Ce qui devait arriver arrive : les hordes de G.W. Bush et de ses acolytes sont en route pour faire main basse sur les richesses d’Orient. Les bons écrivains sont souvent plus perspicaces que les experts en tous genres, politologues de tous poils, politiciens de tous camps quant l’histoire se convoque dans l’actualité. Et ils ont en plus le talent du verbe, qui manque si cruellement même aux meilleurs des précédents. Norman Mailer a décrit mieux que personne la logique impériale du gouvernement américain. Il y aura, je résume donc appauvris, les peuples esclaves et les peuples dominés. Les esclaves seront aux ordres, les dominés seront traités avec compréhension, sympathie même, s’ils se montrent dociles. Ils pourront parfois avoir le droit de prendre le thé avec le maître, tels Blair et Aznar aux Açores. Et il sera toujours possible aux esclaves, au moins aux plus méritants, de s’élever au rang de dominés.

C’est la nouvelle Rome ? ça en a tout l’air. Et les projets de l’équipe Bush de « redistribuer les cartes » (car on reste texan, quand même, on joue au poker, surtout si on a tous les as) géopolitiques dans la région ressemblent à une sorte de pax romana. Voilà pourquoi nous insistons, au risque de lasser, sur l’aspect culturel de cette guerre, sur la volonté farouche d’imposer un modèle de civilisation à toute la planète. Ce modèle se développait, jusqu’alors, par les voies apparemment pacifiques de la mondialisation économiques, avec la complicité active des classes dirigeantes de nombreux pays. La guerre de G.W. Bush change la donne, la patience a des limites, et les récalcitrants sont prévenus par Irak interposé : le camp du Bien ne supportera pas les atermoiements et là où l’oppression économique, avec ses cortèges de chômeurs et de précaires, ne suffira pas, la force sera employée, unilatéralement s’il le faut.

Résister à l’empire suppose, pour la France comme pour les autres nations, que nous retrouvions nos capacités politiques, que nous cessions de capituler, souvent sans même livrer bataille, devant les forces libérales. Au moment où J. Chirac résiste non sans panache au niveau diplomatique, l’Europe s’apprête à discuter au sein de l’OMC de la libéralisation des services : de nouveaux renoncements sont à prévoir, qui fabriquent peu à peu les dominés et les esclaves de demain. La gauche, une gauche retrouvant ses valeurs, capable de rejeter enfin les sirènes libérales, doit s’engager dans le refus de l’hégémonie de l’empire. Nous aurons des alliés dans ce combat, même aux Etats-Unis. Encore faut-il avoir la volonté de le livrer.