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Constitution européenne : le point de vue d’un communiste

Par Henri-Georges Lefort
jeudi 12 mai 2005
par  Henri-Georges Lefort
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Constitution européenne : le point de vue d’un communiste

Par Henri-Georges Lefort

I - CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES SUR LA PLACE DE L’EUROPE CAPITALISTE DANS LE CONTEXTE DE LA MONDIALISATION.

Le développement des forces productives sous le capitalisme, qui au point de départ s’effectue dans le cadre national, du marché national, aboutit à l’inverse à partir d’un certain stade de développement à une mondialisation de l’activité économique, à une interdépendance des Etats, à la destruction des barrières nationales, à un effacement progressif des distinctions et des différences nationales. Avec, en corollaire, des tendances à la mondialisation de la vie politique, sociale, culturelle. Il s’agit là d’une tendance objective, irréversible, qui se poursuivra et s’amplifiera sous le socialisme jusqu’à réaliser la fusion des nations et à la création d’une république socialiste mondiale. Marx et Engels, dans le « Manifeste du Parti Communiste », puis à son tour Lénine dans de nombreuses publications, avaient parfaitement mis en évidence cet aspect de la question nationale à notre époque. Et c’est bien ce que nous observons aujourd’hui avec le caractère cosmopolite du grand capital financier, le rôle dominant des grandes sociétés transnationales, l’internationalisation plus poussée que jamais de toute la vie économique. Cependant, cette mondialisation ne peut pas, sous le capitalisme, s’opérer d’une manière harmonieuse et conforme à l’intérêt des peuples. Au contraire, à son stade actuel, caractérisé par Lénine comme celui de l’impérialisme, de l’exacerbation des contradictions inter-impérialistes, elle s’opère de façon chaotique, contradictoire, conflictuelle, dans une opposition d’intérêts et une guerre économique forcenée entre les plus grands groupes capitalistes, dans la jungle d’une concurrence sauvage qui constitue ce que l’on appelle aujourd’hui le « libéralisme économique ». C’est pourquoi, loin d’aboutir à un « super-impérialisme » mondial, cette idée de Kautsky dont Lénine avait montré l’impossibilité, de par la nature même du capitalisme, la tendance à la mondialisation se traduit aujourd’hui par une restructuration générale du système capitaliste en de grandes zones de marché commun, de libre échange et d’intégration économique, dont le contrôle fait l’objet de rivalités et de conflits entre les grands pôles impérialistes déjà existants ou en voie de formation pour atteindre une échelle leur permettant de protéger leurs intérêts économiques contre leurs concurrents. C’est ce qui est en train de se passer pour l’Europe, où les cadres nationaux des grandes puissances capitalistes qui ont autrefois dominé le monde, mais qui sont aujourd’hui, ensemble, en concurrence directe avec l’hyper- impérialisme des Etats-Unis, sont devenus trop étroits et trop contraignants pour la circulation des marchandises et des capitaux, pour que se fassent et se défassent avec toute la flexibilité nécessaire les lieux de production, pour que la spéculation financière se développe sans entrave sur une plus large échelle. Il y a déjà près de trente ans, l’éminent économiste Henri Claude avait notamment démontré l’accélération de la centralisation du capital bancaire en Europe par-dessus les frontières nationales, et ce processus n’a fait que se poursuivre et s’amplifier depuis lors. Là se trouvent les bases objectives de la construction de ce nouveau grand pôle impérialiste à l’échelle de tout un continent que constitue l’Union Européenne, correspondant à la volonté des groupes dominants du grand capital financier en Europe d’élever au maximum leur compétitivité et leur puissance de pénétration dans l’économie mondiale, en concurrence avec les Etats-Unis, mais très probablement aussi demain avec la Russie ou avec la Chine. Mais il y a un deuxième aspect, lui de nature directement politique, qui est au cœur de la construction politique de l’Europe. C’est la volonté de la classe dirigeante capitaliste de créer des conditions permettant de mettre en concurrence entre eux les travailleurs des différents pays constituant l’UE, d’harmoniser au plus bas niveau leurs conditions sociales d’existence, d’affaiblir leur résistance à la surexploitation, à la précarisation, à la régression sociale généralisée, d’empêcher la lutte pour leur émancipation et pour le renversement du système capitaliste. Comme l’avait parfaitement défini Lénine, les Etats-Unis d’Europe ne peuvent être qu’une construction totalement réactionnaire visant à mener « une politique commune pour écraser le socialisme en Europe ». A l’origine, pendant toute la période de la « guerre froide », la construction européenne a essentiellement visé à empêcher toute possibilité d’expansion du communisme en Europe et a constitué, dans le cadre de l’Alliance Atlantique et de l’OTAN et avec le soutien complet des Etats-Unis, une machine de guerre dirigée contre l’URSS et les pays socialistes de l’Europe de l’Est. Aujourd’hui, fondée explicitement sur les principes déclarés intangibles du « libéralisme économique », elle constitue une arme de classe visant à interdire et à réprimer toute tentative de mettre en cause où que ce soit en Europe le régime capitaliste. Contrairement à ceux qui croient que l’Europe rendra plus faciles des luttes d’ensemble des travailleurs de tous les pays concernés pour aller vers une soi-disant « Europe sociale », il est clair que les conditions actuelles d’intégration politique et l’application de la Constitution européenne visent au contraire à rendre plus difficile dans chaque pays, et donc a fortiori à l’échelle européenne, la lutte de classe des travailleurs pour le socialisme, ce qui est bien un des buts essentiels visés. Sinon, pourquoi le MEDEF et toutes les forces du grand capital, pourquoi tous les dirigeants politiques de droite comme de « gauche » gestionnaires de la société capitaliste, de Bayrou à Hollande en passant par les dirigeants de l’UMP actuellement au pouvoir, pourquoi les Schröder, les Berlusconi et tous les autres seraient-ils aussi empressés d’appeler à voter OUI pour la Constitution européenne ?

