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COMMENT FRANCE INSOUMISE A OUVERT LE CHAMP DES POSSIBLES

samedi 2 décembre 2017
par  Gilles Alfonsi
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Mettons d’abord les noms d’oiseaux et les propos outrés rencontrés sur les réseaux sociaux de côté. Et voyons bien que chacun a vécu ses campagnes, présidentielle et peut-être surtout législatives, différemment. Les configurations et les ambiances locales ont pesé lourd ces dernières semaines : souvent des fractures béantes entre militants, parfois des convergences éclatantes. Au cours de l’année écoulée, militants et électeurs ont en tout cas vécu tour à tour des moments de grande satisfaction et d’autres de grande déception. Satisfaction, d’abord, d’une campagne présidentielle qui a bousculé le paysage politique et ses codes. Alors que la primaire dite de la gauche et des écologistes occupait les partis traditionnels, ce furent successivement l’annonce puis la percée militante de la candidature Mélenchon (dès le premier semestre 2016) et du mouvement France insoumise, le passage d’un discours tumultueux pour imposer la candidature et le ‘’dégagisme’’ au déploiement de la puissance pédagogique du candidat, des modes d’expression innovants, une percée citoyenne par vagues successives jusqu’à impliquer massivement l’électorat de gauche. À la différence de la campagne référendaire de 2005, qui avait vu le Non au Traité constitutionnel européen l’emporter avec un fort courant de gauche, la dynamique insoumise a porté à la fois une vision de la société et un programme, L’Avenir en commun.

On a eu sous les yeux une démarche qui, au lieu d’opposer projet et programme, a permis que les deux se conjuguent. Le projet comme affirmation d’une conception de la société, appuyée sur un système de valeurs, une démarche. Un programme comme manière d’aborder et de fédérer une multitude de thèmes avec, sur beaucoup d’entre eux, des propositions novatrices, et qui ont été perçues comme telles. Au fait, à quand remonte l’époque où la gauche d’alternative était ainsi capable de parler de tout, au lieu de se focaliser sur les thèmes les plus évidents, souvent très syndicaux ? L’ensemble était dégagé des ambiguïtés habituelles vis-à-vis du Parti socialiste, loin des sempiternelles hésitations du PCF : assumer ou pas la rupture, prier pour un futur éclatement du PS (qui n’est une fois de plus pas arrivé), miser sur le surgissement irréaliste d’une candidature unitaire dont la possibilité concrète n’existait pas... et, derrière des discours ambitieux, se soucier beaucoup des enjeux de postes et de moyens. Tout cela pour être pris par les pérégrinations du Parti socialiste, de son sortant (on l’a déjà oublié), et par les limites criantes des frondeurs, incapables de réaliser la rupture qu’il aurait fallu.

Cependant, comme je l’ai écrit en prenant position pour la candidature de Mélenchon en mars 2016, certaines de ses dimensions n’allaient cesser de poser question. Mélenchon a parlé seul ou presque tout au long de l’année. La volonté légitime de clarté stratégique a conduit à sous-valoriser la grande diversité des soutiens. Les groupes d’appui, et donc les citoyens qui s’engageaient, ont eu peu de pouvoir, même si nous n’ignorons pas les espaces de débat mis en place au sein de France insoumise. Plus au fond, une question d’orientation reste en chantier : tout en faisant de l’opposition entre le peuple et l’oligarchie un clivage déterminant, le référentiel utilisé le plus souvent par Jean-Luc Mélenchon - par exemple lors de l’extraordinaire rassemblement du 18 mars, place de la République à Paris - a été celui des valeurs cardinales de la gauche. Ainsi, au lieu d’en rester à l’opposition entre l’approche traditionnelle gauche - droite et l’approche peuple - oligarchie, tout un chantier stratégique reste à mener.

Une percée puissante, inédite et rassembleuse

Au total, sommes-nous d’accord pour dire que le score inédit depuis 1969 du candidat Mélenchon a montré : qu’il existe en France une forte aspiration à refuser le modèle de société de la droite et de Macron ? que cette aspiration est capable de s’exprimer politiquement, de rassembler de nombreux jeunes et les habitants des quartiers populaires, de dépasser les territoires traditionnels d’implantation du PCF ? qu’il était possible que le PS morde la poussière et de voir une gauche plus conséquente s’affirmer ? Peut-on convenir que Mélenchon et ses équipes ont bel et bien élaboré et mis en oeuvre une stratégie crédible, suffisamment crédible pour emporter un vote sur le scrutin réputé être le plus difficile pour la gauche de gauche ? Peut-on ajouter qu’à l’inverse le PCF n’a rien produit qui fasse alternative crédible ? Qu’il n’a été en tant que tel qu’un contributeur mou du résultat du 23 avril ? Qu’au contraire, il s’est souvent comporté comme un spectateur critique et, au plan national, rarement bienveillant d’une dynamique qui lui a complètement échappé ? Cela n’enlève rien à l’investissement et à la bonne foi de milliers de militants communistes ; mais comme d’habitude les militants ont bon dos, quand la direction est restée dans l’ambiguïté. Quant à Ensemble !, la troisième composante de feu le Front de gauche a été, au niveau national, elle aussi, à côté du mouvement, sauf bien sûr les Ensemble ! & Insoumis, qui y ont activement contribué.

