chevènement, et quelques autres ont déjà proposé les contours. Que la direction du PS se soit pris les pieds dans le paillasson sur cette affaire européenne est indéniable. Elle avait pu gagner son référendum interne en contrôlant ses cadres intermédiaires et en jouant habilement des promesses d’investiture ou de la menace de sanction. Mais ce type de manipulation ne peut plus rien sur le vote des Français. L’état-major de la rue de Solférino est désarmé, disqualifié par un discours identique à celui de Raffarin et par la photo de François Hollande posant, béat, aux côtés d’un Nicolas Sarkozy trop content de l’avoir piégé. Là encore, le Non - effet collatéral positif - peut contribuer aussi à résoudre cette crise de la gauche en France, qui ne date pas d’aujourd’hui. Après son cuisant échec de 1993 (intervenu peu après le référendum sur Maastricht) et celui, encore plus grave, de 2002 (succédant aux 5 années offertes à Lionel Jospin par Jacques Chirac), le PS avait cru pouvoir faire l’économie de l’analyse des raisons de son désaveu. Avec les scrutins intermédiaires gagnés sans rien faire grâce à un mode de scrutin inique lui permettant d’engranger les bénéfices de l’impopularité du gouvernement Raffarin, il faillit y réussir. Mais la réalité est têtue : après le référendum, quel qu’en soit le résultat, la gauche française devra faire son aggiornamento. Si le Oui l’emportait finalement, le PS évoluerait sans doute vers un libéralisme assumé dans lequel “ le social ” ne serait plus qu’un thème de rhétorique sans contenu. De forts remous se produiraient en son sein et peut-être quelques ténors du NON le quitteraient-ils pour tenter l’aventure ailleurs. Echec garanti. En 2007, le candidat social-libéral opposé à Nicolas Sarkozy serait sans doute battu par un peuple qui préfère toujours l’original à la copie. Un tel candidat ne pourrait pas, de toutes façons, mener une politique très différente de celle de la droite libérale. Si au contraire, comme nous l’espérons, le Non va jusqu’au bout, c’est d’abord la droite qui sera battue et la refondation de la gauche pourra s’effectuer sur ses vraies valeurs. Une nouvelle direction du PS, en phase avec le vote de nos concitoyens, devra définir avec les autres composantes de la gauche un projet bien différent de celui dont la troïka DSK-Lang-Aubry est pour l’instant chargée. La réorientation de l’Union Européenne y tiendra une place centrale et sera au cœur de la future campagne de 2007. Ainsi refondée, la gauche aura de bien meilleures chances de remporter l’élection présidentielle. Une raison de plus de voter Non !
Michel Pillier est adhérent du MRC
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