Ce projet de Constitution traduit exactement ce double objectif, économique et politique : d’une part, donner une base politique à ce nouveau pôle impérialiste émergent dans le contexte de la mondialisation du système capitaliste, d’autre part, instituer un super-Etat supranational, se surajoutant ou se substituant, selon les cas, aux Etats nationaux existants, permettant d’aggraver l’exploitation des travailleurs, de les éloigner plus encore des centres de décision, de corseter leurs luttes, afin de développer ce que les capitalistes appellent une « économie compétitive », c’est-à-dire capable d’écraser ses rivaux sur le marché mondial et de rapporter des superprofits à ses actionnaires, capable, dans le cadre de la crise générale du système et de l’abaissement tendanciel des taux de profit, de relancer une nouvelle phase d’accumulation du capital. Nous allons donc examiner comment la Constitution répond exactement à ces objectifs, dès son point de départ et avec par la suite la répétition en de nombreux articles.

II - LE LIBERALISME ECONOMIQUE, COLONNE VERTEBRALE DE LA CONSTITUTION.

Dès l’art. 3, il est affirmé que l’Union Européenne offre « un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ». Elle est fondée sur « une économie sociale de marché hautement compétitive ». Elle permet « la cohésion économique, sociale et territoriale ». Cette affirmation de principe n’est pas nouvelle. Déjà l’Acte Unique Européen adopté en 1984 donnait comme fondement à la future Union Européenne la création d’un marché unique européen assurant la libre circulation des capitaux, des marchandises et des personnes. Ce principe fondamental est réaffirmé dans le traité de Maastricht en 1992, puis dans le traité d’Amsterdam en 1997 et le traité de Nice en 2000. Examinons quelques termes de l’énoncé de ce principe. Dans l’expression « économie sociale de marché », la qualification de « sociale » est une simple clause de style, dépourvue de toute signification concrète. En fait, le « social », qui suppose une maîtrise par la collectivité sociale de son propre développement économique, en lui donnant comme but la satisfaction des besoins sociaux et non pas l’accumulation des profits, est totalement contradictoire avec la jungle concurrentielle du marché. Quant à l’idée de la « cohésion sociale », elle recouvre dans le vocabulaire capitaliste l’existence d’une société sans conflits sociaux majeurs, sans affrontements de classe, où les « partenaires sociaux » vivront en bonne intelligence et concourront ensemble à la réalisation des objectifs fixés par la Constitution. La « cohésion sociale » ne signifie ici rien d’autre que la collaboration de classe. L’art. 4 garantit au sein de l’Union « la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux », ainsi que « la liberté d’établissement ». Ces principes fondamentaux, points de départ de la Constitution auxquels tout le reste sera subordonné, sont repris, répétés, développés, explicités dans de nombreux articles de la Constitution, notamment dans les art. 130 , 177, 178, 185, etc. Le préambule de la deuxième partie concernant la Charte des droits fondamentaux réaffirme en toutes lettres le principe de la « libre circulation des services, des marchandises et des capitaux » et de la « liberté d’établissement ». C’est sur ces bases que, dans l’art. 12, les Etats membres sont appelés à « coordonner leurs politiques économiques et de l’emploi » , tout en laissant dans l’art. 13 la compétence exclusive de l’Union Européenne pour l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur, ainsi que pour la conduite de la politique monétaire (nous y reviendrons) pour les Etats membres dont la monnaie est l’euro. La plus grande part de la troisième partie, des art. 130 à 256, soit plus du quart de la Constitution, traite des politiques de l’Union en matière de marché intérieur et de politique économique et monétaire, ce qui prend une place inhabituelle et disproportionnée dans une Constitution qui devrait être essentiellement un cadre politique, sans préjuger des mesures qu’un gouvernement pourrait être amené à prendre pour assurer le développement économique et social du pays. Dans l’art. 131 il est mentionné que « le fonctionnement du marché intérieur » reste en tout état de cause la priorité, même si l’Etat membre subit « des troubles intérieurs graves affectant l’ordre public », ou « en cas de guerre ou de tension internationale grave ». Aucun événement, aussi grave soit il, ne doit permettre à l’Etat de s’ingérer dans le mécanisme du marché et de risquer fausser la concurrence. L’art. 132 dispose que « les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre sur le territoire d’un autre Etat membre sont interdites ». C’est le droit sans entrave