Quoi qu’il en soit, la séquence des législatives aura été d’une autre trempe. Il ne s’agit pas ici d’établir les responsabilités des uns et des autres dans l’échec des contacts et des négociations entre FI et le PCF. D’ailleurs, quand on écoute ceux qui en ont été, au niveau national comme au niveau local, on constate la difficulté de dire qui, en définitive, a été responsable de la division. Chacun de nos amis affirme avec forces démonstrations et exemples son point de vue, de sorte qu’il est vain de choisir entre les uns et les autres. Torts partagés, donc, ce qui ne veut pas dire symétriques, ou équivalents. Ce qui ne veut pas dire renvoyer dos à dos les uns et les autres. Ce qui veut dire qu’au jeu de la recherche du responsable, il est inutile de jouer longtemps.

Face au rouleau compresseur Macron, ‘’rester groupé’’ seulement ?

On peut cependant formuler ici quelques remarques. Du côté de France insoumise et de ses dirigeants, il semble y avoir eu l’espoir que la dynamique de la présidentielle pourrait se retrouver au premier tour des législatives uniquement en capitalisant sur le vote Mélenchon. On peut peut-être yvoir une sous-estimation de la puissance du rouleau compresseur Macron. Dès lors, le seul message envoyé après le 23 avril aux électeurs a été de ‘’rester groupés’’. Or, le score historique du 23 avril a été à la fois ressenti comme un succès et comme un échec, dans la mesure où beaucoup d’électeurs avaient pensé avec leur vote renverser la table. Si l’on met de côté le discours déçu de Mélenchon au soir du premier tour, qui tout de même peut bien se comprendre, force est de constater que la ligne des responsables de FI a été l’auto-affirmation du mouvement, à l’exclusion de toute initiative nouvelle pour tendre la main. Encore qu’il faut, pour pouvoir tendre la main, savoir à qui ! Après avoir passé l’année 2016 à chercher un plan B au soutien à la candidature de Mélenchon, tout en préparant ses propres candidatures aux législatives, et après l’avoir soutenu mollement, le PCF s’est pointé dans la négociation nationale avec une proposition de répartition des éligibles à 50 - 50… évidemment inacceptable pour France insoumise. Et voilà donc : après les errements stratégiques du PCF et le portage par la seule France insoumise de la dynamique qui allait produire le meilleur résultat électoral de la gauche de transformation sociale et écologique depuis 1969, l’impossibilité de se mettre d’accord pour les législatives. France insoumise espérant asseoir son hégémonie à gauche tandis que le PCF, dans la continuité de son positionnement depuis des années, n’a pas voulu reconnaitre qu’il ne serait plus jamais le grand parti qu’il a été. Résultat de cette séquence : une forte distorsion entre le score de19,6% et l’élection d’une trentaine de députés, sur 577.

Notons que la division entre France insoumise et le PCF a coûté la présence de plusieurs dizaines de candidats au second tour. Mais reconnaissons aussi que la présence au second tour n’aurait nullement signifié, à l’arrivée, un nombre de députés extraordinairement plus élevé. De fait, il n’existe pas de remède miracle à la présidentialisation de la vie politique, qui se concrétise depuis de nombreuses années par une participation électorale beaucoup plus forte à la présidentielle qu’aux législatives qui s’ensuivent, avec la logique selon laquelle les législatives sont là pour confirmer et amplifier la dynamique présidentielle. Ainsi, la victoire de Macron a logiquement galvanisé ses électeurs pour les législatives, tandis que la dynamique France insoumise, même si elle a été loin de s’effondrer, a quelque peu marqué le pas.

Proposons pour finir une appréciation globale : dans un contexte de crise politique aiguë, accentuée par la chute des partis de gouvernements, la candidature de Mélenchon et la dynamique de France insoumise ont constitué un événement majeur, un tournant politique au bénéfice de la gauche de transformation. Nous l’avions envisagé dès le deuxième trimestre de 2016 en écrivant : ‘’c’est là qu’ça s’passe !’’. Eh bien, c’est là que ça s’est passé.

Article paru dans Cerises n°330, (www.cerisesenligne.fr), une publication de l’Association des communistes unitaires (ACU)


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