PRESIDENTIELLE : ECHEC ?
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Et si, à notre corps défendant, nous étions sortis d’un piège redoutable ? Il ne s’agit en aucune façon de faire abstraction des responsabilités et des erreurs, à commencer par la prégnance malencontreuse du « patriotisme de parti ». L’analyse est à faire, plus complexe qu’il y paraît à première vue. Il ne s’agit pas non plus de considérer a posteriori que la situation qui prévaut aujourd’hui au sein de la gauche de transformation sociale, connue surtout sous le vocable « anti-libérale », est satisfaisante. Elle a déjà créé de la déception, peut-être plus encore au sein de l’électorat potentiel d’une telle aventure que dans les milieux militants engagés. La difficulté n’a pas été dépassée. Voilà le fait. Cette difficulté, nous la connaissions dans ses multiples dimensions. Nous avons pu penser qu’après le vote du 29 mai, qu’avec l’élan qu’il a suscité, nous pouvions collectivement, organisés ou non, dans un parti, un syndicat, un mouvement, une association, prolonger le NON à l’institutionnalisation de la domination du capital dans l’Union européenne, en une perspective d’affirmation transformatrice portée par une multitude d’initiatives et de luttes, dans un ensemble politique où l’unité se combinait à la diversité, toutes deux nécessaires.
D’emblée, le pari était difficile : participer à une élection dont nous contestions la pertinence (c’est une élection foncièrement anti-démocratique) et le processus, qui tend à personnaliser les débats, à les réduire à du spectacle et à la démagogie. Pour subvertir cette pratique mediatico-institutionnelle, nous avons poursuivi dans la voie expérimentée durant la campagne référendaire en nous organisant en collectifs, en essayant de trouver la formule (quadrature du cercle ?) d’une candidature collective, avec néanmoins -ce sur quoi nous avons finalement buté - un nom pour la figurer sur le bulletin de vote.
Est-ce pour autant un échec ? Ou le constat, qu’à cette étape et dans cette circonstance très particulière, que nous n’avons pas réussi à cristalliser les forces qui auraient dû, par nécessité historique et par construction, penser le rassemblement dans toute sa complexité, dans ce qu’il avait de prometteur, dans ce qu’il contenait comme force pour renverser la résistible domination du capital avec le concours combiné ou alternatif de la droite « libérale » et « social-libéralisme » ? Eu égard à l’objectif poursuivi, l’échec est patent, cette bataille est provisoirement perdue. Pour autant, le processus n’est pas condamné.
Il reste en effet l’expérience des collectifs, unitaires ou plus ou moins monocolores. La difficulté était moindre pendant la campagne référendaire, même si le dépassement des méfiances n’a été ni spontané ni définitif. Il s’agissait de s’approprier un sujet et d’organiser la riposte en construisant petit à petit une unité de vue qui s’appuyait sur des luttes et sur le sentiment qu’une rouerie supplémentaire pouvait clairement apparaître pour ce qu’elle était. Encore qu’aujourd’hui nombre de journalistes et de politiques feignent -ou non- de ne toujours pas comprendre ce qui, selon eux, est un refus de la dimension européenne. Il n’y avait pas de débat autour d’une personne, ni d’une élection à une assemblée.
Avec l’élection présidentielle, perversité constitutionnelle, l’affaire se présentait de façon autrement plus compliquée. On peut faire une hypothèse, peut-être prématurée pour certains, que pour ceux et celles qui n’ont suivi ni la LCR ni le PCF (pour ne parler que de ces deux formations), le fait de n’avoir pas à faire de campagne plus ou moins personnalisée (qu’on le veuille ou non) peut constituer un élément positif, comme une conséquence logique de ce qui a commencé dès avant le 29 mai. Même si une campagne collective avec une candidature également collective était possible. Même si, pour reprendre une proposition plusieurs fois formulée, le/la candidate « anti-libérale » se présentait comme le dernier président(e) ainsi élu(e).
La question devient alors : comment intervenir dans ou durant cette campagne présidentielle pour la subvertir ? Comment faire valoir, dans le champ politique, dans les luttes sociales et culturelles, dans le travail d’élaboration qui doit se poursuivre, l’idée d’une autre politique autrement envisagée ?
Nous serons sommés de prendre position. Nous le serons au nom de l’efficacité. Nous le serons parce qu’il ne doit pas y avoir de nouveau 21 avril. Nous le serons par nos partenaires défaillants, mais aussi par des socialistes dont les politiques ont constitué un terreau pour l’extrême droite ou pour l’abstention, partout en Europe. Comme pendant la campagne contre le projet de traité constitutionnel de l’UE, nous le serons par la partie dominante du complexe médiatique qui, décidément, ne comprend pas grand-chose. Mais nous n’aurons pas à répondre aux sommations. Le nouveau en politique, souhait fort et partagé très largement, au delà de nos cercles militants, ne s’est pas imposé à l’occasion de l’élection présidentielle, sous la forme d’une candidature de rassemblement. Mais il est plus que jamais à l’ordre du jour. Avec une expérience (présentement non concluante, mais expérience quand même) en plus.
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