pour une entreprise, une société, un service, de s’établir où il veut, là où les conditions de son activité sont les plus « rentables », où les salaires sont les plus bas et la main d’œuvre plus docile. C’est la légalisation des délocalisations à l’intérieur de l’UE. Et c’est l’entière liberté pour une entreprise étrangère de venir concurrencer sur place les entreprises nationales, y compris celles à caractère de service public dont nous allons reparler. On peut d’ores et déjà mentionner que l’art.144 dispose explicitement que « les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites ». Et dans l’art.146 il est fait mention des cas particuliers des transports, des banques et assurances, nous pas pour protéger ces secteurs contre la concurrence, mais au contraire pour en préciser certaines modalités d’application. L’art. 138 précise encore que les conditions d’établissement ne doivent pas être « faussées par des aides accordées par les Etats membres », cependant que l’art.153 dispose que « les restrictions quantitatives tant à l’importation qu’à l’exportation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les Etats membres ». L’ensemble de ces mesures dépossèdent les Etats concernés de tout contrôle, de toute régulation de son commerce extérieur, elles privent de toute protection par l’Etat des industries nationales, y compris des services publics nationaux lorsqu’aucune dérogation ne leur est apportée. Il en est de même de l’interdiction par l’art.156 de toutes « restrictions aux mouvements de capitaux ». Et c’est une tâche clairement assignée au Parlement européen, dont il est dit à l’art.157 , sans préjuger des orientations politiques qu’il devrait être censé représenter sur mandat des électeurs, que « le Parlement européen et le Conseil s’efforcent de réaliser l’objectif de la libre circulation des capitaux entre Etats membres et pays tiers, dans la plus grande mesure possible et sans préjuger d’autres dispositions de la Constitution ». C’est clair, il ne peut être toléré par la Constitution que le Parlement défende d’autres intérêts que ceux du grand capital financier. Le capitalisme est mis hors de portée du législateur, et l’économie est soustraite à la responsabilité politique. Poursuivons. Toute la section cinq de la troisième partie est consacrée aux règles de la concurrence. Dans l’art.161, il est interdit :
- de passer des accords entre entreprises qui fausseraient la concurrence,
- de fixer de l’extérieur des prix d’achat ou de vente,
- de limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements,
- d’appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes. Ces interdictions s’appliquent y compris aux services publics (voir l’art.166), et le même article indique que la Commission veille à cette application et « adopte en tant que besoin les règlements ou décisions européens appropriés ». Tout est soumis en définitive à l’arbitraire de la Commission, d’une manière on ne peut plus antidémocratique. Les cas rares de dérogation se font « sans donner à des entreprises la possibilité d’éliminer la concurrence ». Sans avoir peur de se répéter, l’art.167 interdit « les aides accordées par des Etats membres ou au moyen de ressources d’Etat sous quelle forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence ». Tout le chapitre deux de la troisième partie, concernant la politique économique et monétaire, subordonne encore une fois celle-ci au principe d’une « économie sociale de marché » où la concurrence est libre et non faussée. Enfin, comme si tout cela n’était pas encore suffisant, il est bien précisé à l’art.279 concernant l’industrie que l’Union veille à ce que « les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie soient assurées », dans le système de marché ouvert et concurrentiel, en « accélérant l’adaptation de l’industrie aux changements structurels », et en encourageant un « environnement favorable à l’initiative et au développement des entreprises ». On sait par une longue pratique tout ce que cela signifie dans la bouche des représentants de la classe dominante : restructurations et rationalisations impliquant des compressions d’effectifs et des licenciements massifs, fiscalité favorisant les entreprises, politique de bas salaires et de protection sociale au plus bas niveau, etc. Enfin tout cela ne serait pas complet, en bonne Constitution capitaliste, s’il n’était pas explicitement garanti à l’art. 77 le droit de propriété, sans aucune précision quant à la nature de celle-ci, ce qui pour l’essentiel dans la société actuelle recouvre le droit de propriété privée des moyens de production, fondement de l’économie capitaliste. Tout est parfaitement verrouillé pour interdire légalement toute remise en cause de l’ordre capitaliste.

