TRIBUNE LIBRE : LE MEURTRE D’ILAN HALIMI ET L’INSTRUMENTALISATION
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L’affaire d’ Outreau n’aura donc servi à rien : les médias et l’opinion publique, nullement échaudés d’avoir traité de « monstres » des mis en examen au début de l’enquête qui se sont avérés ensuite innocents, ont décidé que le sinistre assassinat du jeune Ilan avait une motivation antisémite avant même l’arrestation des présumés coupables.
Deux éléments rendent compte de cette médiatisation du mobile antisémite, vite relayée par les hommes politiques déjà partis en campagne électorale pour 2007. D’abord des articles, dont l’interview de la mère, le 20 février dans Ha’aretz, grand quotidien israélien de qualité tant sur le plan éditorial que sur le plan rédactionnel, disposant qui plus est d’une édition en ligne. Dès lors difficile pour l’AFP et les médias français de temporiser. Ensuite, le dîner annuel du CRIF qui tombait le 20 février. La communauté juive parisienne, je dis bien "communauté" avec ce que cela suppose de logique interne propre et, dans un sens, fermée, était convaincue dès la semaine dernière que le crime était antisémite. Et le CRIF avait évidemment saisi les autorités de la question dès avant le dîner de lundi.Dès lors difficile pour les autorités politiques de temporiser.
Les récupérations politiques sont dans ce cas inévitables. Celles de M. de Villiers ou de M. Le Pen sont conformes à l’envergure politique de leurs auteurs. Celles des autres sont le passage obligé d’hommes publics qui évoluent sous le projecteur des médias. Les guéguerres entre les Dieudonné, qui en appellent à la "barbarie néo-libérale", et les Julien Dray, qui en appellent à un "effet Dieudonné" déshonorent définitivement leurs protagonistes. A ce détail près que Dieudonné n’est qu’un saltimbanque qui se croit investi d’une mission et que Julien Dray est le porte-parole d’un parti de gouvernement. Pour ce qui est du fond de l’affaire, on a l’impression qu’il s’agit d’une bande de crapules qui patauge, selon l’expression du procureur Jean-Claude Marin, "dans le degré zéro de la pensée". Et les débiles qui n’ont rien dans le crâne, ça se nourrit des stéréotypes qui volent le plus bas (« les juifs sont riches »...y inclus un vendeur de téléphones sans doute payé au SMIC) : est-ce que "antisémitisme" veut encore dire quelque chose dans ces conditions ? Mais ce qui m’apparaît le plus gênant, dans cette affaire, c’est le discours de Roger Cukierman, président du CRIF, à l’adresse des représentants du Gouvernement français et des Chambres, physiquement présents, lors du dîner annuel du CRIF le 20 février dernier (1) . Discours où d’abord il demandait des comptes aux autorités sur l’enquête menée sur cette affaire (sur le site du CRIF, le CR du dîner est titré "Le meurtre d’Ilan Halimi au coeur du dîner du CRIF"). Discours où ensuite il faisait le listing de ses prescriptions géopolitiques concernant le Moyen-Orient : Israël,la Palestine, le Liban, la Syrie, et bien sûr l’Iran. Par exemple : « Il fut un temps où Yasser Arafat et la famille Assad jouissaient à Paris d’une grande considération. Il fut un temps où on ne parlait guère au Premier Ministre de l’Etat d’Israël. [...] J’ai le plaisir de constater un changement appréciable », ou « Jérusalem est la capitale de l’Etat d’Israël. » Si cela n’est pas un appel à importer dans le tissu social les conflits géopolitiques qui déchirent le monde, qu’est ce que c’est ? Si cela n’est pas un appel à convertir en haines inter-communautaires les guerres entre les peuples qu’est ce que c’est ?
C’est tout à fait le genre de choses que dénonçait Pascal Boniface dans son livre "Est-il permis de critiquer Israël ?" (auquel j’ai apporté une modeste contribution page 34). Autant il n’est pas question de laisser certains musulmans importer en France les conflits géopolitiques ou géoreligieux de la planète, autant il ne devrait pas l’être davantage de laisser certains Juifs le faire, surtout prétendument au nom de tous. Mais il y a un énorme problème : les choses sont instituées au point qu’aucun édile national ne peut courir le risque de ne pas se rendre au dîner du CRIF sans encourir le soupçon d’antisémitisme. Il serait souhaitable que les Français juifs, en tant que citoyens soucieux de paix à l’intérieur de nos frontières, lancent une pétition pour que les hommes politiques en mal d’électorat et qui ne cessent de proclamer leur attachement au modèle Français non communautariste, cessent de se rendre du dîner annuel du CRIF. La difficulté est que ces Français juifs, n’étant pas communautaristes, n’ont aucune raison de se connaître et de se rencontrer, bien qu’ils soient beaucoup plus nombreux que ceux qui parlent en leur nom : puisse cette tribune libre contribuer à lancer cette initiative, et aider les médias à jouer un rôle plus constructif dans ce sordide assassinat.
(1)que l’on peut lire sur : http://www.guysen.com/articles.php?...
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