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EUROPE: LE DESENCHANTEMENT EUROPEEN
Par Michel Cabirol


De nombreuses personnes se plaignent du recul de la politique, voire de la démocratie (abstention croissante notamment aux élections européennes, vote protestataire, …), des ravages de la mondialisation et du libéralisme (chômage croissant mais aussi pollution des bateaux-poubelles, …), de l'accroissement des inégalités (financières, mais aussi marginalisation des banlieues et de certains territoires, ..). Ce constat peut être couplé avec l'atonie de la conjoncture Européenne (faiblesse des naissances, croissance économique limitée).
Pourquoi est-on arrivé à cette situation ? Que peut-on vraiment attendre de la construction Européenne ?
Avant de faire des propositions, il convient donc d'analyser la situation actuelle qui est le point d'aboutissement de près de 50 ans de construction européenne. Il ne faut pas non plus mythifier le passé car l'Europe a déjà connu des crises (relations avec la Grande-Bretagne, négociations houleuses concernant la PAC ou les MCM, …).
Au départ, la construction européenne a été portée par une génération traumatisée par les guerres franco-allemandes (Monet, Schumann, de Gaulle et Adenauer mais aussi F. Mitterrand et H. Kohl). L'objectif principal de ces personnes était de bâtir une zone de paix en Europe de l'Ouest. Elles étaient donc prêtes à des concessions fortes (notamment sur le plan économique) pour atteindre ce but.
De plus, les complémentarités économiques entre l'Allemagne (et le Bénélux) d'un côté et la France et l'Italie de l'autre ont permis un développement optimisé à court terme. Ceci était cohérent avec un modèle de reconstruction productiviste correspondant à un mode de vie plus matérialiste après l'horreur des deux guerres (et de la période de l'entre-deux guerres dans certains pays).
Enfin, ce modèle de construction européen a bénéficié des "dividendes du communisme". La menace soviétique a contribué à souder entre eux les Etats d'Europe de l'Ouest sous la tutelle bienveillante du grand frère américain.
Cette situation a permis une certaine prospérité, la coopération entre les pays de l'Europe de l'Ouest, l'intégration graduelle d'autres pays (consolidation de la démocratie dans les pays d'Europe du Sud, développement accéléré de la péninsule ibérique et de l'Irlande, …).
Toutefois, cette construction jusque dans les années 80 (voire au début des années 90) laissait de côté les questions essentielles :
- Comment aller plus loin que la création d'une vaste zone de libre échange ?
- L'Europe peut-elle et doit-elle devenir majeure sur les plans de la politique étrangère et de la Défense ? Est-elle prête à s'en donner les moyens ?
- Faut-il élargir l'Union Européenne aux pays de l'Europe Centrale et de l'Est ou approfondir l'intégration en Europe de l'Ouest (voire entre la France, l'Allemagne et le Bénélux selon le schéma initial du passage à l'Euro ?)
En résumé, l'Europe peut-elle élaborer un contre-modèle (au libéralisme et à la mondialisation sauvage sous domination plus ou moins prégnante des USA)? La volonté de ne pas aborder ces problèmes de fond nous a conduit à nous fourvoyer dans une impasse :
- Une bureaucratie Européenne tatillonne (voulant régenter les dates de chasse, le format des plaques minéralogiques, …) mais incapable de s'occuper des problèmes importants (bateaux-poubelles, OGM, exceptions culturelles, …) ou des problèmes de la vie de tous les jours (solidarité, croissance économiques, grands travaux, …) :
- Une politique économique aberrante avec un grand marché très peu protégé, une BCE autiste qui ne se préoccupe ni de la croissance ni du taux de l'Euro, un pacte de stabilité que les chrétiens-démocrates voulaient durcir et qui a été qualifié de "stupide" par Monsieur Prodi. En revanche, le retard européen au niveau de la haute technologie ou des infrastructures (seulement quelques pour cents des projets proposés par J. Delors en 92 ont été réalisés) s'accroît et ne fait l'objet d'aucun plan de rattrapage véritable ! La lutte contre les paradis fiscaux ou la promotion du co-développement sont devenues des incongruités.
- Une fuite en avant au niveau de l'élargissement. Il est certes important d'accueillir et d'associer les pays d’Europe centrale et orientale mais là encore ceci a été fait sans véritable projet. L'essentiel des discussions avec la Commission a été de traduire dans le droit local les milliers de règles ou réglementations concoctées par la bureaucratie bruxelloise. En revanche, seulement des discussions limitées sur le volet économique et quasiment nulles sur la politique étrangère de Défense. Cette dernière lacune conduit ces pays à préférer l'OTAN et à faire preuve de suivisme vis à vis des USA sur la question irakienne. Ceci est cohérent avec l'achat d'avions de combat américains par les polonais et avec leur volonté de voir des bases américaines s'implanter sur leur territoire.