III - LA DESTRUCTION DES SERVICES PUBLICS.

Nous avons vu que d’une manière générale les services subissent rigoureusement le même sort que n’importe quelle autre activité économique. Mais la particularité du projet de Constitution est que cette notion très générale inclut celle du service public, supprimée des valeurs communes de l’Union parmi lesquelles elle figurait encore à l’article 16 du traité de Nice. Il y a donc une régression par rapport à celui-ci. A la notion de service public est substituée celle de « services d’intérêt économique général », tels que mentionnés à l’art.96 et à l’art.122, qui peuvent être aussi bien assurés par des entreprises privées. Même lorsque, par exception, ces services restent assurés par des entreprises publiques, ils se situent nécessairement dans le cadre de cette liberté universelle et fondamentale que constitue la « liberté d’entreprise » définie à l’art.76, qui laisse la pleine possibilité de concurrencer les entreprises publiques dans le système incontournable et obligatoire de la concurrence libre et non faussée, comme nous l’avons déjà vu dans les articles 166 et 167. Là où elles ne sont pas encore soumises à la concurrence, l’art.148 précise que « les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services publics...au-delà de la mesure qui est obligatoire ». On parle ici, pour une rare fois, de service public, mais justement pour supprimer leur caractère public. Cela signifie aussi l’interdiction des aides publiques, sauf rares exceptions possibles, et donc l’impossibilité pour l’Etat de soutenir une activité utile pour la collectivité nationale. L’art. 166 revient lourdement sur le fait que, concernant les entreprises publiques, les Etats membres « n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire à la Constitution », ce qui est précisé pour les services d’intérêt économiques général, qui sont « soumis aux règles de la concurrence ». Enfin, lorsqu’il serait jugé par la Commission de Bruxelles ou par un autre Etat membre, qu’un Etat fait un « usage abusif » de mesures exceptionnelles portant atteinte à la libre concurrence, l’art.132 prévoit que cet Etat pourrait être traduit devant la Cour de Justice européenne et condamné à exécuter les ordres de la Commission. Des précisions inquiétantes sont explicitement données pour certains secteurs. L’art.246 dispose par exemple que les réseaux de transport trans-européens sont conçus « dans le cadre d’un système de marché ouvert et concurrentiel », et il est ajouté dans l’art. 247 que toute action de l’Union en la matière doit tenir compte de la « viabilité économique potentielle des projets », et non pas de leur utilité économique ou sociale. L’art.256 précise à son tour que l’Union doit « assurer le fonctionnement du marché de l’énergie ». Ce qui est bien dans ce cadre que l’EDF est privatisée, déstructurée et soumise à la concurrence. Comment les cheminots, les gaziers-électriciens, les postiers ... peuvent-ils lutter contre le démantèlement et la privatisation de leur entreprise, sans en même temps lutter contre l’Europe capitaliste et son projet de Constitution ! La Constitution européenne, c’est bel et bien la destruction des services publics qui, par leur nature même, pour assurer l’égalité devant l’accès aux services les plus essentiels, offrir les mêmes prestations et au même tarif à tous les citoyens en tout lieu du territoire national, doivent justement être soustraits à la concurrence, administrés par la collectivité publique, et recevoir de l’Etat les ressources nécessaires à leur fonctionnement. Sans compter que leur statut particulier de monopoles publics les rend plus facilement aptes à une socialisation. C’est tout cela que l’on veut casser. Encore un dernier mot sur la façon dont sont traités les services, et donc les services publics, à propos d’un texte qui a récemment fait quelques bruits, la directive Bolkestein. Celle-ci prévoit, ce qui n’est qu’une application avant terme de la Constitution, la libéralisation des services, mais dans des conditions dans lesquelles un prestataire de services d’un pays de l’Union pourrait travailler dans un autre Etat membre en y appliquant la réglementation de son pays d’origine. Ce qui signifie qu’en France, un salarié (français ou étranger) travaillant dans un service ayant son siège social en Grèce, au Portugal ou en Lituanie, pourrait se voir appliquer la réglementation du travail (salaire, conditions d’emploi, etc.) en vigueur dans le pays correspondant. Même si, extrêmement gênante dans le cadre de la préparation du référendum en France, cette directive a été temporairement repoussée, elle n’en montre pas moins quelles sont les véritables intentions des promoteurs de la Constitution et la manière dont celle-ci sera appliquée.

