DES PROFITS POUR QUOI FAIRE ?
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Malgré une conjoncture a priori médiocre, les principaux groupes français ont récemment annoncé des résultats financiers impressionnants : Total a dégagé un bénéfice de 9 milliards d’euros, BNP Paribas et la Société Générale d’environ 4 milliards d’Euros chacun ; les Groupes de BTP annoncent des résultats en forte croissance.
D’un côté, on ne peut que se réjouir de voir des groupes français afficher une bonne santé et soutenir la concurrence internationale. En effet, le démantèlement en cours de Péchiney (dont la Commission Européenne est partiellement responsable) montre qu’un pays, qui veut pouvoir se faire entendre, doit posséder des champions nationaux.
D’autre part, deux questions se posent : pourquoi ces groupes ont-ils atteint de tels sommets et comment y sont-ils arrivés ? Comment cette manne doit-elle être gérée et redistribuée ?
Les causes de la rentabilité
La conjoncture a aidé certains groupes : forte hausse du pétrole, boom de l’immobilier, une bonne conjoncture internationale pour l’acier. Contrairement à ce que prétend le gouvernement, la conjoncture internationale est favorable (+ 5 % de croissance mondiale en 2005). Si la croissance ne se décrète pas (cf la période 1981-1989), elle se mérite.
Malheureusement, à son arrivée à Matignon, Jean-Pierre Raffarin a dressé un tableau apocalyptique de l’état des finances publiques notamment pour la retraite et l’assurance maladie. Il s’en est aussi pris rapidement aux plus faibles (ASS, essai de réduire les pensions de reversion, diminution de divers crédits de formation, ....). La réaction des Français a été claire : face au danger, ils ont épargné (beaucoup plus que dans d’autres pays). L’action du gouvernement a donc cassé la croissance de la France.
D’autres résultats favorables sont fondés sur des causes plus structurelles : certaines sociétés ont acquis de bonnes positions stratégiques ou recueillent les fruits de leurs efforts passés (transport, énergie, BTP, luxe, ...)
Toutefois, dans certains cas, la façon dont ces bons résultats sont obtenus pose problème :
beaucoup de grands groupes les obtiennent au détriment des PME et de leurs sous-traitants : les procédures d’achats modifiées souvent à la suite d’intervention de consultants anglo-saxons défavorisent de nombreuses PME, les banques leur facturent de plus en plus de services, l’oligopole des distributeurs alimentaires a des relations très dures avec ses fournisseurs (d’où la constitution de géants Procter-Gillette, Nestlé, Unilever, ...)
un investissement limité en recherche ou en nouveaux projets en France ce qui traduit une grande frilosité
les réductions d’effectifs et le maintien des salaires à un niveau bas.
De nombreux managers se laissent griser par les chiffres et ne recherchent que l’accroissement des bénéfices à court terme. Une réflexion citoyenne sur la façon dont sont obtenus les bénéfices doit être menée. Il faut ensuite réfléchir sur leur répartition.
Que faire de ces profits ?
La stratégie actuelle de beaucoup de groupes est claire : minimiser les risques et les développements, se désendetter, reverser un maximum aux actionnaires via des dividendes en forte croissance et des rachats d’actions.
On en arrive à voir Microsoft verser 30 milliards de dollars à ses actionnaires ou à voir les analystes financiers estimer que France Télécom devrait fortement accroître ses dividendes alors que cette société doit encore faire face à des menaces futures importantes et à une dette de 45 milliards d’Euros. Il suffira de continuer à massivement réduire les effectifs ! Des affectations alternatives des bénéfices sont possibles ; certaines sont d’ailleurs plus favorables au développement de l’entreprise à moyen terme.
Accroître les projets de recherche et développement
Une crise énergétique majeure est proche (la récente montée du cours du baril de pétrole est plus structurelle que conjoncturelle) et le changement climatique est une des plus grosses menaces que l’humanité aura à gérer au XXIème siècle. Des investissements s’imposent dans ce domaine notamment au niveau des énergies renouvelables. Il en est de même au niveau de la recherche médicale (peu d’investissements sont réalisés pour éradiquer ou soigner le paludisme qui tue plus de personnes que le SIDA !), des biotechnologies.
L’Europe depuis 10/15 ans fait preuve d’un "véritable désarmement technologique" : où sont les futurs Airbus, Ariane ? Cette situation vient moins d’un manque de recherche publique (qui doit être confortée) que du manque d’investissement des firmes privées. Les grands groupes de l’Etat doivent investir plus et compter moins sur l’aide de l’État qui doit être aussi facilement accessible aux PME !
Accroître les investissements physiques industriels en France
Une économie ne peut être durablement compétitive sans une base industrielle forte : on parle beaucoup de la baisse de la compétitivité allemande mais en 2004 les exportations allemandes ont représenté près de 50 % du PIB de la France et son excédent commercial a atteint 140 milliards d’Euros !
Ces investissements doivent être liés à l’innovation. Ils permettront à des groupes de mieux gérer leurs secteurs mûrs ou déclinants et d’éviter des licenciements (à condition de mettre en place des programmes adéquats de validation des acquis et de formation).
Une gestion différente des ressources humaines Les marges de manœuvre dégagées par les grands groupes doivent être prioritairement utilisées dans ce secteur : augmentation des salaires, au moins des primes pour permettre une relance de la consommation, amélioration de la formation (ne pas en exclure les plus de 45 ans, élaborer des programmes pour les personnes moins qualifiées), amélioration des conditions de travail (réduire la pénibilité des tâches ou les risques d’accident, ...).
Une autre piste importante serait d’essayer d’embaucher des personnes en difficulté au lieu de toujours chercher à recruter "les meilleurs". 20 ou 30 % des RMistes peuvent travailler de suite, de nombreuses personnes sans qualification ou de nombreux handicapés aussi. Ceci ne peut être mis en œuvre sans une préparation adéquate : tutorat et formation, travail avec les collègues des nouveaux embauchés, évaluation des aides connexes (logement, aide en trésorerie, ...). Si les mille premières sociétés françaises embauchaient en moyenne 100 RMistes et 100 personnes non qualifiées, un grand pas en avant serait effectué. Cet effort à court terme permettrait une meilleure cohésion sociale mais aussi des gains significatifs à moyen terme.
Renforcer le tissu économique français
Des travaux théoriques (M. Porter) puis pratiques (développement du Nord de l’Italie ou du Pays Basque Espagnol) ont montré l’intérêt d’un tissu économique dense.
Les grandes entreprises peuvent y contribuer fortement en ayant des relations plus équilibrées avec les PME (sous-traitants, fournisseurs, clients des banques), en collaborant au niveau des programmes de recherche et développement, en aidant les PME à se développer à l’exportation à partir de bases françaises.
En conclusion, la bonne santé des grands groupes français est une bonne nouvelle mais elle doit être utilisée aussi de façon citoyenne pour permettre le développement à long terme de l’entreprise et pour renforcer la cohésion économique et sociale de la France.
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