- Une fuite en avant au niveau des institutions. Le changement d'organisation avec un renforcement de la Commission au détriment du Conseil conduira à une mainmise croissante de la bureaucratie bruxelloise sans légitimité démocratique aux dépens des gouvernements élus (voire du Parlement). Cette réorganisation ne serait pertinente qu'en cas de mise en œuvre d'une structure fédérale dont Valéry Giscard d'Estaing reconnaissait récemment qu'elle ne verrait pas le jour avant au moins 50 ans !
Cette situation fait l'affaire des libéraux et des anti-européens (qui sont parfois les mêmes). Elle ne peut en aucun cas satisfaire les couches progressistes. La démarche à suivre pour sortir de l'impasse actuelle doit être double : des discussions sur le projet ou le modèle européen et des avancées ciblées et concrètes
Le but de cette note n'est pas de définir les contours d'un éventuel projet européen qui devra être évolutif et dont la discussion prendra des années. Les seuls exemples de la politique extérieure ou de la politique de défense montrent que des questions cruciales doivent être résolues, ce qui ne pourra se faire que sur une période de 10 à 30 ans : La France et la Grande-Bretagne doivent-elles abandonner leur siège permanent au Conseil de Sécurité ? Qui décidera du recours à l'arme nucléaire ?Quelle stratégie vis à vis de la Russie ?
La cacophonie à propos de l'attitude vis à vis des USA dans l'affaire Irakienne (huit pays européens font bande à part après avoir décidé d'une position européenne commune quelques jours avant) montre qu'on est encore très loin de pouvoir mettre sur pied une politique extérieure commune.
Il s'agit donc davantage de proposer des mesures et des axes de réflexion à court terme pouvant changer la vie de tous les jours de nos concitoyens, donc leur perception de l'Europe.
Ces axes de réflexion pourraient comprendre :
- la révision des statuts de la BCE
- l'aménagement du pacte de stabilité avec le lancement de grands travaux (ferroutage, TGV)
- la lutte contre les paradis fiscaux
- un plan de rattrapage du retard technologique et développement de la recherche (notamment publique)
- une politique de la concurrence revue
- un soutien aux services publics (rejet affirmé du service minimum)
- le développement des instruments de Défense et vecteurs d'indépendance (satellites, cryptage, mutualisation des investissements lourds comme les porte-avions, ..)
- l’apprentissage dès la maternelle d'une langue étrangère et d'une seconde en fin de primaire
- la réflexion sur les exceptions culturelles
- une analyse des risques écologiques et prévention
- la promotion d'une agriculture de qualité respectueuse de l'environnement et du bien être animal
- une réflexion sur l'harmonisation des droits civil et privé dans les différents Etats
- une coopération accrue de l'Europe avec la rive Sud de la Méditerranée
- la publicité des votes et des débats lors de Conseils des Ministres Européens
- un référendum sur le nouvel équilibre des pouvoirs au sein de l'organisation : primauté au Conseil des Ministres (intergouvernementalité avec transformation de la Commission en une administration) ou à la Commission ?
Le désenchantement européen n'est pas une fatalité mais la démarche suivie actuellement au niveau de la Convention ou les réflexions menées par la Commission ne vont pas dans le bon sens et ne se traduiront pas par une amélioration de la situation (économique mais aussi quant à la perception des européens). En effet, aucun projet véritable ne les sous-tend et le facteur temporel n'est pas correctement pris en compte.
Il faut donc lancer un vrai débat sur l'évolution de l'Europe et son projet. En parallèle, il faut focaliser les travaux de la Commission sur des sujets pertinents et conduisant à l'amélioration du bien être des européens ou à un développement amélioré de l'Europe. La véritable direction politique de l'ensemble doit rester au niveau du Conseil des Ministres. Ce n'est qu'après avoir réalisé ces travaux que l'on pourra valablement discuter de la nouvelle organisation politique de l'Europe (même si quelques aménagements à court terme peuvent être décidés pour faciliter la vie à 25).
Il faudra alors aussi se donner les moyens de ses ambitions et doter les institutions Européennes d'un budget adéquat.



NDLR : les tribunes libres de Réchauffer la Banquise n’engagent que leurs auteurs.