IV - LA POUDRE AUX YEUX DE LA SOI-DISANT CHARTE SOCIALE.

Les partisans du OUI font un grand cas de la « charte sociale » incluse dans la Constitution , qui comporte dans sa deuxième partie une « charte des droits fondamentaux de l’Union ». Voyons les choses de plus près. En réalité, et avant d’entrer dans le détail, remarquons qu’il ne s’agit que d’une simple énumération de vœux pieux, sans contenu concret ni aucun moyen de les réaliser, pour la bonne raison qu’ils restent subordonnés aux règles fondamentales et prioritaires de la compétitivité économique et de la concurrence libre et non faussée. D’où l’extrême ambiguïté de leur formulation, dont on peut détacher quelques fleurons. Il faut, comme à l’école, faire de l’explication de texte pour bien comprendre toute la subtilité des formulations qui ont été retenues. L’art.75 reconnaît « la liberté de rechercher un emploi », ce qui n’a rien à voir avec le droit d’obtenir un emploi, et qui mieux est, d’obtenir un emploi correspondant aux connaissances et aux compétences de chacun. Le même article reconnaît « le droit de travailler ». Heureusement ! Mais cela n’a rien à voir avec le droit au travail, tel qu’il est reconnu par la Constitution française de 1958 (pourtant fort peu progressiste) et par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. La Constitution européenne est en nette régression par rapport à ces deux textes. Elle ne comporte aucune référence à une durée légale du travail, ni à la protection contre le chômage. L’art. 85 fait référence d’une manière on ne peut plus vague au « droit des personnes âgées, mais rien n’évoque ni ne garantit le moindre droit à une pension de retraite. L’art. 89 formule, en cas de privation d’emploi (il n’est question ni de licenciement, ni de chômage), le « droit d’accéder à un service gratuit de placement », mais nullement le droit à une indemnité de chômage, à un revenu de remplacement payé par l’Etat ou par les employeurs. L’art.90 poursuit en donnant à tout travailleur le « droit à une protection contre tout licenciement injustifié ». Mais quand un licenciement est-il justifié ou injustifié ? Quels en sont les critères ? Quand on se rappelle que l’article 279 propose de favoriser et d’accélérer l’adaptation de l’industrie aux changements structurels, on comprend que la masse des licenciements économiques qui en résulteront seront toujours justifiés comme des conditions nécessaires à la compétitivité des entreprises. On ne peut pas lire la Constitution en la découpant en rondelles, il faut la lire dans son entier pour bien en comprendre tout le mécanisme. L’art.91 dispose d’une manière très platonique que « tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congé payé ». Mais dans quelles limites, dans quelles proportions, avec quelles garanties ? Absolument rien de précis n’est avancé. En matière de réglementation du travail, et en l’absence de toute précision dans la Constitution, il est facile, avec un peu d’attention, de voir comment celle-ci s’accorde avec les recommandations de la Commission Européenne, telles que : « Donner aux entreprises et aux Etats membres une plus grande flexibilité dans la gestion du temps de travail », « Eviter d’imposer des contraintes déraisonnables aux entreprises », « Organiser une plus grande souplesse dans l’organisation du temps de travail ». Dans l’art. 94, il est reconnu le « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux ». Mais là encore, en l’absence de toute précision, on peut se référer à une autre directive de la Commission Européenne selon laquelle il convient « d’adapter les systèmes de protection sociale, y compris les systèmes de santé ... dans le cadre de la réduction des déficits ». Il faut que tout cela coûte le moins possible . Nous verrons par la suite que ce n’est pas le même langage qui est tenu lorsqu’il s’agit des dépenses d’armement ! Le même article prévoit le droit à « une aide au logement », ce qui n’a rien à voir avec la garantie du droit au logement. D’une façon générale, concernant le champ d’application de toute cette charte, l’Union décline pratiquement sa responsabilité en précisant à l’art. 111 que « la présente Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les autres parties de la Constitution ». Ce qui veut dire en clair que l’UE se dédouane de toute responsabilité et que tout ce qui est sommairement inclus dans la prétendue Charte des Droits Fondamentaux est subordonné à tout ce qui est dit par ailleurs pour établir la loi absolue du libéralisme économique. Cela est d’ailleurs encore plus clairement précisé par la suite . L’art. 112 dispose que la Charte des droits fondamentaux peut subir des limitations « si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général ». Rien ne précise en quoi consistent ces nécessités et ces objectifs. Plus loin, dans le chapitre concernant les politiques de l’Union dans différents domaines, la priorité est de nouveau clairement réaffirmée du libéralisme économique sur les conditions sociales d’existence des travailleurs. C’est ainsi que dans l’art. 203 , il est bien spécifié que l’Union et les Etats membres doivent promouvoir une main d’œuvre qualifiée « susceptible de s’adapter », et des marchés du travail « aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie », c’est-à-dire à répondre à l’exigence de la concurrence capitaliste avec toute la flexibilité nécessaire. Dans l’art. 209 , encore plus explicitement, la politique sociale est subordonnée à « la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie ». Il y est dit que c’est « le fonctionnement du marché intérieur qui favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux ». Il n’est pas difficile de comprendre dans quel sens s’effectuera cette harmonisation - bien évidemment par le bas. Cela est déjà prouvé par l’expérience que nous subissons depuis déjà une quinzaine d’années, avec la politique de réforme des systèmes de retraite et de protection sociale engagée par tous les gouvernements européens, que ce soit en Suède, en Allemagne, en France, en Italie, en Belgique, en Grande Bretagne, etc. Et il en est de même pour ce qui concerne la réglementation du travail, l’indemnisation du chômage, etc. Enfin, d’autres limites encore sont fixées à la pratique sociale de l’Union. L’art. 210 mentionne que la loi cadre en matière de politique sociale « évite d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrediraient la création et le développement des petites et moyennes entreprises ». D’une façon plus générale, les lois concernant la politique sociale « ne doivent pas affecter sensiblement l’équilibre financier ». Enfin et pour terminer, dans le même article, l’Union s’exonère de toute responsabilité en ce qui concerne les rémunérations, le droit d’association, le droit de grève et le droit de lock-out, qui restent de la compétence des Etats. La Constitution protège la concurrence et la compétitivité des entreprises, mais pas les droits et les intérêts les plus vitaux des travailleurs.

