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LA CONSTITUTION EUROPEENNE ET LA GAUCHE
Par Michel Cabirol


Après un préambule, le projet de Constitution Européenne, élaborée par une Convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing, comporte 4 parties : une partie décrivant les instances Européennes et l’équilibre des pouvoirs entre elles ainsi que les valeurs et objectifs stratégiques de l’Europe ; une charte des droits fondamentaux ; une partie très fournie sur les politiques et une quatrième partie très légère regroupant des dispositions diverses.
Cette architecture avec des parties de niveau de précision et d’importance très variés pose un premier problème. Ne va-t-on pas considérer essentiellement la première partie qui est la plus importante ? La révision de la Constitution se faisant à l’unanimité, doit-on figer à ce point les politiques de l’Union qui, par essence, devraient pouvoir évoluer ? Faut-il retirer la troisième partie de la Constitution ? Au-delà de ces interrogations, le projet de Constitution a une orientation politique forte notamment dans sa partie I : libérale et fédéraliste autant que faire se peut avec les rapports de force actuels même si Valéry Giscard d’Estaing reconnaissait qu’une Europe fédérale ne verrait pas le jour avant 2050 !
Ce texte est donc d’inspiration libérale. Dès l’article 3 de la première partie, il est déclaré que l’Europe a mis en place « un marché où la concurrence est libre et non faussée ». Ensuite, l’indépendance de la BCE est rappelée avec comme objectif principal de cette institution la stabilité des prix. De même, l’article 52-2 interdire toute véritable marge de manœuvre dans le budget Européen pour financer par exemple des infrastructures ou des programmes de recherche.
Bien sûr, beaucoup de bonnes intentions sont listées quant au soutien éventuel de la BCE aux politiques économiques générales (si cela ne contredit pas l’objectif de stabilité des prix), quant au développement durable, au combat contre l’exclusion, au développement de la recherche ou à l’assurance d’un haut niveau de protection du consommateur, … A chaque fois, les moyens permettant d’atteindre ces objectifs ne sont pas mentionnés et restent, a priori, du ressort des Etats prisonniers du pacte de stabilité. Les services publics ne sont pas mentionnés comme garant du maintien d’un bon niveau social. Seuls des Services d’Intérêt Economique Général (pâle déclinaison des Services Publics) sont proposés. L’essentiel du social reste donc du ressort des Etats : les dégâts causés par la politique libérale doivent être réparés au niveau des Etats et non de l’Europe.
L’autre point important de cette Constitution concerne la répartition et l’équilibre des pouvoirs au sein des instances Européennes. Une réflexion sur ce sujet est indispensable pour permettre à une Europe à 25 de bien fonctionner voire de fonctionner tout court. La description proposée est un aménagement de la réalité actuelle : présidence plus stable du Conseil Européen, Commission plus resserrée, accroissement des pouvoirs du Parlement, transparence accrue : les votes au sein du Conseil des Ministres et de la Commission vont-ils être publics ? Dans l’idéal, la Commission devrait devenir une administration au service du Parlement et du Conseil des Ministres mais les « petits » pays n’y sont pas prêts. Ils voient dans la Commission le garant de l’intérêt général alors qu’elle se comporte surtout comme le Cheval de Troie du libéralisme.
