Des élus du Mouvement Républicain et Citoyen, parmi lesquels plusieurs banquisards, vite rejoints par d’autres élus des autres partis de gauche, ont appelé à un boycott des produits Made in USA. Les hautes sphères, enfin n’exagérons rien, du MRC ont désapprouvé, celles des autres partis n’ont pas eu le temps de lire l’appel.

A la banquise, ça a fait débat et nous, nos débats, on les rends publics sauf quand ils sont privés. Ce qui nous différencie de bien des organismes politiques opaques, impavides, et contribue sans nul doute à nous rendre si sympathiques.

Parlons donc du débat. Le boycott a commencé aux USA contre les produits français, nous dit-on. Proposer la réciproque, n’est-ce pas s’abaisser à des procédés médiocres ?
Le boycott n’a aucune chance d’être efficace, et d’ailleurs, comment communiquer aujourd’hui sans les logiciels de Microchose, hein, par exemple (au passage, c’est vrai que Microchose est difficilement contournable, et ça pose quand même un sacré problème économique et politique, non ?).

Le boycott va pénaliser d’abord, si ça marche, les salariés français, européens, ou autres mais en tout cas pas américains qui fabriquent, par exemple, des cochonneries, certes, tels les hamburgers ou certaines boissons gazeuses, des pompes et vêtements hors de prix, certes, en faisant suer les burnous de populations exploitées dès l’enfance. Ces salariés sont des victimes de l’Amérique que vous voulez dénoncer, et ce sont eux que votre boycott va frapper en premier.

Autre argument : même si la guerre est mal motivée, vous cautionnez par votre initiative un dictateur sanguinaire et vous en prenez au pays qui nous a tout de même, en 1944/45 etc.

Ou encore : tout boycott est une censure, vous incitez ainsi les gens à ne plus lire les grands auteurs américains, vous prônez un repli identitaire, en poussant un peu.

Et enfin : ce qui est important, c’est de manifester notre solidarité avec les citoyens américains qui sont contre la guerre, de les aider à devenir majoritaires, or, le boycott met tout dans le même sac.

Bref, beaucoup de critiques. Bien entendu, les initiateurs de l’appel ne sont pas nés de la dernière pluie. D’ailleurs, il y a parmi eux notre directeur de publication, c’est dire. Ils ont précisé dans leur appel qu’il ne s’agissait pas de boycotter des marques américaines fabriquées ici mais bien des produits « made in usa », dont le code barre commence par un 0. Ils ont précisé qu’il ne s’agissait pas de boycotter les produits culturels. Ils ont précisé qu’il ne fallait pas confondre le peuple américain et le gouvernement américain.

Mais alors, ont insisté les détracteurs, parfois tenaces, vous savez comme sont les détracteurs, vous ne boycotter rien du tout ! C’est symbolique, votre truc.

Mon avis à moi, maintenant : bien sûr, détracteurs gros malins, c’est symbolique. C’est une façon, sans doute pas idéale mais trouvez mieux, vous, de faire réfléchir sur nos modes de consommation. Sur le fast-food-mal-bouffe, sur les « marques » arrogantes qui transforment nos jeunes en hommes ou femmes sandwichs, payant une fortune le fait d’être des publicités ambulantes (d’où l’expression « se faire niker », je suppose), sur la dépendance, même mot que pour les drogues, vis à vis de Microchose et autres, sur le robinet à conneries violentes que sont les films et séries sous-produits hollywoodiens qui inondent, colonisent, mot choisi exprès, nos écrans, sur le sport marchandisé et dopé, sur le racisme communautariste, bref sur cette Amérique impériale dont nous ne voulons pas.

Ce qui ne nous fait oublier, en aucun cas, le pays qui vit naître le jazz, devenu universel, les grands créateurs américains, les citoyens de ce pays qui conduisirent des luttes justes, dures contre les discriminations, contre les exploitations, contre les persécutions, contre les guerres coloniales américaines. Ces citoyens là sont nos frères, ces artistes qui embellissent nos vies sont nos frères.

Aux Etats-Unis, comme en France, il y a des fachos, des réacs, et aussi des progressistes, n’en déplaisent aux contempteurs parfois un peu rapides de la gauche américaine (elle aussi est comme la gauche française, avec ses hauts et ses bas, ses hérauts et ses traîtres). Mais quand une alliance réac-facho est aux manettes, quand cette alliance est prête à semer le feu et le sang pour que vive l’empire-vampire, admirez l’image, alors, vous aurez beau dire, tas de détracteurs, il est juste de boycotter.