V - QUELLE CONSTITUTION ?

Venons en maintenant, après les aspects économiques fondamentaux de la Constitution et leur couverture pseudo sociale, à son caractère proprement politique. Une première remarque est à faire. Une Constitution est un texte définissant l’ensemble des lois fondamentales d’un Etat. Elle est, comme son nom l’indique, l’acte constitutif d’un Etat. Or nulle part l’UE n’est définie comme un Etat. On ne sait s’il s’agit d’une fédération, d’une confédération, d’un pacte d’alliance ou de fusion entre différents Etats. Il s’agit d’une Union, pour la formation de laquelle un traité facilement renouvelable devrait suffire, même si en tout état de cause,compte tenu de ses orientations fondamentales, nous serions aussi contre, comme nous avons été contre le traité de Maastricht et tous les traités complémentaires qui l’ont suivi : Amsterdam, Nice, etc. On peut encore ajouter, concernant l’étrangeté de cette Constitution, que d’une façon générale une Constitution définit le rôle et le mode de fonctionnement des institutions qu’elle crée, mais pas les politiques que ces institutions auront à mettre en œuvre, qui normalement devraient être laissées à l’œuvre du législateur. Ce qui, comme nous l’avons largement vu, n’est pas le cas. En fait, cette Constitution exprime essentiellement la volonté de ses auteurs, pour parvenir à leurs fins économiques, politiques et antisociales, d’annihiler totalement les souverainetés nationales et de réduire chaque Etat membre, d’une manière peut-être encore plus draconienne, à la situation de l’Iowa ou de la Californie dans le cadre de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique. Cette Constitution, de par la nature même de son projet, est extrêmement lourde et contraignante avec ses 448 articles. Rappelons par comparaison que la Constitution française ne comprend qu’une centaine d’articles. Le caractère contraignant de la Constitution, qui liquide de fait l’exercice de leur souveraineté nationale par les Etats membres, est clairement explicité dans de nombreux articles dont ceux que je vais citer sont les plus caractéristiques. Dans l’art. 5 , les Etats membres « s’abstiennent de toute mesure de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union ». Le même article dispose que « les Etats membres s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant de la Constitution ». Ce qui signifie en clair le droit d’ingérence pour « assister » un pays pour son observance de la Constitution. Dans l’art. 6 , « la Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des Etats membres ». L’art. 12 dispose que « lorsque la Constitution attribue à l’Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l’Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les Etats membres ne peuvent le faire eux-mêmes que s’ils sont habilités par l’Union, ou pour mettre en œuvre les actes de l’Union ». L’art. 31 insiste encore sur le fait que « la loi européenne est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre ». Tout cela évidemment assorti de sanctions. On en arrive à l’art. 362, par lequel la Cour de Justice a le pouvoir d’imposer à un pays, sous peine de sanction financière, de prendre les mesures répondant aux « obligations qui lui incombent en vertu de la Constitution ». Elle est notamment chargée de faire respecter les prérogatives de la Banque Centrale Européenne (BCE) et de la Banque Européenne d’Investissement (art. 365 et 373).