En conclusion, beaucoup voient dans le travail de la Convention une occasion manquée de dessiner une Europe dynamique, sociale et ouverte sur l’extérieur. Mais pouvait-il en être autrement avec le processus retenu et avec la composition de la Convention ? Malgré cela, certains, à gauche, pensent qu’il faut ratifier ce texte, qui présenterait des avancées en termes d’intégration Européenne (Affaires Etrangères, élargissement des domaines relevant de la majorité qualifiée, …). De plus, elles craignent qu’un rejet de ce texte marque un grave retour en arrière. Le problème central de la gauche n’est pas de rêver une Europe sociale et idéale (dont une large majorité de gouvernements ne veut pas : lorsque 12 gouvernements sur 15 étaient sociaux-démocrates , on n’a jamais aussi peu fait pour l’Europe). La tâche majeure est de reconquérir les couches populaires et de lutter contre l’abstention (un pays où seulement 50 à 60% des électeurs votent est-il encore une véritable démocratie ?) et contre le populisme d’extrême droite (cf les récentes élections en Suisse). Ce projet y contribue-t-il ? Absolument pas ! Pour beaucoup de Français, l’Europe ce sont des règlements tatillons et le libéralisme triomphant (ce qui n’est pas contradictoire) avec par exemple la volonté de démanteler des services publics efficaces comme EDF/GDF. Monsieur Monti admet sans sourciller le passage de Péchiney sous contrôle nord-américain mais s’insurge quand l’Etat Français propose d’injecter une somme raisonnable (330 M€) pour sauver Alstom qui compte 110 000 employés, souvent dans des domaines de haute technologie. Les critères de convergence ont déjà fait avorter la reprise de 94/95 et posent des problèmes actuellement alors que 2003 est la troisième plus mauvaise année pour la croissance depuis 1945.
Certains plaident pour une extension des domaines gérés à la majorité qualifiée comme la fiscalité par exemple. Cette situation peut certes concourir à la disparition de certains paradis fiscaux en Europe mais elle peut aussi voir une majorité qualifiée proposer une privatisation au moins partielle des assurances sociales ou une forte baisse de la fiscalité enlevant aux Etats tous moyens permettant de mettre en œuvre une politique sociale significative. De même, que se passera-t-il si un prix Européen unique du médicament est négocié avec les laboratoires pharmaceutiques, ce qui pénaliserait fortement la France ? En revanche, la Commission est beaucoup moins efficace pour gérer les vrais problèmes internationaux comme la pollution des mers ou les bateaux-poubelles, la mise en commun de moyens de lutte contre les effets des catastrophes naturelles ou les incendies de forêt, la mise en place d’un véritable programme d’apprentissage des langues Européennes. En matière de politique étrangère, parler d’une seule voix s’avèrera très compliqué : la divergence des positions lors de la crise Irakienne le montre bien. Un vote à la majorité qualifiée sur l’Irak aurait peut-être conduit l’Europe à s’aligner sur les USA voire à envoyer des troupes sur le terrain Il faut donc être vigilant dans ce domaine quant à une intégration accrue : faut-il que la France abandonne son siège de membre permanent au Conseil de Sécurité ? Dans ce domaine, les deux questions majeures qui se posent à l’Europe dans les 10/20 prochaines années sont de réduire la fracture méditerranéenne et de nouer un partenariat fort avec la Russie pour la stabiliser et la démocratiser. Il est peu vraisemblable qu’une majorité forte se dégage sur ces points. L’action de la France sera prépondérante et elle doit jouir d’une certaine autonomie (cf les relations actuelles de la France avec le Maroc alors que celles entre le Maroc et l’Espagne sont très mauvaises).
Le projet de Constitution présente donc quelques aspects positifs notamment dans la Charte des droits fondamentaux ou dans le fonctionnement opérationnel des instances Européennes ainsi que de bonnes intentions mais sans se donner les moyens de les réaliser. Sur le plan du dynamisme économique et du social, il est très faible. Cette Convention s’avère un rendez-vous manqué qui n’a fait que réitérer le caractère libéral de la construction Européenne dans le droit fil de l’action de la Commission actuelle : concurrence, relation avec les PVD et position à l’OMC etc. Sous peine de perdre le peu de crédibilité qui lui reste, la gauche ne peut absolument pas prôner la ratification de ce texte.
Un échec est parfois salutaire. Il permettrait de remettre à plat le modèle de construction Européenne que nous désirons et le modèle de relation et de coopération que nous voulons avec nos voisins proches (Russie et rive Sud de la Méditerranée) et avec les PVD. Il apparaîtra alors clairement que les Etats doivent jouer un rôle central pendant longtemps notamment via les coopérations renforcées (et non par l’imposition de règles à la majorité qualifiée) et qu’il faudra dégager des moyens correspondant aux ambitions affichées en matières sociale, de recherche et économique.