Et puisque nous en arrivons à la BCE, il st lourdement répété dans plusieurs articles que celle-ci est indépendante des gouvernements des pays constituant l’UE. L’art. 10 précise bien que la BCE « est indépendante dans l’exercice de ses pouvoirs et dans la gestion de ses finances ». Cette notion d’indépendance de la BCE est encore répétée notamment dans l’art. 188. Ce qui signifie clairement qu’elle est mise hors d’atteinte de tout contrôle démocratique et qu’elle ne peut être en conséquence qu’un simple rouage du capitalisme financier.

VI - UN SYSTEME FONCIEREMENT ANTIDEMOCRATIQUE.

Nous en arrivons, dans le prolongement de tout ce qui a été déjà dit sur la Constitution , à cerner son caractère profondément antidémocratique, contrairement aux louanges mensongères de ses défenseurs. En fait, tout éloigne encore davantage les électeurs des centres de décision, et interdit pratiquement de prendre en compte leur opinion, même très majoritaire, si elle va à l’encontre des objectifs fondamentaux de la Constitution. Signalons pour commencer le pouvoir extravagant de la Commission Européenne (art.26) qui « promeut l’intérêt général de l’Union », « prend les initiatives appropriées à cet effet ». Elle garde le contrôle de l’exécution du budget, dont elle détermine les orientations avant même que le Conseil et le Parlement ne se prononcent. Elle « veille à l’application de la Constitution ». « Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission » (art. 26). Le Parlement est ainsi privé du droit de proposition législative. Au lieu que ce soit le Parlement qui ait le contrôle de l’Exécutif, ce qui est un principe élémentaire de démocratie, c’est l’inverse qui a lieu. Concernant la politique économique et monétaire, c’est le Conseil qui en fixe les grandes orientations, le Parlement en est seulement informé (art. 179). Il en est de même pour les activités de recherche et de développement (art. 250). L’art. 184 instaure une véritable dictature de la Commission Européenne sur les Etats ayant un déficit public arbitrairement jugé « excessif ». Concernant la politique de sécurité et de défense commune, c’est encore une fois le Conseil qui décide, le Parlement n’a en la matière aucun rôle décisionnel. Finalement, c’est le Conseil qui garde l’exclusivité législative en matière de fiscalité, de protection sociale, de politique extérieure, d’opérations militaires. Que deviennent le droits des citoyens dans un pareil système constitutionnel ? Enfin, signalons pour terminer que, dans la Charte des droits fondamentaux, il n’y a pas la moindre référence au droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers à l’UE.

VII - L’EUROPE DE LA REPRESSION

Nous avons vu combien la Constitution limite les droits des Etats membres en matière d’orientation économique, de politique fiscale ou monétaire, de législation, etc. Mais par contre, dans l’art. 5 , elle respecte cette fonction essentielle de l’Etat qui a pour objet de « maintenir l’ordre public ». Ce qui ne veut pas dire que l’UE n’interviendra pas directement en tant que telle dans n’importe lequel des Etats membres si les objectifs fondamentaux prescrits par la Constitution sont menacés. L’art. 261 prévoit explicitement le « renforcement de la coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure ». Les art. 275 et 276 précisent que « l’Union développe une coopération policière », et notamment pour faire face à des « formes de criminalité qui portent atteinte à un intérêt commun qui fait l’objet d’une politique de l’Union ». De quoi s’agit-il exactement ? Deux autres articles doivent encore attirer notre attention, dans leur même imprécision voulue : l’art. 43 prévoit une action conjointe contre une « attaque terroriste », y compris par les « moyens militaires ». Que recouvre exactement la notion « attaque terroriste », quand on sait la manière dont cette expression est utilisée et manipulée par les gouvernements impérialistes ? Dans l’art. 131, les Etats prennent en commun « les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur soit affecté par les mesures qu’un Etat membre peut être appelé à prendre en cas de trouble intérieur grave affectant l’ordre public ». Tout cela laisse place à toute possibilité de répression policière ou militaire par-dessus les frontières, à l’échelle de toute l’Europe, pour protéger en tout état de cause les intérêts de classe du grand capital. Et c’est bien dans ce sens qu’en septembre 2004 a été créée, en attendant mieux, une « force de gendarmerie européenne ».

VIII - L’EUROPE IMPERIALISTE, SOURCE DE NOUVELLES GUERRES.

Il faut enfin lever cette énorme mystification consistant à faire croire que l’Europe, c’est la paix. Que dit la Constitution ? Elle ne réduit pas du tout l’activité militaire de l’Europe à la défense de son territoire contre une agression extérieure. Au contraire, elle précise dès l’art. 41 que l’UE peut effectuer « des missions en dehors de l’Union ». Plus loin, dans l’art. 309, elle fait une énumération de ses actions militaires possibles dans les mêmes termes que ceux utilisés par l’impérialisme US : « mission des forces de combat pour la gestion des crises », « soutien à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire ». Ce n’est rien de moins que de s’octroyer arbitrairement le droit d’envahir des territoires étrangers sous des prétextes aussi injustifiables que ceux utilisés par les impérialistes US pour envahir l’Afghanistan ou l’Irak. La force armée européenne intégrée ne sera rien d’autre qu’une armée impérialiste, au service du grand capital, avec en circonstance aggravante l’intégration dans l’OTAN, la reconnaissance de l’OTAN comme « fondement de la défense collective » des Etats européens qui en sont membres, ce qui est explicitement formulé dans l’art. 41 de la Constitution. Enfin, le même article prévoit que les Etats membres « s’engagent à améliorer progressivement leurs capacité militaires ». Il n’est plus question ici, comme cela était le cas pour la politique sociale, du respect du principe directeur de la stabilité des prix ni de l’équilibre budgétaire. Les coupes sombres dans le budget seront réservées à l’enseignement, à la protection sociale, à la santé publique, à la culture ... , mais surtout pas à l’élévation constante des dépenses militaires. Et de fait, l’UE s’est déjà largement engagée dans une course aux armements, puisqu’elle a commencé dès 2003 à investir 20 milliards d’euros dans « l’Europe de la défense ». Ce qui n’est qu’un début.

IX - UN RECUL DE CIVILISATION

Sur tous les plans, loin de constituer une avancée quelconque, la Constitution européenne nous entraîne vers un recul de civilisation. Il en est ainsi de l’absence totale de toute référence à la laïcité, à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Tout au contraire, en dépit des affirmations des partisans du OUI qui prétendent que des reculs ont été imposés à nos adversaires sur cette question, le préambule continue bel et bien à dire que les Etats de l’UE « s’inspirent des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe », ce qui inscrit bien la religion, et non la laïcité ou la libre pensée, dans l’héritage de la nouvelle Europe. Cela est confirmé expressément par l’art. 52 qui reconnaît l’identité et la contribution spécifique des Eglises et l’existence d’un dialogue ouvert, transparent et régulier de l’UE avec elles. Enfin l’art. 70 reconnaît le droit de manifester sa religion en public, et l’art. 74 la liberté de créer des établissements d’enseignement, ce qui constitue une incitation évidente à développer les « écoles libres » à enseignement confessionnel en concurrence avec l’enseignement public.

Henri-Georges Lefort est syndicaliste (CGT) et l’un des animateurs du Pôle de Renaissance Communiste en France


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mardi 27 octobre 2009 à 10h52


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